Principes fondamentaux de philosophie
Georges Politzer
QUATRIEME PARTIE – LE MATERIALISME HISTORIQUE
Dix-septième leçon. — La lutte des classes avant le capitalisme
Nous venons d’exposer la loi de correspondance nécessaire entre rapports de production et forces productives. Nous savons d’autre part que les rapports de production, lorsqu’ils reposent sur la propriété privée, se caractérisent par l’exploitation de classe, et donc par la lutte des classes. C’est sous cette forme que se manifeste spontanément l’action des hommes dans l’histoire.
Deux erreurs doivent maintenant être évitées : croire que, puisqu’il existe une loi nécessaire commune à toutes les sociétés, l’action des hommes est inutile et inopérante dans l’histoire, dans le changement de la base économique des sociétés ; — ou bien croire à l’inverse que la lutte de classe peut tout, à tout moment.
Les classes exploitées veulent supprimer l’exploitation. Mais cela n’est possible qu’à un certain niveau de développement des forces productives. Jusqu’à la révolution prolétarienne, la lutte des classes opprimées n’a jamais abouti qu’à la modification du régime de la propriété privée, au remplacement d’une forme d’exploitation par une autre.
La lutte des classes reflète la contradiction fondamentale qui existe dans les rapports de production entre exploiteurs et exploités. Mais ses résultats ne peuvent dépasser ce qu’autorise, à un moment donné, la loi de correspondance nécessaire entre ces rapports et les forces productives.
Toutefois, la lutte de classe revêt une grande importance, lorsqu’existe l’exploitation, comme méthode pour appliquer cette loi de correspondance nécessaire. C’est en ce sens — et en ce sens seulement -— qu’elle est le moteur de l’histoire.
Dans cette leçon nous allons étudier cette dialectique aux grandes étapes du développement des sociétés.
1. Les origines de la société [Pour une étude détaillée de l’économie depuis les origines jusqu’au capitalisme, voir J. Baby : Principes fondamentaux d’économie politique, 1re partie. Editions Sociales, Paris, 1949.]
Rien n’est plus confus et incohérent que les explications des idéalistes concernant les premières formations sociales. Sans parler du mythe d’Adam et Eve, l’une des thèses les plus répandues considère la famille comme la cellule primitive de la société. En réalité, la famille est une institution sociale dont le type dépend étroitement des rapports de production régnants. Quant aux sociologues bourgeois, ils ne s’intéressent guère qu’aux techniques et aux croyances primitives et oscillent entre le matérialisme mécaniste et l’idéalisme. En outre ils envisagent le développement social sous l’angle de l’extension du « volume » de la société : ils y voient un passage « des clans aux empires ». Seul le marxisme donne une définition scientifique des sociétés primitives en montrant qu’elles ont, comme toute société, une base économique.
Les forces productives de cette période étaient très faiblement développées. Les outils de pierre, et même l’arc et les flèches apparus ensuite et devenus l’arme décisive, n’étaient pas assez puissants pour que l’homme soit en mesure de lutter isolément contre les forces de la nature et les bêtes de proie. Les hommes cherchaient donc à faire face à leur condition précaire en unissant leurs forces.
« Pour cueillir les fruits dans les forêts, pour pêcher le poisson, pour construire une habitation quelconque, les hommes étaient obligés de travailler en commun s’ils ne voulaient pas mourir de faim ou devenir la proie des bêtes féroces ou des tribus voisines. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3 c, p. 24.)
La conséquence de cet état de choses, c’est que la propriété des moyens de production, des terrains de chasse par exemple, ainsi que des produits, est également commune à toute la société. Seuls quelques instruments de production qui sont en même temps des armes de défense contre les bêtes de proie sont la propriété individuelle de ceux qui les ont fabriqués.
Ainsi la propriété collective des moyens de production correspond, pour l’essentiel, au caractère des forces productives et forme la base économique de cette formation sociale, qu’on appelle la commune primitive.
A son tour cette base économique engendre des particularités idéologiques intéressantes: le sentiment et la notion, de la propriété privée n’existent pas encore. Comme il n’y a, ni classes, ni exploitation de classe, il n’y a pas de haine de classe. Nous voyons donc que, contrairement à ce que disent les idéalistes, le sentiment du « mien » et du « tien », la haine et l’égoïsme ne sont pas des sentiments éternels de la nature humaine. Ce sont des produits historiques issus de la propriété privée. L’homme primitif se caractérise par le dévouement aux intérêts du clan, la loyauté et la confiance envers les autres membres du clan. De là vient la légende du « paradis perdu », mais ces « vertus » n’étaient pas l’effet de la « bonté naturelle » chère à Rousseau : elles reflétaient la base économique, elles étaient une condition impérieuse de la victoire sur les forces hostiles qui environnaient le clan. En même temps l’homme primitif vivait dans la terreur et l’ignorance de ces forces hostiles et par conséquent dans la superstition.
Une autre particularité du communisme primitif était le grand rôle reconnu à la femme ; l’inégalité de l’homme et de la femme ne consistait que dans la division du travail entre eux, mais la descendance par la femme était seule reconnue. La femme dirigeait donc l’éducation et les conseils de l’aïeule faisaient loi : c’était le matriarcat.
2. L’apparition des classes
Qu’est-ce qui amena le déclin de la commune primitive, l’apparition des classes ? Ce n’est point la méchanceté de l’homme comme le soutient l’idéalisme, c’est le développement des forces productives comme l’enseigne le marxisme.
En effet, pour que l’homme puisse accaparer les biens à titre privé, il fallait de toute nécessité que la société dispose de plus de biens matériels que les ressources précaires dont disposait la commune primitive. Celles-ci permettaient tout juste à la société de survivre. Accaparer dans ces conditions-là, c’est condamner ses semblables à la mort : nul n’y a intérêt puisque seule la lutte en commun permet de faire face aux dangers multiples. Pour qu’existe la possibilité d’accaparer, il faut que les autres membres de la société aient de quoi survivre, et qu’il y ait en outre un surplus, donc que les forces productives aient progressé.
Ce progrès des forces productives (voir la 15e leçon, point II. a) se fit au sein de la commune primitive qui facilitait alors au maximum la lutte contre la nature. Les principales étapes furent : la domestication des animaux grâce à l’arc et aux flèches et la division du travail entre pasteurs et primitifs chasseurs ; puis le passage à l’agriculture grâce aux outils de métal (hache de fer, soc de charrue) ; et ensuite la différenciation des métiers et de l’agriculture ; ajoutons que la poterie permettait de faire des réserves.
Ces progrès ont des conséquences considérables. D’abord l’élevage, puis l’agriculture assurent des ressources bien plus régulières et abondantes que les hasards de la chasse.
La domestication des animaux donna à l’homme une position économique privilégiée. Il put ainsi renverser le droit héréditaire et établir la filiation paternelle.
« Le renversement du droit maternel fut la grande défaite historique du sexe féminin. Même à la maison, ce fut l’homme qui prit en main le gouvernail ; la femme fut dégradée, asservie, elle devint l’esclave du plaisir de l’homme et simple instrument de reproduction. Cette condition avilie de la femme telle qu’elle apparaît notamment chez les Grecs de l’époque héroïque et plus encore de l’époque classique, on la farde graduellement, on la pare de faux semblants, on la revêt parfois de formes adoucies ; mais elle n’est point du tout supprimée. » (Engels : L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat, p. 57. Editions Sociales, Paris, 1954.)
La légende des Amazones nous a transmis le souvenir des luttes héroïques soutenues par des tribus matriarcales ayant réussi à dompter le cheval contre les tribus où les hommes régnaient désormais.
Avec l’élevage, puis avec l’agriculture, le travail n’a plus simplement pour but le besoin immédiat, il produit un surplus : l’échange devient nécessaire et possible à la fois, et avec l’échange, la possibilité d’accumuler des richesses.
« A la place des outils de pierre, les hommes disposent maintenant d’instruments de métal ; à la place d’une économie réduite à une chasse primitive et misérable, qui ignore l’élevage et l’agriculture, on voit apparaître l’élevage, l’agriculture, des métiers, la division du travail entre ces différentes branches de la production ; on voit apparaître la possibilité d’échanger les produits entre individus et groupes, la possibilité d’une accumulation de richesses entre les mains d’un petit nombre… » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique. 3. c, p. 24.)
Le travail humain fournissant désormais un excédent sur la consommation minimum il y avait intérêt à englober de nouvelles forces de travail. Dans la période antérieure les prisonniers de guerre étaient des bouches inutiles puisque le travail assurait à peine la conservation de celui qui l’exécutait ; aussi n’y avait-il pas intérêt à faire des prisonniers, mais à éliminer du terrain de chasse la tribu rivale. Maintenant le travail du prisonnier pouvait laisser un excédent, il était naturel de l’utiliser, il devint esclave.
« L’accroissement de la production dans toutes les branches, — élevage du bétail, agriculture, artisanat domestique, — donna à la force de travail humaine la capacité de produire plus qu’il n’en fallait pour sa subsistance. [Souligné par nous. (G.B. et M.C.)] Elle accrut en même temps la somme quotidienne de travail qui incombait à chaque membre de la gens [Famille patriarcale.], de la communauté domestique ou de la famille conjugale. Il devint souhaitable de recourir à de nouvelles forces de travail. La guerre les fournit : les prisonniers de guerre furent transformés en esclaves. En accroissant la productivité du travail, donc la richesse, et en élargissant le champ de la production, la première grande division sociale du travail dans les conditions historiques données entraîna nécessairement l’esclavage. De la première grande division sociale du travail naquit la première grande division de la société en deux classes : maîtres et esclaves, exploiteurs et exploités…
Nous sommes arrivés maintenant au seuil de la civilisation… Au stade le plus bas, les hommes ne produisaient que directement pour leurs besoins personnels ; les échanges qui se produisaient à l’occasion étaient isolés, ne portaient que sur le superflu dont on disposait par hasard… » (Engels : ouvr. cité p. 147. 148, 151.)
Désormais la production du surplus devint au contraire de plus en plus systématique. Certains esclaves furent propriété collective de leurs vainqueurs, d’autres propriété individuelle, mais de toute façon les esclaves, eux, ne possédaient rien : la propriété privée des moyens de production était née, la société était désormais divisée en classes, le communisme primitif avait disparu, la base économique de la société avait changé. Tout cela s’était fait en conformité avec les exigences des nouvelles forces productives, avec le perfectionnement des techniques, et, sans que les hommes l’aient voulu, au sein même de la commune primitive.
« Quand quelques membres de la commune primitive ont commencé peu à peu et comme à tâtons, à passer des outils en pierre aux outils en fer, ils ignoraient évidemment les résultats sociaux auxquels cette innovation aboutirait ; ils n’y pensaient pas ; ils n’avaient pas conscience, ils ne comprenaient pas que l’adoption des outils en métal signifiait une révolution dans la production, qu’elle aboutirait finalement au régime de l’esclavage. Ce qu’ils voulaient, c’était simplement rendre leur travail plus facile et obtenir un avantage immédiat et palpable ; leur activité consciente se bornait an cadre étroit de cet avantage personnel, quotidien. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3 d. p. 29.)
La fin de l’époque primitive et les débuts de l’esclavage laissèrent des traces profondes dans le souvenir des hommes. N’en comprenant pas la nécessité objective, ils y virent une vengeance divine, la perte de « l’innocence » primitive, le fruit de la « méchanceté », de l’ « égoïsme », du démon. Les « vertus » de jadis furent idéalisées et fournirent de nombreux thèmes moraux. Le souvenir de l’antique préséance de la femme fut conservé dans le mythe de Cybèle, la déesse de la fécondité. La Bible déplora la « chute » de l’homme et les poètes de l’Antiquité : Hésiode, Ovide, célébrèrent « l’âge d’or » dont la tradition prédisait le retour inévitable.
En réalité, si la période primitive n’a pas connu les luttes de classes qui déchirèrent la société dans les périodes postérieures, elle a connu l’état misérable de l’humanité en proie aux périls naturels de toutes sortes. Il serait ridicule de ne pas vouloir reconnaître que l’esclavage, apparu sur la base du développement des forces productives, tira les tribus les plus arriérées techniquement de l’état où elles végétaient et constitua un pas en avant.
Il ne convient donc pas d’idéaliser l’époque primitive. L’apparition des classes était inévitable puisqu’elle rendait possible l’accroissement de la production. Cependant il ne faut pas se dissimuler qu’elle inaugure cette ère de l’humanité où, selon le mot d’Engels, tout pas en avant a pour condition un pas en arrière, puisque chaque accroissement de la production, du bien-être et de la civilisation d’une fraction de la société a pour condition l’exploitation accrue, la misère et l’abrutissement du plus grand nombre.
La société de classes a profondément transformé la psychologie de l’homme et, en ce sens, Rousseau n’avait pas tort de rendre la « société » responsable de la « corruption » de la « nature humaine ». L’exploitation de l’homme par l’homme a pour effet d’empêcher brutalement l’exploité de disposer du fruit de son travail. L’homme est ainsi séparé de son œuvre. Son travail est « aliéné » entre les mains de l’exploiteur qui se l’ « approprie ». Séparé de son œuvre, l’homme est séparé de lui-même, puisque l’activité productrice, l’initiative créatrice sont justement le propre de l’homme, ce qui le rend proprement humain et le distingue de l’animal. Et pendant que l’exploité est dépossédé de ce qu’il a produit, l’exploiteur s’approprie ce qu’il n’a pas produit. Ainsi la conscience de l’exploité est séparée d’elle-même parce qu’elle est mutilée, parce qu’elle ne peut librement réaliser ses fins, celle de l’exploiteur est séparée d’elle-même parce que le mensonge y est installé en permanence, parce qu’elle ne peut librement s’avouer ses fins. Chacune reflète à sa manière le fait de l’exploitation. Cette division de la conscience contre elle-même, c’est en quoi consiste soit la perte de « l’innocence primitive », soit ce que Hegel a pu appeler le « malheur de la conscience ». Ainsi l’apparition des classes et de l’exploitation, scission fondamentale de l’humanité en groupes antagonistes, se reflète dans cette scission profonde, fondamentale de la conscience humaine, spontanément déchirée en tendances violemment contradictoires.
Au lieu que l’homme soit lui-même la propre fin de son activité productrice, on voit au contraire la fin et le moyen séparés l’un de l’autre : la partie de la société qui est le moyen de la production (la majorité) n’en est pas la fin ; celle qui en est la fin (la minorité) n’en est pas le moyen.
Cette contradiction explique la dégénérescence et la décadence morale des classes exploiteuses sitôt que leur système d’exploitation ne correspond plus aux besoins du développement des forces productives. A mesure que l’exploitation devient plus intolérable, le scandale et la décomposition s’installent de plus en plus dans le monde des exploiteurs. C’est alors qu’apparaît plus clairement le caractère corrupteur de la société de classes, ainsi que la nécessité d’une régénération.
Par exemple, à la fin de l’Ancien Régime les philosophes dans leur ensemble — et non Rousseau seul — opposent la « vertu » aux vices de l’aristocratie décadente. Robespierre déclare mettre la Terreur au service de la Vertu. Condorcet et d’autres attendent de la Révolution la régénération du genre humain. Le Directoire d’abord, le régime bourgeois en général ensuite ne tardent pas à créer d’amères déceptions qui légitiment, en contraste, l’utopisme d’un Fourier.
Seul Marx devait montrer que la régénération ne peut venir ni d’une propagande morale ou philosophique, ni d’une législation draconienne et Spartiate, ni d’une révolution en général, mais de l’abolition de l’exploitation de classe. Seule la fin de la lutte des classes, de la division de l’humanité contre elle-même, pourra réconcilier l’homme avec lui-même, marquer l’avènement de la conscience heureuse. Mais l’abolition de la lutte des classes ne peut se faire qu’en menant jusqu’au bout la lutte de classe elle-même. C’est la révolution prolétarienne et nulle autre qui redonnera son unité à l’humanité, préfigurée dans le prolétariat et les masses populaires. Au sein même de leur combat victorieux contre l’inhumanité et la décadence des classes exploiteuses, les prolétaires et leurs alliés reconquièrent pour eux-mêmes l’humanité et réalisent précisément la fin de l’homme. Le moyen est déjà identique à la fin. C’est dans l’action des masses populaires que résident les seuls espoirs de régénération parce que c’est précisément la lutte qui transforme ceux qui luttent.
Aussi la Révolution socialiste est-elle l’aube du véritable humanisme, mais c’est précisément parce qu’elle est l’œuvre d’hommes que la lutte révolutionnaire a rendus à la plénitude de l’humanité. L’opposition métaphysique que les idéologues bourgeois tentent d’établir entre la fin et les moyens de la révolution n’est qu’un sophisme. Le processus de transformation révolutionnaire de la société est un processus unique dont tous les moments sont solidaires. Dans les conditions de la lutte révolutionnaire des masses sont déjà abolis les traits millénaires de l’aliénation de l’homme, de la conscience divisée, de l’humanité pervertie ; c’est dans les conditions de cette lutte que s’affirment les traits de l’homme futur, délivré des tares de la société de classes. L’abnégation des révolutionnaires en est la preuve vivante.
3. Sociétés esclavagiste et féodale
En étudiant l’origine de l’exploitation de l’homme par l’homme, nous avons mis en évidence sa nature : le propriétaire des moyens de production s’approprie le surplus que peuvent créer, à un certain niveau de leur développement, les forces productives par rapport au minimum nécessaire à la vie du travailleur, privé de la propriété des moyens de production.
L’histoire connaît trois formes de l’exploitation de l’homme par l’homme : esclavagiste, féodale, capitaliste. Nous caractériserons rapidement ici les deux premières. La leçon suivante sera consacrée à la troisième.
La contradiction spécifique des rapports de production esclavagistes, c’est la contradiction entre la classe des maîtres, propriétaires d’esclaves, et la classe des esclaves. Le régime de l’esclavage, créé par la lutte, la guerre pour se procurer des esclaves, n’est autre chose que le travail forcé des prisonniers de guerre. Depuis le début jusqu’à la fin il est le théâtre d’une lutte de classes acharnée.
La propriété du maître des esclaves sur les moyens de production ainsi que sur le travailleur forme la base des rapports de production et correspond, pour l’essentiel, à l’état des forces productives. L’esclave, ancien prisonnier de guerre, peut être acheté, vendu, tué comme du bétail. Les moyens de production sont accumulés entre les mains d’une minorité, la majorité des membres de la société est soumise à la minorité. Le travail commun et libre a pris fin ; seul existe, d’un côté le travail forcé des esclaves exploités et, de l’autre, l’oisiveté des maîtres qui se désintéressent de la production et ne voient d’autre moyen de l’augmenter que d’augmenter le nombre des esclaves. Le maître des esclaves est le premier et principal propriétaire, le propriétaire absolu.
L’esclave n’a aucun droit. L’oisiveté est considérée comme la perfection de l’homme libre. Le travail manuel, servile, est méprisé. Avec les classes antagonistes apparaissent inévitablement les organes spéciaux nécessaires pour maintenir les esclaves dans l’obéissance : c’est le début de l’Etat. Le droit, la morale, la religion, la philosophie idéaliste jouent leur rôle au service de la classe dominante, et sont eux-mêmes un produit de la division de la société en classes.
L’exploitation est cruellement ressentie par l’esclave : il a l’impression que tout le fruit de son travail va au maître ; en fait, une partie — réduite au strict minimum, il est vrai — lui est restituée sous forme de nourriture. Mais les formes de lutte des esclaves sont primitives et rudimentaires : passivité devant le travail forcé, désertion du domaine du maître, organisation de bandes de pirates, révoltes collectives enfin.
Au sein de la société esclavagiste se développent d’autres classes. Quand les métiers se séparent de l’agriculture, apparaît la classe des artisans ; puis le développement des échanges suscite celle des marchands.
De là de nouvelles contradictions. Intermédiaire obligée entre deux producteurs, la classe des marchands s’acquiert rapidement des richesses énormes et une influence sociale proportionnée. Elle rivalise avec les propriétaires fonciers pour orienter le pouvoir politique dans le sens de ses intérêts de classe (lutte des « démocrates » contre les « aristocrates » en Grèce, des « plébéiens » contre les « patriciens » à Rome).
Mais ces contradictions secondaires ne doivent pas masquer la contradiction principale : c’est l’esclavage qui permet d’accroître les richesses, la production dont vit le commerce. Cet accroissement de la production et avec elle de la productivité du travail augmente la valeur de la force de travail humaine. On ne peut plus se passer de l’esclavage qui devient un élément essentiel du système social.
La contradiction d’intérêts entre maîtres et esclaves ne mettait pas en danger le système esclavagiste tant que le progrès des techniques lui conférait une supériorité sur les tribus arriérées qu’il réduisait en esclavage. Mais, après avoir été la force principale du développement des forces productives, les rapports de production esclavagistes se transformèrent en entraves. Par exemple au IIe siècle après Jésus-Christ, Héron d’Alexandrie découvrit le principe de la machine à vapeur. Mais cela n’eut pas de conséquences pratiques : au lieu d’introduire des techniques nouvelles que le travail servile rendait inopérantes, on préférait recruter de nouveaux esclaves. La supériorité technique fit place finalement à la stagnation des techniques et même à leur recul.
D’autre part le recrutement des esclaves exigeait la guerre permanente, sinon il aurait fallu élever des enfants d’esclaves, moyen onéreux de les renouveler. Au terme d’une longue agonie, où s’enchevêtrent les contradictions objectives et les luttes religieuses et politiques, l’Etat esclavagiste antique, l’Empire romain croula sous les coups des Barbares. Il croula précisément au moment où son infériorité technique et ses contradictions internes — économiques et politiques — ne lui permirent plus de l’emporter sur les Barbares et de recruter ainsi de nouveaux esclaves. Car la lutte des Barbares contre l’Etat romain n’était rien d’autre en définitive que la lutte contre leur mise en esclavage. Par la logique de son système, l’Empire romain était en position de perpétuel agresseur.
Ainsi la contradiction spécifique du régime esclavagiste le conduisit à sa ruine lorsqu’il fut lui-même entré en contradiction avec le caractère des forces productives. Pour remettre sur pieds l’économie, il fallait de nouveaux rapports de production : ils se développèrent sur les ruines de l’esclavagisme : ce fut le système féodal.
Le régime féodal marque une évolution de la propriété privée. Sa base économique, c’est la propriété du seigneur féodal sur les moyens de production et sa propriété limitée sur le travailleur, le serf. Le féodal ne peut plus le tuer, mais il peut toujours le vendre et l’acheter. Le serf, paysan ou artisan, ne possède individuellement que ses instruments et son économie privée, fondée sur le travail personnel. Il peut ainsi avoir une famille et le recrutement des serfs est assuré principalement par l’hérédité du servage. Ces rapports de production correspondent, pour l’essentiel, à l’état des forces productives.
L’essence de l’exploitation, là encore, consiste en ceci que le seigneur féodal s’approprie à titre privé le surplus de la production du serf. Le serf, par exemple, travaille trois jours pour lui et trois jours pour le seigneur. L’exploitation est à peine adoucie par rapport à l’époque de l’esclavage ; le mot même de « serf » vient du vocable latin qui signifie « esclave » (servus). Tous les droits appartiennent au seigneur. Sous prétexte de « protéger » ses serfs contre le brigandage et le pillage des seigneurs voisins, il les pille lui-même, exigeant d’énormes redevances en nature. Les formes de lutte des serfs restent primitives : fuite hors du fief seigneurial, organisation de bandes dans les forêts, révoltes enfin, ou jacqueries au cours desquelles les serfs s’efforcent de détruire les parchemins où le seigneur tient registre de leurs redevances.
Une répression féroce s’abat sur les Jacques. [Lire Prosper Mérimée : La Jacquerie, préface d’Aragon. La Bibliothèque française ; et Engels : « La guerre des paysans », dans La Révolution démocratique bourgeoise en Allemagne. Editions Sociales.] La lutte de classes entre propriétaires féodaux et serfs, reflet de la contradiction spécifique des rapports de production féodaux, dure du début à la fin du régime. En outre cette contradiction se développe sous une forme nouvelle, germe de nouveaux conflits : la fraction des serfs qui s’adonne à l’artisanat, puis au commerce engendre une classe nouvelle. La contradiction d’intérêts va grandir entre ces habitants des bourgs, les « bourgeois », et les féodaux. La jeune bourgeoisie est appelée à développer les forces productives, à constituer une nouvelle puissance économique. Les rapports de production féodaux, au début conformes au caractère des forces productives, deviendront retardataires et se transformeront en entraves pour ces forces. La contradiction entre bourgeoisie et féodalité, d’abord secondaire et engendrée elle-même par le développement des forces productives au sein du servage, prend peu à peu le devant de la scène et joue finalement le rôle principal. En effet, la lutte des serfs ruraux aboutit à une certaine amélioration de leur sort parce que les féodaux craignent que la bourgeoisie ne trouve en eux des alliés. Mais par elle-même elle ne pouvait conduire à la liquidation des rapports de production féodaux, parce que les nouvelles forces productives ne se développaient pas à la campagne, mais à la ville. C’est la révolution démocratique bourgeoise qui abolit le servage. La contradiction spécifique des rapports de production féodaux ne pouvait disparaître que lorsque ceux-ci furent eux-mêmes entrés en contradiction violente avec le nouveau caractère des forces productives. Pour un nouveau développement de l’économie il fallait de nouveaux rapports de production : sur les ruines du système féodal, s’éleva le capitalisme.
4. Le développement de la bourgeoisie
Nous pouvons remarquer que, dans chaque cas, les nouvelles forces productives qui vont conduire à de nouveaux rapports de production n’apparaissent pas en dehors du régime ancien, après sa disparition, mais au contraire dans son sein. Chaque génération travaille en effet à réaliser des perfectionnements techniques donnés, qui lui soient immédiatement profitables, et ceci parce qu’elle doit s’accommoder des conditions de production existantes, créées par le travail des générations antérieures. En outre, une génération donnée n’a nullement conscience des résultats sociaux que tel ou tel perfectionnement réalisé dans les forces productives peut entraîner à la longue : elle ne pense qu’à ses intérêts quotidiens. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps que les classes dominantes se rendent compte du danger et freinent consciemment l’essor des forces productives. Chaque génération est entraînée dans un enchaînement de causes et d’effets qu’elle ne commande pas. Les nouveaux rapports de production ne sont pas l’effet d’une action consciente et préméditée des hommes ; ils surgissent au contraire spontanément, indépendamment de la conscience et de la volonté des hommes. Ils n’ont rien d’arbitraire, mais leur nécessité surgit des conditions techniques et économiques du régime ancien. C’est là une particularité importante de la dialectique des modes de production. Ce qui définit un mode de production, ce sont les rapports de production dominants qui n’y sont pas forcément les seuls. Examinons de plus près le cas du développement de la bourgeoisie, qui vécut sept siècles au sein du régime féodal.
Au début, la production est faible et consommée sur place ; il y a peu d’échanges et l’on constate une prépondérance de la campagne sur la ville, soumise aux féodaux, et très peu développée. Puis, vers le XIIe siècle, grâce au progrès des métiers, rendu possible par le servage lui-même, apparaissent dans les villes des phénomènes nouveaux : un excédent de production pour le marché. De là les foires, avec une classe spécialisée dans la vente et l’achat des marchandises : les marchands, premier embryon de bourgeoisie.
Cet essor de la bourgeoisie est à l’origine du mouvement communal, première forme de la lutte de classe de la bourgeoisie contre les féodaux : en échange des franchises accordées le seigneur exige des droits versés en espèces ; par le même moyen les bourgeois achètent divers droits politiques : clore de murs leur ville, battre monnaie, construire une prison, avoir une milice armée, des représentants élus, un hôtel-de-ville avec tour fortifiée (beffroi). Le roi leur accorde souvent son appui contre les seigneurs, ses rivaux, en échange de prêts d’argent qui lui sont nécessaires pour le renforcement et la marche de l’Etat féodal.
Les Croisades développent la bourgeoisie marchande en ouvrant la voie de la Méditerranée. En même temps, auxiliaire obligée des échanges, grandit la classe des banquiers (Florence).
La Guerre de Cent ans sanctionne l’incapacité militaire des féodaux [La veille de la bataille de Poitiers, le roi Jean avait fait désarmer les communes !], et la montée de la bourgeoisie, anglaise, belge avec le drapier Artevelde, française avec le drapier Etienne Marcel. Les progrès de la technique militaire infériorisent les seigneurs : les armes à feu sont si chères que seul le roi, financé par les marchands, peut les acheter ; il va ainsi démanteler les châteaux-forts.
A la fin du XVe siècle ont lieu les grandes découvertes, qui se proposent la conquête de l’or. L’afflux d’or sur le marché européen a des conséquences prodigieuses : d’énormes fortunes se constituent rapidement, les prix augmentent, les seigneurs se ruinent. Les grandes familles bourgeoises comme les Médicis sont les vrais rois de l’époque, une puissance avec laquelle il faut compter. En échange de l’appui financier qu’elle reçoit de la bourgeoisie, la monarchie lui octroie des monopoles.
C’est alors que peut apparaître la manufacture, à la fois parce qu’existent les capitaux accumulés dans la période précédente et parce que l’essor du commerce est tel que la production artisanale, caractéristique du féodalisme, ne suffit plus. Ainsi est-on passé de l’artisanat au commerce, et du commerce à la manufacture, nouveau pas en avant des forces productives. Les centres commerciaux deviennent des centres manufacturiers : par exemple la soierie à Lyon. La manufacture, c’est la décomposition de la fabrication d’un produit en tâches parcellaires, exécutées par des travailleurs distincts : c’est la possibilité d’accroître la production en vue du commerce, en vue d’accroître le capital. Le commerce, de moyen qu’il était, est devenu une fin qui se crée de nouveaux moyens. Ainsi la bourgeoisie industrielle, manufacturière, apparaît au sein de la société féodale et, avec elle, les premiers embryons du prolétariat. Le « moyen âge » a laissé la place aux « temps modernes ». [Ces deux expressions n’ont évidemment qu’un sens scientifique très faible, mais elles correspondent à un changement réel.] C’est le début de nouveaux rapports de production, caractérisés par l’exploitation capitaliste d’un prolétariat salarié. Celui-ci se recrute parmi les paysans ruinés, chassés des terres, les artisans ruinés par la concurrence, les mercenaires des féodaux restés sans emploi, et tous ceux qui fuient l’oppression féodale : libres, ils sont tous privés des moyens de production et, pour ne pas mourir de faim, obligés de vendre leur force de travail au bourgeois ; car pour celui-ci, né lui-même de la production marchande, tout s’achète et se vend.
« Les nouvelles forces productives exigent des travailleurs qu’ils soient plus cultivés et plus intelligents que les serfs ignorants et abrutis ; qu’ils soient capables de comprendre la machine et sachent la manier convenablement. Aussi les capitalistes préfèrent-ils avoir affaire à des ouvriers salariés affranchis des entraves du servage, suffisamment cultivés pour manier les machines convenablement. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3. c, p. 26.)
Les nouveaux rapports de production favorisent en effet le développement des forces productives qui augmentent le profit : on passe de la manufacture à l’industrie mécanisée, puis, avec la machine à vapeur, au système des machines et à la grande industrie mécanique moderne. C’est, au XVIIIe siècle, la « révolution industrielle », puissamment décrite par Marx dans la première partie du Manifeste du Parti communiste.
La conséquence de l’apparition de ces nouveaux rapports de production, c’est une lutte de classe de tous les instants contre les féodaux. Cette lutte a connu une longue évolution depuis les premières batailles pour les « franchises ».
La Renaissance l’exprime. La bourgeoisie affronte l’Eglise, alliée idéologique de la féodalité, et trouve un appui dans les idéologies de l’Antiquité. Avec Léonard de Vinci, Erasme et Rabelais, elle exalte la nature, la science, la raison, la puissance de l’esprit humain ; elle critique l’éducation médiévale avec Rabelais et Montaigne. Les guerres de religion expriment cette lutte sous une forme plus voilée, mystique.
La lutte s’aiguise au XVIIIe siècle : elle est dirigée contre l’Etat féodal qui, par ses règlements, le morcellement provincial, les privilèges et les impôts, entrave le développement des forces productives et l’extension des échanges. Cette acuité plus grande de la lutte a une grande signification : la bourgeoisie commence à se rendre compte qu’il lui faut nécessairement, pour prospérer, liquider les anciens rapports de production et assurer aux nouveaux un règne sans partage. La lutte devient politique :
« Voici donc ce que nous avons vu : les moyens de production et d’échange, sur la base desquels s’est édifiée la bourgeoisie, furent créés à l’intérieur de la société féodale. A un certain degré du développement de ces moyens de production et d’échange, les conditions dans lesquelles la société féodale produisait et échangeait, l’organisation féodale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot le régime féodal de propriété, cessèrent de correspondre aux forces productives en plein développement. Ils entravèrent la production au lieu de la faire progresser. Ils se transformèrent en autant de chaînes. Il fallait briser ces chaînes. On les brisa.
A la place s’éleva la libre concurrence, avec une constitution sociale et politique appropriée, avec la suprématie économique et politique de la classe bourgeoise. » (K. Marx et F. Engels : Manifeste du Parti communiste, p. 34.)
Evidemment cette prise de conscience ne se fit pas en un jour :
« Quand, sous le régime féodal, la jeune bourgeoisie d’Europe a commencé à construire, à côté des petits ateliers d’artisans, de grandes manufactures, faisant ainsi progresser les forces productives de la société, elle ignorait évidemment les conséquences sociales auxquelles cette innovation aboutirait, elle n’y pensait pas ; elle n’avait pas conscience, elle ne comprenait pas que cette « petite » innovation aboutirait à un regroupement des forces sociales, qui devait se terminer par une révolution contre le pouvoir royal dont elle prisait si fort la bienveillance, aussi bien que contre la noblesse dans laquelle rêvaient souvent d’entrer les meilleurs représentants de cette bourgeoisie ; ce qu’elle voulait, c’était simplement diminuer le coût de la production des marchandises, jeter une plus grande quantité de marchandises sur les marchés de l’Asie et sur ceux de l’Amérique qui venait d’être découverte, et réaliser de plus grands profits ; son activité consciente se bornait au cadre étroit de ses intérêts pratiques, quotidiens. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, 3. d, p. 29.)
Ainsi au début la bourgeoisie ne se proposait pas d’autre objectif que de s’assurer une place dans la société féodale. La lutte de classe est le reflet social, politique, idéologique d’intérêts réels, matériels, économiques. C’est un fait objectif, car la bourgeoisie elle-même s’inscrit dans l’histoire objective comme un produit des lois économiques de la production marchande, un produit de la propriété privée dont les premiers éléments sont octroyés à la classe exploitée par l’institution même du servage.
Un moment vient où la propriété féodale et tout le système féodal deviennent un obstacle direct à l’essor des forces productives, où la contradiction entre les anciens rapports de production et les nouvelles forces productives devient intolérable. La classe montante est par définition celle qui est capable de développer les nouvelles forces productives.
La contradiction se développe en antagonisme : la lutte devient de plus en plus consciente, méthodique, de spontanée qu’elle était tout d’abord ; elle rend révolutionnaire la classe montante. Elle devient le moyen sans lequel on ne peut réaliser l’application de la loi de correspondance nécessaire. Elle a désormais pour objectif, non pas de faire une place à la bourgeoisie dans le système féodal, mais d’abolir ce système. C’est pourquoi elle devient plus aiguë et plus acharnée de la part des féodaux aussi, qui ne sont plus seulement menacés dans leur puissance économique relative, mais dans leur existence comme classe ; aussi deviennent-ils de plus en plus réactionnaires.
Dès lors, on comprend la formule de Marx : la lutte des classes est le moteur de l’histoire, c’est-à-dire le moyen politique par lequel se résolvent les contradictions de la production, le moyen grâce auquel les forces productives et toute la société pourront repartir de l’avant. Mais, si elle résout la contradiction, ce n’est pas elle qui l’a ouverte : ce n’est pas la conscience des hommes qui crée à plaisir les contradictions.
Ce moteur ne fonctionne pas avec rien : il y a la production avec sa loi de correspondance nécessaire. Mais il permet à cette loi de se manifester à plein, de même qu’un moteur permet à l’énergie de son carburant de produire tout son effet. A partir du moment où la production engendre les classes antagonistes et jusqu’à leur disparition, le développement de la société se fait par la lutte des classes : lutte entre, d’une part, les classes hostiles par intérêt à la correspondance nécessaire des rapports de production avec les forces productives et, d’autre part, les classes favorables par intérêt à cette correspondance. Remarquons à ce sujet, avec l’exemple de la bourgeoisie, qu’une classe révolutionnaire peut être en même temps exploiteuse, qu’une classe dominée (c’est le cas de la bourgeoisie sous la féodalité) n’est pas du même coup une classe exploitée.
La classe montante devient consciente de sa mission historique avec l’aide de la science économique, ou du moins de l’expérience économique ; plus cette conscience se précise, plus sa lutte révolutionnaire devient efficace, puisqu’elle s’appuie sur la connaissance de la loi objective de correspondance nécessaire.
Concluons donc que
« la production économique et la structure sociale qui en résulte nécessairement forment, à chaque époque historique, la base de l’histoire politique et intellectuelle de cette époque ; … par suite (depuis la dissolution de la propriété commune du sol des temps primitifs), toute l’histoire a été une histoire de luttes de classes, de luttes entre classes exploitées et classes exploitantes, entre classes dominées et classes dominantes, aux différentes étapes de leur développement social… » (Engels : Préface à l’édition de 1883 du Manifeste du Parti communiste. Voir p. 19 de l’édition de 1954 des Editions Sociales.)
QUESTIONS DE CONTROLE