8. L’idéologie de l’Osvobojdénié et celle de la nouvelle Iskra

Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique

Lénine

8. L’idéologie de l’Osvobojdénié et celle de la nouvelle Iskra

   Autre confirmation éclatante de la portée politique de l’idéologie de la nouvelle Iskra.

   Dans un article remarquable, excellent, aussi édifiant que possible : « Comment se retrouver » (Osvobojdénié, n°71), M. Strouvé part en guerre contre le « révolutionnisme du programme » de nos partis extrêmes. M. Strouvé est surtout mécontent de moi((« En comparaison du révolutionnisme de MM. Lénine et ses camarades, le révolutionnisme de la social démocratie de l’Europe occidentale, celui de Bebel et même de Kautsky, est de l’opportunisme; mais les bases de ce révolutionnisme adouci, sont sapées et minées par l’histoire. » M. Strouvé va fort. Mais il a tort de penser que je suis prêt à supporter tout ce qu’il voudra bien dire de moi. Il me suffit de lui adresser un défi qu’il ne sera jamais en mesure de relever. Où et quand ai je appelé « opportunisme » le révolutionnisme de Bebel et de Kautsky ? Où et quand ai je prétendu créer dans la social démocratie internationale une tendance particulière, non identique à celle de Bebel et de Kautsky ? Où et quand a t on vu surgir des divergences de vues entre moi, d’une part, Bebel et Kautsky de l’autre, je parle de divergences de vues se rapprochant tant soit peu par leur sérieux de celles qui, par exemple, surgirent entre Bebel et Kautsky sur la question agraire, à Breslau ? Que M. Strouvé essaie de répondre à ces trois questions.
Et voici ce que nous dirons aux lecteurs. La bourgeoisie libérale use toujours et partout du procédé qui consiste à persuader ses adeptes dans un pays donné, que les social démocrates de ce pays sont les plus déraisonnables, tandis que leurs camarades du pays voisin sont des « petits garçons sages ». La bourgeoisie allemande a des centaines de fois donné en exemple aux Bebel et Kautsky les socialistes français, ces « petits garçons bien sages ». La bourgeoisie française donnait tout récemment en exemple aux socialistes français le « petit garçon bien sage » Bebel. Vieux procédé, M. Strouvé ! Vous ne prendrez à cet hameçon que des enfants et des ignorants. La complète solidarité de la social démocratie révolutionnaire internationale dans toutes les grandes questions de programme et de tactique est un fait absolument incontestable.)).

   Quant à moi, je suis on ne peut plus content de M. Strouvé; je ne saurais désirer de meilleur allié dans la lutte contre I’écononomisme renaissant de la nouvelle Iskra et le manque complet de principes chez les « socialistes révolutionnaires ». Nous verrons une autre fois de quelle façon M. Strouvé et l’Osvobojdénié ont pratiquement démontré l’esprit réactionnaire des « amendements » apportés au marxisme dans le projet de programme des socialistes révolutionnaires. Nous avons déjà parlé à maintes reprises((Rappelons au lecteur que l’article ((de Plékhanov. (ndlr))) « Ce qu’il ne faut pas faire » (Iskra, n°52) fut salué à grand fracas par l’Osvobojdénié comme un « tournant significatif » vers un esprit de conciliation à l’égard des opportunistes. L’Osvobojdénié a particulièrement approuvé les principes, de la nouvelle Iskra dans une note sur la scission des social démocrates russes. Parlant de la brochure de Trotsky Nos tâches politiques, l’Osvobojdénié a indiqué l’analogie des idées de cet auteur avec les idées qu’exprimaient autrefois, par la parole et par l’écrit, les gens du Rabotchéié Diélo Kritchevski, Martynov, Akimov (voir le tract : Un libéral obligeant, édité par Vpériod). L’Osvobojdénié a salué la publication de la brochure de Marlynov : Deux Dictatures (voir la note parue dans le n°9 de Vpériod). Enfin les plaintes tardives de Starover au sujet de l’ancien mot d’ordre de l’ancienne Iskra « délimiter d’abord puis s’unir », ont été, de la part de l’Osvoboidénié, l’objet d’une approbation spéciale.)) du fidèle, honnête et réel service que M. Strouvé m’a rendu chaque fois qu’il a approuvé en principe les néo-iskristes. Parlons en une fois de plus.

   L’article de M. Strouvé renferme une série de déclarations extrêmement intéressantes; nous ne pouvons les mentionner ici qu’en passant. M. Strouvé se prépare à « créer une démocratie russe en s’appuyant non sur la lutte, mais sur la collaboration des classes »; les « intellectuels socialement privilégiés » (par exemple, la « noblesse cultivée », à laquelle M. Strouvé fait sa révérence avec la grâce vraiment mondaine d’un… larbin), apporteront le poids de leur « position sociale » (le poids du sac d’écus) à ce parti « hors classes ». M. Strouvé exprime le désir de faire connaître à la jeunesse la fausseté de ce « lieu commun selon lequel la bourgeoisie épouvantée aurait vendu le prolétariat et la cause de la liberté ». (Nous nous félicitons vivement de ce désir. Rien ne confirmera mieux ce « lieu commun » marxiste que la guerre que lui déclare M. Strouvé. Faites, donc, M . Strouvé, ne renvoyez pas aux calendes grecques l’exécution de votre magnifique projet !)

   Il importe, pour traiter notre sujet, de noter quels sont les mots ordre pratiques que combat actuellement ce représentant de la bourgeoisie russe, doué d’un instinct politique aussi sûr, et qui réagit aux moindres variations du temps. C’est d’abord le mot d’ordre de républicanisme. M. Strouvé est fermement convaincu que ce mot d’ordre est « inintelligible et étranger à la masse du peuple » (il oublie d’ajouter qu’il est intelligible, mais désavantageux pour la bourgeoisie !). Nous voudrions bien voir quelle réponse les ouvriers feraient à M. Strouvé dans nos cercles et nos réunions de masse ! Ou bien les ouvriers ne seraient pas le peuple ? Et les paysans ? Il leur arrive, d’après M. Strouvé, de professer un « républicanisme naïf » (« chasser le tsar »), mais la bourgeoisie libérale pense que ce républicanisme naïf fera place non pas à un républicanisme conscient, mais à un monarchisme conscient ! Ça dépend((En français dans le texte. (N. du Trad.))), M. Strouvé, cela dépend encore des circonstances. Le tsarisme comme la bourgeoisie ne peuvent faire autrement que de s’opposer à une amélioration radicale de de la situation des paysans aux dépens des terres seigneuriales, et la classe ouvrière ne peut faire autrement que de soutenir la paysannerie dans cette question.

   En second lieu, M. Strouvé assure que « dans la guerre civile l’agresseur aura toujours tort ». Cette idée touche de près aux tendances de la nouvelle Iskra dont nous avons parlé plus haut. Certes, nous ne dirons pas qu’il soit toujours avantageux d’attaquer dans la guerre civile. Non. La tactique défensive est parfois obligatoire, pour un temps. Mais formuler une assertion semblable à celle de M. Strouvé et l’appliquer à la Russie de 1905, c’est justement nous montrer un fragment de « lieu commun radical » (« la bourgeoisie s’épouvante et vend la cause de la liberté »). Quiconque ne veut pas maintenant s’attaquer à l’autocratie, à la réaction, quiconque ne se prépare pas à cette agression, ne la préconise pas, se dit à tort partisan de la révolution.

   M. Strouvé condamne les mots d’ordre de « travail clandestin » et d’« émeute » (l’émeute, cette « insurrection en miniature »). M. Strouvé dédaigne l’un et l’autre, du point de vue de « l’accès aux masses » ! Nous lui demanderons s’il peut nous indiquer la propagande de l’émeute, par exemple dans Que faire ?, cet écrit de révolutionnaire infiniment extrémiste à son avis. Quant au « travail clandestin », la différence est elle bien grande entre nous et M. Strouvé par exemple ? Ne collaborons nous pas tous deux à un journal « illégal », « clandestinement » introduit en Russie, à l’intention des groupes « secrets » de l’Osvobojdénié ou du P.O.S.D.R. ? Nos réunions ouvrières de masse sont souvent « clandestines », avouons ce péché. Et les réunions de ces messieurs de l’Osvobojdénié ? Avez vous de quoi tirer vanité, M. Strouvé, devant les méprisables partisans du méprisable travail clandestin ?

   Un travail rigoureusement clandestin c’est, il est vrai, celui de l’armement des ouvriers. Cette fois M. Strouvé est plus explicite. Ecoutez le :

   « Quant à l’insurrection armée ou à la révolution, au point de vue technique, seule la propagande du programme démocratique dans les masses peut créer les conditions sociales et psychologiques qu’exige l’insurrection armée générale. Ainsi, même du point de vue estimant que l’insurrection armée sera le couronnement inéluctable de la lutte actuelle pour la libération   point de vue qui n’est pas le mien,   l’essentiel, le plus nécessaire, c’est de faire pénétrer les idées de transformation démocratique dans les masses. »

   M. Strouvé cherche à éluder la question. Il parle de l’inéluctabilité de l’insurrection, au lieu de parler de sa nécessité pour la victoire de la révolution. L’insurrection non préparée, spontanée, éparse, a déjà commencé. Nul ne peut se porter garant qu’elle aboutira à une insurrection armée générale et complète, car cela dépend de l’état des forces révolutionnaires (qu’on ne peut évaluer exactement qu’en cours de lutte), de la conduite du gouvernement et de la bourgeoisie, ainsi que de diverses autres circonstances qu’il est impossible de prévoir exactement. Point n’est besoin de parler d’inéluctabilité, dans le sens de cette certitude absolue d’un événement concret vers laquelle s’orientent les propos de M. Strouvé. Il faut, pour marquer que vous êtes avec la révolution, parler de la question de savoir si l’insurrection est nécessaire pour la victoire de la révolution, s’il est nécessaire de la préconiser activement, de l’affirmer, de la préparer sans retard, avec énergie. M. Strouvé doit pouvoir saisir cette différence : il ne cherche pourtant pas à masquer, par exemple, la nécessité indiscutable pour tout démocrate, du suffrage universel, par la question dicutable et non essentielle pour tout homme politique, de la conquête inéluctable du suffrage universel dans la présente révolution éludant la question de la nécessité de l’insurrection, M. Strouvé révèle les dessous les plus cachés de la position politique de la bourgeoisie libérale. D’abord la bourgeoisie préfère s’entendre avec l’autocratie plutôt que de l’écraser; et, en tout cas, elle laisse aux ouvriers le soin de lutter les armes à la main (deuxième point). Telle est la signification réelle de cette dérobade de M. Strouvé. Voilà pourquoi il marche à reculons, fuyant le problème de la nécessité de l’insurrection et préférant s’occuper des conditions « sociales et psychologiques », et de la « propagande » préliminaire. Exactement comme les bavards bourgeois qui en 1848 s’occupaient dans le Parlement de Francfort à rédiger des résolutions, déclarations, décisions, à faire la « propagande de masse » et à préparer lés « conditions sociales et psychologiques » dans un moment où il s’agissait d’infliger une riposte à la force armée du gouvernement ; où le mouvement avait « amené à la nécessité » d’une lutte armée; où la seule action exercée par la parole (cent fois plus indispensable dans la période de préparation) était devenue vile inertie et couardise bourgeoises,   de même M. Strouvé esquive, en se couvrant de phrases, le problème de l’insurrection. M. Strouvé nous montre à merveille ce que nombre de social démocrates s’obstinent à ne pas voir : que l’heure de la révolution diffère justement des heures ordinaires, quotidiennes, des heures de préparation de l’histoire, en ce que l’état d’esprit, l’effervescence, la conviction des masses doivent se traduire et se traduisent par l’action.

   Le révolutionnarisme vulgaire ne comprend pas que la parole elle aussi est un acte; cette vérité est incontestable, appliquée à l’histoire en général ou aux époques historiques pendant lesquelles l’action politique déclarée des masses fait défaut – et elle ne peut être artificiellement suscitée, ni suppléée par des putschs. Le suivisme des révolutionnaires ne comprend pas, que lorsque l’heure de la révolution a sonné; lorsque la vieille « superstructure » sociale craque de toutes parts; lorsque l’action politique déclarée des classes et des masses édifiant pour soi une nouvelle superstructure est devenue un fait; lorsque la guerre civile a commencé,   se contenter comme autrefois de la « parole » sans formuler le mot d’ordre net du passage à l’« action », esquiver alors l’action en invoquant les « conditions psychologiques » et la « propagande » en général, c’est verser dans la théorie morte et stérile, dans la casuistique, ou livrer la révolution, la trahir. Les bavards francfortois de la bourgeoisie démocratique offrent un exemple historique ineffable de cette trahison ou de cette casuistique stupide.

   Voulez vous que nous expliquions cette différence entre le révolutionnarisme vulgaire et le suivisme des révolutionnaires, par des exemples empruntés à l’histoire du mouvement social démocrate de Russie ? Cette explication nous vous la donnerons. Rappelez vous les années 1901 1902, si proches encore et qui nous paraissent cependant appartenir à un passé légendaire. Les manifestations avaient commencé. Le révolutionnarisme vulgaire se mit à crier à l’« assaut » (Rabotchéié Diélo), des « tracts sanglants » furent publiés (de provenance berlinoise, si j’ai bonne mémoire); on dénonçait le « mal littéraire » et le caractère livresque de l’idée qu’une agitation pouvait être faite dans toute la Russie par le moyen d’un journal (Nadiéjdine). Le suivisme des révolutionnaires prêchait alors, par contre, que la « lutte économique était le meilleur moyen de faire de l’agitation politique ». Quelle fut l’attitude de la social démocratie révolutionnaire ? Elle combattit ces deux tendances. Elle condamna la tactique du putsch et les cris à l’assaut, car tout le monde voyait clairement ou du moins aurait dû voir que l’action déclarée des masses était une affaire du lendemain. Elle condamna le suivisme et formula, directement, même le mot d’ordre d’insurrection armée du peuple entier, non pas dans le sens d’un appel direct (M. Strouvé n’eût pas trouvé chez nous, en ce temps lâ, d’appel à l’« émeute »), mais comme une conclusion nécessaire, comme une « propagande » (dont M. Strouvé ne s’est souvenu que maintenant, car notre honorable M. Strouvé est toujours en retard de quelques années), dans le sens de la préparation de ces mêmes « conditions sociales et psychologiques » dont les représentants de la bourgeoisie mercantile, désemparée, parlent tant aujourd’hui, « mélancoliquement et hors de propos ». Alors la propagande et l’agitation, l’agitation et la propagande étaient vraiment mises au premier plan, par la force objective des choses. Alors le travail d’organisation d’un journal politique destiné au pays tout entier, et dont la publication hebdomadaire paraissait un idéal, pouvait être la pierre de touche de la préparation de l’insurrection (et Que faire ? le présentait ainsi). Alors les mots d’ordre : agitation de masse au lieu d’actions armées immédiates; préparation des conditions sociales et psychologiques nécessaires à l’insurrection, au lieu de la tactique du putsch, étaient les seuls mots d’ordre justes de la social démocratie révolutionnaire. Maintenant ces mots d’ordre sont dépassés par les évènements, le mouvement a pris une avance; ils ne sont plus que du fatras, des vieilleries bonnes tout au plus à voiler l’hypocrisie de l’Osvobojdénié et le suivisme de la nouvelle Iskra !

   Mais je me trompe peut-être ? Peut-être que la révolution n’est pas encore commencée ? Que l’heure de l’action politique ouverte des classes n’est pas encore venue ? Que la guerre civile n’est pas encore là et la critique des armes ne doit pas être dès à présent le successeur, l’héritier, l’exécuteur testamentaire, l’aboutissant nécessaire et obligatoire de l’arme de la critique ?

   Regardez autour de vous, mettez vous à la fenêtre de votre cabinet pour pouvoir répondre à ces questions. Le gouvernement n’a-t-il pas déjà commencé lui-même la guerre civile en fusillant partout, en masse, des citoyens paisibles et sans armes. Les Cent-Noirs armés n’interviennent ils pas en qualité d’« argument » de l’autocratie ? La bourgeoisie – la bourgeoisie même – n’a-t-elle pas reconnu la nécessité d’une milice civile ? M. Strouvé lui-même, M. Strouvé d’une ponctualité et d’une modération idéales, ne dit il pas (hélas, il ne le dit que pour avoir dit quelque chose !) que « le caractère déclaré, des actions révolutionnaires (comme nous y allons maintenant !) est aujourd’hui une des conditions les plus importantes de l’influence éducatrice exercée sur les masses populaires » ?

   Celui qui a des yeux pour voir ne peut douter de la manière dont le problème de l’insurrection armée doit être posé aujourd’hui par les partisans de la révolution. Voyez donc les trois façons de poser cette question que donnent les organes de la presse libre, capables d’influencer tant soit peu les masses.

   Première façon. La résolution du IlI° congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie((Voici le texte en entier :
« Considérant que :
1) le prolétariat étant, de par sa situation, la classe révolutionnaire la plus avancée, et la seule conséquente, est par là même appelé à jouer un rôle dirigeant dans le mouvement révolutionnaire démocratique général de Russie ;
2) Ce mouvement a déjà amené, à l’heure présente, à la nécessité, d’une insurrection armée ;
3) le prolétariat prendra inévitablement à cette insurrection la part la plus énergique et qui décidera du sort de la révolution en Russie ;
4) le prolétariat ne peut jouer dans cette révolution un rôle dirigeant que groupé en une force politique, une et indépendante, sous le drapeau du Parti ouvrier social démocrate, qui le guide dans sa lutte au point de vue idéologique, comme au point de vue pratique ;
5) seul l’accomplissement de ce rôle peut assurer au prolétariat les conditions les plus avantageuses dans la lutte pour le socialisme contre les classes possédantes de la Russie démocratique bourgeoise.
Le III° congrès du P.O.S.D.R. reconnaît que : organiser le prolétariat pour la lutte directe contre l’autocratie par l’insurrection armée est, à l’heure révolutionnaire actuelle, une des tâches les plus importantes et les plus immédiates du Parti.
Aussi le congrès charge t il toutes les organisations du Parti :
a) de faire comprendre au prolétariat, par la propagande et l’agitation, non seulement la signification politique de la prochaine insurrection armée, mais aussi son côté organisation et pratique ;
b) de faire comprendre par cette propagande et cette agitation le rôle des grèves politiques de masse, qui peuvent avoir une grande importance au début et au cours même de l’insurrection ;
c) de prendre les mesures les plus énergiques pour armer le prolétariat et élaborer le plan de l’insurrection armée et de la direction immédiate de celle-ci. Des groupes spéciaux de militants seront formés à cette fin, au fur et à mesure des besoins. » )). Il est reconnu et proclamé hautement que le mouvement révolutionnaire démocratique général a déjà conduit à la nécessité d’une insurrection armée. L’organisation du prolétariat en vue de l’insurrection est d’ores et déjà mise à l’ordre du jour comme une des tâches principales, essentielles et nécessaire pour le Parti. Les mesures les plus énergiques seront prises afin d’armer le prolétariat et d’assurer la direction immédiate de l’insurrection.

   Deuxième façon. La déclaration de principes faite dans l’Osvojdénié par le « chef des constitutionnalistes russes » (la Frankfurter Zeitung, organe très influent de la bourgeoisie d’Europe occidentale, décernait récemment ce titre à M. Strouvé), ou le chef de la bourgeoisie progressiste russe. Il ne partage pas le point de vue que l’insurrection est inévitable, Le travail clandestin et l’émeute sont les procédés spécifiques d’un révolutionnisme déraisonnable. Le républicanisme est une méthode servant à étourdir. L’insurrection armée n’est en somme qu’une question technique, la propagande de masse et la préparation de conditions sociales et psychologiques étant « l’essentiel et le plus urgent ».

   Troisième façon. La résolution de la conférence néo iskriste. Notre tâche est de préparer l’insurrection. La possibilité d’une insurrection régie par un plan est exclue. Les conditions favorables à l’insurrection sont créées par la désorganisation du gouvernement par notre agitation, par notre organisation. Alors seulement « les préparatifs techniques de combat peuvent acquérir une importance plus ou moins sérieuse ».

   Et c’est tout ? C’est tout. L’insurrection est elle indispensable ? C’est ce que les dirigeants néo-iskristes du prolétariat ne savent pas encore. Organiser le prolétariat pour la lutte immédiate, est-ce une tâche pressante ? C’est ce qu’ils ne voient pas encore clairement. Point n’est besoin d’appeler aux mesures les plus énergiques; il est beaucoup plus important (en 1905, et non en 1902) d’expliquer à grands traits les conditions dans lesquelles ces mesures « peuvent » acquérir une signification « plus ou moins sérieuse » …

   Voyez vous maintenant, camarades de la nouvelle Iskra, où vous a conduits votre volte-face vers le martynovisme ? Comprenez-vous que votre philosophie politique n’est plus qu’une réédition de celle de l’Osvobojdénié ? Que vous vous trouvez (malgré vous et sans que vous vous en doutiez) à la remorque de la bourgeoisie monarchiste ? Vous rendez vous compte maintenant qu’en ressassant les vieilles vérités et en vous perfectionnant dans la casuistique, vous avez perdu de vue que, pour nous servir des termes inoubliables de l’inoubliable article de Pierre Strouvé, « le caractère déclaré des actions révolutionnaires est aujourd’hui une des conditions les plus importantes de l’influence éducatrice exercée sur les masses populaires » ?

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