De la guerre prolongée
Mao Zedong
La guerre et la politique
- « La guerre est la continuation de la politique. » En ce sens, la guerre, c’est la politique ; elle est donc en elle-même un acte politique ; depuis les temps les plus anciens, il n’y a jamais eu de guerre qui n’ait eu un caractère politique.
La Guerre de Résistance est une guerre révolutionnaire de toute la nation.
La victoire y est inséparable des buts politiques de la guerre — expulsion des impérialistes japonais et édification d’une Chine nouvelle où règnent la liberté et l’égalité, inséparable de la ligne générale qui consiste à poursuivre résolument la guerre et à appliquer fermement la politique de front uni, inséparable de la mobilisation du peuple entier, inséparable des principes politiques de l’unité entre les officiers et les soldats, de l’unité entre l’armée et le peuple et de la désagrégation des troupes ennemies, inséparable de la bonne application de la politique de front uni, inséparable d’une mobilisation culturelle, inséparable des efforts pour s’assurer l’aide internationale et le soutien du peuple du pays ennemi.
En un mot, il n’est pas possible de séparer une seule minute la guerre de la politique.
Chez les militaires qui font la Guerre de Résistance, toute tendance à sous-estimer la politique, en isolant la guerre de la politique et en considérant la guerre dans l’absolu, est erronée et doit être corrigée.
- Mais la guerre a aussi ses caractères spécifiques. En ce sens, elle n’est pas identique à la politique en général. « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens((. »Voir V. I. Lénine : « Le Socialisme et la guerre », chapitre Ier, et « La Faillite de la IIe Internationale », section III, Œuvres, tome 21.)) ».
Une guerre éclate pour lever les obstacles qui se dressent sur la voie de la politique, quand celle-ci a atteint un certain stade qui ne peut être dépassé par les moyens habituels.
Par exemple, la situation de semi-indépendance de la Chine est devenue un obstacle au développement de la politique de l’impérialisme japonais, le Japon a donc entrepris une guerre d’agression pour lever cet obstacle. Qu’en est-il pour la Chine ?
Il y a déjà longtemps que le joug impérialiste est devenu un obstacle sur la voie de la révolution démocratique bourgeoise en Chine.
C’est pourquoi maintes guerres de libération s’y sont produites, qui ont traduit les efforts en vue d’éliminer cet obstacle.
Le Japon recourt maintenant à la guerre pour opprimer la Chine dans l’intention de barrer complètement la route à l’essor de la révolution chinoise ; aussi sommes-nous obligés de mener la Guerre de Résistance avec la ferme volonté de lever cet obstacle sur notre chemin.
Lorsque l’obstacle est levé et le but politique atteint, la guerre prend fin.
Tant que l’obstacle n’est pas complètement levé, il faut poursuivre la guerre jusqu’à ce qu’elle atteigne son but politique.
S’il se trouvait par exemple des gens pour essayer d’entrer en compromis avec l’ennemi avant la réalisation des tâches de la Guerre de Résistance, il ne sortirait absolument rien de leurs tentatives ; car même si, pour une raison ou pour une autre, ils parvenaient à leurs fins, la guerre éclaterait de nouveau : les larges masses de la population n’accepteraient pas cette issue de la guerre et entreprendraient certainement de poursuivre cette guerre plus avant, jusqu’à complète réalisation de ses buts politiques.
C’est pourquoi l’on peut dire que la politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique avec effusion de sang.
- Les caractères spécifiques de la guerre donnent naissance à un ensemble d’organismes spécifiques, à une série de méthodes spécifiques et à un processus particulier propres à la guerre.
Les organismes de la guerre sont l’armée et tout ce qui s’y rapporte. Les méthodes sont la stratégie et la tactique qui servent à diriger les opérations militaires.
Le processus est la forme spécifique d’activité sociale dans laquelle chacune des parties belligérantes attaque ou se défend en appliquant une stratégie et une tactique avantageuses pour elle-même et désavantageuses pour l’adversaire.
C’est pourquoi l’expérience de la guerre est une expérience spécifique. Tous ceux qui prennent part à la guerre doivent renoncer aux habitudes du temps de paix et s’adapter à la guerre, s’ils veulent y remporter la victoire.