Une nouvelle année, un nouveau nous
Front Militant Stonewall
2018
L’organisation anciennement connue sous le nom de “RATPAC” est maintenant le STONEWALL MILITANT FRONT.
Nous avons consolidé notre compréhension de base du patriarcat sous le capitalisme et ses relations avec les femmes et les personnes LGBT. Cette tâche a été prise pour débarrasser notre politique du libéralisme et du postmodernisme, et pour soutenir le féminisme prolétarien à la place de la politique d’identité. Pour cette raison, nous ne nous organiserons plus exclusivement sur des lignes d’identité trans, mais plutôt sur la base de notre compréhension politique de l’aspect secondaire du patriarcat sous le capitalisme (défini ci-dessous). Ce n’est pas simplement un élargissement de nos effectifs, mais l’amélioration de notre politique pour être plus capable de combattre notre oppression et mener une révolution. C’est le produit d’années d’étude, de travail et de combat.
Cette compréhension théorique est grossièrement résumée ci-dessous. Un document théorique plus approfondi et précis sur ce sujet viendra le moment venu. Le nom de notre page va changer dans un avenir proche.
RATPAC LAISSE PLACE AU STONEWALL MILITANT FRONT
RATPAC est né en mars 2015 avec un peu plus d’une poignée de membres et un désir de voir la fin de l’oppression des personnes trans. Nous manquions de tout type de vues consolidées sur la façon d’accomplir ceci ou ce que cela signifiait vraiment, mais nous étions d’accord sur une chose: le capitalisme est l’ennemi de la grande majorité exploitée des personnes trans et il doit être détruit. Au cours de ces dernières années, nous avons dû faire face à de nombreuses défaites et de nombreuses victoires, nous avons lutté avec ardeur, parfois juste pour rester à flot, et nous avons grandi en nombre et en précision politique. Nous avons rompu avec de nombreuses idées incorrectes et pris de nombreuses mesures en tant qu’organisation; nous avons rejeté et établi des lignes fermes contre le libéralisme des organisations à but non lucratif, des ONG et autres – et nous avons accepté la nécessité du militantisme et de la discipline dans notre lutte. Le prochain grand pas en avant pour nous est de faire une démarcation claire entre nous, en tant que véritable organisation révolutionnaire, et ceux dont les politiques offriraient aux gens trans tout sauf le pouvoir.
Le postmodernisme n’a pas la capacité de comprendre qu’il existe une contradiction fondamentale sur la fonction de notre société entre la classe ouvrière et la classe dirigeante, que tout ce que nous faisons en tant que personnes vivant dans cette société sera en faveur d’une classe ou de l’autre, et ce conflit est la principale force motrice du capitalisme. Toutes les itérations d’oppressions, telles que la suprématie blanche et le patriarcat, sont destinées à servir la classe dirigeante et à maintenir la distribution actuelle du pouvoir. Au lieu de cela, le postmodernisme cherche à diviser sans cesse les personnes et les «réalités» en fonction de leurs identités. Il rejette l’idée de vérités objectives qui peuvent et doivent être profondément étudiées et comprises indépendamment de nos fantaisies individuelles, et laisse les gens seulement voir leurs propres «expériences vécues» comme étant la vérité. La politique d’identité (ou ce qu’on peut appeler l’opportunisme identitaire ou le réductionnisme identitaire) est un produit direct de ce postmodernisme politique, et doit donc être éliminé. Ces politiques cherchent à centrer les «voix» sur l’identité plutôt que de centrer sur une ligne politique capable d’assumer les conditions objectives auxquelles nous sommes confrontés, en substituant la politique aux identités individuelles et aux expériences.
Avec ceci est apparu le jargon de «démêler» ou de «déconstruire» ce qui est faussement décrit comme des systèmes d’oppression distincts mais entrecroisés à travers divers changements individuels que nous pouvons apporter à nos comportements et notre langage basé sur l’identité. Les formes organisationnelles les plus élevées de ces politiques sont représentées par des ONG et des organisations à but non lucratif, favorables au capitalisme, qui adoptent désormais librement ce langage de soi-disant justice sociale. Cela a créé peu de choses au-delà de carrières soi-disant progressistes ou d’articles moralisateurs, et une sous-culture égoïste qu’on retrouve sur internet et sur les campus universitaires.
Les gens qui défendent avec ferveur ces politiques sont souvent reconnaissables par leur capacité à maudir presque tout ce qui est révolutionnaire. Cela leur est facile puisque leur politique représente en réalité la liquidation de la révolution.
Nous sommes prêts à tracer une ligne de démarcation et à nous armer contre la droite et les libéraux idéalistes. Sans un point de vue vraiment matérialiste, nous échouerons absolument. Le postmodernisme politique est le résultat idéologique de la petite-bourgeoisie qui n’a aucun lien concret avec la production du monde qui l’entoure, tout comme ses politiques. Nous n’avons pas un tel luxe. Nous devons reconnaître notre place dans cette vision plus large si nous voulons vraiment voir un changement et cela nécessite une analyse approfondie de ce qu’est l’oppression des LGBT, comment elle se manifeste et qui en est affecté. Nous voyons cela comme distinct de la façon dont toute organisation postmoderne et libérale s’oriente de deux manières: premièrement, nous rejetons l’idée que les mauvaises personnes et les microagressions sont la source de l’oppression, nous comprenons la relation entre l’oppression des LGBT et le capitalisme. Et deuxièmement nous rejetons complètement la politique d’identité et voyons cela comme une manière désespérée de s’organiser. Nous comprenons que même si nos identités peuvent éclairer notre vision du monde, nos «expériences vécues» sont subordonnées à l’oppression de classe et cela doit être pris en compte dans notre organisation. Le seul moyen de détruire efficacement l’oppression dont sont victimes les personnes LGBT est de la comprendre réellement telle qu’elle existe en réalité dans le cadre de la machinerie de la société capitaliste tout entière. Tout le reste est une trahison politique envers les personnes trans.
Avec ces vérités à l’esprit, nous avons approché la tâche de consolider notre compréhension politique générale du patriarcat sous le capitalisme, comment cela se rapporte aux femmes et aux personnes LGBT, et comment ses conclusions doivent informer notre nouvelle forme et direction organisationnelles.
LE BUT DU PATRIARCAT
Le but du patriarcat sous le capitalisme est de maintenir un ensemble particulier de relations de travail qui servent la classe capitaliste, en maintenant et en reproduisant le système capitaliste dans son ensemble.
La pierre angulaire des relations patriarcales dans tout système de classe a été la division du travail productif et reproductif. Dans les modes de production antérieur au capitalisme, c’était strictement pour l’accomplissement des tâches reproductives: s’assurer que chaque nouvelle génération naisse et se s’élève avec succès pour remplacer la génération précédente et maintenir la santé et “l’entretien général” de tous les participants économiques.
À l’ère du capitalisme, et en particulier de l’impérialisme, les exigences du capital ont amené les femmes sur le marché du travail et il existe maintenant un travail reproductif salarié et des femmes qui s’engagent également dans le travail productif. Dans ce contexte, le patriarcat est apparu pour une deuxième tâche: créer une section spéciale de la main-d’œuvre, extra-opprimée, qui puisse être plus profondément exploitée, souvent seulement considérée comme appropriée pour certaines des tâches les moins respectées et moins payées, tout en assurant que les tâches reproductives originales sont encore largement accomplies.
L’attribution du genre (masculin / féminin) à la naissance dans sa forme la plus moderne est née de la division du travail productif / reproductif et de la subjugation du travail reproductif. C’est le moyen par lequel les humains sont mis en place pour se préparer à assumer des positions économiques et sociales fondamentales pour servir le capitalisme, aussi bien dans la vie hors foyer que dans la vie au sein de l’unité économique de la famille nucléaire.
L’ASPECT PRINCIPAL DU PATRIARCAT SOUS LE CAPITALISME
L’aspect principal de l’oppression patriarcale est celui des femmes en tant que rôle social. Il n’est pas basé sur les organes génitaux ni sur l’identité personnelle d’un individu, mais est constamment déterminé et défini par son existence sous le capitalisme. Étant donné que nous comprenons le but de l’assignation de genre masculin / féminin dans la société capitaliste, nous pouvons savoir que cette oppression fait face à toute personne perçue socialement comme assignée femme à la naissance (AFAB).
Le suivi social continu et l’action sur ceux qui sont perçus comme AFAB sont la manière dont la société continue, même après la naissance, à assigner le genre. La perception d’être AFAB et d’être ainsi continuellement assigné «femme» devient la base par laquelle la société capitaliste voit une personne comme capable, et donc exige d’elle, de maintenir son aspect d’«assigné femme» envers la division du travail, et envers toutes les divisions générées par les idées et les attentes à l’égard des femmes qui l’accompagnent: promouvoir les tâches reproductives et certains postes de travail «acceptables», occuper un poste particulier dans une famille nucléaire et assumer certains rôles sociaux (et sexuels).
De manière concise, nous savons que l’assignation du genre masculin / féminin provient de la division du travail productif et reproductif, et que, avec ceux-ci, une foule de rôles et de façons de traiter particulières accompagnaient chacune de ces tâches. Nous savons qu’il s’agit de remplir certaines tâches économiques et une relation de travail particulière, et de les reproduire dans la société capitaliste encore et encore. Ce sont les gens qui sont socialement perçus comme AFAB (et qui sont donc de plus en plus souvent «assignés femme») qui sont les principaux sujets de l’aspect principal de l’oppression patriarcale sous le capitalisme.
Dans cette compréhension, cela signifie que toutes les personnes AFAB ne passent pas leur vie comme sujet principal de l’aspect principal du patriarcat. Cela signifie également que toutes les personnes qui sont le sujet principal de l’aspect principal du patriarcat ne sont pas AFAB. Toutes les femmes ne sont pas confrontées à cet aspect principal du patriarcat, et ceux qui sont confrontées à cet aspect ne sont pas toutes des femmes. Ce n’est ni les organes génitaux, ni l’identité qui déterminent la vie en tant que sujet principal de l’aspect principal du patriarcat, mais l’existence sociale sous le capitalisme.
L’ASPECT SECONDAIRE DU PATRIARCAT
L’aspect secondaire de l’oppression patriarcale est ce que nous pourrions appeler l’oppression de la déviation par rapport aux rôles assignés codifiés correspondant à l’assignation de genre perçue. Ceci aussi est destiné à soutenir un ensemble très particulier de relations sociales qui correspondent aux relations de production (la division homme / femme et la division du travail productif et reproductif).
Nous pouvons décrire cette déviation dans un contexte social qui se produit lorsque quelqu’un est perçu comme étant assigné à un genre à la naissance, mais s’est conformé selon des degrés et des quantités variables aux relations sociales et aux attributs de l’assignation de genre qui lui sont propres.
Cela peut être dans la présentation et le maniérisme (qui agit contre la codification de leur genre attribué perçu) ou dans la façon dont il a des relations sexuelles (si c’est perçu comme ne promouvant pas la reproduction et l’unité économique de la famille nucléaire).
Chaque personne reçoit généralement des éléments de cet aspect du patriarcat dans le cadre de l’assignation de genre et de la socialisation / discipline, étant donné qu’ils sont prêts à assumer les rôles sociaux et économiques correspondants. Cependant, quand nous regardons d’un point de vue général, nous voyons un paysage dans lequel le sujet principal de cet aspect secondaire de l’oppression patriarcale sont les personnes LGBT. En fait, c’est cet aspect secondaire de l’oppression patriarcale qui nous permet de parler des LGBT avec n’importe quelle spécificité. Cependant, le fait d’identifier clairement ou d’être défini comme LGBT n’est pas déterminant pour savoir qui est confronté à cet aspect du patriarcat. Encore une fois, il s’agit d’une structure existant indépendamment de l’identité, et nous ne pouvons la détruire qu’en la comprenant telle qu’elle existe indépendamment de l’identité.
C’est cet aspect du patriarcat qui le plus défini les frontières sociales entre les rôles correspondants de la division du travail, et voit une telle «déviance» comme minant les idées, les suppositions, les héritages et le «bon sens» qui doivent continuellement être reproduits pour que le patriarcat puisse exister.
Pour les femmes transgenres qui se voient généralement assigner homme à la naissance, elles peuvent être considérées comme des hommes qui trahissent la tâche collective de dominer sexuellement les femmes, se dérobant socialement et économiquement, ou menacent les fondements les plus vitaux des “aspects inhérents du sexe assigné” qui fait que les hommes hétérosexuels sentent que leur façon d’être et de voir le monde (y compris eux-mêmes et les femmes) est “naturelle “.
Les lesbiennes peuvent être confrontées au mépris pour être perçues comme « dépassant leurs limites » en tant que femmes et en limitant la portée du marché concurrentiel de la domination sexuelle par les hommes. De même, les lesbiennes butch peuvent être vues avec mépris pour la façon dont leur expression et leur façon de s’habiller se dérobent à la considération ou à la « disponibilité » pour la consommation sexuelle par les hommes.
Il y a des exemples innombrables à des degrés d’intensité variable où l’on peut voir les personnes LGBT et même d’autres face à l’aspect secondaire de l’oppression patriarcale. Et en fait, nous pouvons voir que dans cet aspect du patriarcat, ce que nous comprenons comme la force motrice de la violence, de l’exploitation et de la subjugation des personnes trans est en réalité partagé AU DELA des identités. En effet, l’aspect secondaire de l’oppression patriarcale, tout comme l’aspect principal, est fondé sur le maintien de relations économiques et sociales correspondantes, et non sur l’identité ou les organes génitaux.
VIVE LE STONEWALL MILITANT FRONT
Afin d’agir sur notre compréhension théorique nouvellement adoptée de l’oppression patriarcale et la façon dont elle affecte les personnes LGBT, nous devons changer la façon dont nous nous organisons. L’apogée du travail et de l’étude de RATPAC a fait place à une forme nouvelle et plus efficace, qui à partir de maintenant sera connu sous le nom de Stonewall Militant Front. Le SMF est une organisation basée sur une conscience sociale partagée due à un ensemble de conditions sociales communes; nous rejetons l’organisation sur la base de l’identité et cherchons à faire tomber le poids mort du libéralisme dans l’accomplissement de notre tâche. Nous chercherons plutôt à unir tous ceux qui peuvent être unis sur des lignes politiques plus scientifiques et révolutionnaires en abordant l’aspect secondaire du patriarcat sous le capitalisme. Il est logique qu’un tel projet ait été forgé par des personnes trans de la classe ouvrière, mais cela n’a aucun sens de rester exclusif sur une base identitaire.
Le nom Stonewall Militant Front a été délibérément choisi par nos membres comme un nom qui puise vers nos racines historiques et nos liens communs tout en s’engageant vers un avenir militant et révolutionnaire. Les émeutes de Stonewall ont vu les personnes LGBT se battre contre les soldats de l’Etat capitaliste et l’oppression patriarcale qu’ils appliquaient. L’esprit violemment rebelle est souligné par le mot “militant”. La mémoire de Stonewall a été cooptée par les libéraux, tout comme les libéraux ont tenté de coopter le concept de révolution. Enfin, “front” signifie que nous souhaitons aller au-delà de Stonewall. Stonewall était un exemple spontané de l’esprit de combat et des capacités des masses LGBT. Nous avons besoin de cet esprit et d’une violence juste pour être organisé, discipliné, et pour atteindre notre objectif prolongé qui est de gagner le pouvoir et de détruire le capitalisme.
L’adoption de cette théorisation et la fondation du SMF représente une continuité et une rupture simultanées. Nous avons été fondés pour faire face à l’oppression patriarcale des personnes trans sous le capitalisme, et nous continuerons à le faire. Nous le ferons mieux que jamais en allant de l’avant. Cependant, la création du SMF est également une rupture. C’est un changement de direction, engagé vers un mode d’organisation plus correct et plus efficace basé sur la réalité concrète. C’est un rejet du réductionnisme d’identité stérile qui nuit à la «scène» LGBT depuis trop longtemps, un refus de reléguer notre rage aux organismes sans but lucratif, aux espaces “sûrs” ou aux discours académiques étrangers aux intérêts de notre classe. C’est un engagement à vraiment faire la révolution et à forger un militantisme unifié qui menacera les fondements mêmes de ceux qui nous oppriment. VIVE LE STONEWALL MILITANT FRONT.