Les Cahiers de Contre-Enseignement Prolétarien
#12 – Marx et l’Éducation
5. Maîtrise de la science et discipline consciente.
Comme nous l’avons vu plus haut, Marx accordait une très grande importance à l’éducation intellectuelle, c’est-à-dire générale, et à la formation morale prolétarienne. Dans la résolution du congrès de Genève de la Première Internationale, Marx parle d’un système d’éducation « qui élèvera la classe ouvrière bien au-dessus des classes supérieures et moyennes » au point de vue du niveau de culture. Mais ce nouveau système d’éducation ne se constitue que grâce à la révolution prolétarienne, « indispensable non seulement parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de renverser la classe dominante, mais aussi parce que la classe révolutionnaire ne peut se débarrasser de toutes les ordures de l’ancienne société et ne peut devenir capable de créer la société nouvelle qu’au cours de la révolution » (Archives, I, p. 227). De là la nécessité d’avoir un large horizon intellectuel et d’acquérir la pleine disposition de toutes les conquêtes de la science contemporaine.
Marx attribuait proprement une importance très grande à l’école. Tout le chapitre XIII du Capital est consacré aux faits d’exploitation, de mutilation des enfants, aux subterfuges employés par les capitalistes pour empêcher les enfants des ouvriers d’aller à l’école, pour abréger la durée de leurs études, etc.
Loin de parler d’un futur « dépérissement » de l’école, Marx, tout en constatant la situation misérable de l’école en régime capitaliste, avec son instituteur mal instruit et mal payé, réclamait l’établissement d’un nouveau système d’éducation et d’instruction après « l’inévitable conquête du pouvoir par la classe ouvrière », c’est-à-dire, en dernière analyse, l’organisation de l’école nouvelle. Et même en régime capitaliste, Marx notait l’importance des écoles pour les ouvriers, car il y voyait les rudiments de la future école polytechnique.
Si indigents que fussent dans leur ensemble les paragraphes de la loi ouvrière concernant l’éducation des jeunes ouvriers, ils ont cependant proclamé que l’instruction élémentaire est la condition obligatoire de l’emploi du travail des enfants. Leur succès a prouvé pour la première fois la possibilité d’unir l’enseignement au travail physique et à la gymnastique. Les enfants travaillant à l’usine étudient deux fois moins que les élèves ordinaires, et pourtant ils arrivent à des résultats analogues ou même supérieurs.
Marx relève avec colère des faits tels que celui-ci : « Dans certaines parties de l’Angleterre, il est encore interdit aux parents pauvres, sous peine d’être réduits à mourir de faim, d’instruire leurs enfants ».
II est clair qu’aux yeux de Marx la future éducation des enfants ne sera possible que par le moyen de l’instruction publique, de l’école. C’est pourquoi tous les discours des « gauchistes » d’U.R.S.S. sur « le dépérissement de l’école », sur « le large processus pédagogique de l’usine et des kolkhoz », sur « le milieu pédagogique » que l’usine constituerait par elle-même, sont en contradiction foncière avec la doctrine de Marx.
Bâtir tout l’enseignement sur l’expérience de l’enfant, cela revient à rétrécir et à abaisser l’enseignement théorique et à dissoudre la théorie dans la pratique de l’enfant isolé. Comme on sait, c’est la conception de Dewey, basée sur la philosophie du pragmatisme. C’est de cette théorie de l’enseignement fondé exclusivement sur l’expérience et la pratique de l’enfant que sont issues la méthode des « projets » comme méthode exclusive et la théorie du « dépérissement » de l’école.
Dire qu’il faut éliminer l’instituteur, c’est aller contre Marx, qui souligne avec insistance l’union de l’enseignement théorique avec le travail productif et la gymnastique. Le polytechnisme ne saurait être détaché d’une solide acquisition méthodique des sciences, ni de la lutte pour une discipline consciente vis-à-vis des études.
Devant la jeunesse, Lénine posait toujours, d’une part, la question de la lutte contre l’ancienne école verbaliste qui servait à dresser des serviteurs pour la bourgeoisie, mais, d’autre part, aussi la nécessité pour les jeunes communistes d’acquérir la maîtrise de la science moderne et d’organiser parmi eux la « discipline consciente », la « volonté unique » et la « cohésion », sans quoi « nous serions immanquablement battus ».
C’est au cours de cette lutte sur les deux fronts que s’édifie l’école soviétique, en accord avec les thèses de Marx sur la formation d’Hommes harmonieusement développés.