Les Cahiers de Contre-Enseignement prolétarien
#9 – Les manuels d’histoire et la guerre impérialiste
I. L’enseignement de l’histoire et la guerre impérialiste de 1914-1918
Dans sa brochure l’École laïque contre la classe ouvrière, notre camarade J. Boyer écrivait : « Qui donc a préparé pendant 33 ans les cerveaux des travailleurs à l’idée de la revanche de 1870-71, de la reprise de l’Alsace-Lorraine ? Qui donc les a préparés à accepter l’ignoble tuerie, à se faire massacrer pour le capitalisme français ? C’est l’école laïque bourgeoise, rivalisant de zèle sur ce point avec l’école congréganiste. C’est l’instituteur français, pauvre crâne bourré chargé de bourrer les crânes, rivalisant de zèle sur ce point avec le curé du village. » Tous ceux qui se souviennent de l’enseignement donné avant 1914 dans les écoles normales comme dans les écoles primaires, diront que c’est là la constatation de l’exacte vérité.
À l’école normale, tout l’enseignement de l’histoire tendait à exalter les sentiments chauvins. Non seulement professeurs et manuels y contribuaient, mais des officiers étaient introduits dans les classes pour y faire des conférences sur « le devoir militaire » et autres sujets du même genre.
Les normaliens étaient naturellement invités à donner à leur enseignement de l’histoire un caractère nationaliste. « Le maître enseignant l’histoire à ses élèves doit chercher avant tout à développer le patriotisme et à former le citoyen de demain », disait M. Gasquet aux normaliens d’Auteuil.
Les programmes et, plus encore, les manuels étaient conçus dans cet esprit. Nous rappellerons seulement le manuel de Lavisse, répandu dans un nombre considérable d’écoles, qui contenait une carte de la frontière de l’Est flanquée de l’Alsace-Lorraine formant une tache noire en signe de deuil, avec toute sorte de paroles attendries sur les « chères provinces perdues » et de paroles de haine à l’égard de l’Allemagne spoliatrice. Ainsi étaient préparés les esprits à l’acceptation de la « guerre du droit et de la liberté » (?), guerre « pour la libération des peuples opprimés » (?), guerre monstrueuse où périrent un million cinq cent mille Français qui, selon la parole d’Anatole France, « crurent mourir pour la patrie et moururent pour les industriels »,
Les manuels chauvins pendant la Grande Guerre
Pendant toute la grande guerre, ce fut le délire chauvin dans toute sa hideur qui pénétra à l’école. Responsabilité de la guerre uniquement attribuée à l’Allemagne, couplets sur les « Boches » barbares et sanguinaires, semblables aux Huns d’Attila, détruisant tout sur leur passage, coupant les arbres et les mains des petits enfants; nécessité de poursuivre la guerre « jusqu’au bout », pour mettre hors de cause à tout jamais la « nation de proie » ; condamnation des « défaitistes » coupables de songer à arrêter la guerre, tout cela apparut dans les cours et les manuels d’histoire. L’enseignement de l’histoire ne fut qu’une permanente excitation à la haine de l’ennemi et, au massacre des ouvriers et paysans allemands.