Les Cahiers de Contre-Enseignement prolétarien
#9 – Les manuels d’histoire et la guerre impérialiste
II. Préparation à la guerre impérialiste par les manuels d’histoire
6. Préparation à la guerre contre l’U.R.S.S.
En 1917, guidés par Lénine et le parti bolchévik, les ouvriers et les paysans russes refusèrent de continuer à se faire massacrer pour le tsarisme et le capitalisme russes, refusèrent de continuer à massacrer les ouvriers et les paysans des autres nations. Bien mieux, après avoir quitté leurs tranchées, ils retournèrent leurs armes contre leurs oppresseurs, contre les criminels qui les avaient engagés dans la guerre. Ils renversèrent le tsarisme et le capitalisme à la fois, créèrent les soviets (ou conseils) d’ouvriers, de paysans et de soldats, s’emparèrent des terres des seigneurs et des usines capitalistes. En un mot, ils transformèrent la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire.
Cet exemple magnifique donné aux autres peuples devait valoir à la Révolution russe la haine des puissances capitalistes. Les Allemands en 1918, les Alliés en 1919, 1920 et 1921, soutenant les contre-révolutionnaires Russes-blancs, tentèrent en vain par leurs interventions d’écraser cette révolution. Depuis l’échec de ces interventions, la haine des puissances capitalistes contre FU.R.S.S. n’a pas désarmé, d’autant plus que celle-ci, par l’effort gigantesque du plan quinquennal, marche à pas de géant dans la construction du socialisme, alors que le capitalisme de tous les continents est ébranlé jusqu’en ses fondements par une crise économique d’une profondeur inouïe. Le double désir de trouver un nouveau débouché à leurs industries dans ce pays occupant un sixième du globe et peuple de 165 millions d’habitants, et de détruire ce gouvernement bolchévik qui a donné au monde l’exemple de la possibilité de détruire le capitalisme, pousse les puissances capitalistes, malgré les rivalités qui les opposent, à s’unir pour écraser l’U.R.S.S. L’impérialisme français, dominant depuis la grande guerre sur le continent européen, appuyé sur ses États vassaux : Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Belgique, est naturellement à la tête de la préparation à la guerre contre l’U.R.S.S. Des généraux français organisent les armées polonaises, roumaines, tchécoslovaques, en vue de l’attaque éventuelle de l’U.R.S.S., et les usines de guerre françaises leur fournissent des munitions. La France est l’alliée du Japon qui, par l’occupation de la Mandchourie, menace dangereusement l’U.R.S.S. Le gouvernement soutient et encourage les organisations de Russes blancs qui préparent ouvertement, avec son concours, l’intervention antibolchévik.
Il est donc naturel que les manuels scolaires contribuent à préparer la guerre contre l’U.R.S.S. La glorieuse révolution russe y est représentée comme une trahison criminelle, le régime bolchévik comme une effroyable dictature. Tout est mis en œuvre pour donner à l’enfant la haine du communisme et de l’U.R.S.S.
Lavisse, Cours moyen, présente ainsi la révolution russe :
Puis la Russie abandonna ses alliés. En mars 1917, le tsar avait été renversé par une révolution : l’armée russe ne voulut plus se battre et se débanda. Les révolutionnaires russes firent bientôt la paix avec l’Allemagne (3 mars 1918) en acceptant toutes les conditions allemandes (p. 258).
L’auteur oublie volontairement de dire un seul mot des causes de la révolution russe, de l’exploitation honteuse des ouvriers et paysans russes sous le tsarisme, de leurs souffrances inouïes pendant la guerre, de leur volonté unanime de paix.
Il oublie volontairement de signaler qu’avant d’ « abandonner » les alliés en signant la paix avec l’Allemagne, les bolcheviks firent à tous les belligérants des propositions de paix générale qui correspondaient au désir unanime des peuples écrasés, saignés et ruinés par la guerre, mais qui furent repoussées par les gouvernements français et anglais, grâce auxquels le massacre se poursuivit une année encore.
Il évite aussi de dire un seul mot sur la chute du capitalisme en U.R.S.S. et la profonde transformation économique et sociale qui en fut la conséquence. La masse des enfants du peuple, qui n’ira plus en classe après douze ou treize ans, doit sortir de l’école en ignorant les caractères essentiels de cette révolution gigantesque, le plus grand événement du début du XXème siècle qui sera pour ce siècle ce que la Révolution française fut pour le XIXème.
Les mêmes oublis (?) sont dans presque tous les manuels.
Gauthier, Deschamps, Aymard, Cours moyen, écrit:
En mars 1917, le tsar de Russie fut détrôné. Les révolutionnaires, maîtres du pouvoir, signèrent la paix avec l’Allemagne. L’intervention américaine remédia heureusement au grand péril causé par la défection des Russes (p. 256).
Des États nouveaux se formaient (p. 256) (pas un mot sur l’U.R S.S.).
Guiot et Mane, Cours moyen, est encore plus odieux et ose reprendre la vieille légende des bolchéviks payés par l’Allemagne pour faire la révolution :
Une révolution renverse le tsar Nicolas II (mars 1917), Voilà la Russie effondrée. Livrée à d’obscures et criminelles personnalités, aux gages de l’Allemagne, elle signe le déshonorant traité de Brest-Litovsk (février 1918) (p. 285).
Calvet, Cours moyen et supérieur, signale simplement que « les Allemands avaient signé la paix avec la Russie en 1917 à la suite d’une révolution politique et sociale qui s’était accomplie dans ce pays » (p. 316). Mais dans deux pages sur « l’Europe actuelle » (p. 320), il n’est pas question de I’U.R.S.S.
Brossolette, Cours moyen, montre une réserve complète : pas un seul mot sur la révolution russe ! Il écrit simplement : « Les Russes, nos alliés, ont cessé la lutte (p. 250).
Bogie et Despiques, Cours moyen (édition 1926) écrit : « La Russie n’est pas sortie du chaos » (p. 292).
Pomot et Besseige, Cours moyen, donne au paragraphe sur la révolution russe de 1917 le titre : « Les Russes nous abandonnent ».
Duvillage, Cours élémentaire et moyen, écrit plus honnêtement : « En mars 1917, les ouvriers et les soldats russes firent une révolution. Ils renversèrent le gouvernement du tsar et refusèrent de continuer la guerre ». Mais il ne dit rien non plus sur le caractère socialiste de la révolution russe, Même la Nouvelle histoire de France, Cours moyen, de la Fédération unitaire de l’Enseignement — sans doute par un souci de neutralité qui n’est qu’un reste d’éducation bourgeoise et cache en réalité la crainte opportuniste d’affirmer la vérité révolutionnaire — se montre singulièrement discrète pour expliquer et caractériser la révolution russe. On y lit :
Les Russes avaient d’abord pénétré en Prusse orientale, mais mal armés, trahis, ils furent battus et se révoltèrent. En mars 1917, la révolution éclata à Pétrograd, la république fut proclamée. Le nouveau gouvernement, trop faible, ne sut ni continuer la guerre, ni la cesser. En octobre, le parti bolchévik prit le pouvoir et signa la paix avec l’Allemagne (p. 346).
Il est faux de présenter le gouvernement de Kérensky comme n’ayant su « ni continuer la guerre, ni la cesser ». C’est dissimuler — pourquoi ? — que Kérensky tenta de continuer la guerre criminelle (offensive de juillet 1917) contrairement à la volonté profonde des ouvriers et paysans russes. Il est à peine croyable que rien ne soit dit sur la révolution économique et sociale opérée par les bolchéviks et que, dans le paragraphe sur « l’Europe nouvelle » (p. 348), on ne trouve pas un seul mot sur l’U.R.S.S. Pareil silence dans un manuel qui se prétend « révolutionnaire » est une véritable trahison de la cause révolutionnaire, car il justifie les silences et donne libre cours aux calomnies contre l’U.R.S.S. des autres manuels au service de la bourgeoisie.