Textes de bases du PCm
Parti Communiste Maoïste (PCm)
I. Marxisme-Léninisme-Maoïsme
4. Mao pose le troisième jalon du marxisme
Dans un pays immense, majoritairement paysan et encore très marqué par le féodalisme, dominé par l’impérialisme, Mao, à la tête du Parti Communiste de Chine, dirigea un long processus révolutionnaire qui aboutira en 1949 à la prise du pouvoir par la classe ouvrière et la paysannerie. Sur cette base et en tenant compte des spécificités de la Chine, Mao, le PCC et les masses populaires édifieront le socialisme poussant plus avant l’expérience historique de la dictature du prolétariat.
1. La longue lutte pour la libération de la Chine
L’histoire de Chine témoigne de nombreuses révoltes paysannes, mais c’est en 1919, par le mouvement du 4 mai, que l’alliance entre le prolétariat, la petite-bourgeoisie, les intellectuels et une partie de la bourgeoisie nationale entre dans la lutte contre la domination impérialiste et pour l’indépendance nationale. A la faveur de la Révolution d’Octobre, le marxisme commence à pénétrer les masses, en premier lieu la classe ouvrière. Des groupes communistes se développent.
Le PCC est formé en 1921 à Shanghai lors de son 1er Congrès, avec 12 délégués ne représentant que 50 communistes pour un pays d’environ 450 millions. A partir de ce moment, le PCC entame le travail dans la classe ouvrière.
En 1923, le PCC décide de développer un front anti-impérialiste et antiféodal avec le Kuomintang, parti pour l’indépendance nationale, et décide d’y faire rentrer individuellement ses membres. Le Kuomintang est alors dirigé par Sun Yat-sen, sur la base des Trois Principes du Peuple -démocratie, nationalisme anti-impérialiste et bien-être du peuple- et se bat pour une République Démocratique contre les Seigneurs de la Guerre contrôlant principalement le Nord de la Chine. Mao décrit le caractère du KMT dans sa première période :
« Aussi longtemps qu’il suivit, dans la période du premier front uni, les trois thèses politiques fondamentales de Sun Yat-sen (alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux ouvriers et aux paysans), il conserva son caractère révolutionnaire et sa vigueur, il représenta l’alliance des différentes classes dans la révolution démocratique. »
Mao, De la contradiction, 1957
En 1925, le mouvement anti-impérialiste du 30 Mai rassemble les larges masses populaires. Le prolétariat et la paysannerie sont en effervescence.
En fin dialecticien matérialiste, Mao analyse en 1926 les classes de la société chinoise afin de tracer la ligne qui permettra au Parti d’avancer dans la voie révolutionnaire.
« Quels sont nos ennemis, quels sont nos amis ? C’est là une question d’une importance primordiale pour la révolution. Si, dans le passé, toutes les révolutions en Chine n’ont obtenu que peu de résultats, la raison essentielle en est qu’elles n’ont point réussi à unir autour d’elles leurs vrais amis pour porter des coups à leurs vrais ennemis.
Le parti révolutionnaire est le guide des masses, et jamais révolution n’a pu éviter l’échec quand ce parti a orienté les masses sur une voie fausse. Pour être sûrs de ne pas les conduire sur la voie fausse et remporter la victoire dans la révolution, nous devons absolument veiller à nous unir avec nos vrais amis pour porter des coups à nos vrais ennemis.
Et pour distinguer nos vrais amis de nos vrais ennemis, nous devons entreprendre une analyse générale des conditions économiques des diverses classes de la société chinoise et de leur attitude respective envers la révolution. »
Mao Zedong, Analyse des classes de la société chinoise, 1926
Dans ce document, Mao indique clairement :
« Il ressort de tout ce qui vient d’être dit que tous les seigneurs de guerre, les bureaucrates, les compradores et les gros propriétaires fonciers qui sont de mèche avec les impérialistes, de même que cette fraction réactionnaire des intellectuels qui en dépend, sont nos ennemis.
Le prolétariat industriel est la force dirigeante de notre révolution. Nos plus proches amis sont l’ensemble du semi-prolétariat [1) l’écrasante majorité des paysans semi-propriétaires ; 2) les paysans pauvres ; 3) les petits artisans ; 4) les commis ; 5) les marchands ambulants] et de la petite bourgeoisie. De la moyenne bourgeoisie toujours oscillante, l’aile droite peut être notre ennemie et l’aile gauche notre amie ; mais nous devons constamment prendre garde que cette dernière ne vienne désorganiser notre front. »
Son Rapport sur l’enquête dans le Hunan à propos du mouvement paysan, 1927, appuie d’autant plus la nécessité pour les communistes d’intervenir dans le mouvement paysan, d’en prendre la tête, en tant qu’allié principal du prolétariat dans la lutte révolutionnaire en Chine.
« Nous devons, au plus vite, mettre un terme à tous les propos contre le mouvement paysan et corriger les mesures erronées prises par les autorités révolutionnaires à l’égard de ce mouvement. C’est seulement ainsi qu’on pourra contribuer au développement futur de la révolution. Car l’essor actuel du mouvement paysan est un événement d’une extrême importance. Dans peu de temps, on verra dans les provinces du centre, du sud et du nord de la Chine des centaines de millions de paysans se dresser, impétueux, invincibles, tel l’ouragan, et aucune force ne pourra les retenir. Ils briseront toutes leurs chaînes et s’élanceront sur la voie de la libération. Ils creuseront le tombeau de tous les impérialistes, seigneurs de guerre, fonctionnaires corrompus et concussionnaires, despotes locaux et mauvais hobereaux. Ils mettront à l’épreuve tous les partis révolutionnaires, tous les camarades révolutionnaires, qui auront à prendre leur parti. Nous mettre à la tête des paysans et les diriger ? Rester derrière eux en nous contentant de les critiquer avec force gestes autoritaires ? Ou nous dresser devant eux pour les combattre ? Tout Chinois est libre de choisir une de ces trois voies, mais les événements obligent chacun à faire rapidement ce choix. »
La paysannerie n’étant pas une classe homogène, Mao distingue trois catégories de paysans -les riches, les moyens et les pauvres- la force principale étant les paysans pauvres.
Ce document fit clairement avancer le PCC, luttant contre les déviations de droite –la révolution démocratique doit être dirigée par la bourgeoisie, seule alliée du prolétariat- et de « gauche » – la classe ouvrière seule peut faire la révolution- et lui permit d’affiner sa ligne et ainsi son intervention dans les masses pour le développement du mouvement révolutionnaire. Mais les oppositions à la ligne défendue par Mao sont dominantes au sein du PCC, principalement basées sur la sous-estimation du rôle révolutionnaire de la paysannerie.
Ainsi, la sous-estimation du rôle révolutionnaire de paysannerie, la surestimation de la possibilité d’insurrections victorieuses dans les villes et la trop grande confiance dans le rôle révolutionnaire du KMT conduisent au massacre du mouvement ouvrier des villes de Shanghai et Canton en 1927 et au massacre des communistes suite à la trahison du KMT. Comme Mao l’indique :
« A partir de 1927, il [le KMT] se transforma en son contraire en devenant un bloc réactionnaire des propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie. »
Mao, De la contradiction, 1957
C’est la période de la première guerre civile révolutionnaire.
Sous l’impulsion de Mao qui n’avait pas jeté toutes ses forces dans les insurrections urbaines mais avait effectué un travail patient de développement d’une base rouge et des embryons de la future Armée Rouge, les communistes se regroupent dans les Monts Tsingkiang. En 1928, il publie Pourquoi le pouvoir rouge peut-il exister en Chine ? et La lutte dans les Monts Tsingkiang qui posent les bases de la stratégie de la Guerre Populaire ainsi que les tâches premières de la révolution, qui doit être une révolution démocratique bourgeoise sous la direction du prolétariat : renverser la domination de l’impérialisme et de ses alliés intérieurs (les compradores) et réaliser la révolution agraire contre le féodalisme. Le PCC développe alors des bases rouges dans les campagnes, conçues comme l’embryon du Nouveau Pouvoir, en s’appuyant sur la paysannerie révolutionnaire. Le KMT mène campagne d’anéantissement sur campagne d’anéantissement contre le PCC.
En 1931, les impérialistes japonais occupent le nord-est de la Chine. Pendant que les communistes résistent, le KMT continue d’attaquer le PCC. Cette même année, la République soviétique chinoise est proclamée dont Mao est élu Président.
Dès 1930, la ligne mettant l’accent sur les villes reprend de l’influence dans le PCC, ce qui aboutit à l’affaiblissement des bases rouges et des pertes énormes pour le mouvement révolutionnaire dans les villes. En 1934, encerclé par les armées du KMT, Mao lance la Longue Marche, qui durera un an pour 12000km. Sur environ 90 000 soldats de l’Armée Rouge, seuls 30 000 arrivent en vie au bout de ce parcours où ils furent harcelés constamment par les troupes du KMT. Mais la Longue Marche a semé les graines de la révolution dans de nombreuses provinces jusqu’alors hermétiques à l’influence communiste. A l’issue de la Longue Marche, Mao est nommé responsable du Parti sur la base de la ligne politique qu’il a développée, défendue et appliquée.
Anticipant l’intensification de la politique expansionniste des impérialistes japonais, Mao écrit en 1935 La tactique de la lutte contre l’impérialisme japonais. Il y établit la nécessité du développement d’un front uni national révolutionnaire dont l’objectif est l’établissement d’une république populaire composée non seulement de la classe ouvrière et la paysannerie mais également de la petite-bourgeoisie urbaine et de la bourgeoisie nationale, ces dernières pouvant être des alliées dans la lutte contre l’impérialisme japonais et la transformation de la Chine de semi-colonie en colonie. Il développe plus avant la tactique du Front Uni dans Les tâches du Parti Communiste Chinois dans la période de la résistance au Japon, 1937. La nécessité du Front Uni est basée sur l’analyse des contradictions internes et externes à la Chine. La contradiction principale devenant celle avec l’agression impérialiste du Japon, la tactique du Front Uni avec le KMT est nécessaire.
Principalement, il développe plus avant la conception de la Guerre Populaire adaptée aux conditions de la Chine dans Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine, 1936, Problèmes stratégiques de la guerre de partisans contre le Japon, 1938, et De la guerre prolongée, 1938. Il développe également la compréhension du matérialisme dialectique dans deux de ses ouvrages majeurs, De la pratique et De la contradiction en 1937, centrés sur la théorie de la connaissance et la dialectique afin de lutter contre le subjectivisme et le dogmatisme, alors rampants dans le Parti.
Le KMT accepte la proposition du PCC de former un front uni contre l’envahisseur japonais. Le rôle majeur du PCC dans la lutte antijaponaise lui amène un prestige que le KMT n’aura pas, préférant continuer d’attaquer les bases rouges communistes malgré les accords, ne participant pas à la même hauteur que les communistes dans la résistance nationale et étant miné par les lutte de fractions.
Dans Pour la parution de la revue Le Communiste, 1939, La révolution chinoise et le Parti Communiste Chinois, 1939 et La Démocratie Nouvelle, 1940, Mao caractérise plus avant les spécificités de la révolution chinoise et le concept de Révolution de Démocratie Nouvelle dans les pays semi-coloniaux et semi-féodaux comme la Chine. Elle se déroule en deux étapes : révolution démocratique puis révolution socialiste, sans interruption entre les deux phases. Cependant, Mao établit clairement que la révolution démocratique est en réalité une révolution de Démocratie Nouvelle dans le sens où elle n’est pas dirigée par la bourgeoisie mais
« dont les forces motrices fondamentales sont le prolétariat, la paysannerie et la petite bourgeoisie urbaine, et à laquelle participe, au cours de certaines périodes et dans une certaine mesure, la bourgeoisie nationale […]. »
Pour la parution de la revue Le Communiste
L’objectif de la démocratie nouvelle est la révolution socialiste et non la démocratie bourgeoise, ce qui implique que la classe ouvrière en est à la tête du début jusqu’à la fin.
« Du fait que la société chinoise actuelle est de caractère colonial, semi-colonial et semi-féodal, il est évident que la révolution doit s’accomplir en deux phases : la première consiste à transformer cette société en une société indépendante et démocratique ; la seconde, à développer plus avant la révolution et à édifier une société socialiste. La révolution chinoise en est à sa première phase. »
D’autre part, le contenu de la révolution de Démocratie Nouvelle est principalement anti-impérialiste et anti-féodal, d’où la nécessaire alliance avec les autres classes au caractère anti-impérialiste et anti-féodal, sans se leurrer sur leur vacillement constant, la classe ouvrière étant la classe devant diriger la révolution.
Mao affirme également de manière très claire le concept des trois « armes magiques » de la révolution que sont l’édification du Parti, le front uni, la lutte armée et leur articulation.
Suite à la capitulation du Japon en 1945, la lutte anti-japonaise prend fin. Le PCC sort fortifié de ces longues années de lutte, fortifié au niveau idéologique aussi bien que dans la pratique. De 30 000 soldats après la Longue Marche, l’Armée Rouge est passée à 1 million de membres. L’ennemi principal va changer, conséquemment au changement de la situation.
Au vu de l’importance militaire du KMT, soutenu par l’impérialisme américain, et au fait que le régime politique soit la dictature du parti unique du KMT, le PCC propose au KMT un gouvernement de coalition des différents partis ayant pris part à la résistance anti-japonaise.
Cette proposition reçoit l’approbation des masses populaires. Il s’agit également pour le PCC d’affirmer la reconnaissance des zones libérées et l’arrêt de leur blocus et de leurs attaques répétées par le KMT. Finalement, les négociations échouent et le KMT intensifie ses attaques contre les bases rouges en 1946. En face, le PCC mobilise les masses. En 1949, c’est l’offensive décisive. Les derniers bastions du KMT sont pris. C’est la victoire du PCC et l’établissement de la République Populaire de Chine.
Mao sur l’art et la littérature
« Un se divise en deux », aussi en littérature et en art. Dans la société capitaliste, la littérature et l’art bourgeois et petit bourgeois sont dominants, l’art prolétarien et populaire sont dominés, marginalisés. Mais même marginaux ils existent et les communistes doivent aider à leur émergence, afin que cette littérature, cet art servent la révolution, aident à mener l’enquête sur le sentiment des masses, mettent les talents au service de la cause.
Mao, en mai 1942, est intervenu à une conférence sur le front culturel. Son discours sera publié sous le titre de Interventions aux causeries sur la littérature et l’art.
« Nous luttons pour la libération du peuple chinois sur maints fronts différents ; deux d’entre eux sont le front de la plume et le front de l’épée, c’est à dire le front culturel et le front militaire. Pour vaincre l’ennemi, nous devons nous appuyer en premier lieu sur l’armée qui a le fusil à la main. Mais à elle seule cette armée ne saurait suffire, il nous faut aussi une armée de la culture, indispensable pour unir nos rangs et vaincre l’ennemi. Depuis le Mouvement du 4 Mai 1919, une telle armée de la culture s’est constituée en Chine, elle a apporté une aide à la révolution chinoise en réduisant progressivement la sphère d’influence et les forces de la culture féodale chinoise et de la culture compradore, qui est au service de l’agression impérialiste. »
« Le but de notre réunion d’aujourd’hui est précisément de faire en sorte que la littérature et l’art s’intègrent parfaitement dans le mécanisme général de la révolution, qu’ils deviennent une arme puissante pour unir et éduquer le peuple, pour frapper et anéantir l’ennemi, et qu’ils aident le peuple à lutter contre l’ennemi d’un même cœur et d’une même volonté. Quels sont les problèmes à résoudre pour atteindre ce but ? Je pense que ce sont les suivants : la position de classe de ceux qui se consacrent à la littérature et à l’art, leur attitude, leur public, leur travail et les études auxquelles ils doivent se livrer. »
« Il y a trois catégories de personnes : nos ennemis, nos alliés du front uni, et les nôtres, j’entends les masses populaires et leur avant-garde. Trois attitudes différentes doivent être adoptées à l’égard de ces trois catégories de personnes. En ce qui concerne nos ennemis, les impérialistes japonais et tous les ennemis du peuple, la tâche des écrivains et des artistes révolutionnaires consiste à dévoiler leur cruauté, leurs mensonges et à montrer qu’ils sont voués à la défaite, afin d’encourager l’armée et le peuple qui résistent au Japon à lutter résolument, d’un même cœur et d’une même volonté, pour abattre l’ennemi. A l’égard de nos différents alliés du front uni, notre attitude doit être celle de l’union et de la critique […]. En ce qui concerne les masses populaires, leur travail et leur combat, leur armée et leur Parti, nous devons, bien entendu, les glorifier. Le peuple, lui aussi, a ses défauts. Dans les rangs du prolétariat, beaucoup de gens ont conservé des idées petites-bourgeoises, et chez les paysans comme dans la petite-bourgeoisie urbaine se rencontrent des idées arriérées ; c’est un fardeau qui les gêne dans leur lutte. Nous devons, en y mettant le temps et avec patience, les éduquer, les aider à se débarrasser de ce fardeau et à combattre leurs insuffisances et leurs erreurs, afin qu’ils puissent progresser à grands pas. »
« Puisque notre littérature et notre art sont destinés aux ouvriers, aux paysans, aux soldats et à leurs cadres, il s’agit de comprendre ceux-ci et de les connaître à fond. »
« Qui notre littérature et notre art doivent-ils servir ? […] Aussi notre littérature et notre art sont-ils destinés, en premier lieu, aux ouvriers, la classe qui dirige la révolution ; en second lieu, aux paysans, nos alliés les plus nombreux et les plus résolus dans la révolution ; en troisième lieu, aux ouvriers et paysans armés, autrement dit à la VIIIe Armée de Route, à la Nouvelle IVe Armée et aux autres détachements armés du peuple, qui sont les forces principales de la guerre révolutionnaire ; en dernier lieu, aux travailleurs et aux intellectuels de la petite bourgeoisie urbaine, qui sont aussi nos alliés dans la révolution et sont susceptibles de collaborer longtemps avec nous. Ces quatre catégories représentent l’immense majorité du peuple chinois, ce sont les masses populaires les plus larges. »
2. La construction du socialisme
Après la victoire de la Révolution de Démocratie Nouvelle, commence alors la période de préparation de la Révolution Socialiste, sur la base du concept de révolution ininterrompue par étapes. En 1951, le Parti établit la ligne générale pour la construction socialiste décrite en ces termes par Mao :
« La ligne générale et la tâche centrale du Parti dans cette période de transition, c’est de réaliser progressivement, pendant un temps assez long, l’industrialisation socialiste du pays, de réaliser progressivement la transformation socialiste de l’agriculture, de l’industrie artisanale, du commerce et de l’industrie privée. Cette ligne générale est le phare qui éclaire tout notre travail. Effectuer en dehors d’elle un travail, quel qu’il soit, c’est commettre l’erreur de la déviation de droite ou de la déviation de gauche. »
Mao, article dans la Pravda, 22 juin 1954 cité dans Académie des sciences de l’U.R.S.S., Manuel d’Economie Politique, 1955
a) Le redressement de l’économie
Du côté de l’agriculture
Afin d’en finir avec le régime féodal, il s’agit alors d’accomplir la révolution agraire dans l’ensemble du pays. Les terres des propriétaires terriens sont saisies et redistribuées, tout comme le bétail et les outils. Les dettes des paysans sont abolies, ce qui les libère du terrible fardeau qui les accablait. La première étape de la transformation de l’agriculture commence alors sur la base des équipes d’aide mutuelle. L’étape suivante est le développement des coopératives de petits producteurs qui sont semi-socialistes dans le sens où les terres sont mises en gestion commune mais où chaque foyer reste propriétaire de son terrain. L’étape supérieure est celle de coopératives avancées sur la base des petites coopératives semi-socialistes. Il s’agit alors de développer de grandes coopératives socialistes de producteurs.
La transformation coopérative de l’agriculture se base sur les principes de la participation volontaire des paysans et du bénéfice mutuel. A chaque étape, les équipes se forment et démontrent aux autres paysans à quel point il est avantageux de partager le travail, avoir une gestion commune puis finalement mettre en commun les terres. L’augmentation de la production agricole en a résulté et par conséquent, grâce à la gestion socialiste, le bénéfice mutuel est également un bénéfice individuel.
Cela n’aurait pas été possible sans que la première étape ne soit déjà réalisée dans les zones rouges avant même la prise du pouvoir à l’échelle du pays tout entier. La deuxième étape fut complétée entre 1953 et 1955, tandis que la troisième étape commença à partir de 1956. Bien sûr, ces transformations ne furent pas qu’économiques. La révolution chinoise, anti-féodale et anti-impérialiste, transforma également les rapports sociaux à la campagne de manière radicale. Principalement, la situation des femmes s’améliora avec des campagnes anti-patriarcales appuyées par de nouvelles lois, notamment sur le mariage et le divorce qui abolirent le système de domination des hommes sur les femmes. Lors de la distribution des terres, les femmes étaient également considérées comme les égales des hommes.
La transformation de l’artisanat pris dans les grandes lignes la même forme que la transformation de l’agriculture.
Du côté du commerce et de l’industrie
Dans La situation actuelle et nos tâches, 1947, alors que l’Armée Populaire de Libération est en pleine offensive, Mao a clairement indiqué le programme à mener pour compléter la phase de la Révolution de Démocratie Nouvelle :
« Confisquer les terres de la classe féodale et les transférer aux paysans, confisquer le capital monopolistique dominé par Tchiang Kaï-chek, TV Soong, HH Kung et Tchen Li-fou, et de le transférer à l’Etat de démocratie nouvelle, protéger l’industrie et le commerce de la bourgeoisie nationale, voilà les trois grands principes du programme économique de la révolution de démocratie nouvelle. »
Mao explique cette politique en terme de classes :
« Ce que la révolution de démocratie nouvelle vise à éliminer, c’est seulement le féodalisme et le capitalisme monopoliste, c’est seulement la classe des propriétaires fonciers et la bourgeoisie bureaucratique (la grande bourgeoisie), et non le capitalisme en général, non la couche supérieure de la petite bourgeoisie ni la moyenne bourgeoisie. »
Ainsi donc, selon Mao, un secteur capitaliste national existera en Chine tant que les tâches d’éliminer le féodalisme et le capital bureaucratique et compradore ne seront pas menées à bien.
Aussitôt après la prise du pouvoir en 1949, les principales industries, les banques, les transports et les principales entreprises commerciales sont transférées au peuple tout entier. Ce processus se déroule finalement bien plus vite que prévu et le premier plan quinquennal mettant l’accent sur l’industrie lourde est un succès. Le secteur socialiste d’Etat étant dominant, contrôlant les matières premières, le secteur bancaire et le marché, le secteur capitaliste reposant sur la spéculation avait été éliminé. Le secteur capitaliste restant, principalement l’artisanat et les petites industries, était ainsi obligé de se plier aux exigences du secteur socialiste d’Etat. Finalement, en 1956, le secteur industriel capitaliste restant, à 99 %, était le secteur capitaliste d’Etat sous la forme de sociétés mixtes (capital public/privé).
De manière générale, la proportion de la production des industries d’Etat passa de 56 % (1952) à 67,5 % (1956) lors de l’achèvement des transformations socialistes, tandis que les autres secteurs devenaient des entreprises d’Etat par branches entières. Le premier plan quinquennal porta sur le développement simultané de l’industrie et de l’agriculture et la priorité à l’industrie lourde accouplés au développement des communications et des transports, du commerce, du crédit et autres entreprises d’Etat. Le prix d’achat des produits agricoles avait augmenté de 22,4 % afin d’accroître le revenu très bas des paysans. Fin 1957, il y avait 24 500 000 ouvriers et employés, 8 700 000 de plus qu’en 1952. Le chômage était éliminé, les salaires augmentés de 30 %. Les dépenses de l’Etat pour l’assurance et les services médicaux augmentèrent considérablement.
Cette transition fut également accompagnée de campagnes de masses : le mouvement des Sanfan, les trois contre, pour dénoncer la corruption, le gaspillage et la bureaucratie parmi les travailleurs des organismes d’Etat ; et le mouvement des Wufan, les cinq contre, pour lutter contre la remise de pots de vin, la fraude fiscale, le détournement des biens de l’Etat, la fraude dans l’exécution des contrats d’Etat, le vol d’informations économiques gouvernementales.
b) Le Grand Bond en Avant et les Communes Populaires
A la fin du premier plan quinquennal, la ligne de droite dans le Parti qui s’opposait à l’avancée de la transformation socialiste de l’économie se renforça, portée par la montée du révisionnisme moderne en URSS après la mort de Staline en 1953. Cette ligne voulait « faire une pause » dans la révolution, renforcer l’étape actuelle de la transformation socialiste de l’économie, c’est-à-dire une étape qui, bien qu’avancée, n’était encore que partielle. Cela signifiait également prêter le flanc à un renforcement des restes capitalistes et féodaux car le socialisme est une période où la lutte de classe est aigue, « faire une pause » signifie donc stopper l’offensive et laisser l’avantage aux classes ennemies. La ligne de droite, dont le principale défenseur était Liu Shaochi, s’appuyait donc sur les arguments de la théorie des forces productives [Note : La théorie des forces productives sous-estime la nécessité de transformer également les rapports de production. Elle place la propriété formelle des moyens de production comme garantie du socialisme. Or, Mao explique que si le développement des forces productives joue en général le rôle de moteur dans la construction du socialisme, il ne faut pas oublier le rôle que joue la révolutionnarisation des rapports de production qui peut, à certains moments, jouer un rôle décisif dans la construction du socialisme. Si la contradiction entre les forces productives et les rapports de production n’est pas correctement réglée, alors cela peut avoir pour conséquence de transformer le socialisme en son contraire.], niant la lutte de classe et concentrant toute l’attention sur le développement de forces de production modernes, principalement dans l’industrie lourde.
La lutte devait être menée et Mao entrepris de se lancer dans la bataille. Avec De la juste solution des contradictions au sein du peuple, 1957, Mao explique que certaines contradictions existant sous le régime capitaliste continuent d’exister sous le socialisme :
« Les contradictions de la société socialiste diffèrent radicalement de celles des anciennes sociétés, comme la société capitaliste. Les contradictions de la société capitaliste se manifestent par des antagonismes et des conflits aigus, par une lutte de classes acharnée ; elles ne peuvent être résolues par le régime capitaliste lui-même, elles ne peuvent l’être que par la révolution socialiste. Il en va tout autrement des contradictions de la société socialiste, qui ne sont pas antagonistes et peuvent être résolues une à une par le régime socialiste lui-même.
Dans la société socialiste, les contradictions fondamentales demeurent comme par le passé la contradiction entre les rapports de production et les forces productives, la contradiction entre la superstructure et la base économique. Toutefois, ces contradictions se distinguent foncièrement, par leur caractère et leurs manifestations, des contradictions entre rapports de production et forces productives, entre superstructure et base économique dans l’ancienne société. […]
En résumé, les rapports de production socialistes sont déjà créés et ils correspondent au développement des forces productives, mais ils sont encore loin d’être parfaits et cette imperfection est en contradiction avec le développement des forces productives. Non seulement les rapports de production correspondent au développement des forces productives tout en étant en contradiction avec lui, mais, de plus, la superstructure correspond à la base économique en même temps qu’elle est en contradiction avec elle. La superstructure – le système étatique et les lois du régime de la dictature démocratique populaire, ainsi que l’idéologie socialiste guidée par le marxisme-léninisme – joue un rôle positif en contribuant au succès des transformations socialistes et en favorisant la mise sur pied d’une organisation socialiste du travail ; elle correspond à la base économique socialiste, c’est-à-dire aux rapports de production socialistes. Mais l’existence de l’idéologie bourgeoise, d’un style bureaucratique de travail dans nos administrations et d’insuffisances dans certains maillons de nos institutions d’Etat est en contradiction avec la base économique socialiste. Nous devons constamment résoudre de telles contradictions, compte tenu des circonstances concrètes. Bien entendu, ces contradictions une fois résolues, de nouveaux problèmes viendront se poser. De nouvelles contradictions demanderont à être résolues. »
Mao a toujours mené de pair la lutte dans le domaine économique à la lutte dans le domaine de la superstructure. Dans ce cadre, en 1957, a été lancé à propos de la littérature et de l’art le mot d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ». Cette lutte montra l’importance de ce front. A propos de cette campagne, Mao écrit dans De la juste solution des contradictions au sein du peuple :
« Il faudra encore un temps assez long pour décider de l’issue de la lutte idéologique entre le socialisme et le capitalisme dans notre pays. La raison en est que l’influence de la bourgeoisie et des intellectuels venus de l’ancienne société existera longtemps encore dans notre pays et y subsistera longtemps en tant qu’idéologie de classe. Si on ne saisit pas bien cela et à plus forte raison si on ne le comprend pas du tout, on commettra les plus graves erreurs, on méconnaîtra la nécessité de la lutte idéologique. Celle-ci se distingue des autres formes de lutte ; on ne peut y appliquer que la méthode patiente du raisonnement, et non la méthode brutale de la contrainte. » « Chaque classe, chaque couche sociale et chaque groupe social a sa notion propre des fleurs odorantes et des herbes vénéneuses. » Le Mouvement des cent fleurs va permettre aux intellectuels de s’exprimer librement, en fait de faire éclater au grand jour la contradiction entre l’idéologie bourgeoise et l’idéologie prolétarienne, quelle conception du monde l’une et l’autre servent, et si l’on creuse, ce qu’elles reflètent dans le domaine de l’économie, de l’éducation, etc. Cela permet de démasquer l’ennemi caché, l’ami indécis ou confus, de les distinguer des intellectuels au service du peuple. »
Mao établit clairement que la lutte de classe continue sous le socialisme :
« Certes, en Chine, la transformation socialiste, en tant qu’elle concerne la propriété, est pratiquement achevée ; les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel terminées. Néanmoins, il subsiste des vestiges des classes renversées des propriétaires fonciers et des compradores, la bourgeoisie existe encore, et la transformation de la petite bourgeoisie ne fait que commencer. La lutte de classes n’est nullement arrivée à son terme. La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les diverses forces politiques et entre les idéologies prolétarienne et bourgeoise sera encore longue et sujette à des vicissitudes, et par moments elle pourra même devenir très aiguë. Le prolétariat cherche à transformer le monde selon sa propre conception du monde, et la bourgeoisie, selon la sienne. A cet égard, la question de savoir qui l’emportera, du socialisme ou du capitalisme, n’est pas encore véritablement résolue. »
D’autre part, il clarifie la question de la voie de l’industrialisation de la Chine :
« En parlant de la voie de l’industrialisation, j’ai surtout en vue les rapports entre le développement de l’industrie lourde, de l’industrie légère et de l’agriculture. Il faut souligner que l’industrie lourde est le noyau de notre édification économique. Cependant, nous devons en même temps accorder notre pleine attention au développement de l’agriculture et de l’industrie légère. […]
Pour transformer la Chine en un pays industriel, nous devons étudier sérieusement l’expérience d’avant-garde de l’Union soviétique. […] Il y a deux manières d’apprendre. L’une, dogmatique, consiste à emprunter tout, que cela convienne ou non aux conditions de notre pays. Cette manière-là n’est pas la bonne. L’autre consiste à faire travailler nos cerveaux et à apprendre ce qui convient aux conditions de notre pays, c’est-à-dire à assimiler l’expérience qui peut nous être utile. C’est celle-là que nous devons adopter. »
Ce texte accompagne un mouvement de rectification contre la ligne de droite dans le Parti qui aboutit en 1958 au rejet et à la rectification de la ligne erronée de la « théorie des forces productives ». Il s’agissait maintenant de continuer de faire avancer la transformation socialiste de l’économie. C’est ainsi que la campagne du Grand Bond en Avant fut lancée.
« Le rapide développement de notre économie nationale en 1958 a montré le caractère correct de la politique du Parti qui, tout en mettant l’accent sur le développement de l’industrie lourde, veut développer simultanément l’industrie légère, faire « un bond en avant » dans tous les domaines et surtout dans celui de la production de l’acier, développer simultanément l’industrie nationale et l’industrie locale, les grandes, les moyennes et petites entreprises, employer à la fois les méthodes locales et les méthodes étrangères, comme est correcte également la méthode qui consiste à associer la direction centralisée de la production industrielle aux mouvements de masse, en un mot, la méthode qui consiste à marcher avec ses deux pieds et non seulement avec un pied ou un pied et demi. Notre « Grand bond en avant » de 1958 dans le domaine agricole et industriel est une grande réalisation. »
Quotidien du Peuple du 17 décembre 1958
Le Grand Bond en Avant relevait donc principalement de l’implication des masses dans l’amélioration de la production et dans l’innovation technique et scientifique. Il s’agissait d’impliquer les masses dans le développement de la production, de révolutionner les rapports de production pour améliorer le développement des forces productives. Il s’agissait, sur la base de la critique du modèle soviétique de construction du socialisme trop dépendante de grands projets industriels, de développer dialectiquement l’industrie lourde et légère et l’agriculture ; de réduire l’écart entre la ville et la campagne ; entre les ouvriers et les paysans ; entre les ouvriers et les paysans d’un côté et les intellectuels et les cadres de l’autre. Il s’agissait de rendre chaque individu rouge et expert et de libérer la capacité créative, technique et innovante des masses afin de ne pas se reposer uniquement sur les spécialistes et techniciens. Il s’agissait donc d’une révolution non seulement économique mais également technologique, politique, sociale et culturelle afin de transformer les villes et les campagnes.
1958, année du lancement du Grand Bond en Avant, voit le développement parallèle des Communes Populaires. Leur base est le regroupement des coopératives voisines afin d’entreprendre des projets à grande échelle tels que le contrôle des crues, la déforestation, les projets de pisciculture, le transport, la mise en place d’usines de production de tracteurs, d’engrais et autres moyens de production. Sur les exemples positifs qu’elles représentaient vis-à-vis de l’amélioration de la vie quotidienne et des nouvelles possibilités de développement qu’elles représentaient, les Communes Populaires se développèrent très rapidement. En quelques mois, les plus de 740 000 coopératives agricoles se réorganisèrent en plus de 26 000 Communes. Cela représente plus de 99 % des foyers ruraux.
Les Communes Populaires sont l’unité de base de structure sociale du pays, combinant l’industrie, l’agriculture, le commerce, l’éducation et les affaires militaires. En même temps, elles sont l’organisation de base du pouvoir d’Etat socialiste. L’établissement des Communes Populaires ne se fit pas par décret mais par un mouvement de masse qui acheva le processus de collectivisation de l’agriculture. Les expériences de communes urbaines furent plus limitées, sans fonction administrative, car se développant sur la base des groupes de quartier. Elles jouèrent cependant le rôle de collectivisation de certains aspects de la vie quotidienne (crèches, ateliers de réparation et de production locale, cantines, laveries, …).
Dans la période d’établissement des Communes Populaires du Grand Bond en Avant, plusieurs erreurs gauchistes furent commises, voulant établir trop tôt le communisme, notamment la demande de travail gratuit au bénéfice des projets collectifs trop importante, la collectivisation de différentes propriétés privées trop poussée, la surestimation de la production effective, l’application dogmatique de certaines campagnes.
Ces erreurs conduisirent notamment, par effet de combinaison, à une baisse de la production agricole, et par conséquent de l’industrie, et au développement du rationnement en 1959-61. Par exemple, la surestimation de la capacité productive des terres, combinée à l’énergie dépensée dans la production locale d’acier, au travail dépensé dans les grands projets collectifs, à l’élimination totale des nuisibles (rats, insectes, oiseaux,…) conduisant au déséquilibre des écosystèmes, menèrent à de mauvaises récoltes. Cela aurait pu être surmontable en des temps « normaux » mais ces années furent également sujettes à des catastrophes climatiques hors normes.
Cependant, le rationnement fut bien mieux géré que lors des famines de l’ancien régime, ce qui permit d’éviter une réelle catastrophe. En outre, les bases posées par le Grand Bond en Avant et le mouvement des Communes Populaires permirent de poser des bases solides au développement de la production industrielle lourde et légère et de la production agricole, ce qui éradiqua complètement les famines, si nombreuses et récurrentes dans l’histoire de Chine.
Il faut également relativiser cet épisode par le fait qu’en 1960, l’Union Soviétique retire toute aide et livraison à la Chine, qui était le principal pays avec qui des échanges commerciaux se tenaient. Plusieurs observateurs internationaux ayant voyagé dans différentes provinces de Chine durant ces années attestent clairement qu’ils n’ont pas été témoins de famine mais qu’il y avait bien en revanche des rationnements et des difficultés d’approvisionnement.
Si au début, le Parti a pu se laisser griser par l’expérience des premières Communes –qui étaient largement spontanées- en indiquant qu’il s’agissait de développer une forme transitoire pour le transfert de la propriété collective à la propriété du peuple tout entier, celui-ci donna des directives (voir ci-dessous les extraits du Communiqué de la 6ème session plénière du 8ème Comité Central du PCC du 17 décembre 1958 et de la Résolution à propos de certains problèmes concernant les communes populaires du 19 décembre1958) pour le réajustement des Communes afin de ne pas griller les étapes vers le communisme.
Les premiers mois d’effervescence et d’enthousiasme –parfois trop important- laissèrent ainsi la place à la consolidation et au réajustement des Communes Populaires, assurant leur stabilité et leur développement. Leur taille fut également réduite, ce qui porta leur nombre de 26 000 à 76 000.
« Certains s’imaginent que l’établissement des communes signifie un nouveau partage des biens de consommation de chacun. C’est une erreur. Nous devons déclarer à la masse que les biens de chaque membre (y compris maisons, habits, couvertures, meubles ainsi que leurs dépôts en banques ou aux agences de crédit) restent et resteront la propriété de chacun après l’établissement des communes. »
« Certains, pensant avancer « l’âge communiste », veulent rejeter trop tôt la production des marchandises et leur échange, niant le rôle positif des marchandises, des valeurs, des monnaies. »
c) Le Mouvement d’Education Socialiste
A partir de l’expérience du Grand Bond en Avant et du mouvement des Communes Populaires, la lutte de ligne au sein du Parti s’accentue : les tenants de la voie capitaliste affrontent les révolutionnaires qui souhaitent faire avancer le processus de construction du socialisme vers le communisme. Dès 1959, l’aile droite du Parti critique ces deux mouvements. Sur la base des années difficiles 59-61, les critiques pleuvent et argumentent pour la réintroduction de normes de production capitalistes et le démantèlement d’une partie de la propriété collective. Liu Shaochi est l’homme fort de cette ligne.
Cette ligne est également renforcée par le révisionnisme khrouchtchevien arrivé à la tête de l’URSS après la mort de Staline. La lutte est alors âpre entre le PCC et PCUS, c’est la période du Grand Débat, né du XXème Congrès du PCUS de 1956 qui rejette Staline et marche sur la voie de la restauration du capitalisme. Mao mène la lutte contre le révisionnisme moderne incarné par Khrouchtchev et approfondit ainsi l’analyse de la restauration capitaliste en URSS. Il s’agit alors d’en comprendre les mécanismes afin de préserver la Chine de prendre le même chemin.
Le Mouvement d’Education Socialiste
C’est ainsi que le 10ème plénum du 8ème Comité Central du PCC de septembre 1962 décide de lancer le Mouvement d’Education Socialiste dont Mao présida l’élaboration de la Décision en dix points fixant la ligne, les principes et mesures politiques du Parti pour le Mouvement d’Education Socialiste en mai 1963 et dans laquelle il affirme que si l’existence des classes et la lutte des classes est oubliée :
« alors il se passerait peu de temps, peut-être quelques années ou une décennie, tout au plus quelques décennies, avant qu’une restauration contre-révolutionnaire n’ait inévitablement lieu à l’échelle nationale, que le parti marxiste-léniniste ne devienne un parti révisionniste, un parti fasciste, et que toute la Chine ne change de couleur. Que les camarades veuillent bien réfléchir à tout le danger que comporte cette situation ! »
Le Mouvement d’Education Socialiste se base sur quatre principes :
1. l’idéologie est le socle sans lequel la politique de transformation socialiste ne peut être réalisée, poursuivie. Les masses font l’histoire ; 2. au sortir de la société capitaliste, la société socialiste en porte les stigmates. La force de l’habitude et des mœurs perdurent ; 3. la lutte des classes se poursuit durant le processus de transformation de la société capitaliste en société socialiste, et cela jusqu’à la société communiste ; 4. il y a deux types de contradictions, l’une envers les ennemis, l’autre au sein du peuple. La première est traitée par la contrainte, l’autre par la persuasion, la démocratie.
Mais on ne peut transformer d’un seul coup l’ancien égoïste en altruiste. Il faut une éducation qui corresponde au but poursuivi, à la société collective. Pour l’ensemble de la population, c’est au travers de la lutte idéologique et sur la morale communiste et révolutionnaire que doit être porté un effort particulier, pour transformer de fonds en combles la société. Il ne s’agit pas de propagande mais d’éducation par lutte entre les deux voies, celle de l’édification socialiste et celle de la restauration du système ancien capitaliste ou son maintien par la réforme. Il s’agit d’impliquer les masses dans la construction du socialisme sur une base idéologique. Pour cela, les vieilles habitudes et les privilèges vont être remis en cause.
Liu Shaochi, à la tête de l’aile droite du Parti, va alors s’opposer aux objectifs du Mouvements d’Education Socialiste en le détournant, ce qui prépare alors l’approfondissement de la lutte entre les deux lignes avec l’émergence de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne qui constitue le point culminant en pratique du développement par Mao des principes marxistes de la construction du socialisme.
d) La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne
Sans rentrer dans le détail du déclenchement de la GRCP, il faut en affirmer les bases. La lutte de ligne entre la voie capitaliste et la voie socialiste s’aiguise au sein du PCC au cours du déploiement du Mouvement d’Education Socialiste. Tirant un bilan de l’expérience soviétique qui amena les révisionnistes au pouvoir et de la construction du socialisme en Chine même, Mao analyse que le danger principal pour la révolution émerge du Parti Communiste lui-même (ce que Lénine et Staline avaient commencé à analyser mais uniquement sous l’angle de la critique de la bureaucratisation). Dans ce sens, la lutte doit être dirigée contre les « tenants de la voie capitaliste » au sein du Parti. Il s’agit d’une nouvelle bourgeoisie qui ne se base pas sur la propriété formelle des moyens de production mais sur sa position au sein du Parti et de l’appareil d’Etat, son réseau, les avantages divers qu’elle tient de ses positions et qui a comme intérêt la consolidation de la superstructure qui lui permet d’avoir encore plus d’avantages, allant jusqu’à la restauration du capitalisme. L’ennemi est ainsi identifié comme principalement interne. En outre, la méthode de lutte contre la nouvelle bourgeoisie ne peut se faire par décret et autres méthodes bureaucratiques mais par la mobilisation des masses, avec une importance prépondérante donnée à la lutte idéologique, à la critique et à l’autocritique plutôt qu’à la force (voir De la juste solution des contradictions au sein du peuple, 1957). La GRCP est ainsi une révolution dans la révolution qui, par l’action des larges masses, chamboule la société toute entière et permet d’éliminer en partie les restes de l’ancienne société et d’avancer plus avant dans la construction du socialisme en direction du communisme.
Mao peut parvenir à ces conclusions grâce à l’analyse critique du processus de construction du socialisme en URSS (voir partie sur Staline). Mao reconnaît ainsi la valeur de l’expérience soviétique, tant dans ces aspects positifs que négatifs, et cherche ainsi à ne pas reproduire les erreurs évitables.
Si la lutte a d’abord éclaté dans le domaine culturel, c’est parce que celui-ci restait dominé par des intellectuels, sommités académiques, etc. n’ayant pas adopté le point de vue prolétarien. Ces derniers se servaient des vecteurs comme l’éducation, le théâtre, la presse, le cinéma, etc. pour diffuser des points de vue réactionnaires, en contradiction avec la nouvelle société en construction.
La nécessité d’une Révolution Culturelle émergeait alors : la révolution socialiste sur le front économique (c’est à dire la question de la propriété des moyens de production) n’est pas suffisante et ne peut parvenir en elle-même à établir le socialisme. La révolution socialiste doit également se dérouler sur les fronts politiques et idéologiques. La superstructure doit correspondre à la base économique. Il était donc impossible de former les jeunes selon des principes et méthodes héritées de l’ancienne société ; il était impossible que la culture dominante dans la société soit celle de l’ancienne société. Ce sont les masses qui vont faire émerger les nouvelles formes d’enseignement, la nouvelle culture, et par conséquent les nouvelles formes de direction et de gestion correspondant à la nouvelle société. C’est le Parti Communiste qui va permettre leur généralisation à la société toute entière.
Dans le document du PCC Décision du Comité central sur la grande Révolution culturelle prolétarienne, adopté le 8 août 1966, (également appelé Décision en 16 points) voici une partie de la première partie intitulée Une nouvelle étape de la révolution socialiste :
« Bien que renversée, la bourgeoisie tente de corrompre les masses et de conquérir leur cœur au moyen de la pensée, de la culture, des mœurs et des coutumes anciennes des classes exploiteuses en vue de sa restauration. Le prolétariat doit faire le contraire : opposer une riposte de front à chaque défi lancé par la bourgeoisie dans le domaine idéologique et transformer la physionomie morale de toute la société avec la pensée, la culture et les mœurs et coutumes nouvelles qui sont propres au prolétariat. A l’heure actuelle, nous avons pour but de combattre et d’écraser les responsables engagés dans la voie capitaliste, de critiquer les « autorités » académiques réactionnaires de la bourgeoisie, de critiquer l’idéologie de la bourgeoisie et de toutes les autres classes exploiteuses, et de réformer le système d’enseignement, la littérature, l’art et toutes les autres branches de la superstructure qui ne correspondent pas à la base économique socialiste, ceci pour contribuer à la consolidation et au développement du système socialiste. »
Plus loin, la nécessité que les masses elles-mêmes s’emparent de la société est appuyée. Il s’agit de faire en sorte que la lutte contre les éléments révisionnistes ne se limite pas à un changement de « têtes » mais d’une révolutionnarisation de la société toute entière. « La classe ouvrière doit tout diriger » ne peut être juste un slogan, il doit devenir réalité par l’action de masse :
« 4. Que les masses s’éduquent dans le mouvement
Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, les masses ne peuvent que se libérer par elles-mêmes, et l’on ne peut en aucune façon agir à leur place. Il faut avoir confiance dans les masses, s’appuyer sur elles et respecter leur esprit d’initiative. Il faut rejeter la crainte et ne pas avoir peur des troubles. […]
Il faut utiliser pleinement la méthode des dazibao et des grands débats pour permettre de larges et francs exposés d’opinions, afin que les masses puissent exprimer leurs vues justes, critiquer les vues erronées et dénoncer tous les génies malfaisants. De cette façon, les larges masses pourront, dans la lutte, élever leur conscience politique, accroître leur capacité et leurs talents, distinguer ce qui est juste de ce qui ne l’est pas et distinguer les ennemis qui se dissimulent parmi elles. »
La Révolution Culturelle ne doit pas non plus devenir une « guerre de tous contre tous ». Ainsi, afin d’éviter que les contradictions au sein du peuple ne deviennent antagoniques, la méthode est précisée :
« 6. Résoudre correctement les contradictions au sein du peuple
Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente : les contradictions au sein du peuple et celles entre nos ennemis et nous-mêmes. Les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple.
Il est normal qu’il y ait des opinions différentes parmi les masses populaires. La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique. Au cours d’un débat normal mené à fond, les masses populaires sauront affirmer ce qui est juste et corriger ce qui est erroné et parviendront graduellement à l’unanimité.
La méthode de raisonner avec faits à l’appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat. Il n’est pas permis d’user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes. La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté. Même si elle a des vues erronées, il lui est toujours permis de se défendre et de réserver ses opinions.
Dans un débat, on doit avoir recours au raisonnement et non pas à la contrainte ou à la coercition.
Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d’oser penser, d’oser parler et d’oser agir. Dans le cadre d’une même orientation générale, les camarades révolutionnaires doivent, en vue de renforcer l’unité, éviter les discussions sans fin sur des questions secondaires. »
Les persistances de méthodes liées aux vieux rapports de production entravent le développement des forces productives. Il faut également que la classe ouvrière s’empare de cette question et trouve la méthode de pousser plus en avant la révolutionnarisation des rapports de production. Ceci est affirmé dans le document :
« 14. Faire la révolution et promouvoir la production
La grande Révolution culturelle prolétarienne a pour but la révolutionnarisation de la pensée de l’homme, afin que, dans tous les domaines du travail, on puisse obtenir des résultats meilleurs quant à la quantité, la rapidité, la qualité et l’économie. Tant que les masses sont pleinement mobilisées et que les dispositions adéquates sont prises, on peut assurer la bonne marche et de la Révolution culturelle et de la production, et garantir la bonne qualité du travail dans tous les domaines.
La grande révolution culturelle prolétarienne constitue une puissante force motrice dans le développement des forces productives de notre société. Il est erroné d’opposer la grande Révolution culturelle au développement de la production. »
Ce document constitue la base de l’encadrement de la Révolution Culturelle, dans laquelle les masses s’étaient déjà engagées depuis la Circulaire du Comité Central du PCC du 16 mai 1966 (principalement au sein des universités) notamment au travers de la rédaction de dazibaos, grandes affiches sur lesquelles chacun et chacune livrait publiquement son point de vue sur le sujet de son choix, utilisées principalement pour attaquer les représentants et cadres du PCC engagés sur la voie de la restauration du capitalisme.
Dans la Circulaire du 16 mai, la cible de la Révolution est claire :
« Les représentants de la bourgeoisie qui se sont infiltrés dans le Parti, dans le gouvernement, dans l’armée et dans les différents secteurs du domaine culturel constituent un ramassis de révisionnistes contre-révolutionnaires. Si l’occasion s’en présentait, ils arracheraient le pouvoir et transformeraient la dictature du prolétariat en dictature de la bourgeoisie. Certains de ces gens-là ont été percés à jour par nous, d’autres ne le sont pas encore. D’aucuns bénéficient maintenant de notre confiance et sont formés pour être nos successeurs, par exemple les individus du genre Khrouchtchev ; ils se trouvent à présent au milieu de nous. Les comités du Parti à tous les échelons doivent prêter à ce point une attention suffisante. »
En août 1966, Mao écrit « Feu sur le quartier général – mon premier dazibao ». Les Gardes Rouges, organes formés par les jeunes, s’emparent du slogan et commencent à le propager en dehors des universités. La jeunesse part au front contre les révisionnistes, les débusquent, les exposent. La Révolution Culturelle s’étend dans les villes, s’emparant des masses et notamment de la classe ouvrière ; le pays tout entier rentre en ébullition. Le mouvement s’oppose aux Comités du Parti et aux dirigeants révisionnistes qui tentent de freiner le mouvement. En se développant, le mouvement se complexifie. Personne n’ose aller contre la Révolution Culturelle, les révisionnistes soutiennent ainsi le mouvement en paroles mais tentent d’en dévier le sens, s’appuient sur les contradictions au sein du peuple pour provoquer des affrontements. Des groupes de Gardes Rouges, portés par un enthousiasme qui paraît sans limites, vont jusqu’à s’affronter, s’accusant mutuellement d’être des révisionnistes. Certains dirigeants des Gardes Rouges font, consciemment ou pas, le jeu des révisionnistes en ne favorisant pas l’unité des masses contre les révisionnistes mais en attaquant tout d’un coup, en créant artificiellement des lignes de démarcation, en se servant de leur position nouvellement acquise pour imposer leurs points de vue et évincer tout type de débat et d’argumentation. L’ultra gauche sert ainsi la droite. L’éditorial du Renmin Ribao et du Hongqi du 1er janvier 1967 intitulé Menons jusqu’au bout la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne explique notamment la complexité de ces phénomènes.
Cependant, malgré ces quelques excès, le mouvement gagne du terrain progressivement et les masses évitent les écueils. La classe ouvrière a notamment un rôle de premier plan dans le développement de l’unité des larges masses contre la minorité révisionniste. L’Armée Populaire de Libération est également entrée dans le mouvement, avec comme consigne de ne pas utiliser la force et de soutenir la gauche révolutionnaire. Malgré ces consignes, sous le commandement d’officiers s’opposant à la GRCP, l’APL a joué un rôle de répression des rebelles dans certaines régions, notamment lors du « contre-courant de février », période où entre janvier et février 1967, la droite du Parti s’opposant à la GRCP a tenté de relever la tête. De manière générale, l’APL s’est toutefois placée du côté des rebelles. La méfiance qui resta envers l’APL amena à la formation de milices populaires au début des années 70. Ainsi, la classe ouvrière joue le rôle de premier plan dans le développement de l’unité et l’évitement de conflits inutiles.
D’autre part, la forme de gouvernance se transforme avec le développement des Comités Révolutionnaires, nouveaux organes de pouvoir basés sur la triple union révolutionnaire : des membres élus, révocables et directement responsables auprès du peuple, issus du Parti, de l’APL et des organisations de masse. Les Comités Révolutionnaires se sont développés à tous les niveaux : de l’usine ou de la Commune aux organes des gouvernements provinciaux et régionaux. Ce sont les outils au travers desquels les masses participent directement à la gestion de la société. Mao en reconnaît la valeur :
« Cette grande Révolution Culturelle, utilisant les grandes méthodes démocratiques de la dictature du prolétariat, a mobilisé les masses en partant du bas. Dans le même temps, elle met en pratique la grande alliance des révolutionnaires prolétariens, la triple alliance entre les masses révolutionnaires, l’APL et les cadres révolutionnaires. »
Directives regardant la révolution culturelle, 6 novembre 1967,
notre traduction
Le 31 octobre 1968 est publié le Communiqué de la 12ème session plénière élargie du Comité Central issu du 8ème Congrès qui trace un premier bilan de la GRCP. Il estime que :
« à travers deux années de lutte des classes des plus complexe et aiguë, ont été mobilisées les masses populaires, des centaines de millions d’hommes, sur une échelle sans précédent, tant en ampleur qu’en profondeur ; avec le soutien de l’Armée populaire de libération de Chine et au travers d’épreuves de force répétées entre les classes, elles ont fini par écraser le quartier général de la bourgeoisie, représenté par Liou Chao-chi, qui tentait, mais en vain, d’usurper la direction du Parti, du gouvernement et de l’armée, écraser ses agents dans les diverses régions, et les pouvoirs qu’ils avaient usurpés ont été repris. Les comités révolutionnaires ont été établis dans vingt-neuf provinces, municipalités relevant directement de l’autorité centrale et régions autonomes, c’est-à-dire dans l’ensemble du pays à l’exception de la province de Taïwan. »
« Les classes exploiteuses et leurs agents, ne se résignant pas à leur ruine, ont, vainement, tenté par tous les moyens politiques et économiques, de droite ou d’extrême « gauche », c’est-à-dire « de gauche » en apparence mais de droite en réalité, de brouiller la ligne de démarcation entre les classes, de saboter la grande Révolution culturelle prolétarienne et de reprendre le pouvoir des mains du prolétariat. »
Le quartier général des tenants de la voie capitaliste avait ainsi été détruit, et la plupart de ses dirigeants comme Liu Shaoqi et Deng Xiaoping et leurs partisans avaient été critiqués par les masses et écartés de leurs responsabilités dans le Parti. La lutte allait tout de même continuer, cette fois contre les ultra gauchistes menés par Lin Biao, alors homme fort du PCC.
Lin Biao avait prôné et développé le culte de la personnalité autour de Mao à un point extrême. Ce faisant, il affaiblissait les enseignements de Mao :
« En toute chose, un communiste doit se poser la question du pourquoi ; il doit réfléchir mûrement, voir si tout est vraiment fondé et conforme à la réalité. En aucun cas, il ne faut suivre aveuglément les autres et préconiser la soumission servile. »
Pour un style correct de travail dans le Parti, 1er février 1942
Il affaiblissait également le rôle que les masses doivent jouer dans la construction du socialisme.
Au 10ème Congrès du Parti en 1973, le PCC déclare :
« Le marxisme-léninisme nous apprend que la lutte dans le Parti est le reflet en son sein de la lutte des classes dans la société. Après l’effondrement de la clique du renégat Liou Shao-chi, la clique anti-parti de Lin Piao s’est portée sur la scène en vue de poursuivre l’épreuve de force avec le prolétariat ; c’est précisément une manifestation aiguë de la lutte de classes acharnée à l’intérieur et à l’extérieur du pays. »
La révolution culturelle continue donc, sur un rythme cependant moins élevé que dans ses premières années. Lin Biao développe une ligne ultra gauche et s’appuie sur un réseau secret pour préparer un coup d’Etat. Celui-ci échoue et Lin Biao meurt en tentant de fuir le pays en avion. La droite du Parti, toujours présente même si diminuée, en profite pour faire son retour car Lin Biao était considéré comme un des plus fervents partisans de la GRCP. Cela leur donne un angle d’attaque contre la GRCP elle-même et contre la gauche du Parti regroupée autour de Mao.
Lin Biao a toutefois fait des dégâts en propageant dans les masses un nombre d’idées erronées, ultra gauche, qui ont mené aux excès de petits chefs pseudo « gardes rouges » que certains témoins de la GRCP qualifieront de « fascistes rouges ». La ligne ultra gauche a en réalité semé la confusion parmi les masses et au final renforcé la droite qui ne voulait pas du tout de la révolution culturelle.
Par rapport à la production, les révisionnistes ont critiqué le fait que la GRCP allait tout perturber et diminuer la production. En réalité, la GRCP a amené les masses à questionner l’ensemble de la société, à reprendre le pouvoir, et les échanges d’expériences que la GRCP a facilité ont au contraire favorisé l’émergence de méthodes de production et de gestion plus efficaces, moins bureaucratiques, et novatrices car dirigées par les producteurs et productrices mêmes. Même Deng Xiaoping, le restaurateur du capitalisme après la mort de Mao, a dû reconnaître dans les statistiques officielles que la production de la ville de Shangaï avait augmenté de 10 % par an en moyenne entre 1966 et 1970 et de 41,9 % les cinq années suivantes (La Commune de Shangaï, Hongsheng Jiang, 2014).
Durant la GRCP, ce sont 600 millions de chinois sur 750 millions qui vivent dans les Communes Populaires, où la forme d’Etat traditionnelle est quasi inexistante. Même dans les villes, cela s’est manifesté. Ainsi, à l’appel de la gauche révolutionnaire menée par Mao, de nombreuses prisons et organes de sécurité publique furent abandonnés et démantelés. Les masses règlent les problèmes elles-mêmes, au travers de plusieurs organes comme les « comités de médiation populaire ». Les prisonniers et délinquants sont renvoyés dans leurs unités d’origine et reprennent leur vie dans la communauté sous la surveillance des masses. Dans les Communes rurales, il n’y a pas de police, pas de tribunal, pas de prison.
L’enseignement est modifié de fonds en combles. Il est gratuit, sans examen, simplifié et allie la théorie et la pratique. Les études supérieures ne sont possibles qu’avec un minimum de 2 ans de travail. Les études doivent ensuite servir un domaine utile à leur Commune ou lieu de production. L’accès est ainsi facilité aux ouvriers, paysans et soldats.
Au niveau de la santé, la GRCP amène la formation et le déploiement de plus d’un million de « médecins aux pieds nus ». Les médecins qualifiés se déploient également sur tout le territoire. L’accès à la santé est beaucoup plus répandu qu’auparavant et la médecine ne paraît plus être un domaine inaccessible réservé aux élites.
La ligne d’autosuffisance sur laquelle s’est développée l’économie de la République Populaire de Chine permet également de couvrir au maximum les besoins du peuple, en se basant sur la créativité des masses et la généralisation des bonnes idées, trouvailles et inventions. Les ouvriers et ouvrières participent ainsi directement à la gestion de la production. Les Communes Populaires développent des techniques permettant d’améliorer les conditions de vie en autonomie.
La triple alliance dans les organes de pouvoir a permis la participation directe des masses révolutionnaires dans la gestion de la société et dans la supervision révolutionnaire par le bas des organes du pouvoir politique à différents niveaux. L’extension de la démocratie prolétarienne à un niveau jamais atteint auparavant a ainsi renforcé la dictature du prolétariat. L’Etat est alors sous une forme hautement décentralisée, à l’opposé des conceptions révisionnistes d’un Etat qui contrôlerait jusqu’à la vie de chaque ménage.
D’autre part, pour les femmes, la GRCP a signifié d’énormes avancées. La victoire de la révolution en 1949 avait déjà signifié un grand bouleversement en faveur de la position des femmes dans la société. Le Grand Bond en Avant, avec l’établissement des Communes Populaires, avait encore constitué une avancée à ce niveau. La GRCP le fut encore plus, principalement en mettant en place les infrastructures et en luttant idéologiquement pour que les femmes aient une place égale dans la production et dans la vie politique que les hommes.
e) Les leçons de la GRCP
La GRCP est l’expérience la plus aboutie de la dictature du prolétariat. En premier lieu, c’est une réponse à un défi de taille qui se posait devant le prolétariat révolutionnaire international : la restauration du capitalisme dans les pays socialistes, à l’époque sous la direction de Khrouchtchev.
S’il était possible de trouver des éléments de cette question dans les écrits de Lénine et de Staline, aucune méthode concluante n’avait été mise en œuvre. Et la gauche révolutionnaire du PCC menée par Mao a pu trouver un début de réponse. La nouvelle bourgeoisie se développe au sein même du Parti Communiste ; elle se base sur les avantages qu’elle tient des restes du capitalisme existant encore sous le socialisme ; seule une mobilisation de masse peut y faire face, en s’en prenant aux têtes dirigeantes de la ligne capitaliste au sein du Parti ; la lutte est longue et complexe et l’ennemi utilisera toutes les méthodes et tactiques pour garder ses avantages (notamment « douter de tout et de tout le monde », c’est à dire attaquer tout le monde pour protéger les plus importants –on montrait du doigt les erreurs et déviations des cadres de base, ce qui permettait de protéger les cadres plus importants- ; « lever le drapeau rouge contre le drapeau rouge », c’est-à-dire se montrer plus à gauche que la gauche dans l’objectif de montrer qu’on est les vrais révolutionnaires –on utilise une posture plutôt qu’une analyse réelle et concrète basée sur des faits-) ; il ne faut pas avoir peur des masses car ce sont elles qui font l’histoire ; le Parti doit avoir le rôle dirigeant tout en élargissant la démocratie prolétarienne ; une Révolution Culturelle n’est pas suffisante, car la restauration capitaliste se combat dans la durée.
« La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne actuelle n’est que la première ; il y en aura inévitablement bien d’autres dans le futur. La question de savoir qui gagnera dans la révolution ne pourra être réglée qu’après une longue période historique. Si les choses ne sont pas réglées correctement, il est possible qu’une restauration capitaliste ait lieu à tout moment dans le futur. »
Directives regarding cultural revolution, 6 novembre 1967,
notre traduction
« Nous avons déjà remporté de grandes victoires. Mais la classe vaincue se débattra encore. Ces gens sont toujours là et cette classe aussi. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas parler de victoire finale. Même pour les prochaines décennies. Il ne faut pas relâcher notre vigilance. Selon le point de vue léniniste, la victoire finale d’un pays socialiste réclame non seulement les efforts du prolétariat et des larges masses populaires de ce pays, elle dépend encore de la victoire de la révolution mondiale, de l’abolition sur le globe du système d’exploitation de l’homme par l’homme, qui apportera l’émancipation à toute l’humanité.
Par conséquent, parler à la légère de victoire finale de notre révolution est erroné, anti-léniniste ; de plus, cela ne correspond pas à la réalité. »
La Grande révolution culturelle prolétarienne : recueil de documents importants, Ed. en langues étrangères de Pékin, 1970
Et c’est bien ce qui s’est passé. Plusieurs dirigeants démis de leurs fonctions au début de la GRCP avaient été réhabilités, bien qu’à des positions de moindre responsabilité, comme Deng Xiaoping. A la mort de Mao, le 9 septembre 1976, Hua Guofeng prend la succession à la tête du Parti et lance des attaques contre la « Bande des Quatres » (Jiang Qing, Yao Wenyuan, Zhang Chunqiao et Wang Hongwen), équipe dirigeante de la gauche du Parti proches de Mao et les fait arrêter. Dans tout le pays ont lieu de nombreuses arrestations, mises sous résidence surveillée et exécutions (il n’y a pas de chiffre officiel connu mais des intellectuels chinois contemporains estiment leur nombre à 10 000). La purge contre l’aile gauche révolutionnaire du Parti est en cours. Les « Quatres » et la ligne politique défendue par eux et par Mao est très critiquée. La GRPC est également très critiquée. La discipline aveugle est restaurée, place à l’obéissance et à la servilité. Les cadres et techniciens sont les nouveaux maîtres. Les masses doivent leur obéir, elles n’ont plus le droit à l’initiative. Commence alors la restauration du capitalisme en Chine, qui a transformé ce pays socialiste en pays impérialiste à l’heure actuelle.
Les limites de la GRCP se trouvent bien évidemment dans sa défaite, dans son incapacité à établir durablement la ligne prolétarienne pour poursuivre la construction du socialisme. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que ce fut la première expérience de révolution dans la révolution et que cet épisode historique de 10 années représente la plus grande expérience émancipatrice de l’histoire de l’humanité.
3. Le marxisme-léninisme-maoïsme, idéologie de notre époque
Ainsi, l’expérience révolutionnaire chinoise, a enrichi le marxisme-léninisme, tout comme l’expérience révolutionnaire russe avait enrichi le marxisme. On ne peut ainsi opposer le maoïsme au marxisme, ou le maoïsme ou léninisme car aujourd’hui le maoïsme est la troisième étape du marxisme.
Marx, accompagné par Engels, a posé les bases de l’idéologie scientifique du prolétariat révolutionnaire. Ces bases, ce sont en philosophie le matérialisme dialectique qui constitue le point de vue du prolétariat dans son analyse du monde, avec la découverte des lois fondamentales qui gouvernent l’histoire humaine ; en économie politique la découverte de la nature de l’exploitation capitaliste et les contradictions du mode de production capitaliste ; en organisation et tactiques et stratégies de lutte du prolétariat avec la construction de la 1ère Internationale, le Manifeste du Parti Communiste et en tirant les leçons de la Commune de Paris de 1971 – prendre le pouvoir politique par la révolution violente et utiliser la dictature du prolétariat pour parvenir à une société sans classes. Cet ensemble, c’est ce qu’on appelle marxisme, première étape de l’idéologie révolutionnaire du prolétariat.
Par la suite, Lénine a développé le marxisme à un stade supérieur au cours de l’expérience du mouvement révolutionnaire en Russie et dans la lutte internationale contre le révisionnisme. Lénine a ainsi analysé le développement du capitalisme comme étant à son stade suprême : l’impérialisme. Il a développé la nécessité du Parti de type nouveau, le Parti Communiste, comme outil indispensable à la révolution. Il a ensuite concrètement réalisé la dictature du prolétariat à l’échelle d’un pays tout entier, première expérience pratique révolutionnaire prolétarienne à ce niveau. L’écho de la Révolution d’Octobre à travers le monde a unifié les luttes des peuples opprimés et la révolution prolétarienne mondiale. L’Internationale Communiste a été formée. Ces développements, entre autres, constituent le marxisme-léninisme, deuxième étape de l’idéologie révolutionnaire du prolétariat.
Après la mort de Lénine, Staline a poursuivi la construction du socialisme en URSS dans des conditions difficiles et inconnues auparavant et a mené les masses d’URSS à la victoire contre les nazis lors de la deuxième guerre mondiale. Il a grandement œuvré pour la reconnaissance du marxisme-léninisme en tant qu’idéologie révolutionnaire du prolétariat.
Enfin, Mao Zedong, au cours de la longue lutte révolutionnaire pour la prise du pouvoir en Chine, pour la construction du socialisme, dans la lutte contre le révisionnisme moderne et dans la lutte contre la restauration du capitalisme, a développé le marxisme-léninisme à un stade supérieur. Mao a ainsi développé les trois composantes du marxisme –la philosophie, l’économie politique et le socialisme scientifique.
Dans le champ de la science militaire du prolétariat, Mao a développé en théorie et en pratique la Guerre Populaire Prolongée. La GPP, c’est la guerre du peuple car ce sont les masses qui font l’Histoire. « Le pouvoir est au bout du fusil » et « Sans Armée Populaire, le peuple n’a rien ». Mao enseigne que se sont les hommes et les femmes qui sont le facteur déterminant dans la guerre et non les armes. La question de la formation de bases d’appui vers des zones libérées est la clef dans la mobilisation des masses dans la conquête du pouvoir : c’est l’expérience même de la prise du pouvoir par les masses, l’instauration d’un double pouvoir. Il est ainsi nécessaire de développer ces zones sur tous les plans afin de faire progresser la GPP.
Mao a également théorisé le développement des trois instruments pour le succès de la révolution : le Parti, le Front Uni et l’Armée Populaire. Le Parti est central et c’est toujours le Parti qui commande au fusil et jamais l’inverse.
Comme indiqué dans le document de 1993 du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, Vive le marxisme-léninisme-maoïsme :
« Mao Tsétoung a largement développé la philosophie prolétarienne, le matérialisme dialectique. En particulier, il a mis l’accent sur la loi de la contradiction, l’unité et la lutte des contraires, en tant que loi fondamentale régissant la nature et la société. Il a souligné que l’unité et l’identité de toute chose sont passagères et relatives, alors que la lutte des contraires est ininterrompue, absolue, et que cela est à l’origine des ruptures radicales et des bonds révolutionnaires. Il a magistralement appliqué sa compréhension de cette loi à l’analyse de la relation entre la théorie et la pratique, en insistant sur le fait que la pratique est à la fois la seule source et le critère ultime de la vérité et en mettant l’accent sur le bond entre la théorie et la pratique révolutionnaires. De cette façon, Mao a développé plus avant la théorie prolétarienne de la connaissance. Il a été en première ligne pour mettre à la disposition des masses les plus larges la philosophie en popularisant, par exemple, l’idée que « un se divise en deux » par opposition à la thèse révisionniste selon laquelle « deux fusionnent en un ».
Mao Tsétoung a développé plus avant la compréhension de l’idée que « le peuple et le peuple seul est la force motrice, le créateur de l’histoire universelle ». Il a développé la compréhension de la ligne de masse « Recueillir les idées des masses (dispersées, non systématiques), les concentrer (en idées généralisées et systématisées, après étude), puis aller de nouveau dans les masses pour les diffuser et les expliquer, faire en sorte que les masses se les assimilent, y adhèrent fermement et les traduisent en action et vérifier dans l’action même des masses la justesse de ces idées ». Mao a insisté sur la vérité profonde selon laquelle la matière peut se transformer en conscience et la conscience en matière, développant plus avant le rôle dynamique de la conscience des hommes dans tous les domaines de leur activité.
Mao Tsétoung a dirigé la lutte internationale contre le révisionnisme moderne à la tête duquel se trouvaient les révisionnistes krouchtchéviens. Il a défendu la ligne idéologique et politique communiste contre les révisionnistes modernes et a appelé les révolutionnaires prolétariens authentiques à rompre avec eux et à créer des partis fondés sur les principes Marxistes-Léninistes- Maoïstes.
Mao Tsétoung a entrepris une analyse pénétrante des leçons de la restauration du capitalisme en URSS et des insuffisances comme des succès de la construction du socialisme dans ce pays. Tout en défendant les grandes contributions de Staline, Mao a aussi fait le bilan des erreurs de Staline. Il a résumé l’expérience de la révolution socialiste en Chine et des luttes répétées entre les deux lignes contre les quartiers généraux du révisionnisme au sein du Parti Communiste Chinois. Il a magistralement appliqué la dialectique matérialiste à l’analyse des contradictions de la société socialiste.
Mao a enseigné que le Parti doit jouer le rôle d’avant-garde – avant, pendant et après la prise du pouvoir – en dirigeant le prolétariat dans son combat historique pour le communisme. Il a fait progresser notre compréhension de la façon de préserver le caractère révolutionnaire du Parti en menant une lutte idéologique active contre les influences bourgeoises et petites-bourgeoises dans ses rangs, la transformation idéologique des membres du Parti, la critique et l’autocritique et l’application de la lutte entre les deux lignes contre les tendances opportunistes et révisionnistes dans le Parti. Mao a enseigné qu’une fois que le prolétariat a saisi le pouvoir et que le Parti est devenu la force dirigeante dans l’Etat socialiste, la contradiction entre le Parti et les masses devient une expression concentrée des contradictions qui font de la société socialiste une transition entre capitalisme et communisme.
Mao a développé la compréhension du prolétariat de l’économie politique, du rôle contradictoire et dynamique de la production elle-même et de son interrelation avec la superstructure politique et idéologique de la société. Mao a enseigné que le système de propriété détermine de façon décisive les rapports de production mais que, sous le socialisme, il faut prendre garde à ce que la propriété publique soit socialiste dans son contenu comme dans sa forme. Il a insisté sur l’interaction entre le système de propriété socialiste et les deux autres aspects des rapports de production, les liens entre les rapports humains dans le travail et le système de distribution. Mao a développé la thèse léniniste selon laquelle la politique est l’expression concentrée de l’économie, en montrant que dans la société socialiste la justesse de la ligne idéologique et politique détermine si le prolétariat détient réellement les moyens de production. En outre, il a souligné que la montée du révisionnisme signifie la montée de la bourgeoisie, qu’étant donnée la nature contradictoire de la base économique du socialisme il serait facile aux responsables engagés dans la voie capitaliste de réinstaurer le système capitaliste s’ils revenaient au pouvoir.
Il a fait une critique approfondie de la théorie révisionniste des forces productives et en a tiré la conclusion que la superstructure, la conscience, peuvent transformer l’infrastructure et, avec l’aide du pouvoir politique, développer les forces productives. Tout cela est exprimé dans le mot d’ordre de Mao : « Faire la Révolution, Promouvoir la Production ».
Mao Tsétoung a lancé et dirigé la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne qui a constitué un grand bond en avant dans l’expérience de l’exercice de la dictature du prolétariat. Des centaines de millions de gens se sont dressés pour renverser les responsables engagés dans la voie capitaliste qui avaient émergé au sein de la société socialiste et qui s’étaient particulièrement concentrés dans la direction du Parti lui- même (tels Liou Chao-chi, Lin Piao et Deng Xiaoping). Mao a dirigé le prolétariat et les masses dans leur confrontation avec les responsables engagés dans la voie du capitalisme pour imposer les intérêts, le point de vue et la volonté de la grande majorité dans tous les domaines qui, même dans la société socialiste, étaient restés la chasse gardée des classes exploiteuses et de leur mode de pensée.
Les grandes victoires remportées au cours de la Révolution Culturelle ont empêché la restauration du capitalisme en Chine pendant une décennie et ont conduit à de grandes transformations socialistes dans la base économique comme dans l’éducation, la littérature et l’art, la recherche scientifique et les autres domaines de la superstructure. Sous la direction de Mao, les masses ont retourné le vieil humus qui engendre le capitalisme -tels le droit bourgeois et les trois grandes différences entre ville et campagne, entre ouvriers et paysans et entre travail intellectuel et travail manuel.
Au cours de cette lutte idéologique et politique implacable, des millions d’ouvriers et d’autres masses révolutionnaires ont fortement approfondi leur conscience de classe et leur maîtrise du Marxisme-Léninisme-Maoïsme et ont renforcé leur capacité à forger le pouvoir politique. La Révolution Culturelle a été menée comme une partie intégrante de la lutte internationale du prolétariat et a été une école de l’internationalisme prolétarien.
Mao a saisi la relation dialectique entre le besoin d’une direction révolutionnaire et la nécessité de soulever les masses révolutionnaires et de s’appuyer sur elles pour mettre en œuvre la dictature du prolétariat. En agissant ainsi, le renforcement de la dictature du prolétariat a été aussi l’exercice le plus étendu et le plus approfondi de la démocratie prolétarienne qui ait été réalisé dans le monde et des chefs révolutionnaires héroïques se sont révélés, tels Kiang Tsing [Jiang Qing] et Tchang Tchouen-kiao [Zhang Chunqiao], qui sont restés aux côtés des masses et les ont dirigées dans la bataille contre les révisionnistes et qui n’ont pas cessé de tenir haut levé le drapeau du Marxisme- Léninisme-Maoïsme face à une défaite amère.
Lénine a dit : « Celui-là seul est un Marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte de classe jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat ». A la lumière des leçons inestimables et des succès remportés par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne dirigée par Mao Tsétoung, cette ligne de démarcation a été précisée davantage. Aujourd’hui on peut affirmer que seul est Marxiste celui qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat et jusqu’à la reconnaissance de l’existence objective des classes, de contradictions antagoniques de classe, de la bourgeoisie dans le Parti et de la continuation de la lutte des classes sous la dictature du prolétariat pendant toute la période du socialisme jusqu’au communisme. Comme Mao l’a exprimé avec tant de force : « Toute confusion à cet égard mènera au révisionnisme ».
La restauration du capitalisme après le coup d’Etat contre-révolutionnaire de 1976 dirigé par Houa Kuo-feng [Hua Guofeng] et Deng Xiaoping ne remet en aucune façon en cause le Maoïsme ou les réalisations historiques universelles et les leçons magistrales de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ; plutôt, cette défaite confirme les thèses de Mao sur la nature de la société socialiste et la nécessité de poursuivre la révolution sous la dictature du prolétariat.
A l’évidence, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne représente une épopée de l’histoire mondiale de la révolution, un sommet victorieux pour les communistes et les révolutionnaires du monde, une réalisation impérissable. Bien qu’il nous reste un long chemin à parcourir, cette révolution nous a légué d’importantes leçons que nous appliquons déjà comme, par exemple, l’idée que la transformation idéologique est fondamentale pour que notre classe prenne le pouvoir. »
Le marxisme-léninisme-maoïsme est une idéologie vivante, c’est un guide pour l’action, c’est l’idéologie du prolétariat, permettant de comprendre la société de son point de vue en tant que classe en vue de la transformer. Le développement des Partis et organisations marxiste-léniniste-maoïstes dans le monde à l’heure actuelle, y compris dans les pays impérialistes, témoigne de son actualité, de sa vitalité et de sa pertinence pour affronter le défi révolutionnaire auquel nous faisons face.
Nous ne souscrivons pas aux thèses mettant sur le même plan la reconnaissance de la « pensée Mao Zedong » et du maoïsme. Les partisans de la « pensée Mao Zedong » n’en reconnaissent pas les aspects universels, ou alors de manière incomplète et tronquée. Comme affirmé dans un document du PCI (ML) Naxalbari (maintenant fusionné dans le PCI (maoïste)), Le MLM et la pensée Mao Zedong ne sont pas la même chose, 2006 :
« La pensée Mao Zedong et le maoïsme ne sont pas la même chose. Ce dernier apporte quelque chose de nouveau. Quelque chose d’une grande importance idéologique est conquis avec l’adoption du maoïsme. Cette nouveauté ne réside pas dans le mot lui-même. Elle réside dans la rupture avec la compréhension incomplète ou mutilée de l’universalité des conceptions de Mao prises comme un tout, et dans le saut qualitatif qu’elles permettent de faire pour mieux s’emparer de notre idéologie, de façon plus élevée et plus profonde. »
Nous nous inscrivons donc dans la continuité du Mouvement Communiste International qui reconnaît le marxisme-léninisme-maoïsme comme troisième étape. Le rôle joué par le MRI à son époque a été d’une importance considérable et le rôle joué par le Parti Communiste du Pérou ne doit pas être oublié, malgré le revers qu’a subi la Guerre Populaire au Pérou.
Aujourd’hui, les Guerres Populaires restent le phare de la révolution prolétarienne mondiale, le plus haut degré de la lutte anti-impérialiste. La GP en Inde est la plus importante à notre époque, car se déroulant dans un pays de plus d’un milliard d’habitants et ayant une place de plus en plus importante dans l’économie capitaliste mondiale. Mais nous regardons et soutenons aussi les Camarades dans la même voie aux Philippines, en Turquie, au Pérou et dans tous les autres pays où se développent les Partis Communistes maoïstes. Dans les pays impérialistes, il faut noter l’Italie et le Canada où se développent des Partis Communistes maoïstes reconnaissent l’universalité de la Guerre Populaire, sans compter les autres pays où des groupes et organisations sont en cours de formation.
Nous devons comprendre ce qui est universel et ce qui est particulier, comprendre les apports de chaque mise en pratique du maoïsme, comprendre que le maoïsme est l’idéologie communiste d’aujourd’hui.
Le capitalisme est à bout de souffle, incapable de surmonter ses propres contradictions, mais la bourgeoisie n’est pas prête à abandonner le pouvoir de son plein gré. La même idéologie corrosive d’abandon de la lutte, la politique de conciliation, les positions révisionnistes, réformistes et opportunistes, sources de restauration du capitalisme et d’abandon de la lutte de classe, désespèrent le prolétariat et les autres parties du peuple. Les partis bourgeois de droite ou de gauche font payer la crise dont ils sont responsables au prolétariat et aux masses populaires ; une partie dégoûtée par ces politiques se tourne vers les démagogues fascistes. Dans notre pays, dans tous les pays impérialistes et dans les pays qu’ils dominent, la montée du fascisme progresse et les guerres dans les pays dominés se développent et peuvent aboutir à un conflit mondial.
Développer le marxisme-léninisme-maoïsme à notre époque, c’est nous appuyer sur ce que cette théorie a apporté dans sa lutte contre le capitalisme, dans la construction du socialisme avec ses limitations dans chaque phase de son développement, les obstacles qui se sont dressés sur son chemin, pour parvenir à vaincre la bourgeoisie, bouleverser les rapports de production, conserver le pouvoir, transformer la façon d’envisager les choses du point de vue communiste en s’appuyant sur toutes les idées justes des masses pour transformer la société matérielle, mais aussi dans le domaine de l’idéologie. Examiner quelles armes a employé la bourgeoisie pour tromper le prolétariat et restaurer le capitalisme dont il subit le talon de fer de nouveau où la dictature du prolétariat a été détruite et remplacée par celle de la bourgeoisie.
Notre tâche est de défendre, appliquer et développer le marxisme-léninisme-maoïsme !