Textes de bases du PCm
Parti Communiste Maoïste (PCm)
II. La Guerre Populaire Prolongée
3. La Guerre Populaire
1. Le développement de la stratégie de la guerre populaire : de Marx à Mao
La stratégie de la guerre populaire s’est développée sur la base des stratégies révolutionnaires antérieures qui ont commencé par être théorisées par Marx et Engels, mises en pratique par Lénine et qu’il développera également et de nouveau théorisées et portées à un niveau supérieur par Mao Zedong qui mettra en pratique la guerre populaire prolongée contre les forces féodales d’abord, l’occupation japonaise et enfin contre les réactionnaires du Guomindang, phase qui constitue l’extension de cette guerre populaire à tout le pays.
Plusieurs écrits de Marx et Engels montrent que la lutte du peuple est invincible. Ils s’appuient sur l’expérience des masses pour montrer que la guerre du peuple est supérieure à celle de la réaction, qu’elle prend la forme de guérillas, de regroupement, de dispersion, et de harcèlement continu.
« Un peuple qui veut conquérir son indépendance ne doit pas s’en tenir aux moyens de guerre conventionnels. Soulèvement en masse, guerre révolutionnaire, guérilla générale, voilà les seuls moyens dont dispose un petit peuple pour vaincre une grande nation, les seuls moyens permettant à une armée moins forte de tenir tête à une armée plus forte et mieux organisée. Les Espagnols l’ont prouvé en 1807-1812, les Hongrois le prouvent aujourd’hui encore. »
Marx et Engels, La Défaite des Piémontais, La Nouvelle Gazette rhénane, 1er avril 1849
Marx et Engels décrivent les phases de la guerre du peuple d’après la pratique même du peuple en lutte et de là ils constatent que c’est seulement quand les forces sont supérieures que l’on peut vaincre, d’où la mise en garde de ne pas se lancer dans l’insurrection quand les forces ne peuvent anéantir l’ennemi, ce qui nécessite une préparation, une lutte prolongée. Cette remarque sera aussi fortement reprise par Mao qui parle d’attaquer l’ennemi à dix contre un.
Lénine, avec son Parti, va mettre en pratique cette remarque de Marx et Engels dans Révolution et contre-révolution en Allemagne (1851-52) :
« Premièrement, ne jouez jamais avec l’insurrection si vous n’êtes pas décidés à affronter toutes les conséquences de votre jeu. L’insurrection est un calcul avec des grandeurs inconnues dont la valeur peut varier tous les jours ; les forces que vous combattez ont sur vous l’avantage de l’organisation, de la discipline et de l’autorité traditionnelle ; si vous ne pouvez leur opposer des forces supérieures, vous êtes battus, vous êtes perdus. »
Il va être confronté à la guerre civile révolutionnaire. Celle-ci va précéder l’insurrection de 12 ans, et va porter la lutte individuelle d’éléments révolutionnaires au niveau de la lutte des masses. En effet, la Révolution de 1905 est une guerre du peuple, ouvre une guerre civile révolutionnaire.
Le premier soviet à Leningrad (alors Saint-Pétersbourg, puis Pétrograd) préfigurera le double pouvoir du peuple contre celui du tsar, pendant qu’à la campagne, la guerre paysanne avec les attaques de domaines des propriétaires fonciers, annonçait dans la pratique les expropriations et le mot d’ordre « la terre à ceux qui la travaillent ».
« L’insurrection armée du peuple entier mûrit et s’organise sous nos yeux, sous l’influence du cours spontané des événements. »
Lénine, L’armée révolutionnaire et le gouvernement révolutionnaire, 1905
« Voici que les pionniers de la lutte armée se solidarisent non seulement en paroles, mais aussi en actes avec la masse, se mettent à la tête des détachements prolétariens et des groupes de combat du prolétariat, forment dans la guerre civile des dizaines de chefs populaires qui sauront au jour de l’insurrection ouvrière, soutenir de leur expérience des milliers et des dizaines de milliers d’ouvriers. »
Lénine, De la défensive à l’offensive, 1905
Et, déjà citée, mais qu’il ne fait pas de mal à relire :
« Il est parfaitement naturel et inévitable que l’insurrection acquiert les formes plus hautes et plus complexes d’une guerre civile prolongée, englobant tout le pays, c’est à dire d’une lutte armée entre deux parties du peuple. On ne peut se représenter une guerre de ce genre autrement que comme une suite de grandes batailles peu nombreuses, séparées par des intervalles de temps relativement longs, au cours desquels se produisent d’innombrables escarmouches. Du moment qu’il en est ainsi — et il en est certainement ainsi — la social-démocratie doit absolument s’assigner pour tâche de créer des organisations qui soient au plus haut degré capables de diriger les masses dans ces grandes batailles, de même que, si possible, dans ces escarmouches. La social-démocratie, à une époque où la lutte de classe s’est aggravée jusqu’à la guerre civile, doit se donner pour tâche non seulement de participer à cette guerre civile, mais d’y jouer un rôle dirigeant. La social-démocratie doit éduquer et préparer ses organisations pour qu’elles interviennent effectivement en tant que partie belligérante, sans laisser échapper une seule occasion d’infliger des pertes à l’ennemi. »
Lénine, La Guerre des partisans, 1906
Ces quelques phrases de Lénine montrent à l’évidence que l’insurrection est un aboutissement, l’aboutissement de la guerre du peuple qui prend différentes formes (grèves, guerre de partisans, batailles de rue, etc.), que cette guerre est la guerre du peuple, celle de la classe ouvrière à la tête du prolétariat en alliance avec les masses paysannes.
Mao Zedong se basant sur l’analyse et l’expérience du Parti de Lénine en Russie, en analysant les rapports de classes dans la société chinoise (voir enquête dans le Hunan) a approfondi et porté à un niveau supérieur cette stratégie révolutionnaire qu’il nomme « guerre populaire prolongée » (GPP) en l’adaptant au caractère spécifique de la Chine. La stratégie de la GPP en Chine s’est caractérisée par l’encerclement des villes par les campagnes, la population étant à très forte majorité dans les campagnes. Ainsi il s’oppose à la stratégie insurrectionnelle mise en œuvre par Li Lisan en 1930 :
« En 1930, au moment où sa ligne prédominait, le camarade Li Li-san ne comprit pas le caractère prolongé de la guerre civile en Chine et, par suite, ne remarqua pas qu’elle se développait selon la loi de l’alternance prolongée des campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » et des contre-campagnes qui les faisaient échouer. […] C’est pourquoi il donna l’ordre à l’Armée Rouge, alors toute jeune encore, de marcher sur Wouhan et ordonna un soulèvement armé dans tout le pays, dans l’intention de faire triompher rapidement la révolution. C’était verser dans l’opportunisme «de gauche». […] Directement lié à l’opportunisme « de gauche » qui nie l’alternance des campagnes «d’encerclement et d’anéantissement de l’ennemi» et de nos contre-campagnes, il est un autre point de vue tout à fait erroné selon lequel, en aucun cas, l’Armée Rouge ne doit recourir à la défensive. »
Mao, Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire, 1936
Mao en se basant sur la dialectique dit que chaque marxiste doit étudier les lois de la guerre et plus spécifiquement les lois de la guerre révolutionnaire et ensuite l’application de ces lois de la guerre révolutionnaire dans les conditions concrètes de son pays et de son époque.
En développant la théorie de la guerre populaire, Mao a poussé plus loin l’unification de la théorie militaire du prolétariat.
2. La continuation de la stratégie de la guerre populaire
Pendant la Révolution Culturelle en Chine, la guerre populaire a commencé en Inde avec la révolte des paysans de Naxalbari et la lutte contre le révisionnisme du Parti Communiste d’Inde qui donnera naissance plus tard au PCI(ML) en 1969. D’autre part, en 1969, le Parti Communiste des Philippines de José Maria Sison déclenche la guerre populaire lui aussi. Ces deux guerres populaires continuent encore aujourd’hui.
En 1972, en Turquie, Ibrahim Kaypakkaya fonde le TKP(ML) (Parti Communiste de Turquie (Marxiste-léniniste)) et sa branche armée, la TIKKO (Armée Ouvrière et Paysanne de Turquie) et déclenche la guerre populaire.
En 1980, la première guerre populaire lancée après la mort de Mao et la restauration du capitalisme en Chine par Deng Xiaoping est celle du Parti Communiste du Pérou dirigé par le président Gonzalo (Abimael Guzman). C’est un tournant dans le mouvement communiste international. Dans l’élargissement des guerres populaires en dehors de la Chine et l’application des apports de Mao Zedong au marxisme, le parti ne se réfère plus à la pensée Mao Zedong comme application du marxisme dans les conditions de la Chine mais déclare l’universalité de ces apports, dont la guerre populaire. C’est ainsi que le maoïsme est théorisé comme troisième étape du marxisme après le léninisme, formant le corpus idéologique du marxisme-léninisme-maoïsme, idéologie communiste d’aujourd’hui.
Devant l’absence d’organisation internationale du mouvement révolutionnaire, se tient en 1984 la réunion du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste qui réunit les partis et organisations restées fidèles au marxisme-léninisme pensée Mao Zedong et qui adopteront en 1993, au terme d’un débat de plusieurs années, le maoïsme comme troisième étape. Le MRI a incontestablement joué un rôle de premier plan dans le développement des Guerres Populaires.
En 1996, la guerre populaire est déclenchée au Népal par le Parti Communiste du Népal (maoïste). Cette guerre populaire se déroulera pendant dix ans et s’étendra sur 80 % du territoire hors des grandes villes. Suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale, se déroule une grève générale en 2006, des négociations ont lieu entre les sept partis légaux exclus du Parlement et le PCN(m). Après l’abdication de la monarchie, des accords de paix sont conclus : préparation d’une Constitution (qui n’a toujours pas abouti), dépôt des armes dans des conteneurs contrôlés par l’ONU et encadrement de l’Armée Populaire de Libération dans des cantonnements. Des élections ont lieu, les maoïstes y obtiennent 40 % des suffrages et Prachanda, dirigeant du Parti, est nommé premier ministre. Mais cela n’a rien changé fondamentalement aux conditions socio-économiques du pays. Depuis l’entrée dans le processus de paix en 2006, la révolution n’a fait aucune avancée significative. Pire, ce qui était annoncé comme une tactique pour préparer l’insurrection dans les villes s’est avéré être une trahison avec la dissolution de l’Armée Populaire de Libération, l’abandon des armes, la dissolution des Gouvernements Populaires, la remise des terres saisies aux propriétaires terriens, etc., bref la liquidation des acquis de la Guerre Populaire fondée sur la mort de plusieurs milliers de martyrs. Ainsi la révolution est renvoyée aux calendes grecques, ce qui montre que la guerre populaire doit être menée jusqu’à la prise totale du pouvoir sans discontinuité.
Aujourd’hui, la guerre populaire continue en Inde et aux Philippines. En Inde, cela revêt une signification particulièrement importante. Ce pays comprend plus d’un milliard d’habitants et a une place de plus en plus importante au niveau international. Cette guerre populaire recouvre aujourd’hui un tiers du pays et touche plus d’une centaine de millions d’habitants.
3. La Guerre Populaire dans les pays impérialistes
Dans Problèmes de la guerre et de la stratégie (1938), Mao affirme :
« La tâche centrale et la forme suprême de la révolution, c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout, en Chine comme dans les autres pays. Toutefois, si le principe reste le même, les partis prolétariens, placés dans des conditions différentes, l’appliquent de façon différente, conformément à ces conditions.
Dans les pays capitalistes, si l’on ne considère pas les périodes de fascisme et de guerre, les conditions sont les suivantes : à l’intérieur du pays, le féodalisme n’existe plus, le régime est celui de la démocratie bourgeoise ; dans leurs rapports extérieurs, ces pays ne subissent pas d’oppression nationale, ils oppriment, au contraire, d’autres nations. Eu égard à ces particularités, éduquer les ouvriers et accumuler des forces au moyen d’une lutte légale de longue durée, et se préparer ainsi à renverser finalement le capitalisme sont les tâches du parti du prolétariat dans les pays capitalistes. Là, il s’agit de soutenir une longue lutte légale, de se servir de la tribune parlementaire, de recourir aux grèves économiques et politiques, d’organiser des syndicats et d’éduquer les ouvriers. Là, les formes d’organisation sont légales, les formes de la lutte non sanglantes (pas de recours à la guerre). Dans la question de la guerre le parti communiste lutte contre toute guerre impérialiste menée par son pays; si une telle guerre éclate, sa politique vise à la défaite du gouvernement réactionnaire de son propre pays. Il ne veut pas d’autre guerre que la guerre civile à laquelle il se prépare. Mais tant que la bourgeoisie n’est pas vraiment réduite à l’impuissance, tant que le prolétariat dans sa grande majorité n’est pas résolu à entreprendre l’insurrection armée et la guerre civile, tant que les masses paysannes n’en sont pas venues à aider volontairement le prolétariat, cette insurrection et cette guerre ne doivent pas être déclenchées. Et lorsqu’elles le sont, il faut commencer par occuper les villes et s’attaquer ensuite aux campagnes, et non le contraire. C’est ce qu’ont fait les partis communistes des pays capitalistes, c’est ce que confirme l’expérience de la Révolution d’Octobre en Russie. »
Mao, à l’attention des communistes des pays impérialistes, reprend donc la stratégie de l’insurrection développée par le Komintern : accumulation pacifique des forces pour préparer l’insurrection qui elle-même ouvrira la guerre civile. Mais Mao formule ceci en 1938. Le développement de l’expérience du MCI nous montre aujourd’hui l’importance trop grande donnée à la lutte légale et l’importance trop faible donnée au caractère prolongé et actif de la lutte illégale, armée et/ou semi-armée.
Même dans les pays où la résistance armée antifasciste dirigée par les communistes était forte, le processus n’a pas débouché sur la révolution prolétarienne. La « lutte légale de longue durée » a eu l’effet de raffermir la ligne de passage pacifique au socialisme. Et les armes de la résistance furent rendues à l’ennemi de classe. Suite à ces trahisons des Partis Communistes post-résistance armée antifasciste, la déviation révisionniste s’est accentuée. C’est une leçon très importante.
Répétons le, Lénine prévenait déjà :
« L’opportunisme n’est pas un effet du hasard, ni un péché, ni une bévue, ni la trahison d’individus isolés, mais le produit social de toute une époque historique. Cependant, tout le monde ne médite pas suffisamment sur la signification de cette vérité. L’opportunisme est le fruit de la légalité. »
La faillite de la IIème Internationale, 1915
Ainsi, le Parti Communiste ne doit pas traverser une longue période de lutte légale complètement déconnecté de l’activité illégale pour accumuler des forces ; de même qu’il doit utiliser toutes les méthodes de lutte, pacifiques et non-pacifiques, légales et non légales, dans l’objectif de la révolution prolétarienne. Il doit mettre en pratique la violence révolutionnaire dès le début de son activité afin de faire pénétrer dans les masses l’idée de sa nécessité et de les préparer à la mettre en pratique.
Mao a formulé les principes de la Guerre Populaire dans le cadre de la lutte de classe telle qu’elle se développait en Chine. Mao n’a cependant pas développé le principe de la Guerre Populaire dans les pays impérialistes. Cette conclusion, c’est une conclusion tirée par plusieurs Partis Communistes maoïstes dans le monde sur la base de l’expérience historique du MCI : le Parti Communiste du Pérou, le Parti Communiste maoïste d’Italie, le Parti Communiste Révolutionnaire – Canada, le PC maoïste de France et aujourd’hui par le processus d’Unification des maoïstes de l’Etat français.
C’est plus particulièrement le PCP au travers de L’Interview du Président Gonzalo de 1988 qui a formulé l’universalité de la Guerre Populaire dans le cadre de la lutte internationale pour le regroupement des Partis et Organisations maoïstes au sein du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI), c’est-à-dire dans le cadre de la lutte idéologique pour l’affirmation du maoïsme comme troisième étape du marxisme.
« Pour nous, le président Mao Zedong, en établissant les principes de la guerre populaire, a doté le prolétariat de sa ligne militaire, de sa théorie et de sa pratique militaire, de valeur universelle, donc applicable partout, selon les conditions concrètes. »
4. Les aspects universels de la Guerre Populaire dans les pays impérialistes
La question des aspects universels de la GP dans les pays impérialistes découle d’un bilan tiré de l’expérience historique de la lutte révolutionnaire à la lumière de la dynamique actuelle de la lutte de classe. Il en va ainsi pour chaque approfondissement de la théorie scientifique du prolétariat. Il faut sans cesse rechercher ce qui est universel et ce qui est particulier dans toute chose et phénomène. Ne pas faire cela, c’est soit essayer de calquer mécaniquement une « solution miracle » en dépit de toute analyse concrète de la situation concrète ; soit ne pas tirer les leçons historiques du MCI et repartir d’en bas de l’échelle, alors que plusieurs échelons ont déjà été gravis.
De manière générale, voici comment peuvent être formulées les principes de base de la GP dans les pays impérialistes, c’est-à-dire les apports universels de Mao dans la ligne et la pratique que le PCC a développé dans les conditions concrètes auxquelles il faisait face.
Afin de diriger le processus révolutionnaire, le Parti Communiste doit se forger dans le feu de la lutte de classe et en lien étroit avec les masses, car ce sont les masses qui font l’Histoire. Il doit être présent dans tous les secteurs de la société et doit mobiliser les masses partout et par tous les moyens, en mettant l’accent sur la classe ouvrière, force fondamentale de la révolution. C’est ainsi que le Parti apprend des masses, gagne en expérience et peut ajuster les tactiques à mettre en œuvre. Le Parti doit conquérir la direction des luttes, en faisant en sorte que les masses s’approprient sa ligne, non uniquement sur la base de la théorie mais sur la base de la pratique et de l’expérience.
Le processus de Guerre Populaire, c’est ainsi l’accumulation des forces par l’activité légale et par l’activité illégale. C’est un processus prolongé, c’est-à-dire qui s’étale dans le temps, mais surtout qui suit des étapes qui permettent au Parti d’identifier où en est le développement de la situation révolutionnaire et quelles tactiques il doit mettre en place : 1. la préparation de l’initiation de la Guerre Populaire – accumulation des forces, formation des cadres, préparation idéologique des masses populaires ; 2. la défensive stratégique – actions armées ou semi-armées de type guérilla, les forces de l’ennemi étant largement plus fortes ; 3. l’équilibre stratégique – la bourgeoisie ne peut plus gouverner comme avant et est traversée par une crise ; 4. l’offensive stratégique – le camp du prolétariat passe à l’offensive pour la prise du pouvoir. Ainsi, suivant ce principe, il n’y a pas d’attentisme du « Grand Soir ». Les masses sont préparées dès le début à un combat d’un niveau supérieur, pas à pas. D’autre part, il ne s’agit pas d’attendre le déclenchement d’une crise interne à la bourgeoisie qui ne lui permet plus de gouverner comme avant mais de la préparer. Le cadre stratégique de la GP n’occulte ainsi aucun moyen, forme, méthode de lutte et n’essaye pas de calquer un modèle sur la lutte de classe. Adopter la stratégie de la GP, c’est donner une orientation claire à la lutte de classe, la sortir de l’ornière légaliste, économiste, dans laquelle les réformistes de tous bords tentent de la cantonner.
Afin de développer le plein potentiel révolutionnaire des masses, le Parti Communiste doit construire les 3 instruments de la révolution dont le Parti est le cœur : le Parti, le Front, la Force combattante. On ne peut laisser à la seule spontanéité le développement de ces 3 forces. La nécessité du Parti vient du besoin d’une organisation capable de guider les masses dans le processus révolutionnaire, le niveau de conscience étant inégal et la spontanéité du mouvement ouvrier ne permettant pas de dépasser le stade de la lutte économique ; celle du Front vient de la nécessité d’unir les larges masses afin d’isoler au maximum l’ennemi de classe ; celle de la Force combattante vient du fait que la bourgeoisie ne cède pas le pouvoir de manière pacifique et que l’appareil d’Etat de la bourgeoisie ne peut être pris tel quel et mis au service du prolétariat, il doit être détruit de fonds en combles. La méthode de construction est différente pour chaque instrument mais le principe de base est le même : partir de la lutte de classe telle qu’elle est menée aujourd’hui par les masses et la mener de l’avant.
Concernant la Force combattante, le principe de base est : le pouvoir est au bout du fusil et le Parti commande au fusil. Le parti révolutionnaire doit diriger l’armée révolutionnaire et la guerre révolutionnaire. L’armée ne doit jamais diriger le Parti et devenir la force dirigeante de la révolution ou une force indépendante du Parti. D’autre part, les révolutionnaires apprennent la guerre en la faisant. C’est suicidaire que de préparer « pacifiquement » l’insurrection. La violence révolutionnaire doit être un aspect important de la lutte dès l’étape d’accumulation des forces. Son degré doit dépendre du développement des forces et de l’état d’esprit des masses.
Dans la GP, ce sont les hommes et les femmes des masses qui représentent la force décisive et non les armes, même les plus modernes.
« Les armes sont un facteur important, mais non décisif, de la guerre. Le facteur décisif, c’est l’homme et non le matériel. Le rapport des forces se détermine non seulement par le rapport des puissances militaires et économiques, mais aussi par le rapport des ressources humaines et des forces morales. C’est l’homme qui dispose des forces militaires et économiques. »
Mao, De la guerre prolongée, 1938
La Force Combattante se distingue très nettement de l’armée bourgeoise par le fait qu’elle soit totalement lié aux intérêts du peuple, qu’elle combat pour celui-ci. Elle observe ainsi une stricte discipline dans comportement vis-à-vis des masses et répond au mot d’ordre « au service du peuple ».
La Guerre Populaire, comme son nom l’indique, c’est donc la guerre du peuple, c’est la guerre des masses. « On ne peut faire qu’en mobilisant les masses, qu’en s’appuyant sur elles. » (Mao, Soucions-nous davantage des conditions de vie des masses et portons plus d’attention à nos méthodes de travail, 1934) Elle permet de libérer le plein potentiel des masses. La GP est le processus par lequel les masses populaires apprennent à prendre en main la société. Le peuple se transforme dans le feu de la lutte, il perd peu à peu ses scories et se purifie. La Guerre Populaire Prolongée réunit tous les prolétaires dans la lutte et devient ainsi un instrument de lutte contre les discriminations. Elle réduit ainsi l’influence du racisme et du sexisme au sein de la classe. Bien plus, la Guerre Populaire Prolongée forge des femmes et des hommes nouveaux qui se transcendent à travers la lutte commune.
La ligne de masse est d’une importance toute particulière. Dans cet esprit, des bases d’appuis doivent être développées. Dans les bases d’appuis, le nouveau pouvoir est érigé par les masses en s’appuyant sur 3 aspects de la vie quotidienne : le lieu de travail, le lieu d’habitation, le lieu d’étude et de formation. Afin d’affiner la possibilité de développer des bases d’appuis, le Parti s’appuie sur une analyse de classe et des données socio-économiques des différentes régions et de l’ensemble du territoire. Ainsi, dans l’Etat français, avec environ 60% de la population vivant dans les grands pôles urbains (85% si l’on comprend leurs périphéries) et 95% sous l’influence des villes, il est clair que les centres urbains sont le centre de l’activité révolutionnaire.
De même, c’est un principe d’une importance stratégique de compter sur ses propres forces. Ce principe traverse l’ensemble de la Guerre Populaire.
5. Les aspects particuliers de la Guerre Populaire dans les pays impérialistes, et notamment sur le territoire français – éléments historiques et d’analyse de classe
Il y a plusieurs expériences partielles de luttes armées ou semi-armées dans les pays impérialistes dont nous devons tirer un bilan détaillé mais qui montrent au moins que la lutte armée est possible et même l’établissement de zones de base semi-libérées : IRA, ETA, RAF, BR, Gauche Prolétarienne,… Plus particulièrement, en France, les expériences phares qui sont pour nous les prémisses de la Guerre Populaire sont la Commune de Paris, la résistance antifasciste de la 2ème Guerre Mondiale, mai 68 et la Gauche Prolétarienne, les révoltes des banlieues.
La situation générale dans les pays impérialistes est une crise économique qui accentue la lutte de classe, c’est-à-dire un aiguisement de la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat, la bourgeoisie capitaliste-impérialiste devant s’attaquer aux conquêtes ouvrières pour garantir son profit maximal. Les masses souffrent de ces attaques répétées et depuis les années 70, les luttes ne sont plus de conquête mais de défense.
Dans ce cadre, il y a un phénomène de réactionnarisation du champ politique. Pour que la classe ouvrière et les masses populaires se serrent la ceinture, il faut nécessairement casser le sentiment d’appartenance de classe. Rien de plus efficace pour cela que des slogans appelant à « l’unité derrière la nation » qui efface les classes ; que des slogans faisant reposer la responsabilité du chômage sur les chômeurs mêmes « du boulot, y en a, il suffit de vouloir travailler » ; que des slogans divisant la classe ouvrière et les masses populaires selon des critères racistes et/ou religieux « les immigrés nous prennent notre boulot », « les musulmans sont des terroristes », etc. L’analyse historique montre que les périodes de crise préparent le fascisme. Ce dernier se développe forcément sous une forme adaptée aux conditions concrètes et sans cesse renouvelée, sous une forme moderne. C’est aujourd’hui une menace réelle que nous ne devons pas prendre à la légère. La question de la lutte antifasciste s’intègre donc dans la question de la Guerre Populaire, comme tout le travail que nous développons. Rappelons-le, la Guerre Populaire n’est pas une tactique militaire, c’est une stratégie, une guerre du peuple sur tous les fronts (politique, culturel, idéologique, militaire,…).
Les Etats impérialistes sont forts stratégiquement, avec une armée professionnelle, une police bien entraînée, des moyens technologiques développés, etc. Il est donc clair qu’espérer une victoire rapide de la révolution c’est se bercer d’illusion, d’où la nécessité d’un processus révolutionnaire prolongé, attisant la crise au sein des cliques bourgeoises se disputant la direction du pays. La principale faiblesse de ces Etats, c’est le faible nombre de personnes qui n’ont pas intérêt à la révolution. C’est également leur incapacité de plus en plus grande à reverser les dividendes de l’exploitation aux larges masses populaires. La polarisation bourgeoisie/prolétariat s’aiguise.
Il serait criminel pour les révolutionnaires de laisser à la spontanéité la formation d’une Force Combattante nécessaire à la poursuite d’un processus révolutionnaire prolongé. C’est donc notre tâche d’organiser la violence révolutionnaire des masses sous toutes les formes qu’elle peut prendre.
La classe ouvrière est encore forte numériquement. Il existe encore de grands centres de concentration ouvrière, malgré le fait que la bourgeoisie fasse tout pour émietter et diviser la classe (plus petits centres de production, délocalisations, externalisations des services,…). Le principal problème dans la classe ouvrière des pays impérialistes est sa démoralisation due au manque de perspectives révolutionnaires. C’est à nous d’y apporter une solution. En France, la classe ouvrière représente environ 25% de la population active.
Le prolétariat, dont le cœur est la classe ouvrière, est encore plus important numériquement. Une partie de la classe ouvrière est passée du secteur industriel au secteur des services (service aux entreprises, plateformes logistiques, grande distribution, etc.). Une grande partie des employés peut être considérée comme faisant partie du prolétariat. Le noyau dur du prolétariat dans les pays impérialistes est constitué par plusieurs couches : 1. les travailleurs et travailleuses pauvres ; 2. les prolétaires sans travail, de plus en plus nombreux et nombreuse en raison de la crise ; 3. les travailleurs ou travailleuses immigrés avec ou sans-papiers qui n’ont pas les même droits ; 4. les femmes, qui occupent en grande majorité les emplois les plus précaires et qui subissent toujours une discrimination supplémentaire (salaire, harcèlement, embauche, carrière,…); 5. les jeunes, qui sont les plus touchés par le chômage et qui arrivent sur un « marché du travail » en tension et donc soumis à plus de pression et d’exploitation. En France, le prolétariat représente entre 60 et 65% de la population active.
Le prolétariat peut également compter sur le soutien d’une partie de la petite-bourgeoisie (étudiants, artisans, petits paysans, petits commerçants,…), d’où l’importance du développement d’un Front Uni unissant les larges masses populaires.
Dans les pays impérialistes, l’écrasante majorité de la population vit dans les zones urbaines. Il ne s’agit donc pas, pour la Guerre Populaire, « d’encercler les villes par les campagnes ». Cet aspect est propre à l’expérience chinoise de la Guerre Populaire et nous ne saurions en avoir une application mécanique. Un aparté est d’ailleurs nécessaire sur ce point. Celles et ceux qui s’opposent à la question de la Guerre Populaire comme stratégie universelle du prolétariat s’en tiennent souvent à cet argument. Ce point de vue, c’est concevoir la Guerre Populaire comme tactique, comme forme de lutte, c’est ne pas voir la portée stratégique de la Guerre Populaire. C’est ne pas tirer de l’expérience chinoise de la Guerre Populaire ses aspects universels, généralisables à tous les pays sous réserve de leur application en fonction de leurs conditions concrètes et de leur situation concrète. Refermons l’aparté. Il advient donc de la part du prolétariat dans la population et de l’urbanité de sa résidence que l’activité des communistes dans les pays impérialistes se dirige vers les centres urbains, particulièrement ceux de concentration prolétarienne.
L’établissement de bases d’appuis ne pourra aboutir à la formation de zones libérées que très difficilement ou alors lors de la période précédant de peu la prise du pouvoir. En effet, les institutions bourgeoises ont une présence forte et étendue sur le territoire et leur affaiblissement ne peut être que temporaire. En revanche, comme l’a démontré l’expérience de l’IRA, et en moindre mesure d’ETA, il est possible de former des zones de base où les révolutionnaires peuvent trouver refuge plus facilement, où les masses peuvent prendre entre leurs mains le pouvoir de manière partielle, où la sympathie pour la révolution est grande. La question de l’Irlande est une question de libération nationale avec des conditions donc assez différentes de ce qui se passe en France mais l’organisation militaire de la résistance irlandaise peut apporter des enseignements sur la question de la guerre populaire dans les pays capitalistes et impérialistes. Ainsi l’IRA avait réussi à créer une véritable zone d’insécurité pour l’ennemi en utilisant des quartiers populaires comme base d’appui. L’exemple le plus important est celui du Bogside (« Free Derry »), où l’ennemi ne pouvait simplement plus rentrer et où un double pouvoir avait commencé à se mettre en place. Les zones de base sont importantes dans la création du Nouveau Pouvoir au travers duquel les masses apprennent à diriger la société. Il est impossible de prédire quelle forme aura le Nouveau Pouvoir et comment s’organiseront concrètement les zones de base, quelle sera leur importance, mais il est certain qu’il est nécessaire pour les communistes d’aller dans cette direction en s’appuyant sur ce que les masses mettent déjà en pratique. Les cibles pour ces zones de base sont les lieux d’habitation à forte concentration prolétarienne, qui existent en France sous la forme des quartiers populaires, banlieues, la plupart du temps en périphérie des centres villes malgré quelques exceptions. La population de ces quartiers populaires est durement touchée par le chômage (2,5 fois plus que dans le reste du territoire – atteignant le taux de 45% et plus chez les jeunes), environ 40% de la population active est strictement ouvrière (sans compter les ouvriers et ouvrières au chômage) et environ 35% est employée (principalement employés administratifs et dans le service aux personnes), les foyers y sont moins motorisés qu’ailleurs ce qui est pénalisant pour l’accès à l’emploi, les formes d’emploi précaires (temps partiel, CDD, emplois aidés, intérim) y sont plus importantes que sur le reste du territoire, le revenu par ménage est inférieur de 1200€ à l’ensemble du territoire, le taux de pauvreté y est 3 fois plus important, les personnes immigrées ou issues de l’immigration y sont plus nombreuses que dans le reste du territoire (2,5 fois plus) subissant l’oppression supplémentaire qu’est le racisme, il y a plus de familles monoparentales également ce qui signifie plus de femmes (90% des familles monoparentales) dans des situations difficiles (50% au chômage), les conditions de logement y sont plus difficiles qu’ailleurs.
Pour l’instant, même si la bourgeoisie impérialiste est traversée par une crise et que les contradictions s’aiguisent -1. entre pays impérialistes et nations et peuples opprimés, 2. entre le prolétariat international et les peuples des nations opprimées d’un côté et la bourgeoisie impérialiste et ses valets de l’autre, 3. entre puissances impérialistes elles-mêmes- , il n’y a qu’un affaiblissement relatif du camp de la bourgeoisie. Si la situation peut évoluer, il n’en demeure pas moins que la lutte aura forcément un caractère prolongé, ponctuée de soubresauts (émeutes, soulèvements, révoltes,…).
6. Les aspects historiques de la Guerre Populaire dans l’État français
Les Communistes analysent toujours l’Histoire afin que le passé serve le futur. Le territoire de l’Etat français a été traversé par de nombreuses périodes de lutte de classe aiguë. Parmi celles-ci, nous donnons priorité à l’étude de la Commune de Paris ; la lutte partisane contre l’occupant nazi et le régime de Vichy ; Mai 68 et la décennie qui a suivi ; la révolte des banlieues de 2005.
a. La Commune de Paris 1871
La Commune de Paris est à bien des titres exemplaire. C’est la guerre du prolétariat contre la bourgeoisie. Cette guerre sociale tire les enseignements des insurrections de 1831 et de 1848. Dans la première, le prolétariat servait d’appoint à la bourgeoisie républicaine contre l’aristocratie et la réaction de l’époque. En 1848, la bourgeoisie industrielle s’était rapprochée du secteur bancaire de la bourgeoisie capitaliste, ce qui allait plus tard former le capital financier qui domine depuis plus d’un siècle par le biais de la fusion du capital bancaire et industriel. Au cours de cette seconde révolution, en France, la petite bourgeoisie alliée au début avec le prolétariat va rompre avec lui et rallier en Juin la bourgeoisie qui va l’écraser. Pour la première fois, le prolétariat va se retrouver seul face à la bourgeoisie toute entière. En 1871, la Commune va être dirigée par le prolétariat et les masses populaires de Paris en réaction à l’abandon de la lutte de libération nationale face à l’envahisseur prussien. Plusieurs dirigeants de la Commune sont immigrés. Le prolétariat va s’insurger contre les défaitistes qui voulaient désarmer le prolétariat parisien. La Commune de Paris est donc une réaction contre l’occupation et la coalition des traîtres collaborant avec l’ennemi occupant et contre la réaction républicaine.
Le caractère prolétarien de la Commune est contenu dans les mesures qu’elle a pu mettre en œuvre en 3 mois avant son écrasement. A savoir :
1) La suppression de l’Armée permanente remplacée par le peuple en armes.
2) Le gouvernement dirigé par le Comité central de la Garde Nationale.
3) Le salaire d’un haut fonctionnaire sur la base du salaire d’un ouvrier qualifié.
4) Les délégués à tous les niveaux révocables à tout moment.
5) L’égalité sur tous les plans y compris électifs entre Français et immigrés.
6) L’instruction publique gratuite pour tous.
7) L’expropriation des fugitifs au profit de la Commune.
8) L’appel à la fraternisation internationale «Prolétaires de tous les pays unissez-vous», le soutien mutuel déclaré de la classe ouvrière allemande et française.
9) L’appel aux paysans qui n’aura pas le temps d’être concrétisé dans la pratique.
D’autres Communes se sont formées en France, à Marseille, Lyon, St Etienne, Narbonne entre autres, mais ont dû rapidement capituler.
L’idée de la Commune était de réorganiser la France sur la base des communes, des besoins locaux ou régionaux et ainsi former la nouvelle république sociale.
Peut-on parler de guerre populaire en parlant de la Commune ?
Si l’on s’en tient au soulèvement à Paris, c’est avant tout une guerre civile révolutionnaire dirigée par le prolétariat en armes qui prend le pouvoir et entreprend de réorganiser le pouvoir d’Etat, au profit du prolétariat et des classes populaires contre l’aristocratie et la bourgeoisie. C’est à dire, comme le dit Marx lui-même,
« La Commune, c’était la dictature du prolétariat. »
« La Commune de Paris a montré que le prolétariat ne pouvait utiliser la machine d’Etat toute faite, mais devait la détruire de fond en combles. »
La guerre civile en France, 1871
En lançant un appel certes tardif à la paysannerie, en appelant au soulèvement des communes, principalement rurales, la Commune pose le problème de la guerre populaire contre les classes dominantes, l’alliance avec la paysannerie sous la direction du prolétariat. Ce qu’il manquait à la Commune, c’était l’homogénéité idéologique et ce qui en découle; c’est à dire l’homogénéité organisationnelle et le parti d’avant-garde. L’absence aussi d’un commandement en chef ayant suffisamment de prestige et d’autorité pour être reconnu unanimement. Comme le dira Marx, seul Blanqui aurait pu remplir ce rôle. Il était en emprisonné à Clairvaux et Thiers refusera de le relâcher contre les otages. La Commune de Paris, malgré ses faiblesses, restera à tout jamais dans l’esprit et la mémoire du prolétariat, car c’était la première prise effective du pouvoir par le prolétariat. Elle a démontré que la seule manière de prendre le pouvoir, c’est par la violence révolutionnaire, qu’à l’armée permanente doit être substitué le peuple en armes, modèle qui doit servir pour l’avenir. La police est aussi supprimée et remplacée par le peuple en armes qui assure les fonctions de défense et de sécurité. Paris n’a jamais été aussi sûr que durant la Commune alors que la police et la gendarmerie avaient fuit à Versailles ainsi que la pègre.
b. Le PCF et la résistance antinazie et contre le régime de Vichy – 1939-1945
Le PCF avait vu sa stratégie du front populaire antifasciste s’effilocher au fil du temps parce qu’il n’avait pas de stratégie révolutionnaire léniniste pour la prise du pouvoir mais une théorie de conquête par la voie parlementaire, par la majorité électorale. La question du renversement de la bourgeoisie était pensée comme l’attente d’un grand soir.
Après la défaite de la France face à l’Allemagne nazie, le PCF se réorganise dans la clandestinité là où il est fort, dans certaines branches et avec certains groupes : les cheminots, ce qui lui permet de créer un réseau (transport des cadres, acheminent des directives et du matériel de propagande), les mineurs, les instituteurs, les postiers (cadres du PCF en zone rurale), les femmes (avec par exemple l’Union des Jeunes Filles de France) et les immigrés (organisés dans la MOI, antifascistes résolus, habitués au travail clandestin).
L’organisation des masses est l’axe principal. Des comités populaires sont créés. La Vie Ouvrière est publiée illégalement. La direction est restreinte comme toute direction clandestine. La liaison internationale est rétablie avec Fried à Bruxelles et Dimitrov à Moscou.
L’Humanité dénonce alors le régime de Vichy et l’occupant. En décembre 1940 Politzer publie la brochure Révolution et contre-révolution au XXème siècle qui attaque l’idéologie nazie élaborée par Rosenberg. Le PCF dénonce tous les courants de la bourgeoisie, les collaborationnistes de tout poil du gouvernement de Vichy, mais aussi
« le mouvement des De Gaulle et de Larminat, foncièrement réactionnaire et anti-démocratique, qui ne vise rien d’autre, lui aussi, qu’à priver notre pays de toute liberté en cas de victoire anglaise. »
L’Humanité, 18 mars 1941
Le redressement du PCF fait réagir l’ennemi, les arrestations sont nombreuses. En septembre 1941, toute la direction de la zone sud tombe : cela signifie que l’occupant et Vichy travaillent de concert.
Fin avril 1941, l’Internationale Communiste envoie une directive au PCF :
« La tâche actuelle essentielle est la lutte pour la libération nationale. La lutte pour la paix est subordonnée à la lutte pour l’indépendance nationale. Une paix sans libération nationale signifierait l’asservissement du peuple de France. Au moment actuel cette lutte doit viser surtout à ne pas permettre que le peuple, le territoire et les ressources de la France soient utilisés dans la guerre entre l’Allemagne et l’Angleterre. »
L’IC demande la création d’un «Front national large de lutte pour l’indépendance» «la faculté de la classe ouvrière avec le Parti Communiste à sa tête de jouer le rôle d’avant-garde dans le mouvement de libération nationale».
Le PCF ne s’est jamais préparé à la lutte armée. Certes les anciens des brigades internationales savent manier les armes, les explosifs, ce qui est loin d’être négligeable, les hommes et les femmes sont courageux, savent se battre, mais en Espagne la bataille était une bataille de front alors que la guerre de libération nationale que va devoir mener le PCF est la guerre de partisans, de guérilla, une guerre de mouvement, avec des zones de maquis.
Dès août 1940, le Tchad et l’Afrique Equatoriale Française se sont ralliés à De Gaulle qui a alors une armée pour participer à la reconquête, et à l’intérieur une partie de la résistance dont la stratégie est de préparer le terrain aux forces alliées, par le renseignement principalement. Cette résistance gaulliste a aussi un caractère politique, organiser à Londres un «gouvernement» et établir un réseau de cadres pour un gouvernement bourgeois après la victoire. Le PCF qui s’engage dans la lutte armée va devenir le principal acteur de la résistance sur le terrain en gagnant peu à peu l’appui ou la sympathie des masses.
Le 13 août 1941, après une manifestation de la Jeunesse Communiste, 2 militants sont fusillés. Le 21, en riposte, Pierre Georges (le Colonel Fabien) abat en plein jour un militaire allemand à la station Barbès. C’est le début de la lutte armée de libération nationale. Tous les ingrédients sont alors pratiquement réunis pour que la guerre impérialiste se transforme en révolution avec la direction de la lutte armée par le Parti Communiste qui organise des actions de sabotages, dans les usines et sur le réseau de chemin de fer (dans les villes et à la campagne) et des bases d’appui à la campagne (les maquis). Ce qu’il manque c’est la conduite d’une stratégie de guerre populaire conduisant à la prise de pouvoir dans tout le pays.
Le PCF crée l’Organisation Spéciale, chargée dès l’automne 1940, de protéger les distributeurs de tracts, ce qui est important et doit être un principe aujourd’hui dans la préparation idéologique à la militarisation du parti.
Au début, la Résistance, qui n’a que quelques vieux revolvers, ne peut mener des luttes d’envergure, elle ne peut mener que des actions limitées symboliques.
De Gaulle est contraint de justifier la lutte armée mais :
« Il y a une tactique à la guerre. La guerre des Français doit être conduite par ceux qui en ont la charge, c’est à dire par moi-même et le Comité national. Il faut que tous les combattants, ceux du dedans comme ceux du dehors, observent exactement la consigne que je donne pour le territoire occupé, c’est de ne pas y tuer ouvertement des allemands ».
L’Humanité, le 10 Avril 1942, annonce la création des Francs-Tireurs et Partisans (FTP) qui remplace l’OS.
Le PCF démarre la guerre de libération nationale par la guérilla comme force principale pour la libération nationale devant ouvrir la porte à la libération sociale, en constituant des maquis, des zones sinon libérées, du moins des zones d’insécurité pour l’ennemi.
Face à cette résistance Vichy accentue la répression, développe une politique fasciste et raciste. Les 16 et 17 juillet 1942 a lieu la grande rafle du Vel d’Hiv, ce qui provoque un afflux de jeunes juifs dans la Main d’Oeuvre Immigrée, car «quand il y a oppression, il y a résistance», bientôt suivi par l’afflux de travailleurs forcés d’aller travailler en Allemagne avec le STO (Service civil national du Travail). C’est la levée de bouclier, les communistes ne sont plus seuls.
L’organisation du PCF est très structurée : groupe de trois, depuis la base jusqu’au triangle de la direction. Le cloisonnement territorial est doublé d’un cloisonnement des tâches: un responsable politique, un responsable technique (faux-papiers, imprimerie, armes, etc.), un responsable aux cadres (vérification des militants qui entrent dans l’organisation, enquêtes après les arrestations).
Le PCF est ainsi mieux protégé que les autres mouvements grâce à cette structure.
Les structures spécialisées du PCF sont organisées sur le même principe (syndicats clandestins, FTP, Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, organisations de femmes et de jeunes, la MOI…). Aidé par l’IC, il peut renvoyer dans leur pays des militants des Brigades Internationales, pour créer une résistance communiste, aider le réseau de renseignement soviétique (l’Orchestre Rouge). Les partis communistes maoïstes des pays impérialistes devront sans doute étudier ce mode d’organisation pour les combats à venir et les adapter aux conditions nouvelles.
La réunion constitutive du CNR (Conseil National de la Résistance) a lieu fin mai 1943. Le CNR comprend le Front National de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, 6 représentants des partis dont le PCF, 2 représentants syndicaux. De Gaulle est désigné comme le chef d’un gouvernement provisoire à créer. Le PCF proteste : «De Gaulle est incapable de prendre le pouvoir car il est à Londres et Giraud à Alger».
En 1944, le PCF lance l’insurrection dans plusieurs villes. A Marseille, à l’annonce du débarquement en Provence, le 15 août 1944, le PCF déclenche l’insurrection. Le CDL (Comité Départemental de la Libération) s’installe à la préfecture, le PCF contrôle les syndicats et la police. Mais il doit partager le pouvoir avec le socialiste Gaston Deferre. A Lyon, le 24 août, à Villeurbanne, le 26, les FTP et la MOI libèrent la ville. Les allemands reviennent. La grève générale est déclenchée. Le 3 septembre les allemands quittent la ville après avoir fait sauter tous les ponts.
A Paris, le 14 juillet, des manifestations patriotiques sont organisées par le PCF, les patrons ont fermé les entreprises. Le 10 août le PCF impulse la grève des cheminots. Tillon ordonne l’insurrection. Le 15, la police est en grève, le 16 les accrochages se multiplient avec les troupes allemandes. Le 21, Le PCF veut poursuivre l’insurrection, les gaullistes veulent une trêve pour gagner du temps en attendant les troupes alliées. Le 22 les combats reprennent, le centre est couvert de barricades. Le 24, Leclerc entre par la porte d’Orléans. Le lendemain les allemands se rendent.
Des centaines de villes ont été libérées avec un appui significatif des FFI.
Le PCF a pu prendre le pouvoir dans de nombreuses communes, mais De Gaulle avait reconstitué l’Etat en prévision de la libération. Le PCF renonce à l’insurrection, il tente une politique de double pouvoir consistant à bloquer le gouvernement au sommet et multiplier les pouvoirs locaux. Le 12 septembre, De Gaulle annonce des élections dès le retour des prisonniers et déportés, il appelle au retour à l’ordre et part en tournée dans les autres villes. Duclos dénonce le sabotage de l’action gouvernementale par les trusts, mais aussi les ministres du Travail et du Ravitaillement, de la Production industrielle et de la Guerre.
« Aujourd’hui, c’est la Résistance qui constitue la base légale du gouvernement provisoire de la République. Il est des gens qui voudraient bien liquider la Résistance, ce qui serait grave car le gouvernement n’aurait plus de base légale ».
De Gaulle contre-attaque et annonce «la dissolution des milices patriotiques et l’amnistie de Thorez»- sans doute en échange. Le CNR et le CPL (Comité Parisien de Libération) refusent. De Gaulle reçoit une délégation du CNR :
« Faites en sorte que, désormais, aucun groupement armé ne subsiste sur le territoire libéré en dehors de l’armée et de la police d’Etat ».
Le CNR annonce la création de la Garde Civique Républicaine (ex-milices patriotiques). Mais le légalisme l’emporte sur l’action. Duclos affirme :
« la Résistance est le représentant de la souveraineté populaire et la seule base légale du gouvernement provisoire ».
Cachin :
« Le gouvernement ne doit engager aucune action de sa propre autorité sans avoir consulté au préalable les délégués de la population patriote du pays ».
Le processus de participation au gouvernement bourgeois est sur les rails. L’ambiguïté de participer au gouvernement désarme idéologiquement le PCF et les masses, qui observent la partie de bras de fer et attendent une directive claire. Cachin dit : «Une légalité nouvelle se forme d’après le rapport des forces.» Le PCF tente d’établir un pouvoir concurrent : il possède 12 quotidiens, 47 hebdomadaires. Les 3 principaux quotidiens tirent à 2 300 000 exemplaires. Le PCF dirige dans la CGT 62 UD sur 92, 21 fédérations sur 38. La conquête est totale en 1947. Dans plusieurs villes une centaine d’entreprises sont placées sous le contrôle et la direction des « comités de gestion», comme à Marseille, Lyon, Grenoble etc. Le Parti Socialiste s’allie à De Gaulle, les milices patriotiques sont dissoutes. Le ministre du Travail étouffe les initiatives économiques et sociales révolutionnaires, sous prétexte que les Alliés sont là, et qu’ils ne toléreraient pas de troubles politiques. Le PCF ne fait rien pour combattre les mesures des sociaux-démocrates réactionnaires.
De la lutte armée de libération nationale à la participation au gouvernement
Le 30 novembre 1944 Thorez fait sa rentrée politique au Vel’ d’Hiv’ :
« Faire la guerre. Créer une puissante armée française. Reconstruire rapidement une industrie, avant tout notre industrie… travailler d’arrache-pied.» «Ne pas apparaître comme cherchant la bagarre »…
A propos des milices patriotiques Thorez déclarera que :
« Ces groupes armés ont une raison d’être avant et pendant l’insurrection. Mais la situation est maintenant différente [nous entendrons cela à chaque étape de la liquidation, cela jusqu’à aujourd’hui]… «Les gardes civiques et, d’une façon générale, tous les groupes armés irréguliers ne doivent pas être maintenus plus longtemps. »
En ce qui concerne les Comités de Libération leur tâche
« n’est pas d’administrer mais d’aider ceux qui administrent et d’organiser les masses pour l’accomplissement maximum de l’effort de guerre, pour le soutien du gouvernement provisoire dans l’application du programme élaboré par la Résistance. »
C’est clair ces Comités n’ont qu’un rôle d’appui au gouvernement capitaliste, tout en faisant respecter le programme de la Résistance, chose plus que difficile à faire une fois les milices désarmées. Ce qui prouve que le PCF a dès lors renoncé à la Révolution.
L’absence de stratégie révolutionnaire du PCF concernant la prise du pouvoir a donc conduit le PCF à l’opportunisme dans une situation où existait un double pouvoir et tous les éléments pour mener une révolution socialiste. Cet abandon de la perspective a été clair avec la dissolution des milices pour les intégrer dans l’armée régulière sous la direction de la bourgeoisie.
A partir de là, le PCF n’a plus jamais poursuivi une orientation révolutionnaire et s’est toujours plus enfoncé dans le révisionnisme et l’opportunisme.
c. Mai 68 et la décennie qui a suivi
Après la seconde guerre mondiale, la question de la lutte armée dans le mouvement révolutionnaire s’est une nouvelle fois posée après le mouvement de 1968.
En France cela s’est manifesté avec la Gauche Prolétarienne qui s’est développée comme principale force anti-révisionniste dans le mouvement suivant 1968. La Gauche Prolétarienne a tenté de faire le lien entre le mouvement de la jeunesse étudiante et les masses ouvrières en établissant certains de ces militants dans les plus grandes usines. Elle a tenté à travers ça de radicaliser les luttes et d’établir une ligne de démarcation avec les révisionnistes. Avec la création de la NRP (Nouvelle Résistance Populaire) elle avait jeté les bases des forces combattantes. De plus, la GP avait commencé à former un front avec les organisations de masse qu’elle avait lancé telles que l’Union des Comités de Lutte d’Atelier, le Mouvement des Travailleurs Arabes, le Secours Rouge… La GP a développé un travail de masse considérable dont nous devons nous inspirer. Néanmoins en refusant d’édifier le parti, celle-ci est allée dans une impasse et s’est donc auto-dissoute.
Au cours des années 70 un certain nombre de groupes armées ou d’expériences armées ont vu le jour. Après l’échec de la Gauche Prolétarienne beaucoup d’anciens maoïstes sont devenus des autonomes gravitant par exemple de la revue Camarades qui posait la question de la lutte armée. Il y a par exemple eu les NAPAP qui ont vengé Pierre Overney, ouvrier maoïste de la Gauche Prolétarienne assassiné devant Renault Billancourt par Tramoni, un chien de garde du patronat.
Plus tard il y a eu Action Directe qui fut un petit groupe volontariste héritier des luttes armées en Espagne du GARI et du MIL. A la différence des NRP, celui-ci ne s’étendait pas sur une base nationale, celui-ci étant un groupe politico-militaire ne disposant ni de Front ni de la direction d’un Parti sa courageuse expérience fut vouée à l’échec.
d. La révolte des banlieues de 2005
Nous devons poursuivre le travail d’enquête et d’analyse de la révolte des banlieues et plus largement des quartiers populaires mais nous pouvons déjà tirer plusieurs leçons de la révolte des banlieues de 2005. Premièrement, elle démontre le potentiel révolutionnaire de la jeunesse prolétarienne des quartiers populaires selon l’adage « Là où il y a oppression, il y a résistance ! » et montre bien qu’une « étincelle peut mettre le feu à toute la plaine ».
Deuxièmement, elle a permis d’identifier clairement les quartiers populaires comme des zones pouvant devenir des bases d’appui en France, où l’ennemi de classe ne peut se déplacer librement.
Troisièmement, la nécessité impérative du Parti pour organiser la jeunesse et développer la conscience de classe.
La révolte des banlieues de 2005 doit être analysée sous l’angle du Rapport sur l’enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan, mars 1927, de Mao. On ne peut attendre que les masses deviennent spontanément révolutionnaires. Les mouvements spontanés, tels que la révolte des banlieues de 2005, ne représentent pas le summum du mouvement révolutionnaire, il ne faut pas les idéaliser. En revanche, ils constituent une base d’intervention et une base d’implantation pour les communistes qui doivent développer des organisations pour servir le peuple avec une perspective politique et tracer la ligne de démarcation d’avec les réformistes et pacifistes de tous bords qui condamnaient ce mouvement. Notre mot d’ordre premier est « Face à l’oppression, on a raison de se révolter ! ».