Interview avec Gopalji, porte-parole du Comité spécial de secteur du Parti communiste d’Inde (maoïste) dans une forêt du Jharkhand, Inde orientale
Le communisme dans le reste du monde semble s’être effondré. Quel espoir avez-vous de réaliser un État socialiste en Inde ?
La proclamation qu’il n’y a aucun espoir pour le socialisme et le communisme, que ceux-ci sont morts, n’est que de la propagande lâchée par les impérialistes et les apologistes du capitalisme. Le 20ème siècle a vu la première vague des révolutions menées par les classes ouvrières et les masses laborieuses des Partis communistes dans diverses régions du monde – la Révolution Russe, la Révolution Chinoise, la Révolution au Vietnam et beaucoup d’autres. Le 21ème siècle verra une nouvelle vague des révolutions menées par les partis communistes tels que le nôtre en Inde.
La transformation socio-économique et politique massive prend du temps. La bourgeoisie a mis au moins 400 ans pour remporter la victoire sur le féodalisme et même alors, ils sont entrés dans des alliances contre-nature avec les féodaux afin de combattre les classes ouvrières. Ces alliances sont encore aujourd’hui répandues dans beaucoup de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine afin d’arrêter les révolutions des masses laborieuses menées par les Partis communistes.
Après la IIe Grande Dépression, la récente crise économique, il reste très peu de tenants de la philosophie bourgeoise TINA (There Is No Alternative), « il n’y a aucune alternative », au capitalisme. Beaucoup d’intellectuels, beaucoup de personnes dans les pays développés, dans les pays capitalistes, se sont tournés vers Le Capital de Marx. Les développements récents dans le monde ont prouvé la théorie de Marx, l’invincibilité du marxisme et l’inévitabilité du socialisme et du communisme. Seuls le socialisme et le communisme peuvent supprimer la faim, la pauvreté et l’inégalité et résoudre des problèmes, du type changement climatique, auxquels notre planète fait face. En Inde nous essayons de réaliser une Révolution de Nouvelle Démocratie en tant qu’élément des révolutions socialistes du monde.
A quelle étape êtes-vous dans la révolution indienne ?
En général nous sommes dans la phase de la guerre de guérilla. Ceci signifie que la lutte armée contre L’État est la forme principale de lutte et l’organisation armée est la forme principale d’organisation.
Dans quelques endroits, comme dans le Dandakaranya et dans quelques parties du Jharkhand, nous avons formé les Comités Populaires Révolutionnaires (CPR) qui sont les organes du pouvoir populaire alternatif. Si cela continue, nous pourrons établir des bases d’appui. Les bases d’appui sont des endroits où l’ennemi, les classes dirigeantes (c’est à dire la grande bourgeoisie indienne et les propriétaires terriens) n’ont aucun organe de pouvoir – aucuns militaires, aucune force de police, aucun appareil administratif – et où le peuple développe ses propres organes de pouvoir, sa propre armée et ses propres appareils administratifs pour faire appliquer les politiques économiques du peuple par le gouvernement populaire. Notre objectif immédiat est d’établir des bases d’appui dans certaines poches de notre pays.
Quelles sont les stratégies que vous employez pour réaliser une base d’appui ?
Notre idéologie guide est le marxisme-léninisme-maoïsme. Notre stratégie est la « guerre populaire prolongée ». Le Camarade Mao nous a enseigné que les nations pauvres, les nations où les systèmes semi-coloniaux et semi-féodaux existent, doivent prendre le chemin de la guerre populaire prolongée – création de bases dans la campagne puis encerclement des villes par la campagne. C’est la stratégie adoptée par le Parti communiste ici en Inde et c’est la stratégie adoptée par les maoïstes dans les pays semi-coloniaux et semi-féodaux partout dans le monde. En Inde, il y a certains changements ; ce n’est pas exactement semblable à la pré-révolution en Chine. Ainsi nous avons apporté certaines modifications dans nos tactiques pour nous adapter aux changements dans nos conditions concrètes.
Quelles sont les principales différences entre les conditions qui ont existé à l’époque de la guerre populaire prolongée en Chine et les conditions en Inde aujourd’hui ?
Internationalement, nous fonctionnons dans un monde où il n’y a aucun pays ou base socialiste d’où avoir de l’aide. Après la 2ème Guerre Mondiale, les diverses luttes de libération nationales ont forcé les impérialistes à renoncer à la vieille forme de domination coloniale directe. Ils ont donc recouru aux formes néo-coloniales d’exploitation. Intérieurement, l’Inde a maintenant un Etat centralisé et militarisé qui a atteint les parties les plus éloignées du pays. Le transport et les communications sont bien plus développés. Les chefs de clan qui avaient leurs propres armées dominaient la campagne chinoise.
En Inde nous n’avons pas une telle situation. L’abominable hiérarchie de caste avec un ordre brahmanique strict est l’épine dorsale du féodalisme indien et il y a développement inégal dans chaque aspect des domaines socio-économiques et culturels. Les classes dirigeantes indiennes ont dirigé ce pays pendant plus de 60 années dans un cadre soi-disant « démocratique ». L’Inde a une classe petite bourgeoise urbaine beaucoup plus grande et une force de la classe ouvrière énorme. C’est un pays de nombreuses nationalités aux divers niveaux de développement. L’Inde a une longue histoire de la pratique révisionniste qui a toujours une influence considérable sur les masses laborieuses et ces révisionnistes se sont prouvés être des apologistes de ce régime réactionnaire.
Il y a également de grandes différences dans le processus de bâtir une armée et des bases d’appui. En Chine ils avaient déjà une base d’appui et une armée. Même avant la formation du Parti Communiste, le Guomindang menait une révolution démocratique bourgeoise contre l’impérialisme et le féodalisme. Nous n’avions ni un base d’appui ni armée lorsque nous avons commencé. Nous avons commencé par un petit peloton et avons pu former l’Armée Populaire de Guérilla de Libération. Ainsi notre lutte sera plus longue et différente. De plus, nous avons de vastes régions de plaines qui ont besoin d’être traitées quelque peu différent que les régions accidentées et couvertes de forêts. L’importance du travail urbain et du besoin d’organiser la classe ouvrière est plus grande dans notre pays. Mise à part l’organisation d’un Front uni stratégique des quatre classes, nous faisons également un effort spécial pour organiser les adivasis, les dalits, les femmes, les minorités et les diverses nationalités.
La bourgeoisie indienne existe sous une certaine forme même dans les régions reculées de l’Inde. Nous voyons les effets du capitalisme dans tous les recoins des villages reculés ici – les gens veulent des motos, des téléphones portables, les notions de propriété privée, d’individualisme. Quel espoir avez-vous de créer un ensemble alternatif de valeurs dans le monde ?
Les gens savent que notre Parti lutte pour une Inde structurée autour des principes d’égalité. Nous voulons une Inde où les individus ne peuvent pas amasser du Capital et de la propriété privée tout en menant simultanément de grandes sections de la société dans la pauvreté. Nous sommes ici pour construire une Inde sans corruption, où la corruption, la malhonnêteté et les mensonges n’ont pas leur place ; et où l’honnêteté, le travail et la vérité sont récompensés. Ils savent également que nous luttons contre les discriminations basées sur le genre, la caste, la religion et d’autres identités sectaires. Par exemple nous encourageons les mariages inter-castes. Nous voulons une société où personne n’est plus gros ou plus grand sur la base de sa naissance.
Pendant que les effets du capitalisme et ses valeurs affiliées sont certainement [présents] dans la campagne rurale, une vaste section de la société est contre ses effets corruptifs et dégradants. Généralement les paysans et les ouvriers soutiennent les valeurs pour lesquelles nous luttons. Ils participent aux luttes, sur la base de ces valeurs, que notre Parti organise. Ils sont férus de nos troupes culturelles, lisent les magazines et écoutent les cassettes et les CD que nous réalisons. Nos sympathisants apprécient et favorisent également les valeurs qui sont perpétuées au sein du Parti. Par exemple, la hiérarchie de caste n’a pas de place dans notre communauté. Les gens de différentes castes mangent dans le même plat parmi nos cadres : un concept qui est généralement impensable pour beaucoup de personnes en dehors de notre Parti.
Les femmes sont traitées également aux hommes et il n’y a aucune répartition des tâches basée sur le genre dans le Parti. Nos cadres ne reçoivent pas de salaire ; ils vivent une vie simple qui répond à des besoins fondamentaux sans luxes inutiles. Ils apprécient les valeurs et les visions de la vie qui sont créées au sein du Parti et sont ici pour les promouvoir au delà du Parti. Il y a beaucoup d’espoir que ces valeurs se répandront comme le feu à travers la campagne indienne, en dépit des efforts de la grande bourgeoisie indienne de les piétiner, parce que nos sympathisants augmentent quotidiennement.
Pourquoi boycottez-vous les élections dans vos bastions ?
Le parlement et la constitution indiens représentent réellement la classe de la grande bourgeoisie et la classe des grands propriétaires terriens – pas le peuple, pas les masses des travailleurs ou les classes moyennes de l’Inde. Ainsi pour n’importe quel changement basique, si vous voulez apporter n’importe quel changement basique dans les vies des masses ordinaires, vous devez d’abord amener une nouvelle constitution et un parlement basé sur cette nouvelle constitution. N’importe quelle action comme la participation aux élections renforcera en fait le même parlement réactionnaire qui cause le ravage, qui cause la tragédie dans les vies des gens ordinaires. C’est pourquoi nous invitons le peuple à boycotter les élections. Ils doivent boycotter le parlement lui-même, qui est réactionnaire et anti-populaire.
L’Inde est souvent décrite comme une des plus grandes démocraties du monde. Clairement vous êtes en désaccord ?
L’Inde n’est même pas une démocratie bourgeoise. C’est en réalité un Etat semi-colonial et semi-féodal. La grande majorité du peuple en Inde n’a aucun droit démocratique. Le transfert de pouvoir des Anglais en 1947 s’est fait entre les mains de la bourgeoisie compradore indienne et des grands propriétaires terriens – les serviteurs patentés des colonialistes. En fait, ces deux classes ont servi les impérialistes britanniques dans l’Inde Britannique avant l’indépendance.
La grande majorité du peuple n’a obtenu aucun droit. Le nouveau gouvernement a parlé de la réforme agraire mais dans la pratique il n’a pas donné la terre aux cultivateurs réels. Les gens n’ont pas acquis des opportunités égales d’emploi, ou d’accès à la santé et aux infrastructures scolaires. La corruption est devenue un mode de vie en Inde. Maintenant des dizaines de millions de personnes meurent de faim et de maladies. On ne permet pas aux gens de parler ouvertement et de s’organiser, bien qu’ils aient écrit des dispositions pour tant de choses dans leur constitution. En fait la constitution a transposé la majorité des lois de la domination coloniale et a été préparée sous ses instructions. Comment est-ce qu’une bureaucratie, qui servait le colonialisme jusqu’à hier, peut devenir démocratique, pro-peuple et patriotique en une nuit ? Ainsi, cette proclamation de l’indépendance de 1947 ne l’est en fait pas pour une grande partie du peuple indien qui n’a obtenu aucun droit démocratique. De plus, le parlement indien obéit aujourd’hui aux préceptes de l’OMC et de la Banque mondiale. Il met en réalité en œuvre les instructions de l’impérialisme US – le chef de clan de l’impérialisme mondial.
Les classes dirigeantes indiennes clament que l’Inde est une république fédérale et laïque. Mais combien fédérale est-elle ? Le peuple du Cachemire lutte pour l’application des résultats du plébiscite pour un Cachemire séparé et les peuples du Nord-Est luttent pour leur cause, pour leurs propres nations. Observez comme le Gouvernement Indien les traite brutalement. Analysez les relations entre le Centre et les États. Ils prétendent que les gouvernements provinciaux ont beaucoup de pouvoir. Mais le pouvoir est en réalité centralisé à Delhi et les relations du Centre avec les États sont très féodales. Le gouvernement central n’est pas intéressé par le pouvoir décentralisé aux gouvernements des États. Quand le Capital est concentré entre les mains de la grande bourgeoisie compradore, soutenue par les impérialistes, comment pouvez-vous attendre la décentralisation du pouvoir ? En ce qui concerne la déclaration d’être un pays laïc, vous avez vu les massacres des minorités initiés et favorisés par l’Etat au fil du temps. Leurs déclarations que l’Inde est une république démocratique, fédérale et laïque sont une grande farce.
Que signifie la démocratie pour vous ?
Notre objectif immédiat est de réaliser une Révolution de Nouvelle Démocratie. En Inde de Nouvelle démocratie, le pouvoir sera aux mains d’une alliance de quatre classes – un Front uni stratégique où il n’y a pas qu’une seule classe au pouvoir – les ouvriers, les paysans, la petite bourgeoisie et la bourgeoisie nationale. Ce nouvel État libérera les paysans des chaînes du féodalisme. Il libérera le Capital national du Capital financier et compradore, confisquera les finances et les grands capitaux et actifs, et annulera les prêts étrangers. Il saisira la terre en surplus des propriétaires fonciers et la distribuera entre les paysans sans terre et pauvres. Il éradiquera chaque cas d’impérialisme et de féodalisme dans le domaine de l’économie, de la culture et de la politique.
La Révolution de Nouvelle Démocratie amènera ainsi une République d’Inde démocratique véritablement fédérale et laïque qui donnera aux nationalités opprimées le droit à l’autodétermination et même à faire sécession. Cette Inde ne favorisera aucune religion : la religion sera une affaire privée. Elle amènera une Inde dans laquelle les gens auront non seulement des opportunités égales dans le travail, les infrastructures médicales et scolaires mais également les conditions objectives pour que chacun y parvienne.
Le Front uni de l’alliance de quatre classes sera organisé sous un organe décentralisé du pouvoir populaire appelé Comités Populaires Révolutionnaires (CPR). Les CPR représenteront la majorité du peuple d’Inde et seront élus par un corps véritablement représentatif du peuple. En fait, dans la campagne où notre lutte est actuellement forte, en particulier dans le Dandakaranya et le Jharkhand, ce Front uni, quelles que soient les classes présentes dans les villages, est déjà organisé sous les Comités Populaires Révolutionnaires (CPR). Dans le Dandakaranya nous avons des CPR au niveau de village, au niveau de bloc, et dans un ou deux endroits au niveau de district. Ceux-ci sont actuellement sous une forme rudimentaire, ils émergent tout juste.
Lors des dernières élections vous avez fait sauter des écoles et des hôpitaux dans les secteurs où vous avez une présence forte. Pourquoi ?
Dans nos zones de lutte, les forces paramilitaires de l’Etat établissent des camps de police dans les écoles. Vous trouverez des centaines d’écoles dans les zones de lutte où les forces ennemies ont établi des camps. Nous faisons sauter seulement ces écoles où la police établit régulièrement les camps militaires pour leurs opérations de ratissage – pas toutes les écoles.
Le cas de faire sauter un hôpital est rare. Il est en fait très rare d’avoir des bâtiments d’hôpital dans la campagne et même dans le cas où il peut y avoir des bâtiments d’hôpital, ils ne fonctionnent pas comme des hôpitaux : les médecins ne les visitent jamais et il n’y a aucun médicament. En ce qui concerne les écoles, ce gouvernement n’est guère intéressé à instruire les garçons et les filles des masses laborieuses. Vous pouvez voir les conditions du système scolaire, la manière dont ils privatisent le système scolaire tout entier et comment les garçons et les filles des gens ordinaires de l’Inde ne peuvent pas faire des études supérieures. Dans quelques endroits où nous avons fait sauter des écoles, nous avons parlé aux villageois, aux soutiens et aux sympathisants du mouvement, avant de les faire sauter. Et dans quelques endroits nous reconstruisons les écoles. Soyons clairs que lorsque nous faisons sauter des écoles nous nous assurons qu’il n’y a personne à l’intérieur, et que nous gérons également plusieurs de nos propres écoles dans les campagnes. Si le gouvernement cessait d’utiliser les écoles comme camps militaires, il n’y aurait aucun besoin de faire sauter les écoles. La Cour Suprême a récemment rendu le verdict que les écoles ne devaient pas être employées comme camps de police. Mais même après ce verdict les forces de sécurité n’ont pas évacué les écoles. Beaucoup d’écoles dans la campagne sont en réalité construites dans un objectif militaire, et la police humilie les élèves et entrave les études. C’est pourquoi nous sommes forcés de faire sauter quelques écoles.
L’Inde a réalisé des investissements énormes dans le développement de la nation. Pourquoi êtes-vous si critiques envers le programme de développement du gouvernement ?
Il y a deux choses. La première concerne les programmes de développement du gouvernement et la deuxième concerne plus largement leur concept du développement.
Tous ces programmes de développement sont en réalité une partie de leur stratégie de Conflit de Basse Intensité (CBI). C’est un programme de réforme et d’indemnité. Le Gouvernement Indien n’est pas intéressé par le développement des gens ordinaires. Même selon leurs propres estimations, 77% d’Indiens n’ont pas un revenu quotidien de 20 roupies. Ceci signifie que plus de 800 millions de personnes vivent dans de dures conditions. Ce sont des gens au-dessous du seuil de pauvreté. C’est le cas après 62 ans de soi-disant indépendance ! En 2000-2001, la disponibilité moyenne de céréales pour un Indien était de 157 kilogrammes, maintenant elle est à peine 140 kilogrammes. Telle est la situation pathétique que nous avons. D’autre part, quelques Indiens sont devenus milliardaires et l’État indien se vante de cela.
Ce que le Gouvernement Indien essaye réellement de faire par ces travaux de développement est de créer leur base sociale sous la forme de petits entrepreneurs et d’autres intermédiaires – nous les appelons becholia. Leur but est de détourner la jeunesse qui vient naturellement vers la révolution. Beaucoup de jeunes sont détournés par de petits contrats. Ce sont des balles enrobées de sucre. Observez simplement les projets de développement dans la campagne.
Encore aujourd’hui, plus de 65% de la population indienne est employée dans l’agriculture. Mais voyez l’état de l’agriculture. Ils ont oublié la réforme agraire – personne ne parle plus de cela maintenant. Il n’y a aucun programme pour l’exécution de la réforme agraire dans les campagnes. Que font-ils en fait ? Ils font des routes et des ponts afin de faciliter la mobilité de leurs forces armées. Même cette très médiatisée NAREGA, Loi Nationale Rurale de Garantie de l’Emploi, est un grand flop car elle comporte trop de lacunes. La corruption est partout. Les gens n’obtiennent pas de salaires. La prétention est de donner un emploi pendant 100 jours par personne. Mais les gens n’obtiennent aucun emploi même pour 10 jours. En plus, NAREGA ne fournit ni une forme permanente et stable d’emploi ni ne conteste la structure du pouvoir de l’inégalité dans nos campagnes.
Ainsi ce qu’ils essayent de projeter comme des projets de développement ne sont pas du tout du développement. Ils font partie de leur stratégie de Conflit de Basse Intensité pour combattre la lutte armée, la lutte du peuple de l’Inde.
Plus largement, il y a beaucoup à critiquer dans leur concept du développement. Le développement du pays ne devrait pas être lié au Sensex [CAC 40 indien] et au taux de croissance du PIB. Le gouvernement pense que le développement de la grande bourgeoisie compradore, des propriétaires terriens, de quelques bureaucrates et des multinationales est le développement du pays.
Pour nous le développement du peuple est réellement le développement du pays. Ils ne sont pas intéressés à résoudre les problèmes fondamentaux du peuple. Leur développement dépend de l’impérialisme qui empêche justement notre pays de devenir autonome. Suivant les instructions de la Banque Mondiale et de l’Organisation Mondiale du Commerce, le gouvernement favorise les politiques de globalisation, de privatisation et de libéralisation. Ils essayent de vendre nos ressources naturelles, notre terre, nos forêts, à la grande bourgeoisie indienne et à leurs maîtres impérialistes.
Par coïncidence, les ressources naturelles sont principalement concentrées dans les régions du Jharkhand, du Chhattisgarh, du Bengale-Occidental et d’Orissa où les maoïstes ont une présence forte. Plus de 80% des ressources naturelles de l’Inde sont là. Ils savent qu’à moins et jusqu’à ce qu’ils chassent les maoïstes, qu’ils suppriment les maoïstes de là, ils ne pourront pas vendre notre terre, vendre nos ressources naturelles ouvertement à leurs maîtres impérialistes. Je vais vous donner quelques exemples. A Singur ils ont vendu la terre aux Tata avec l’aide du soi-disant gouvernement de gauche. A Nandigram ils l’ont vendu à une bourgeoisie indonésienne, le groupe Salem. Et à Lalgarh ils l’ont vendu aux Jindal. Et dans les trois endroits, nous avons organisé des mouvements contre cette vente des terres cultivables des paysans et contre le déplacement des paysans. Et dans les trois endroits ils ont été forcés de se retirer.
En Orissa, au Jharkhand et au Chhattisgarh nous luttons contre le pillage par la grande bourgeoisie compradore du minerai de fer et du charbon. Et dans ces secteurs, les adivasis, principalement les adivasis mais également les non adivasis, les moolvasis, seront forcés d’évacuer leurs maisons et villages. Ils seront déplacés en grands nombres comme ils l’ont été dans le passé pour tant de projets de « développement ». Donc maintenant nous luttons contre ce pillage. Nous combattons cette politique de libéralisation et de privatisation. C’est pourquoi ils disent que nous sommes contre ce genre de développement. Maintenant il faut que les gens voient qui est contre le développement des citoyens ordinaires.
Êtes-vous ainsi totalement contre le développement des mines ?
Non, nous ne sommes pas contre le développement des mines ou l’installation des usines. Nous sommes contre le pillage de nos ressources naturelles, de notre mère patrie, par la grande bourgeoisie indienne et leurs maîtres impérialistes qui les pillent seulement pour leur propre bénéfice. Le Gouvernement Indien n’est pas intéressé par ouvrir des usines et des mines pour le bénéfice des populations. Les populations dans ces secteurs seront forcées d’évacuer leurs secteurs. Les populations seront jetées dehors. Elles deviendront des salariés dans les villes. Elles seront déplacées en grands nombres comme elles l’ont été dans beaucoup de projets de développement auparavant. Dans des cas précédents où ils ont établi des méga projets à Bokaro, Tata, et d’autres endroits, les gens n’ont pas pu obtenir de compensation suffisante – la plupart des gens n’ont pas obtenu la terre ou les maisons ou des emplois corrects dans les usines qui ont été construites. Des centaines de milliers de personnes, adivasis et moolvasis, ont été déplacées.
Alors quelle est la garantie que ceci ne se reproduira pas ? C’est pourquoi nous organisons le peuple contre un tel pillage de nos ressources naturelles. Nous ne permettrons pas le pillage de notre terre et de nos ressources naturelles par les impérialistes et leurs alliés, la grande bourgeoisie indienne.
Sous un gouvernement maoïste quelques choses seront gardées à l’esprit avant d’ouvrir des usines et des mines dans ces secteurs. Premièrement, de telles usines et mines seront nationalisées et devront être employées pour l’intérêt du pays. Elles ne doivent pas être ouvertes pour le bénéfice de certains capitalistes, bourgeoisies et de sociétés multinationales. En Deuxièmement, en général les terres cultivables ne devraient pas être prises pour l’extraction minière et autres.
Troisièmement, si la prise d’une telle terre est inévitable, une compensation appropriée doit être donnée aux familles affectées. Elles devront recevoir la compensation appropriée pour la terre. Elles devront obtenir un emploi, elles devront recevoir des maisons, et quelques terres pour la culture. L’Etat de Nouvelle Démocratie s’occupera du bien-être des personnes déplacées. Quatrièmement, ces mines et usines doivent être respectueuses de l’environnement. Vous devez considérer les facteurs écologiques dans l’ouverture de ces usines et méga projets, car cela devient une chose essentielle dans nos vies, dans les vies de la civilisation humaine. Et cinquièmement, les gens doivent être mis en confiance avant que vous lanciez de tels projets ; ils doivent être impliqués dans la gestion de telles usines et mines. Dans notre État, quand nous construirons l’Inde de Nouvelle Démocratie, nous prendrons en considération toutes ces choses.
Vous dites que vous êtes contre la corruption. Cependant, on signale largement que vous vous financez par l’économie parallèle dans des contrats de développement passant par L’État. Comment justifiez-vous la participation aux systèmes mêmes de corruption contre lesquels vous êtes ?
Ce n’est pas de la corruption. C’est de l’imposition. Dans les zones de notre lutte, nous sommes l’autorité qui sert le peuple. Nous imposons donc ceux qui amassent la richesse par des programmes de développement importants et leurs contractants afin d’employer cette richesse pour le service de nos masses. Nous employons les fonds pour accélérer nos luttes et nous les employons dans des programmes radicaux de réformes sous la conduite des CPR. Nous avons des règles et des normes autour de la façon dont nous imposons les gens. Par exemple les grands contrats et opérations sont plus imposés que les petits. Nous n’imposons pas la construction des écoles, des hôpitaux, des petits réservoirs, des puits, etc. Nous avons également des règles et des normes autour de la façon dont nous employons les fonds rassemblés. Ainsi nous ne rassemblons pas simplement l’argent pour le gain privé – ce qui serait de la corruption. Nous rassemblons l’argent pour le service de nos masses laborieuses.
Vos luttes contre la corruption, contre la discrimination de caste, contre les valeurs féodales sont également les luttes d’organismes et d’ONG des droits de l’homme. Comment vous différenciez-vous de tels organismes ?
Les valeurs sociales, politiques et culturelles sont basées sur la structure économique. À moins que vous ne changiez le système économique n’importe quel discours de réformer les valeurs socioculturelles et politiques est juste une farce. Les ONG et les organisations gouvernementales des droits de l’homme défendent des causes sur une base individuelle et à partir du système. Les valeurs féodales et impérialistes font partie de leur système. Ces organismes sont nourris par le système lui-même. À moins que vous ne supprimiez le système, que vous renversiez le système, vous ne pourrez pas avoir un autre système qui favorisera un ensemble alternatif de valeurs, les valeurs démocratiques. Combattre des cas individuels de discrimination de caste ou de discrimination contre les femmes, ou de discrimination contre les dalits et les adivasis, ne nous mènera pas loin ; ça ne supprimera pas le système. Vous devez supprimer le système entier. Et afin de supprimer le système entier des valeurs féodales et impérialistes, vous devez prendre le pouvoir. Les ONG et les organismes de droits de l’homme ne sont pas pour la prise du pouvoir. Ils combattent dans les limites de la constitution élitiste de l’Inde. Dans la plupart des cas ils travaillent seulement comme soupapes de sécurité pour l’Etat dont la crédibilité s’érode rapidement. Ce sont les limites de leur conception.
Dans les secteurs du Jharkhand où le Parti a été présent pendant près de 20 ans, quels sont les accomplissements concrets des maoïstes ?
Le premier et le plus important accomplissement est que les masses laborieuses, les travailleurs sans terre et les pauvres paysans, ont émergé comme force politique et militaire en Inde. Dans nos zones de lutte l’autorité féodale a été démolie en grande partie. Le peuple en lutte a développé sa propre armée de guérilla sous la forme de l’Armée Populaire de Guérilla de Libération.
Le deuxième accomplissement important est la dignité et la place dans la société que les dalits et les adivasis ont atteinte face à la discrimination historique qu’ils ont subie. Les mauvaises pratiques telles que les abus contre les femmes, les abus contre les dalits et les adivasis, et la domination des castes supérieures et des étrangers dans les secteurs forestiers, tout ça est en train de changer.
Le troisième est l’émancipation des forêts qui étaient sous le contrôle du département des forêts, des fonctionnaires corrompus et répressifs des forêts. Même le personnel subalterne était très répressif et ils étaient contrôlés par les mafias et les propriétaires terriens. Les forêts sont maintenant complètement libérées et le peuple est libre d’utiliser les forêts selon ses besoins. Nous avons pu contrôler la déforestation.
Le quatrième est les accomplissements de la lutte antiféodale. Les gens dans nos zones de lutte jouissent des droits démocratiques. Nous avons saisi des milliers d’acres des terres des propriétaires terriens et dans beaucoup d’endroits, la plupart des endroits, les propriétaires ont été évincés des villages. Dans beaucoup d’endroits nous avons mis en application des plafonds de terre – plafonds parfois radicaux – décidés par notre Parti localement. Et l’excédent des terres a été distribué entre les paysans sans terres et pauvres. Dans beaucoup d’endroits, les paysans cultivent la terre.
Les salaires dans le Bihar et Jharkhand, dans l’agriculture, étaient très bas. Les salaires pour la récolte de kendu patta et d’autres matériaux des forêts tels que le mohalaun patta étaient également très bas. Ainsi nous avons organisé la population pour exiger une hausse des salaires. Maintenant les gens ont un salaire horaire comparativement meilleur. L’usure, qui est mahajani, a été largement supprimée. Vous ne trouverez plus le vieux genre de mahajan ou de bailleur de fonds dans les zones de lutte.
Dans nos zones de lutte nous avons arrêté le vol et le banditisme. Indépendamment de ceci, nous avons supprimé la vente aux enchères des réservoirs, des lits de rivière, des bazars, des vergers etc. par le gouvernement à de grands entrepreneurs. Maintenant ces ressources sont libres pour que le peuple les utilise.
Dans nos zones d’influence il n’y a presque aucune émeute communale. Les nervis Sangh ne peuvent simplement pas oser les organiser. Dans quelques endroits où ils ont osé, nous les avons punis, comme dans le cas de Swami Laxmanand à Kandhamal, Orissa.
Un autre accomplissement important est que jusqu’à maintenant nous avons pu limiter en grande partie l’exécution de divers protocoles d’accord que le gouvernement central et les gouvernements des Etats ont signé avec la grande bourgeoisie et les multinationales – ainsi ils n’ont pas pu piller la terre, voler les ressources, aussi confortablement qu’ils pourraient avoir pensé le faire.
En ce qui concerne nos projets de développement – à moins que vous saisissiez le pouvoir central, il n’est pas possible de mettre en application des politiques en faveur du peuple complètement. Tout de même, dans les endroits où nous avons formé des CPR, nous avons essayé de développer des politiques économiques en faveur du peuple. Par exemple, nous favorisons la formation de coopératives dans l’agriculture et d’autres métiers relatifs. Deuxièmement nous essayons de développer des méthodes de culture dans les régions arriérées- nous creusons des canaux, des puits et des réservoirs – la plupart du temps par shramdan – travail volontaire. Et nous ouvrons des écoles et des hôpitaux. Nous offrons des médicaments à des tarifs préférentiels. Ces choses, nous les faisons là où nous avons formé des CPR. Mais toutes ces choses ont une forme rudimentaire.
Le Gouvernement Indien vous a désignés comme une organisation terroriste. Comment répondez-vous à ceci ?
La première chose est que cette désignation fait partie d’une soi-disant « guerre contre la terreur » lancée par les impérialistes US. Les classes dirigeantes indiennes émergent rapidement comme favoris de l’impérialisme US en Asie du Sud. En fait les classes dirigeantes de l’Inde luttent avec les classes dirigeantes pakistanaises pour être les favoris de l’impérialisme US. Qu’est ce que l’impérialisme US signifie-t-il alors par terrorisme ? N’importe quel mouvement, ou n’importe quelle mobilisation ou n’importe quel acte de protestation qui va à l’encontre de l’intérêt de l’impérialisme US, qui va à l’encontre de l’hégémonie de l’impérialisme US, qui va à l’encontre du grand projet de l’impérialisme US d’un nouvel Empire, est qualifié de « terroriste » par les impérialistes US.
Les gouvernements en Asie, en Afrique et en Amérique latine désignent les mouvements des nationalités, et les mouvements des masses travailleuses dans leurs pays, comme terroristes. En Inde aussi, les classes dirigeantes désignent les mouvements menés par le peuple sous la direction des maoïstes, les mouvements des nationalités dans les provinces du Nord-Est, et le mouvement national au Cachemire comme des mouvements terroristes. La désignation des maoïstes comme « terroristes » donne plus de pouvoir à la police pour arrêter toute personne qui est progressiste et démocrate – il/elle n’a pas besoin d’être lié à une organisation de masse du PCI (maoïste). Les forces de police peuvent arrêter les personnes si elles parlent contre n’importe quelle méthode antidémocratique, n’importe quelle méthode répressive, de l’Etat. Ceci inclut les journalistes, les avocats, les intellectuels et les activistes des libertés civiles. Donc, tout d’abord, nous condamnons sévèrement cette désignation.
La deuxième chose est qu’il y a quelques différences significatives entre nous et ceux qui commettent des actes de terrorisme. Les activités terroristes causent généralement des tueries indiscriminées, y compris les tueries de personnes innocentes. Nous condamnons de tels massacres et nous sommes totalement contre de telles actions dans lesquelles les personnes innocentes deviennent des victimes. Nous n’avons jamais soutenu même une petite action qui nuise à un villageois innocent. Partout où une unité armée a commis une telle erreur, nous sortons aisément pour faire notre autocritique sur de telles choses. Nous sommes totalement contre le massacre de citoyens innocents ; nous sommes contre les tueries indiscriminées.
De plus, nous n’allons pas transformer l’Inde en État théocratique. On observe souvent le fondamentalisme religieux dans les actes de terrorisme : quelques organisations utilisant des activités terroristes disent qu’elles travaillent à bâtir un État théocratique. C’est entièrement l’opposé de ce que nous voulons réaliser dans l’Inde de Nouvelle Démocratie. Notre idéologie est le marxisme-léninisme-maoïsme. Nous luttons pour la république d’Inde véritablement fédérale, laïque et démocratique. La désignation du PCI (maoïste) comme organisation terroriste est très malveillante. Cela montre l’adresse par laquelle le gouvernement indien veut tromper le peuple par une fine propagande.
En ce qui concerne notre fonctionnement, la désignation de terroriste ne va pas nous affecter. Notre Parti, en toute occasion, a fonctionné clandestinement dès le début. Ainsi la seule chose que la désignation de « terroriste » réalisera est que cela donnera plus de pouvoirs aux forces de police pour harceler les gens ordinaires, particulièrement dans les zones de lutte.
Le gouvernement vient de déclarer qu’ils vont vous balayer totalement en trois ans. La plus grande offensive militaire contre les maoïstes a commencé. Que faites vous face à cela ?
Nous condamnons l’offensive militaire du gouvernement indien contre les maoïstes. Ce plan est totalement en accord avec les impérialistes – le gouvernement indien a prévu en réalité cette offensive à la demande de l’impérialisme US. Ce gouvernement de l’Alliance Progressiste Unie, sous la conduite du Parti du Congrès, est tout à fait fasciste dans sa nature. Quand Chidambaran dit que nous ne parlerons pas du développement avant que les maoïstes soient éliminés, vous pouvez observer le contenu réactionnaire et le fascisme de ses intentions.
Les campagnes de répression ne sont pas nouvelles pour nous. Nous avons fait face à tant de campagnes de répression dans le passé. Mais c’est la plus grande. Ils envoient 75 bataillons des forces paramilitaires avec un nombre égal de forces d’Etat pour combattre les maoïstes. Les rênes des opérations sont entre les mains du gouvernement central et les Forces de Police Centrale de Réserve sont aux commandes. Ils préparent en outre beaucoup de forces de commando – comme la Special Task Force, le Jharkhand Jaguar et Cobra, le Bataillon de Réserve Indien, la Police Auxiliaire Spéciale, dans la ligne des Greyhounds. Et ils ont fondé beaucoup d’écoles de guerre de jungle en différents endroits.
Dans le Chhattisgarh ils ont commencé la campagne militaire en septembre 2009 – vous devez savoir qu’en un mois ils ont tué au moins 27 personnes dans deux massacres – 27 personnes innocentes. Ils ont brûlé 12 villages. Ils ont pillé, ils ont violé et brûlé. Des milliers de personnes ont été forcées de fuir, d’évacuer leurs villages. Ils se réfugient dans l’Andhra Pradesh et l’Orissa. A Lalgarh ils ont envoyé 7000 hommes dans un seul district. Et ils tuent uniquement des villageois innocents. Dans le Jharkhand ils ont également commencé. Vous savez que le résultat est qu’ils vont impliquer même l’Armée et l’Armée de l’Air de tant de manières déguisées. Vous savez que tout ceci signifie qu’ils vont tuer des milliers et des milliers de personnes innocentes. Et la région entière du Chhattisgarh, du Jharkhand, d’Orissa et du Bengale-Occidental qui est très riche en ressources minières et que ce gouvernement essaye de vendre à la grande bourgeoisie compradore impérialiste et à d’autres grands entrepreneurs sera alors libre pour eux.
Il y a beaucoup d’aspects de cette offensive, cette campagne de répression. Il n’y a pas que le côté militaire ; il y a d’autres côtés aussi – ce que nous appelons en Hindi, sam, dam, dande, ved (crainte, tentation, punition et division). Ainsi ils renforcent également leur réseau de renseignement. Ils dépenseront beaucoup d’argent dans le développement de couvertures et de sources de renseignement à partir des locaux : les informateurs de police. Et ils ne garderont aucun enregistrement – c’est l’instruction du gouvernement central – ils peuvent dépenser beaucoup d’argent dans ce travail.
Ensuite, ils ont passé beaucoup de lois noires et ils ont permis aux gouvernements des États de passer des lois noires pour les adapter à leurs besoins. Donc réellement ce que nous allons avoir est un État policier complet en Inde. Et la centralisation du pouvoir à Delhi sera observée encore plus. Les gouvernements des Etats perdront beaucoup de leurs pouvoirs dans l’application des lois et dans ce qu’ils appellent maintenant « ordre public ». Ainsi le gouvernement ne prend évidemment pas ce mouvement comme un mouvement démocratique, et quand Chidambaran dit que le PCI (maoïste) est une organisation terroriste, leur position est claire.
Ce qu’ils ajouteront à ces campagnes est la propagande mesquine contre nous, qu’ils ont déjà commencé à diffuser. Par exemple, la notion que les principaux chefs maoïstes font de l’argent et qu’il y a eu un grand détournement de fonds du Parti par les dirigeants. Ils répandent la rumeur qu’il y a anarchie sexuelle dans le Parti ; que les maoïstes sont contre le développement ; que les maoïstes favorisent la culture de l’opium ; et que les maoïstes obstruent le Système de Distribution Public. Ils veulent nous stigmatiser comme des criminels ; ils clament que nous tuons des personnes innocentes. Chaque jour vous verrez des annonces par la police sous forme d’articles dans les journaux. Parfois il y a des affichages dans les villes – propageant tant de choses incorrectes au sujet de notre Parti et de notre mouvement.
De plus, les grands médias – les chaînes de télévision et les journaux et les autres formes de médias qui sont commandés par le monde des affaires – soutiennent le gouvernement et mettent en avant la position du gouvernement dans la propagande contre notre Parti, et contre la direction de notre organisation. Les grands médias soutiennent le gouvernement de tout cœur.
Ainsi dans les prochains jours nous verrons que cette offensive militaire conduira l’Inde à un Etat fasciste complet où non seulement les luttes menées par le PCI (maoïste) mais également les luttes menées par les citoyens ordinaires contre le déplacement, contre les pertes d’emploi résultant de la privatisation, contre la faim, contre les politiques économiques anti-populaires – en particulier les politiques agricoles – et de nombreuses autres luttes feront face à la répression brutale de l’Etat et seront toutes catégorisées d’un terme, « terroriste ». N’importe quelle lutte honnête sera stigmatisée terroriste ; c’est ce que vous verrez dans les prochains jours.
La lutte armée implique beaucoup de morts au long de la route. Il y a des rapports des médias que des milliers de personnes meurent chaque année en raison de la violence liée aux maoïstes. Comment justifiez-vous la mort de tant de personnes ?
D’abord, qui sont ceux que le Parti élimine ? L’élimination est le dernier choix. Nous éliminons seulement ces réactionnaires – les propriétaires terriens, les agents de police et les membres des gangs montés par le gouvernement – qui n’acceptent pas leur crime et ne se rendent pas devant les tribunaux populaires. Le gouvernement et les médias bourgeois créent de la propagande contre nous – que beaucoup de personnes sont tuées dans la violence maoïste. Je ne connais pas les nombres exacts qu’ils proclament et ce qu’ils propagent mais une partie est de la propagande malveillante contre nous.
En second lieu, voyez l’autre côté de l’image. Qu’est-ce que les centaines de milliers de personnels de l’armée et des forces paramilitaires font au Cachemire et au Nord-Est ? Chaque jour ils tuent des jeunes dans de faux affrontements. Que font les forces paramilitaires et la police d’Etat dans les zones de la lutte maoïste – en particulier dans l’Andra Pradesh, et dans le Chhattisgarh, le Jharkhand ? Elles tuent les jeunes par centaines. Et vous rappelez-vous les pogroms des minorités organisés par les classes dirigeantes ? Les émeutes anti-Sikhs en 1984, les meurtres récents des milliers de chrétiens dans l’Orissa, et les émeutes de 2002 au Gujarat ? Combien de personnes les chauvins hindous et les forces d’Etat ont-ils tuées ?
Dès 1947, dès l’indépendance indienne, les forces d’Etat ont été main dans la main avec les forces chauvines hindoues. Les médias capitalistes et les personnes des médias devraient montrer aussi l’autre côté de l’image – comment les minorités sont envoyées à la boucherie dans des pogroms soutenus par l’État ; comment on élimine les personnes appartenant aux nationalités opprimées dans le Nord-Est et au Cachemire ; comment les dalits et les adivasis dans les zones de lutte de l’Inde centrale sont tués par les forces d’Etat dans des massacres organisés au nom de Salwa Judum et de tels projets.
Et pour finir, savez-vous que pendant les dernières années, 500.000 paysans se sont suicidés en raison des politiques économiques anti-populaires ? Dans la dernière année, 2008-2009, des milliers de paysans sont devenus des ouvriers agricoles journaliers ? Beaucoup de personnes sont mortes de faim. Cette république, comme Utsna Patnaik l’appelle, est une ‘République de la faim’. Alors qui est responsable de ces décès ? Qui est responsable de la mort de milliers de personnes mourant de la famine et de la malnutrition, de tant de maladies ? Les gens sont laissés sans autre option. Personne ne va vous écouter. Cette violence a été imposée par l’Etat au peuple de l’Inde.
Vous menez une guerre contre une des superpuissances économiques globales naissantes du monde. L’Inde est un Etat très fort. Quel espoir avez-vous de réussir ?
Il y a deux parties à cette question. Il est vrai que l’Etat indien est très puissant. Nous nous rendons tout à fait compte de la force de notre ennemi.
Cependant, dans une guerre, les armes et le personnel armé ne sont pas les choses les plus importantes. La chose la plus importante est le peuple. Qui obtient l’appui du Peuple ? Nous pensons que nous avons mené la guérilla pendant les 40 dernières années avec une très, très petite force armée. C’est en raison de l’appui populaire dans ces régions que nous avons pu nous consolider. Et naturellement parce que nous sommes le Parti du peuple, nous sommes le Parti de l’homme ordinaire, des masses laborieuses, ainsi l’appel du programme de notre Parti est beaucoup plus que ceux des compradores et ceux des classes dirigeantes. Ainsi la chose la plus importante est l’appui du peuple. C’est l’appui du peuple qui décidera finalement le destin de la guerre.
La deuxième chose importante attrait aux politiques de guérilla, les méthodes de guerre de guérilla. Si nous pouvons mettre en application les politiques de la guerre de guérilla complètement et d’une façon de plus en plus méticuleuse, et si nous continuons à gagner l’appui du peuple de notre pays, nous croyons que nous gagnerons cette guerre.
Si nous pouvons réaliser ces deux choses, il ne sera pas possible ensuite pour les classes dirigeantes de ce pays de nous supprimer, comme elles le proclament. Il y a toutes les chances que nous survivions non seulement à cette offensive, mais également à beaucoup d’autres offensives, et de les vaincre.
Tandis que la guerre s’intensifie, tandis que la campagne militaire du gouvernement monte, inévitablement beaucoup de pauvres paysans ordinaires vont se faire prendre par la guerre. Vous avez vos AK47, vos mines terrestres, et vos 306 pour vous protéger. Mais il y aura beaucoup de décès sanglants de villageois ordinaires dans le processus. Comment pouvez-vous justifier ceci ?
Désolé, mais vous posez la question dans le mauvais sens. Ce n’est pas une guerre entre le PCI (maoïste) et l’Etat indien. C’est une guerre entre le peuple de l’Inde et l’Etat indien. Qu’est ce que le PCI (maoïste) ? Qu’est ce que l’Armée Populaire de Guérilla de Libération (APGL) ? Ce n’est rien d’autre que la force organisée du peuple. Ainsi s’ils nuisent au PCI (maoïste), s’ils nuisent à l’APGL qui combat sous la direction du PCI (maoïste), alors en réalité ils nuisent à la force organisée du peuple. Et le peuple comprend cela et qu’une telle guerre n’est pas une guerre contre un Parti, c’est une guerre contre le peuple – nous devrions regarder la situation entière de cette perspective.
De la même manière que vous ne distinguez pas le PCI (maoïste) et le peuple, vous ne pouvez sûrement pas différencier le peuple et le gouvernement indien actuel ? Par exemple, plusieurs des policiers qui sont vos cibles principales viennent des mêmes maisons que certains de vos propres sympathisants et cadres. Ainsi pourquoi tuez-vous des policiers des milieux villageois pauvres dans le processus de guerre ?
Il est vrai que les policiers qui sont tués dans des embuscades viennent généralement des milieux humbles. Cependant, ils n’ont seulement été visés que lorsqu’ils ont participé à des opérations de contrôle du terrain, lors de leurs opérations de ratissage, et ils sont venus pour réprimer le peuple et le mouvement populaire. Je peux vous donner quelques exemples. Vous savez qu’il y a beaucoup de policiers et de personnels armés vivant dans nos zones de lutte qui font leur service au département de police et dans l’armée ailleurs. Leurs familles sont nos sympathisants. A chaque fois que ces officiers reviennent dans leur village familial lors des festivals ou pendant les vacances, vous serez incapables de citer un seul exemple de nuisance de la part de notre Parti. Deuxièmement, nous avons rarement nui à tous les gardes territoriaux qui sont des villages. Troisièmement, nous nous retenons de nuire à la police de zila, la police de district, qui sont principalement des personnes locales. Toutes les fois que nous avons attiré dans une embuscade les policiers, nous l’avons fait lorsqu’ils viennent en tant que forces de combat, quand ils viennent pour réprimer le peuple, quand ils viennent pour réprimer le mouvement populaire – ils n’ont été visés uniquement dans ces cas. Dans une guerre, si votre ennemi emploie des personnes qui viennent de votre propre classe, il est inévitable qu’elles deviendront une cible de l’offensive. Notre appel aux policiers, aux personnels de l’armée, est que l’Etat qu’ils servent n’est pas leur Etat. Les classes dirigeantes qu’ils servent sont contraires à l’intérêt de leurs familles. Ainsi il est préférable qu’ils sortent de cette armée réactionnaire, de ce département de police réactionnaire, et rejoignent l’APGL.
P. Chidambaram, le ministre de l’Intérieur, vous a appelé à la table des négociations. Pourquoi n’y allez-vous pas ?
P. Chidambaram a en réalité proposé que les maoïstes déposent les armes avant qu’il ne les appelle pour des négociations. Puis, après une protestation massive de la part des intellectuels et des progressistes, il dit maintenant que les maoïstes doivent abjurer la violence avant que le gouvernement puisse les appeler pour des négociations. Ceci signifie simplement que le gouvernement pose des conditions qui sont inacceptables pour nous. Vous ne pouvez tout simplement pas avoir des négociations sous la menace du fusil. Vous avez vos forces paramilitaires à l’intérieur des zones de lutte et vous affirmez quotidiennement que vous enverrez de plus en plus de forces paramilitaires dans ces secteurs, et que vous enverrez des hélicoptères et tout cela. Ensuite vous dites que les maoïstes doivent venir à la table des négociations : vous savez que c’est tout simplement inacceptable. Dans beaucoup de rapports de presse et de conférences de presse nous avons expliqué maintes et maintes fois que nous ne sommes pas opposés aux négociations. Mais, pour n’importe quel genre de négociations – l’histoire nous dit cela pour toutes les négociations – vous devez avoir une atmosphère pour les négociations. Dans ces conditions particulières cela signifie que si vous avez vos forces dans les zones de lutte et si vous faites des déclarations menaçantes chaque jour, cela signifie que vous essayez d’avoir des négociations sous la menace du fusil – que vous vous attendez en réalité à ce que nous nous rendions.
Quelles conditions voulez-vous pour la négociation ?
Il y a seulement une condition – que le gouvernement crée une atmosphère propice pour la négociation. Concrètement, cela signifie que le gouvernement doit retirer les forces paramilitaires des zones de lutte, premièrement. Le gouvernement doit libérer les dirigeants et les cadres révolutionnaires et doit les traiter en tant que prisonniers politiques, numéro deux. Le gouvernement doit lever l’interdiction de notre Parti et le gouvernement ne doit pas empêcher les mouvements de masse démocratiques. Ces choses sont les choses de base, mais nous pouvons parler ainsi de beaucoup de choses – telles que le gouvernement doit suspendre les protocoles d’accord qui sont passés avec la grande bourgeoisie et les impérialistes. Ce ne sont pas les conditions – ceci rendra la situation favorable pour n’importe quel genre de négociation.