Perspective urbaine : notre travail dans les zones urbaines
Parti Communiste d’Inde (maoïste)
2. L’Inde urbaine
Selon le recensement de 2001, 27,8% de la population indienne vit aujourd’hui dans les villes. La population urbaine totale est de 285.000.000, ce qui est plus que la population totale du troisième pays le plus peuplé du monde – les USA.
La majorité de cette population urbaine se trouve dans les grandes villes. Presque deux tiers de cette population vit dans des villes de plus de 100.000 habitants, et 108.000.000 personnes (c’est à dire 38%) se trouvent dans 35 centres métropolitains dont la population dépasse le million. Trois des vingt mégapoles du monde, ayant chacune une population de plus de dix millions, se trouvent en Inde.
Le centre de l’économie s’est également écarté des zones rurales. En 1950-51, 56% de la production provenait de l’agriculture, mais aujourd’hui, moins de 25% en est issue. Aujourd’hui, la majorité de la production du pays vient des industries et du secteur tertiaire, qui sont principalement basés dans les villes. La part urbaine dans le Produit Intérieur Brut (PIB) est ainsi aujourd’hui de plus de 60%.
La taille, la proportion et le poids économique de la population urbaine en Inde aujourd’hui sont beaucoup plus élevés qu’ils ne l’étaient en Chine au moment de la révolution. A l’époque, la Chine n’avait que 10% de sa production provenant de l’industrie, et seuls 11% des gens vivaient dans les zones urbaines. Cela voudrait dire que les zones urbaines en Inde devraient jouer un rôle relativement plus important dans la révolution, que celui que les villes ont joué durant la révolution chinoise.
Toutefois, cela n’annonce aucun changement dans notre stratégie fondamentale, qui est basée sur l’inégal développement politique et économique et sur le caractère semi-féodal, semi-colonial de la société indienne. L’expérience internationale actuelle présente aussi différents pays semi-coloniaux avec de grandes proportions dans les zones urbaines, développant avec succès la guerre populaire basée sur la lutte armée rurale. Bien que notre population urbaine soit importante et en croissance constante, sa proportion reste beaucoup plus faible que le pourcentage de la plupart des autres pays semi-coloniaux ayant des mouvements sérieusement engagés dans la révolution agraire armée. Ainsi, les Philippines ont une population urbaine de 59%, le Pérou de 73% et la Turquie de 75%. Seul le Népal a une population urbaine plus basse, de l’ordre de 12%, bien que le taux de croissance de sa population urbaine soit presque le double de celui de l’Inde.
2.1. Modèle d’urbanisation
Depuis 1947, quatre villes métropolitaines majeures, qui ont servi de capitales régionales sous l’occupation britannique, ont dominé le processus d’urbanisation dans le pays. Ces villes étaient Kolkata((Calcutta)) , Mumbai((Bombay)) , Delhi et Chennai((Madras)). Elles ont respectivement servi de plateformes centrales dans l’est, l’ouest, le nord et le sud du pays. Depuis les années 60, elles ont continué à connaître une croissance, quoiqu’à des rythmes différents. De nouveaux centres métropolitains récents tels que Bangalore, Hyderabad et Pune se révèlent être de nouveaux foyers de croissance urbaine. Les politiques de libéralisation amènent davantage de changements et de nouveaux modèles d’urbanisation ont émergé. Ceux-ci sont même en train de changer les positions et l’importance des vieux centres métropolitains.
Delhi continue à maintenir son importance pour toute l’Inde, surtout comme capitale administrative et également en raison de l’industrialisation rapide de ses alentours. Mumbai, en tant que capitale financière, a continué à s’accroître rapidement, et figure maintenant parmi les cinq plus grandes villes du monde.
Kolkata et Chennai continuent à maintenir leur importance régionale, mais Kolkata a perdu son importance comme centre d’industrie et de commerce pour toute l’Inde.
Les hauts et les bas des centres principaux ne sont cependant que le reflet du modèle d’urbanisation nettement inégal du pays. Kolkata recule en raison de sa localisation dans la partie orientale la plus pauvre et la moins urbanisée du pays, alors que toutes les nouvelles étoiles surgissent dans le sud et l’ouest, plus urbanisés. La vieille hiérarchie des quatre mégapoles situées dans différentes régions du pays laisse ainsi place aux corridors urbains et aux groupes de nouveaux investissements implantés principalement dans les parties du sud et de l’ouest du pays.
A l’exception de la région de Delhi et des zones limitrophes du Haryana, du Punjab, du Rajasthan et de l’Uttar Pradesh, une bonne partie du nord, de l’est et du centre du pays a été contournée. Cette vaste zone englobant la moitié est de l’Uttar Pradesh et s’étirant à travers le Bihar, le Bengale occidental, les états du nord-est, l’Orissa, le Madhya Pradesh et la partie est du Maharashtra reste une zone urbaine arriérée, avec de vieilles bases industrielles et un chômage élevé.
Par conséquent, ces zones sont les foyers principaux de travail itinérant bon marché pour les grandes villes métropolitaines. Les inégalités précitées sont favorisées par les politiques du gouvernement.
Durant la précédente période d’octroi de licences industrielles, il y a eu quelques tentatives pour provoquer un développement industriel équilibré et cela a entraîné la mise en place de quelques projets dans des zones relativement peu avancées telle que la ceinture minérale du centre de l’Inde. Aujourd’hui, en vertu des politiques de libéralisation, les investissements ne sont pas réglementés et vont dans les zones promettant les plus grands profits. Ainsi, les investissements principaux se centralisent dans et autour de quelques zones dont la concentration urbaine est croissante. Ces régions principales sont :
a) Le corridor Ahmedabad-Pune: Cette étendue en Inde occidentale a la concentration principale de haute industrialisation et d’urbanisation du pays. Elle comprend quatre des dix premières villes du pays – Mumbai, Ahmedabad, Pune et Surat – en plus de deux autres villes de plus d’un million d’habitants – Vadodara et Nashik. Les industries englobent presque tous les principaux groupes industriels – ingénierie, produits chimiques, textiles, automobiles, télécommunications, électroniques, etc. Ces villes et les districts voisins attirent la plus grande quantité des nouveaux investissements du pays tout entier. La classe ouvrière est la plus diverse, ayant migré depuis toutes les parties du pays.
b) La zone de Delhi: La région de la capitale avec les zones voisines de Gurgaon et de Faridabad dans l’Haryana et de Ghaziabad et de Noida dans l’Uttar Pradesh est une énorme zone urbaine et industrielle. Elle continue à progresser à un rythme rapide dans l’ingénierie, l’automobile, l’électronique, etc. Ici aussi, la classe ouvrière est diverse, mais issue principalement du nord de l’Inde.
c) Bangalore: Pendant un certain temps, cela a été le centre de nombreux établissements majeurs du service public, en plus des textiles et du tissage de la soie. L’électronique, les logiciels et le matériel informatique sont les principales industries en croissance, Bangalore étant la capitale des logiciels en Inde. Il s’agit d’un centre se développant rapidement.
d) Chennai: La région du Grand Chennai est devenue la plaque tournante industrielle pour l’ensemble du sud. Elle a un éventail d’industries très diverses – automobiles, textiles, produits chimiques, produits pétroliers, électronique, etc.
e) La ceinture Coimbatore-Erode : C’est la zone qui a la croissance d’urbanisation la plus rapide du pays. Les principales industries se concentrent autour des textiles – moulins, métiers à tisser mécaniques, tricots, etc. Il y a aussi de petites et moyennes unités d’ingénierie.
f) Hyderabad: Bien que la croissance actuelle ne soit pas aussi importante que la propagande médiatique du ministre-chef de l’Andhra Pradesh, Hyderabad est aussi un centre urbain à croissance rapide. En plus de l’entreprise du secteur public antérieure et d’autres industries, les nouveaux investissements se font principalement dans l’électronique et la technologie de l’information. Dans l’Andhra Pradesh, Vishakhapatnam a aussi été un centre de croissance, attirant de gros investissements.
La majeure partie des centres urbains dans les autres zones n’accueillent pas beaucoup d’investissements et par conséquent, ils souffrent d’un certain niveau de stagnation. Ce sont toutefois des centres majeurs de l’industrie avec une importante classe ouvrière. Ils jouent aussi un rôle très important dans leurs zones. Certains de ces centres sont :
a) Kolkata: Bien qu’elle ait perdu son importance pour toute l’Inde, elle demeure le centre pour l’ensemble de l’Inde orientale. Elle a une base industrielle importante et diverse, mais aucune nouvelle zone majeure de croissance industrielle. La ville s’accroit aussi à un rythme lent. Elle reçoit de nouveaux investissements mais une grande partie est destinée aux installations existantes. La classe ouvrière est diverse, mais fondamentalement issue de l’Inde orientale. En raison de la lente croissance industrielle, le taux de chômage est relativement plus élevé.
b) Villes industrielles du centre de l’Inde: Les investissements entrant dans ces zones sont principalement pour les industries énergétiques et pétrolières, et les industries métallurgiques. Cependant, les nouveaux projets sont relativement peu nombreux et le chômage global s’accroît.
c) Villes de la plaine gangétique: Ces villes comprenant de vieux centres industriels majeurs tels que Kanpur ne reçoivent pas beaucoup de nouveaux investissements et par conséquent, elles stagnent. Cependant, les villes continuent à grossir en raison de l’afflux en provenance des zones rurales.
La tendance et le modèle de croissance urbaine ci-dessus doivent entrer en ligne de compte dans la formulation d’une perspective et d’un projet pour le travail urbain.
2.2. Changements dans la composition de classe et de la structure des villes
En plus des changements au niveau de toute l’Inde, des modifications significatives ont aussi lieu à l’intérieur des villes, particulièrement dans les villes les plus grandes. Cela occasionne des changements dans la nature et la composition de la population active ainsi que dans l’emplacement géographique des différentes classes et communautés.
2.2.1. Désindustrialisation des villes majeures
Au fil des ans, la plupart des villes majeures ont vu un déclin dans l’activité industrielle comparée à l’activité commerciale dans le secteur bancaire, la finance et d’autres activités du secteur tertiaire. Ce processus a d’abord commencé dans les villes les plus grandes, avec la fermeture de nombreuses usines de jute et d’autres industries de Kolkata à partir de la fin des années 60. Ce processus s’est toutefois généralisé dès le début des années 80 avec le déclin des usines de textiles à Mumbai, Ahmedabad, Chennai et dans d’autres centres. Des centaines de milliers d’emplois de cols bleus ont été détruits sans qu’aucune nouvelle industrie ne soit créée dans la ville. Depuis ces vingt dernières années, presqu’aucune nouvelle industrie ne s’est implantée au sein des vieilles villes majeures. Généralement, la nouvelle industrialisation a lieu à la périphérie de la ville principale, ou dans les villes voisines. Ceci est combiné à une augmentation des postes d’employés dans le domaine des services, l’investissement allant généralement vers ces zones.
Ce processus a amené un changement dans la composition de classe dans la majorité des villes, surtout dans les villes métropolitaines. Les données globales sur les zones urbaines dans leur ensemble indiquent un déclin progressif dans la proportion d’ouvriers de sexe masculin embauchés dans le secteur industriel de 27% en 1983 à 23,6% en 1993-94. Pour les ouvrières de sexe féminin, le déclin était de 26% en 1983 à 23,6% en 1993-94. Sur la même période, la proportion d’ouvriers de sexe masculin engagés dans le secteur tertiaire a augmenté de 24,8% à 26,4%, l’augmentation pour les ouvrières de sexe féminin étant de 31,4% à 38,8%. Ici, le secteur tertiaire a été déterminé pour inclure la finance, les assurances, les services commerciaux et tous les autres services, y compris les services d’intérêts généraux et sociaux. Cela montre que la proportion totale du prolétariat industriel dans les zones urbaines partout en Inde chute comparé aux employés embauchés dans les bureaux, les établissements de marketing, les hôtels, etc.
Tandis que les chiffres ci-dessous donnent un tableau d’ensemble, la situation actuelle pour les villes particulières sera différente. Puisque cet élément est très important pour notre perspective organisationnelle, nos projets et nos tâches au niveau de la ville, tous les comités respectifs doivent mener une analyse de classe au niveau de la ville relative à la situation et à la tendance dans leurs zones.
2.2.2. Changements dans la population active
Avec les fermetures des industries et la perte d’emplois les accompagnant, de nombreux ouvriers sont obligés de prendre un travail temporaire ou de gagner leur vie par leurs propres moyens en colportant, en maniant les pousse-pousse, en gérant des échoppes de thé et des comptoirs de nourriture au bord de la route. Dans le même temps, la nouvelle jeunesse entrant dans la population active ne trouve pas d’emplois permanents immédiatement (le taux de chômage dans la tranche d’âge 15-24 ans est le plus élevé) et est forcée de prendre un emploi temporaire et de diriger aussi de petits commerces.
Cette tendance augmente ces dernières années dans les zones urbaines. En même temps, de plus en plus de femmes sont embauchées mais à des niveaux de salaire beaucoup plus bas. Cette tendance, qui a commencé au début des années 80 dans la majorité des villes, s’est accélérée davantage depuis les politiques de libéralisation.
En milieu urbain, la proportion d’hommes ayant un travail fixe a diminué et la proportion de travailleurs indépendants et temporaires est en hausse. En même temps, la proportion des femmes ayant un travail fixe a augmenté, quoique cela n’influe pas tellement sur la taille totale de la population active parce que les femmes ne constituent que 17% de la population active urbaine totale. Premièrement, il y a eu une augmentation dans la proportion du semi-prolétariat (c’est à dire les travailleurs indépendants); deuxièmement, il y a eu une augmentation dans la proportion des travailleuses payées des salaires très bas ; et troisièmement, il y a eu une augmentation de la main d’œuvre temporaire.
En plus des changements donnés ci-dessus, un autre changement a été le glissement des emplois depuis les usines plus importantes du secteur syndiqué vers les petits ateliers et les petites industries. Ces dernières années, la proportion d’ouvriers dans le secteur syndiqué par rapport à la population active totale est tombée de 8,5% en 1991 à 7,1% en 1997 et à 6,9% en 1999-2000.
Étant donné que les ouvriers sont répartis dans des unités plus petites, leur potentiel de syndicalisation diminue aussi.
Tous les changements dans la population active mentionnés ci-dessus ont été présentés au niveau de toute l’Inde. Ces changements ont des conséquences significatives pour notre planification aux niveaux de la ville et de la zone. Nous devons mener une analyse de classe locale et dresser nos plans en conséquence.
2.2.3. Division ou segmentation des villes
Les villes en Inde, se basant sur le modèle colonial, ont toujours eu un riche quartier britannique et un quartier indien plus pauvre. Cette séparation a toutefois diminué dans une certaine mesure dans le processus de croissance des villes métropolitaines. Par conséquent, il est devenu assez fréquent d’avoir des bidonvilles attenants à des tours d’habitations chics, et des colporteurs et des marchands occupant l’espace juste à côté des bureaux des multinationales dans le cœur du quartier central des affaires. Des campagnes périodiques sont adoptées pour démanteler les bidonvilles ou expulser les colporteurs, mais le plus souvent, ils se débrouillent pour lutter et conserver leur espace dans le centre de la ville.
Cependant, au cours de la période de libéralisation-mondialisation, les classes dirigeantes de la plupart des villes majeures ambitionnant d’en faire des villes ‘mondiales’, ont déclenché de manière concertée et planifiée de nombreuses mesures pour faire sortir les pauvres du cœur de la ville et le garder à l’usage économique et social du capital impérialiste et compradore. Le processus s’est produit et se produit de façon intensive à Mumbai, à Delhi, à Bangalore, à Hyderabad, à Kolkata, à Chennai et certaines autres villes métropolitaines. Des modèles similaires sont toutefois constatés même dans des villes relativement plus petites.
Ce processus de division ou de segmentation de la ville se fait par l’entremise de différentes mesures. Ces mesures vont des vieilles mesures de démolition des bidonvilles et d’expulsion des colporteurs aux nouvelles formes comme la fermeture des usines ‘polluantes’, l’interdiction des manifestations dans les zones centrales, les changements législatifs favorisant la privatisation et la localisation des finances urbaines et des installations urbaines, les règlements encourageant la concentration du développement dans les zones plus riches, etc.
Le rôle de l’état est des plus marquant.
Les bureaucrates et les urbanistes, travaillant sous les consignes directes de la Banque Mondiale, de la Banque Asiatique de Développement et d’autres institutions impérialistes, ont formulé des lois, des règlements, des principes et des schémas directeurs qui ont même abandonné le prétexte des slogans d’équité et de soulagement de la pauvreté urbaine d’autrefois.
Aujourd’hui, l’orientation fondamentale des projets vise la ‘capacité’ et la ‘propreté verte’ des villes, ce qui, au fond, veut dire de fournir des enclaves cinq étoiles désinfectées avec les meilleures infrastructures et les meilleures installations de communication pour les bureaux, les maisons, et les lieux de divertissement des directeurs d’entreprises et des élites, en poussant les citadins pauvres vers les frontières de la ville, en même temps que leurs ‘sales’ bidonvilles et leurs industries ‘polluantes’.
L’idée de base du National Capital Plan pour Delhi, et du programme Mega-City de 1993 pour les cinq autres villes du top mentionnées ci-dessus a fondamentalement cet objectif.
Les Hautes Cours et la Cour Suprême, aidées par les anti-populaires soi-disant écologistes, ont aussi joué un rôle très actif dans ce processus en rendant de nombreuses décisions de justice pour accélérer ce processus au nom du litige ‘d’intérêt public’.
De nombreuses luttes de la classe ouvrière et des citadins pauvres ont éclaté contre ces mesures. La révolte en novembre 2000 de la classe ouvrière et de la bourgeoisie nationale de Delhi, les luttes des habitants des bidonvilles de Mumbai et des colporteurs de Kolkata en sont des exemples. Cependant, malgré ces luttes, la réaffectation des mégapoles et des autres villes métropolitaines va de l’avant et le modèle socio-géographique de villes telles que Mumbai a déjà considérablement changé.
Ce processus doit être traité par nous à deux niveaux. A un niveau, nous devons prendre part aux luttes de masse contre ce processus d’expulsion et combattre pour le droit de la classe ouvrière et des citadins pauvres à vivre et à travailler dans leurs anciennes zones. A un autre niveau, nous devons tenir compte, dans notre analyse et notre planification, du changement de structure de la ville. Dans le cadre de notre analyse de classe, nous devons également dresser la carte des emplacements géographiques des différentes classes, non seulement de leur habitation mais aussi de leur lieu de travail. Nous devons les prendre en compte dans nos plans d’organisation, de protestation, d’auto-défense, etc.
2.2.4. Ghettoïsation
Un ghetto est un bidonville ou une localité habité principalement ou totalement par une communauté. Quand une communauté précise est sans cesse attaquée et obligée, pour sa sécurité, de se rassembler dans des zones particulières, ce processus est appelé ghettoïsation. Des localités formées sur base de la nationalité, de la caste, et de la religion sont très courantes dans pratiquement toutes les villes indiennes. Cependant, toutes ne se sont pas créées dans un processus de ghettoïsation.
Les exemples de violence de masse urbaine sur la base de la nationalité sont relativement peu fréquents, comme les émeutes de Cauvery à Bangalore au cours desquelles la minorité nationale Tamoule a été attaquée, ou les attaques sur les indiens du sud à Mumbai en 1967 par les chauvinistes nationaux de la Shiv Sena 4 .
Ceci est en grande partie du au manque relatif de soutien pour de tels actes de la part des classes dirigeantes intégrationnistes de toute l’Inde et de l’appareil de l’état central.
La violence de caste et les émeutes de caste sont plus nombreuses, certaines villes étant sans cesse les témoins d’attaques sur les dalits5 . Les émeutes anti-réserve dans de nombreuses parties du pays sont une forme constante d’attaques de caste. Une telle violence des castes supérieures a conduit à marquer davantage la division de beaucoup de villes et a obligé tous les dalits à vivre dans des zones distinctes pour mieux organiser leur auto-défense.
La forme principale de violence a toutefois été les attaques et les pogroms organisés par les communautaristes et les fascistes hindous, essentiellement contre les musulmans, mais également contre les sikhs et les chrétiens. Cela a conduit à la ségrégation aigüe de la communauté musulmane et à la création de mohallas6 musulmans dans presque toutes les villes où ils sont présents. Cependant, avec la métropolitanisation de certaines villes, il y a eu un petit glissement des musulmans vers d’autres zones. Les fascistes hindous ont aussi cherché à renverser cela considérablement durant les années 80 et 90.
Les années 80 et 90 ont vu, associés à l’ascension politique des fascistes hindous de la Sangh Parivar, le plus grand nombre de pogroms anti-musulmans Le centre majeur de ceci a été le corridor occidental avec des massacres de Musulmans dans presque toutes les villes majeures de cette ceinture – Ahmedabad, Vadodara, Mumbai et Surat, ainsi que dans d’autres villes plus petites comme Bhiwandi, Malegaon et Bharuch. Les centres urbains majeurs du sud ont aussi été les centres d’émeutes communautaires – Coimbatore, Hyderabad et Bangalore, en plus d’autres villes plus petites telles que Mangalore, Bhadravit, etc. Certaines ont aussi eu lieu dans des villes d’Inde centrale et de la plaine gangétique. La plupart de ces attaques ont été effectuées avec toute la connivence et même la participation des forces de l’état. De toutes celles-ci, Gujarat est adoptée par les fascistes en tant que laboratoire pour une expérience de nettoyage ethnique, avec l’anéantissement physique et économique systématique des Musulmans.
Alors que la campagne des fascistes hindous se déploie dans d’autres parties du pays, la ghettoïsation va sûrement nettement s’intensifier dans la plupart des villes. Les zones purement musulmanes, se méfiant de toutes les autres, et organisées pour l’auto-défense, deviendront indispensables pour la survie de la communauté. L’aiguisage des divisions sur une base communautaire peut devenir un sérieux obstacle à la construction de l’unité de classe. Dans les zones urbaines, notre Parti doit sérieusement prendre en compte le processus de ghettoïsation dans tous les projets. La ghettoïsation aigüe conduit à un manque d’emplois pour les Musulmans, et pousse la plus grande partie d’entre eux vers le semi-prolétariat. Par conséquent, la simple organisation à l’intérieur de l’industrie ne nous permettra pas de pénétrer dans cette communauté opprimée. A moins de nous baser nous-mêmes au milieu du ghetto, nous ne serons pas capables de nous introduire dans l’organisation de la communauté, nous ne serons pas non plus capables de construire le front uni contre les fascistes hindous. Ainsi, dans notre planification, nous devons identifier clairement les ghettos d’une ville et établir notre plan pour y obtenir l’entrée. En faisant cela, nous devons aussi les organiser sur leurs besoins essentiels et leurs problèmes quotidiens.