Le Sommet Européen et les Prolétaires Communistes
Parti Communiste maoïste – Italie
2012
Le sommet européen qui s’est tenu fin juin a été salué comme une victoire par l’Italie et l’Espagne avec le soutien de la France, et accueilli par Merkel comme une défaite partielle. On ne doit pas voir là une véritable et importante avancée pour les gouvernements européens afin d’affronter dans l’unité la crise financière qui les touche. Il faut l’étudier sous différents angles : les relations entre les différents pays européens, le scénario d’ensemble des relations intergouvernementales, le prolétariat et les masses populaires.
Les relations entre les différents pays européens
Il est clair que la chute de Sarkozy a temporairement affaibli l’axe franco-germanique, qui jusque-là avait été un point fort, en particulier pour le gouvernement allemand. Le dit « merkozisme » ne peut pas se transformer si vite en « merkhollandisme ». Pendant ce sommet, cela a encouragé les gouvernements italien et espagnol à exiger un soutien plus fort et moins coûteux aux politiques de rigueur qu’ils mènent. De ce point de vue, les gouvernements espagnol et italien ont obtenu, sur le papier du moins, un certain résultat, en particulier sur les points concernant le « Mécanisme Européen de Stabilité » et le « Fonds de sauvetage », c’est-à-dire une intervention quasi automatique d’accès et de recours à ce Fond pour contrer la spéculation et recapitaliser le soutien au système bancaire chaque fois qu’il est en sérieuse difficulté. Mais reste à voir si cela s’appliquera dans les faits, parce que le texte de l’accord « d’une manière souple et efficace » est susceptible d’interprétations qui confient le bâton de commandement essentiellement à l’Allemagne.
Le sommet a aussi accouché d’une ouverture sur les euro-bons, sous la forme des dénommés « projects bonds » qui devraient financer les travaux d’infrastructures, en gros un plan de croissance reposant quasi exclusivement là-dessus. C’est sur cela que s’appuie le changement partiel de politique proposé par le gouvernement Hollande, plus proche des dispositions euro-bons que le gouvernement Sarkozy. De ce point de vue, Merkel a dû céder du terrain si l’on compare avec les déclarations très rigides des semaines précédentes.
Sur le plan national allemand, on en a vu le reflet à travers des motions parlementaires. Certains membres de la majorité n’étaient pas d’accord, ils ont été remplacés par des parlementaires du SPD dans l’opposition qui approuvaient la position politique de Merkel à ce Sommet. Il est encore trop tôt pour savoir si ces changements dans les relations entre les gouvernements signifient de réels changements politiques.
Les relations entre pays européens
Parmi ces pays, les gouvernements italien, espagnol et le nouveau gouvernement français ont marqué un point dans le sens de la cohérence de leurs majorités parlementaires et également de leur système de relations internes -employeurs, banques, etc.- alors que le gouvernement allemand, comme nous l’avons signalé, traverse une phase de moindre cohésion interne.
L’Europe, dans son ensemble, tire de cet épisode un certain avantage dans la controverse internationale générale, parce qu’elle manifeste ainsi une plus grande intégration et unité interne en tant que bloc.
Panorama d’ensemble des relations entre gouvernements, prolétariat et masses populaires en Europe
Dans l’ensemble, ce que nous avons montré reste exact : dans la crise, la bourgeoisie se décharge sur le dos du prolétariat et des masses des conséquences de la crise afin de sauvegarder son système et ses profits et les prolétaires sont les victimes sacrifiées sur l’autel de la préservation et de la récupération des profits. Chaque avancée dans ce sens affaiblit la classe ouvrière et renforce la bourgeoisie. Les prolétaires n’ont aucun intérêt à ce que la bourgeoisie sorte de sa crise, parce que la seule issue à la crise qui soit au bénéfice des travailleurs est celle qui comprend le renversement de la bourgeoisie et la sortie du capitalisme.
Le sommet vient absolument confirmer ce point de vue. Les gouvernements espagnol et italien ont tiré leur force de leur réussite sur le plan intérieur à faire passer les prétendues « réformes »qui ont été autant d’agressions contre le prolétariat et les masses.
En Espagne, la seule contre tendance qui s’est fait jour est la grande lutte des mineurs des Asturies, dont la longue résistance met à l’épreuve l’État, le gouvernement, les patrons et les plonge dans un conflit social où « les indignés » et les forces de l’opposition dites de gauche se sont volatilisées. Il ne faut pas inclure là-dedans le parti socialiste de l’ex-premier ministre Zapatero, qui s’est tout simplement couché devant le nouveau gouvernement parce qu’il en partage la politique et les principaux intérêts.
En Italie, la situation est encore pire qu’en Espagne. Monti est sorti comme le vainqueur moral et politique de ce sommet et cela parce qu’il a su appliquer des mesures économiques qui agressent les travailleurs et le peuple, les stratégiques réformes sur les retraites et encore plus stratégique réforme du travail. Monti est devenu un géant européen grâce au bloc social qui l’appuie, les patrons, les partis parlementaires, les syndicats officiels et aussi grâce à l’absence de résistance et de révolte sociale des travailleurs et des masses en général.
La victoire de Monti et de l’Italie au Sommet sanctionne la défaite du prolétariat d’Italie qui paie le prix de la crise en larmes de sang à cause d’une trop faible résistance.
Le changement de Berlusconi à Monti a été profitable à la bourgeoisie et a fourni au gouvernement actuel un siège à la table des patrons d’Europe, avec un rôle actif, alors que ce fut exactement le contraire pour le prolétariat et les masses. La décrépitude humaine, morale et politique de Berlusconi et de son gouvernement qui avait signifié pour la bourgeoisie dans son ensemble l’apogée de l’impuissance, a été remplacée par un gouvernement fort, aux mains libres, qui a fait passer dans la pratique le fascisme moderne sous forme de dictature des techniciens et a pu imposer sans combat une politique qui frappe en plein cœur les travailleurs et les prolétaires dans leurs conditions de vie, les acquis de décennies de lutte dont le symbole parfait est l’Article 18 du Code du Travail.
Tout raffermissement du gouvernement dans la crise va de pair avec l’affaiblissement d’un prolétariat sans résistance sur le plan social et politique.
Le Sommet de Bruxelles encourage les bourgeoisies européennes à aller de l’avant, quelle que soit l’étiquette du gouvernement, quelle que soit la majorité qui les appuie. Ce sont essentiellement des gouvernements d’unité nationale, c’est-à-dire des « comités d’affaires » et un appareil d’État répressif. Encouragé par le Sommet, le gouvernement Monti prépare des mesures encore plus dévastatrices qui cachent derrière les mots « révision des dépenses », des mesures dévastatrices comme en Grèce, même si nous ne sommes pas dans la même situation que la Grèce.
Les nouvelles agressions contre la Santé, l’emploi dans le secteur public ne sont pas des agressions catégorielles mais un signe supplémentaire de la transformation de l’Etat et des relations entre l’État, les dépenses sociales et les conditions de vie du prolétariat et des masses.
Même si une partie du mouvement syndical et l’Opposition de Gauche se font partiellement les porte-paroles du mécontentement, dans l’ensemble, ils ne s’en font pas le reflet, ils le nient, l’édulcorent et donc, à part verbalement, ne mènent pas la lutte.
La réforme des retraites n’aurait pas dû être votée, ni l’attaque contre l’article 18, ni la réforme du travail. La réforme annoncée sur une nouvelle « révision des dépenses » n’auraient pas dû passer, ni dans les usines, le plan Marchionne et le fascisme des patrons, ni non plus le recours systématique à la Police d’État, aux procès, aux amendes, aux persécutions qui frappent ceux qui s’opposent, le Mouvement No-TAV, les chômeurs de Tarente, les travailleurs immigrés de Basiano, les résistances locales et même les étudiants et les antifascistes.
Mais tout est passé. Le Gouvernement, les patrons et l’État n’ont payé aucun prix politique. Donc, la situation au lieu de s’améliorer, se détériore.
Le niveau de conscience des travailleurs et des masses ne s’est pas élevé.
Quelques luttes, quelques cris, la colère, l’indignation, l’abstention électorale, sont la preuve qu’il y a bien une possibilité latente de résistance et de révolte, ainsi que la volonté du prolétariat et des masses de réagir par la lutte et même quelque chose en plus que la lutte, mais l’absence des outils élémentaires d’une réaction générale pèse lourdement.
Cette absence ne dépend pas pour l’essentiel des conditions objectives mais des conditions subjectives et des formes d’organisation qui existent toujours dans le prolétariat et les masses : syndicats alliés résolus des patrons, CISL et UIL, et des syndicats qui défendent farouchement l’État et l’intérêt général des patrons, même lorsqu’ils ont des contradictions avec le Gouvernement, ou les décisions des patrons.
Le rôle joué par le CGIL dans l’escalade dévastatrice qui a fait peser la crise sur la classe ouvrière est encore pire que celui des syndicats qui s’affichent ouvertement du côté des patrons parce que le but est une consultation venue de l’extérieur qui est un ciment important pour faire passer les plans des patrons et du gouvernement.
Le rôle ambigu de la Fiom, avec un pied dedans et un pied dehors, reste un lien fragile entre la résistance des travailleurs et la reprise nécessaire de la lutte générale.
Parmi les forces d’opposition syndicales et les mouvements les plus radicaux, l’incompréhension de la nature et des formes requises pour mener la lutte n’aide pas, malgré les efforts, à monter une forte contre-offensive. Ils ne comprennent pas ou veulent pas comprendre que pour vaincre les patrons, l’État, le gouvernement, il nous faut gagner la lutte de deux lignes, et la « guerre civile » au sein de la classe ouvrière et des mouvements de masse contre les positions et groupes opportunistes et réformistes dont font partie les transformistes de l’ancienne gauche parlementaire, Casarini, Bernocchi, etc.
Le mot d’ordre de la lutte à mener aujourd’hui n’est pas et ne doit pas être l’unité mais plutôt une lutte pour l’unité basée sur la notion très claire de ce que doit être la bataille à mener et ce qui est en jeu. Ce qu’il nous faut, c’est l’unité des communistes pour un véritable Parti révolutionnaire, en théorie et en pratique ; ce qu’il nous faut c’est une unité pour un syndicat de classe et de masse, au-delà des actuels syndicats de base et de l’étrange FIOM ; ce qu’il nous faut c’est une unité pour un Front du prolétariat et des masses qui place la lutte au centre de l’action. Si nous devions nous fier au résultat du Sommet européen, objectivement nous devrions être très optimistes, les solutions économiques de ce Sommet n’ont aucun avenir. Comme l’a fait remarquer quelqu’un à juste titre, ces solutions ont déjà été appliquées aux USA, là où ces solutions ne pouvaient pas trouver meilleur terrain d’application ; elles n’y jugulent pas la crise, elles en préparent un regain plutôt tragique pour l’économie mondiale.
L’Europe marche dans les pas des USA dans des conditions bien pires et donc, les mesures « historiques » adoptées au récent Sommet vont vite s’avérer du pipeau. La seule chose évidente, c’est que cet optimisme nous fait dire qu’il existe en ce moment et dans l’avenir les conditions pour une réponse adéquate du prolétariat et des masses. Tout signal donné dans ce sens, quel que soit le pays qui l’émet, doit être considéré comme un encouragement et une indication – cf. la grande grève des mineurs des Asturies-, mais aussi la grève des étudiants au Québec, ainsi que les affrontements dans tous les pays y compris le nôtre.