Le développement du capitalisme en Russie
Lénine
Chapitre III : PASSAGE DES PROPRIÉTAIRES FONCIERS DU SYSTÈME BASÉ SUR LA CORVÉE A CELUI DE l’EXPLOITATION CAPITALISTE
III. ANALYSE DU SYSTÈME DE PRESTATIONS DE TRAVAIL
Ainsi que nous l’avons dit plus haut, les prestations prennent des formes extrêmement variées. Tantôt les paysans s’engagent à travailler pour de l’argent les terres du propriétaire avec leur propre matériel: dans ce cas on a «l’embauche à la tâche», «le travail à la déciatine»((Recueils de renseignements statistiques pour la province de Riazan. )), la «culture par cycle»((La culture par cycle était une des formes de prestation de travail et de fermage asservissant employés par les gros propriétaires fonciers aux dépens des paysans dans la Russie d’après l’abolition du servage. Avec ce système de prestations le paysan devait cultiver avec son propre matériel et avec ses propres chevaux un cycle entier, c’est-à-dire une déciatine de blé d’hiver, une de blé de printemps et parfois une déciatine de prairie appartenant au propriétaire foncier. En échange, ce dernier lui donnait de l’argent ou lui accordait un prêt d’hiver ou lui louait une terre.)) (une déciatine de blé de printemps, une déciatine de blé d’automne), etc. Tantôt ils empruntent du blé ou de l’argent et s’engagent à rembourser en travail l’intégralité ou les intérêts de leur dettes((Recueil de renseignements statistiques pour la province de Moscou, t. V. Fasc. 1. Moscou 1879, pp. 186-189. Nous indiquons les sources uniquement à titre d’exemple. Toutes les publications relatives aux exploitations paysannes et privées contiennent une foule d’indications de ce genre. )). Avec cette dernière forme, le caractère de servitude et d’usure propre au système des prestations apparaît très nettement. Parfois, les paysans sont tenus de payer en besogne les «dégâts causés par le bétail» (c’est-à-dire, les paysans sont obligés d’acquitter en travail l’amende établie par la loi) ; ils travaillent « pour l’honneur» (cf. Engelhardt, l. c., p. 56), c’est-à-dire sans aucune rémunération, ils sont seulement nourris et travaillent uniquement afin de ne pas se voir retirer les autres «gagne-pain» par le propriétaire. Enfin, il est extrêmement fréquent que les paysans fournissent des prestations pour avoir de la terre: ces prestations prennent la forme de métayage ou de travail direct destiné à payer la location de la terre, de champs, etc.
Il arrive souvent que le paiement des locations de terre prenne les formes les plus variées: parfois même il y a combinaison de formes diverses, si bien que le paiement se fait à la fois en argent, en nature et en «prestations de travail». Voici quelques exemples à ce sujet: pour chaque déciatine louée, il faut travailler 1,5 déciatine, donner 10 œufs, plus une poule, plus une journée de travail accomplie par une femme; pour 43 déciatines de blé de printemps, il faut payer à raison de 12 roubles; pour 51 déciatines de blé d’automne, il faut payer à raison de 16 roubles en argent, battre un certain nombre de meules d’avoine, 7 meules de sarrazin et 20 meules de seigle. D’autre part, le locataire est tenu de fumer avec du fumier provenant de sa propre exploitation au moins 5 déciatines de la terre qu’il a louée, à raison de 300 charretées par déciatine (Karychev, Les affermages, p. 348). On voit que dans ce cas, on va jusqu’à considérer le fumier appartenant au paysan comme une partie intégrante de l’économie du domaine privé. Pour montrer à quel point les prestations sont répandues et variées, il suffit d’ailleurs de citer les multiples termes qui servent à les désigner: otrabotki, otboutchi, otboutki, barchtchina, bassarinka, possobka, panchtchina, postoupok,vyiemka,etc. (ibid., 342). Il arrive que le paysan s’engage à exécuter «ce qu’ordonnera le maître» (ibid., 346) ; d’une façon générale, il s’engage à lui «obéir», à «l’écouter», à lui «prêter son concours». Les prestations «embrassent tout le cycle des travaux ruraux. C’est au moyen de prestations que sont effectuées toutes les opérations agricoles: travaux des champs, rentrée du blé et du foin, approvisionnement en bois de chauffage, transport des chargements» (346-347). Il en est de même pour la réparation des toits et des cheminées (354, 348) ; les paysans s’engagent à fournir poules et œufs (ibid.). C’est tout à fait justement que l’enquêteur du district de Gdov, province de St-Pétersbourg, affirme que les formes de prestations qu’il a relevées ont «le caractère de la corvée d’avant l’abolition du servage» (349)((Il faut noter que malgré leur prodigieuse diversité, toutes les prestations et toutes les sortes d’affermages en Russie, avec leurs taxes si variées se ramènent entièrement aux formes essentielles du régime précapitaliste en agriculture analysé par Marx au chapitre 47 du livre III du Capital. Au chapitre précédent, il a déjà été signalé que ces formes sont au nombre de trois: 1° la rente-prestations de travail; 2° la rente en produits ou rente en nature et 3° la rente-argent. Il est donc parfaitement naturel que Marx ait voulu se servir précisément des données russes pour illustrer la section de la rente agraire. )). Particulièrement intéressantes sont les prestations pour la terre, dites fermage-prestations et fermage en nature((D’après le Bilan de la statistique des zemstvos (t. II), les paysans prennent à bail contre argent 76% de toutes les terres qu’ils afferment; contre des prestations, 3 à 7% ; contre une part du produit, 13 à 17% et, enfin, contre un paiement mixte, 2 à 3% de terres. )). Au chapitre précédent, nous avons vu comment les rapports capitalistes se manifestaient dans le fermage paysan; ici nous avons un «fermage» qui n’est qu’une simple survivance de l’exploitation par corvée((Cf. les exemples cités dans la note de la page 172. Avec l’exploitation par corvée, le propriétaire foncier donnait de la terre au paysan afin que celui-ci travaille pour le compte de son maître. En donnant la terre à bail contre prestations, le côté économique de l’affaire est évidement le même. )), et qui parfois passe insensiblement au système capitaliste: assurer au domaine des ouvriers agricoles en les dotant de parcelles de terre. Les statistiques des zemstvos mettent parfaitement en évidence la liaison qui existe entre ce genre de «fermage» et l’exploitation appartenant à ceux qui donnent la terre en location. «Lorsqu’il y a extension de la surface labourée dans les domaines privés, les propriétaires de ces domaines éprouvent le besoin de s’assurer de la main-d’œuvre en temps voulu. Dans toute une série de contrées, ils ont donc de plus en plus tendance à distribuer de la terre aux paysans en échange de prestations de travail ou d’une partie du produit et de prestations . . .» Ce système économique «est assez répandu. Plus les affermateurs mettent leur propre domaine en faire-valoir direct, plus l’offre des fermages diminue, plus la demande est intense et plus cette forme de location du sol prend de l’extension» (ibid., page 266, cf. 367). Il s’agit donc d’un type tout à fait particulier de fermage: si le propriétaire loue de la terre, ce n’est pas parce qu’il abandonne sa propre exploitation, mais parce qu’il étend ses propres labours. Bien loin de renforcer l’économie paysanne en accroissant sa superficie, ce fermage aboutit à la transformation du paysan en ouvrier agricole. Au chapitre précédent, nous avons vu que pour l’économie paysanne, l’affermage constituait un phénomène contradictoire, que pour les uns il était un moyen d’étendre avantageusement leur expIoitation, pour les autres, une transaction imposée par la misère. Nous voyons maintenant que la mise en location de la terre a également une signification contradictoire pour la grosse propriété foncière: dans certains cas, c’est un moyen qui permet aux propriétaires de remettre leur exploitation à une autre personne et de recevoir une rente en échange; dans d’autres cas, c’est un moyen qui leur permet de mettre leur terre en faire-valoir, d’assurer de la main-d’oeuvre à leur domaine.
Passons maintenant au problème de la rémunération du travail dans le système des prestations. Toutes les données, quelle que soit la source d’où elles proviennent, s’accordent sur un point: avec le système des prestations, ou avec l’embauche qui relève de la servitude, le travail est toujours moins rémunéré qu’avec l’embauche capitaliste «libre». On en a plusieurs preuves: 1° le prix du fermage naturel, c’est-à-dire du fermage qui est payé en travail ou à moitié fruit (nous venons de voir qu’il s’agit d’une forme de prestation ou d’embauche qui relève de la servitude), est toujours beaucoup plus élevé (ibid., 350) (parfois deux fois plus élevé) (ibid., 356, district de Rjev, province de Tver) que celui des fermages en argent. 2° C’est dans les groupes les plus pauvres que les fermages en nature sont le plus répandus (ibid., pp. 261 et suivantes). Ce sont les affermages dus à la misère, les «affermages» que prennent les paysans qui ne sont déjà plus en mesure de s’opposer à leur mutation en ouvriers agricoles salariés. Les paysans aisés, par contre, s’efforcent de payer la location de la terre en argent. «Dés qu’il existe la moindre possibilité de payer le fermage en argent, le locataire en profite car cela lui permet de réduire le prix de la location» (ibid., p. 265). Ajoutons que cela lui permet également d’échapper à l’embauche qui relève de la servitude. Dans le district de Rostov-sur-le-Don, on a même relevé un fait remarquable: à mesure que le prix des fermages augmente, on abandonne l’affermage payable en argent pour la skopchtchina((Dans certaines provinces de la Russie, la skopchtchina était un fermage en nature qui provoquait la servitude du fermier. Celui-ci (levait en effet livrer au propriétaire une certaine partie de la récolte (la moitié et même davantage) et de plus, il était obligé de lui donner une partie de son travail sous forme de «prestation diverses. )), bien que la part des paysans diminue dans la skopchtchina (ibid., page 266). C’est là un fait qui montre bien ce que signifie le fermage naturel: la ruine complète des paysans et leur transformation en salariés agricoles((Le relevé des dernières données sur l’affermage (M. Karychcv dans l’Influence des récoltes, etc., t. I) a parfaitement confirmé que seul le besoin oblige les paysans à prendre de la terre en métayage ou contre prestations de travail, tandis que les paysans aisés préfèrent affermer contre argent (pp. 317-320), car le fermage en nature revient toujours infiniment plus cher que le fermage en argent (pp. 342-346). Cependant tous ces faits n’ont pas empêché M. Karychev de présenter les choses ainsi: «Le paysan pauvre… a la possibilité d’améliorer son alimentation en agrandissant quelque peu ses cultures sur la terre du propriétaire, à moitié fruit» (p. 321). Voilà à quelles idées saugrenues ces gens en arrivent avec leur sympathie préconçue pour l’«économie naturelle»! La preuve est faite que les fermages en nature reviennent plus chers que les fermages en argent; qu’ils sont une sorte de truck-system dans l’agriculture; qu’ils ruinent définitivement le paysan et le transforment en salarié agricole, et notre économiste parle d’une meilleure alimentation! Le métayage, voyez-vous, «aiderait» la «partie besogneuse… de la population rurale à obtenir» de la terre à ferme (p. 320). Ce que M. l’économiste appelle ici une «aide», c’est l’obtention de la terre à des conditions exécrables, transformant le paysan en salarié agricole! On se demande: où est donc la différence entre les populistes et les agrariens russes, qui ont toujours été et sont encore prêts à accorder «à la partie besogneuse de la population rurale» une «aide» de ce genre? Voici, à ce propos, un exemple intéressant: dans le district de Khotine, province de Bessarabie, le gain moyen d’un métayer est évalué à 60 kopecks par jour, celui du journalier, l’été, à 35-50 kopecks. «Il s’ensuit que le gain du métayer est tout de même supérieur à celui du salarié agricole» (p. 344; c’est M. Karychev qui souligne). Ce «tout de même» est bien caractéristique. Car, enfin, le métayer. à la différence du salarié agricole, a des frais d’exploitation. Il faut bien qu’il ait un cheval et un attelage. Pourquoi ces frais n’ont-ils pas été mis en ligne de compte? Si dans la province de Bessarabie le salaire journalier moyen est de 40 à 77 kopecks dans la saison d’été (1883-1887 et 1888-1892), le gain moyen d’un ouvrier avec son attelage est de 124 à 180 kopecks (1883-1887 et 1888-1892). Ne «s’ensuit-il» pas plutôt que le salarié agricole touche «tout de même» plus que le métayer? Le salaire journalier moyen (moyenne de l’année entière) de l’ouvrier sans cheval est évalué à 67 kopecks pour la province de Bessarabie en 1882-1891 (ibid., p. 178). (voir note suivante).))((Le Truck-system consiste à payer les salaires des ouvriers en marchandises et en produits des magasins de fabrique appartenant aux patrons. Au lieu de leur donner un salaire en argent, les patrons obligent les ouvriers à prendre dans leurs magasins des objets de consommation de basse qualité et d’un prix élevé. En Russie, ce système qui permet une exploitation renforcée des ouvriers était particulièrement répandu dans les régions d’industrie artisanale.)). 3° Si on établit une comparaison directe entre le prix du travail dans le système des prestations et dans l’embauche capitaliste «libre», on voit que dans cette dernière le travail est mieux rémunéré. L’ouvrage sur Le travail salarié libre, etc … (publié par le Département de l’Agriculture et que nous avons déjà cité) donne les chiffres suivants: un paysan qui cultive de bout en bout une déciatine de blé d’automne avec son propre matériel touche en moyenne 6 roubles (ces chiffres concernent la zone centrale des Terres Noires pour une période de huit années: 1883-1891). La même besogne, effectuée dans les conditions de l’embauche libre, est payée 6 roubles 19 kopecks pour le travail de l’homme, auxquels il faut ajouter 4 roubles 50 pour le travail du cheval (l. c. page 45). L’auteur considère avec juste raison que c’est là un phénomène «tout à fait anormal» (ibid.). Notons seulement que le travail est toujours mieux rémunéré avec l’embauche purement capitaliste qu’avec les contrats de servitude, quelles que soient leurs formes, et les autres rapports précapitalistes: c’est là un fait établi non seulement pour l’agriculture, mais aussi pour l’industrie, non seulement pour la Russie, mais aussi pour les autres pays. Voici à ce sujet des données plus précises et plus détaillées qui nous sont fournies par la statistique des zemstvos (Recueil de renseignements statistiques sur le district de Saratov, t. I, IIIe partie, pp. 18-19. Cité d’après les Affermages de M. Karychev, p. 353).
On voit qu’avec le système de prestations (de même qu’avec l’embauche qui relève de la servitude combinée avec l’usure), les prix du travail sont ordinairement plus de deux fois inférieurs qu’avec l’embauche capitaliste((Comment après cela ne pas qualifier de réactionnaire la critique du capitalisme que fait, par exemple, un populiste comme le prince Vassiltchikov? L’expression de «salarié libre», s’exclame-t-il pathétiquement, est contradictoire par elle-même, car le salariat suppose l’absence d’indépendance et l’absence d’indépendance exclut la «liberté». Le capitalisme met la dépendance libre à la place de la dépendance servile, voilà, bien entendu, ce qu’oublie notre seigneur populisant. )). Etant donné que pour se charger de prestations, le paysan doit nécessairement habiter dans la localité et «être pourvu d’un lot concédé», cette énorme baisse du prix du travail montre clairement quelle est la signification du lot, en tant que salaire naturel. Dans ce cas, le lot est donc aujourd’hui encore un moyen permettant d’«assurer» au propriétaire une main-d’œuvre à bon marché. Mais la différence entre le travail libre et le travail «demi-libre»((L’expression est de M. Karychev, l. c. M. Karychev a eu tort de ne pas en conclure que le métayage «aide» à sortir du stade du travail «demi-libre». )) ne se réduit pas à une différence de salaire. Le travail «demi-libre» suppose en effet que celui qui est embauché continue à dépendre personnellement de celui qui l’embauche: cela est extrêmement important car cela veut dire que la «contrainte extra-économique» subsiste plus ou moins. On sait que les propriétaires prêtent de l’argent contre des prestations de travail. Engelhardt note fort justement que cela s’explique par le fait que le remboursement de telles dettes est toujours garanti: il est difficile, en effet, de faire payer un paysan en vertu d’un exécutoir. «Par contre, si le paysan s’est engagé à fournir du travail, il sera contraint de le faire; par les autorités, même si son blé à lui n’est pas moissonné» (l. c. p. 216). «Le sang-froid» (qui n’est d’ailleurs qu’apparent) avec lequel le paysan laisse son blé sous la pluie pour aller charroyer des gerbes appartenant à autrui, ce sang-froid ne peut s’expliquer que par de longues années d’esclavage et de travail servile pour le compte du seigneur (ibid., p. 429). Si la population n’était pas attachée, d’une façon ou d’une autre, à son lieu de résidence, à la «communauté», si une certaine inégalité juridique ne subsistait pas, les prestations de travail seraient impossibles en tant que système. Il va de soi, qu’étant donné leurs caractéristiques, les prestations entraînent inévitablement une productivité du travail peu élevée; qu’avec ce système, les méthodes d’exploitation ne peuvent être qu’extrêmement routinières et que le travail fourni par un paysan réduit en servitude est nécessairement d’une qualité très voisine du travail fourni par un serf.
Étant donné cette combinaison du système des prestations et du système capitaliste, la structure actuelle de la grosse exploitation foncière offre une extraordinaire ressemblance avec le régime qui a régné dans notre industrie textile avant l’apparition de la grande industrie mécanique. Dans l’industrie textile en effet, une partie des opérations (ourdissage du fil, teinture, apprêt du tissu, etc.) était réalisée par des ouvriers salariés avec des instruments appartenant au négociant et l’autre partie était réalisée par des koustari qui travaillaient pour le compte du patron avec leurs instruments et les matières premières du patron; dans l’agriculture actuelle une partie des opérations est exécutée par des salariés qui emploient le matériel du propriétaire; l’autre partie est effectuée par des paysans qui viennent travailler la terre d’autrui avec leurs propres instruments. Dans l’industrie textile; le capital commercial était combiné avec le capital industriel et en plus du joug du capital, les koustari subissaient la servitude, la médiation des maîtres-artisans, le truck-system, etc. Dans l’agriculture, il en est de même: le capital industriel s’agrège au capital commercial et usuraire et on retrouve l’abaissement du prix du travail sous toutes ses formes, et le renforcement de la dépendance personnelle du producteur. Dans l’industrie textile le système de transition s’est maintenu pendant des siècles: il était fondé sur une technique manuelle primitive et il a été brisé en une trentaine d’années par la grande industrie mécanique. Dans l’agriculture, les prestations de travail existent quasiment depuis l’origine de la Russie (au temps de la Rousskaïa Pravda((La Rousskaïa Pravda est le premier recueil écrit de lois et d’arrêtés du prince qui ait existé dans l’ancienne Russie du XIe et du Xlle siècle. Le but des articles de la Rousskaïa Pravda est de défendre la propriété et la vie des féodaux. Ils témoignent de la farouche lutte de classes qui opposait la paysannerie asservie de l’ancienne Russie à ses exploiteurs. Dans l’ancienne Russie du IXe au Xllle siècle, les smerdes étaient des paysans féodaux dépendants qui effectuaient des corvées dans les domaines du prince et des autres féodaux ecclésiastiques ou civils à qui ils payaient l’obrok.)), les seigneurs réduisaient déjà les vilains en servitude) : elles ont perpétué une technique routinière et elles ne commencent à céder la place au capitalisme à une cadence accélérée que depuis l’abolition du servage. Dans l’agriculture comme dans l’industrie textile, le vieux système n’a entraîné que stagnation dans les formes de production (et partant dans l’ensemble des rapports sociaux) et domination du mode de vie asiatique. Dans l’agriculture comme dans l’industrie, les formes d’exploitation nouvelles, capitalistes, représentent un énorme progrès, en dépit de toutes les contradictions qui leur sont inhérentes.