La Yougoslavie est-elle un pays socialiste ?
A propos de la lettre ouverte du Comité Central du P.C.U.S.
26 septembre 1963
Le capitalisme envahit les régions rurales yougoslaves
Examinons maintenant la situation dans les régions rurales de Yougoslavie.
N’existe-t-il vraiment plus de capitalistes dans les campagnes yougoslaves, ainsi que le prétend Khrouchtchev ?
Si. Les faits sont encore là pour le prouver.
C’est dans les régions rurales que la pénétration du capitalisme se manifeste avec le plus d’évidence.
Le marxisme-léninisme nous enseigne que l’économie individuelle et la petite exploitation engendrent le capitalisme chaque jour, chaque heure, et que seule la collectivisation peut engager l’agriculture dans la voie du socialisme,
Staline a souligné : « Lénine dit que tant que l’économie des paysans individuels, qui engendre des capitalisa tes et le capitalisme, prédomine dans le pays, le danger d’une restauration du capitalisme existera. Évidemment, aussi longtemps qu’existe ce danger, on ne peut parler sérieusement de la victoire de la construction socialiste dans notre pays. » (Œuvres complètes, tome 11)
Dans cette question, la clique Tito suit une ligne qui est diamétralement à l’opposé du socialisme.
Dans les premiers temps de l’après-guerre, la Yougoslavie avait effectué une réforme agraire et organisé un certain nombre de coopératives paysannes de travail, cependant, l’économie des paysans riches restait pour l’essentiel intacte.
En 1951, la clique Tito proclama ouvertement son abandon de la voie de la collectivisation agricole et commença à dissoudre les coopératives paysannes de travail; elle commençait ainsi à s’engager sérieusement dans la voie de la trahison du socialisme.
Alors qu’en 1950 le nombre de ces coopératives était de 6.900 et quelques, en 1953, il dépassait à peine 1.200, et, en 1960 il n’y avait plus que 147 coopératives paysannes de travail, Les campagnes yougoslaves ont sombré dans l’océan de l’économie individuelle.
La clique Tito a dit ouvertement que la collectivisation ne peut réussir en Yougoslavie.
Elle l’a dénigrée perfidement en affirmant que « collectivisation est synonyme d’expropriation » (E. Kardelj : Allocution d’ouverture prononcée le 5 mai 1959 au neuvième plénum du Quatrième Comité fédéral de l’Union socialiste des Travailleurs de Yougoslavie), et qu’elle est une voie qui sert à « maintenir aussi longtemps que possible le servage et la pauvreté » (V. Bakaric : Intervention au Vie Congrès de la L.C.Y.). Par ailleurs, elle avance l’idée absurde de développer l’agriculture « sur la base de la libre compétition des forces économiques » (E. Kardelj : Sur quelques problèmes de notre politique dans les villages. Voir le périodique yougoslave Komunist, N° 4, 1954).
Tout en procédant à la dissolution massive des coopératives paysannes de travail, la clique Tito a promulgué depuis 1953 une série de lois et décrets portant application dans lès campagnes de l’achat, de la vente et de l’affermage libres des terres, ainsi que du libre emploi de la main-d’œuvre, elle a abrogé le système d’achat planifié des produits agricoles et instauré le libre commerce dans ce domaine, tout ceci en vue d’encourager l’expansion du capitalisme dans les régions rurales.
Avec une telle politique, les forces du capitalisme ont rapidement envahi les campagnes et le processus de différenciation s’est accéléré de jour en jour.
C’est là un aspect important des efforts de la clique Tito pour restaurer le capitalisme.
Le processus de différenciation dans les régions rurales se manifeste en premier lieu par des changements dans l’appartenance des terres.
L’ancien secrétaire fédéral à l’Agriculture et à la Sylviculture de Yougoslavie, Komar, a avoué qu’en 1959, dans les campagnes yougoslaves, les familles de paysans pauvres qui avaient moins de cinq hectares de terre, et qui représentaient 70 pour cent du total des familles paysannes, ne possédaient que 43 pour cent des terres privées, alors que les familles de paysans aisés qui avaient chacune plus de huit hectares, et qui ne représentaient que 13 pour cent du total des foyers paysans possédaient 33 pour cent des terres privées.
Komar a avoué en outre que, chaque année, environ 10 pour cent des familles paysannes vendaient ou achetaient des terres (S. Komar: Quelques problèmes concernant la campagne et les jar.iilles [?] paysannes. Voir le périodique yougoslave Socializamj N° 5, 1962).
Parmi celles qui ont dû vendre des terres, la majorité sont des familles de paysans pauvres.
En ce qui concerne la concentration de la terre, la situation réelle est beaucoup plus sérieuse que ne le laissent apparaître les données susmentionnées.
Le Borba, porteparole de la clique Tito, révélait le 19 juillet 1963 : dans un seul district, « des milliers de foyers détiennent des terres dépassant largement le maximum légal de dix hectares ».
Dans la région de Bijeljina, « on a constaté que cinq cents foyers paysans avaient de 10 à 30 hectares ». De pareils cas ne sont pas isolés.
Le processus de différenciation dans les régions rurales se manifeste encore par une grande inégalité dans la propriété du bétail et des instruments aratoires.
Parmi les 308.000 foyers paysans de la province de Voïvodine, principale région productrice de céréales, 55 pour cent ne possèdent pas de bétail.
Les familles paysannes ayant moins de deux hectares représentent dans cette région 40,7 pour cent du total des familles paysannes, mais elles ne possèdent que 4,4 pour cent du nombre total des charrues, soit en moyenne une charrue pour vingt familles.
Tandis que les paysans riches de cette région détiennent non seulement un grand nombre de charrues et de véhicules à traction animale, mais encore plus de 1.300 tracteurs et de nombreuses autres machines agricoles (Indeks, N° 2, 1962 ).
Le processus de différenciation se manifeste encore par le développement du système du travail salarié et d’autres formes d’exploitation capitaliste.
Dans son numéro du 7 février 1958, l’hebdomadaire Komunist a révélé qu’en 1956, en Serbie, 52 pour cent des familles paysannes possédant plus de huit hectares employaient de la main-d’œuvre salariée.
Komar a dit en 1962 :
« Ces dernières années, les chefs de certains foyers paysans sont devenus de plus en plus puissants.
Leurs revenus ne proviennent pas de leur propre travail, mais du commerce illicite, de la transformation non seulement de leurs propres produits, mais aussi de ceux des autres, de la distillation privée des vins, de l’obtention de terres dépassant le maximum prescrit de dix hectares, terres obtenues par achat, ou plus souvent par affermage, par partage fictif des terres, par empiétement ou dissimulation de terres publiques, ils proviennent aussi de l’acquisition de tracteurs par des moyens spéculatifs et de l’exploitation de leurs voisins pauvres par la culture mécanisée des terres de ces derniers » (S. Komar : Quelques problèmes concernant la campagne et les familles paysannes.).
Le Borba a déclaré le 30 août 1962 :
« Les soi-disant bons producteurs » sont des « fermiers exploitant les terres d’autrui, des employeurs de main-d’œuvre et des commerçants expérimentés ».
« Ce ne sont pas des producteurs, mais des propriétaires d’entreprises. De toute l’année, certains d’entre eux ne prennent pas la houe en mains une seule fois. Ils emploient de la main-d’œuvre … et se contentent de surveiller les travaux des champs et de faire du commerce. »
Les usuriers aussi sont particulièrement actifs dans les campagnes yougoslaves, le taux d’intérêt s’élevant très souvent à plus de cent pour cent. En outre, il se trouve des gens qui, tirant avantage de la situation difficile des chômeurs, monopolisent le marché du travail et, jouant le rôle d’intermédiaires, se livrent à l’exploitation.
Privés de terres et d’autres moyens de production, nombre de paysans pauvres ne peuvent subsister qu’en vendant leur force de travail.
Selon les données rendues publiques le 20 août 1962 par le Politika, en 1961, les familles paysannes ayant moins de deux hectares de terre ont obtenu environ 70 pour cent de leurs revenus en espèces par la vente de leur force de travail.
Exploitées de toutes sortes de manières, elles vivent dans la misère.
Les faits prouvent que dans les campagnes yougoslaves, ce sont les classes exploiteuses qui occupent la position dominante.
En soutenant que la Yougoslavie est un pays socialiste, la lettre ouverte du Comité central du P.C.U.S. prétend que le « secteur socialiste » est passé de 6 à 15 pour cent dans les régions rurales yougoslaves.
Hélas, ces modestes pourcentages eux-mêmes ne relèvent pas du secteur socialiste.
Les 15 pour cent qui, pour la direction du P.C.U.S., constituent le « secteur socialiste » ne sont autres que les « fermes agricoles », les « coopératives générales des travailleurs agricoles » et autres organisations agricoles instaurées par la clique Tito.
Or, ces « fermes agricoles » sont en fait des fermes capitalistes, et ces « coopératives générales des travailleurs agricoles », des organisations économiques capitalistes qui s’occupent essentiellement d’activités commerciales.
Non seulement elles n’affectent pas la propriété privée de la terre, mais de plus, leur rôle principal est d’encourager le développement de l’économie des paysans riches.
Dans l’ouvrage Problèmes de l’Agriculture en Yougoslavie, publié à Belgrade, il est dit à propos des coopératives qu’
« à en juger par leur état actuel et leur fonctionnement, elles ne signifient en aucune façon la transformation socialiste de l’agriculture et des régions rurales.
Elles n’œuvrent pas à la création de bases socialistes à la campagne, mais cherchent plutôt à développer et à aider les facteurs capitalistes. Il existe des cas où ces coopératives sont devenues des associations de koulaks ».
La clique Tito a attribué aux « coopératives générales des travailleurs agricoles » le monopole de l’achat des produits agricoles aux paysans.
Usant de ce privilège «ans leurs activités commerciales et profitant de la constante fluctuation des prix agricoles, ces « coopératives » s’adonnent à une intense spéculation au moyen de laquelle elles exploitent les paysans.
En 1958, l’agriculture yougoslave connut une baisse de production. Les « coopératives » et autres organismes commerciaux profitèrent de l’occasion pour provoquer une hausse massive des prix de vente des produits agricoles. En 1959, la production agricole s’étant accrue, les « coopératives » violèrent les contrats d’achat qu’elles avaient passés avec les paysans et réduisirent leurs achats, n’hésitant pas à laisser les récoltes pourrir dans les champs.
Les « coopératives générales des travailleurs agricoles » et les « fermes agricoles » emploient un grand nombre d’ouvriers, entre autres des journaliers, qu’elles exploitent durement.
Selon l’Annuaire de statistiques de la République fédérale populaire de Yougoslavie de 1962, plus de cent mille ouvriers étaient employés de façon permanente en 1961 par les différentes « coopératives ». Un grand nombre de journaliers venaient s’y ajouter.
Le Rad du 1er décembre 1962 a révélé que ces ouvriers salariés « sont souvent victimes d’une impitoyable exploitation (la journée de travail est de 15 heures) et leurs revenus individuels sont en général extrêmement bas ».
Il ressort de tout ceci que ces organisations agricoles que l’on prétend être du « secteur socialiste » ne sont que des organisations agricoles de caractère capitaliste.
Expropriation des paysans pauvres et extension des fermes capitalistes, telle est la politique fondamentale de la clique Tito sur le plan agricole.
En 1955, Tito a déclaré: « Nous n’écartons pas l’idée qu’en Yougoslavie les petites exploitations puissent fusionner sous une forme ou sous une autre . . . En Amérique, cela est déjà fait. Nous devons trouver une solution à cette question. »
En vue de suivre la voie capitaliste, la clique Tito a élaboré en 1959 la « Loi sur l’utilisation des terres agricoles », loi stipulant que si les paysans individuels sont dans l’impossibilité de cultiver leurs terres selon les conditions requises, celles-ci devront être placées sous l' »administration obligatoire » des « coopératives générales des travailleurs agricoles » ou des « fermes agricoles »; ceci revient en fait à développer les fermes capitalistes par l’expropriation des paysans pauvres et l’annexion forcée de leurs terres.
Cette voie est authentiquement celle du développement de l’agriculture capitaliste.
A propos du passage de la petite exploitation paysanne à la grande exploitation, Staline a dit : « Il existe ici deux voies, la voie capitaliste et la voie socialiste; la voie en avant, vers le socialisme et la voie en arrière, vers le capitalisme ».
Y a-t-il encore une troisième voie en dehors de la voie socialiste et de la voie capitaliste?
Staline dit à ce sujet :
« La prétendue troisième voie n’est en réalité que la seconde, la voie du retour au capitalisme. »
« En effet, que signifie revenir à l’économie individuelle et rétablir la classe des koulaks ? C’est rétablir le joug du koulak, c’est rétablir l’exploitation de la paysannerie par les koulaks, c’est donner le pouvoir à ces derniers.
Mais peut-on rétablir la classe des koulaks et conserver en même temps le pouvoir des Soviets?
Non.
Le rétablissement de la classe des koulaks mènerait à la création d’un pouvoir koulak et à la destruction du pouvoir des Soviets.
Par conséquent, il conduirait à la formation d’un gouvernement bourgeois.
Et la formation d’un gouvernement bourgeois, à son tour, conduirait au rétablissement des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, au rétablissement du capitalisme. » (Œuvres complètes, tome 13)
La voie suivie durant ces dix dernières années et quelques par l’agriculture yougoslave est précisément la voie du rétablissement du capitalisme.
Ce sont là autant de faits indéniables.
Nous voudrions demander à ceux qui s’emploient à réhabiliter la clique Tito : A moins que vous ne cherchiez à tromper les gens, comment pouvez-vous prétendre qu’il n’y a plus de capitalistes en Yougoslavie ?