4e Congrès
IIIe Internationale
Résolution sur la question française
La crise du Parti et le rôle des fractions
Le 4° Congrès de l’Internationale Communiste constate que l’évolution de notre Parti français depuis le socialisme parlementaire jusqu’au communisme révolutionnaire s’opère avec une extrême lenteur qui est loin de s’expliquer par les conditions uniquement objectives, par les traditions, par la psychologie nationale de la classe ouvrière, etc., mais qui est due, avant tout, à une résistance directe et parfois exceptionnellement opiniâtre des éléments non communistes qui sont encore très forts dans les sommets du Parti et particulièrement dans la fraction du centre qui, depuis Tours, a eu, pour la plus grande part, la direction du Parti.
La cause fondamentale de la crise aiguë que traverse actuellement le Parti se trouve dans la politique d’attente, indécise et hésitante, des éléments dirigeants du centre qui, devant les exigences urgentes de l’organisation du Parti, essaient de gagner du temps, couvrant ainsi une politique de sabotage direct dans les questions syndicale, du front unique, de l’organisation du Parti et autres. Le temps ainsi gagné par les éléments dirigeants du centre a été perdu pour le progrès révolutionnaire du prolétariat français.
Le Congrès fait au Comité Exécutif une obligation de suivre de toute son attention la vie intérieure du Parti Communiste français afin de pouvoir, en s’appuyant sur la majorité incontestablement prolétarienne et révolutionnaire, le libérer de l’influence des éléments qui ont engendré la crise et qui ne cessent de l’aggraver.
Le Congrès rejette l’idée même d’une scission, qui n’est en rien suggérée par la situation du Parti. L’écrasante majorité de ses membres est sincèrement et profondément dévouée à la cause communiste. Seul, un manque de clarté subsistant dans la doctrine et la conscience du Parti a permis à ses éléments conservateurs, centristes et semi-centristes, d’apporter un trouble aussi aigu et d’engendrer des fractions. Un effort ferme et constant pour éclaircir l’essence des questions litigieuses devant le Parti groupera, sur le terrain des décisions du présent Congrès, l’écrasante majorité des membres du Parti et, avant tout, sa base prolétarienne. Quant aux éléments qui adhèrent au Parti, mais en même temps sont liés par toute la nature de leur pensée et de leur vie aux mœurs et coutumes de la société bourgeoise et sont incapables de comprendre la véritable politique prolétarienne ou de se soumettre à la discipline révolutionnaire, leur rejet progressif du Parti est la condition indispensable de son assainissement, de sa cohésion et de sa faculté d’action.
L’avant-garde communiste de la classe ouvrière a besoin naturellement d’intellectuels qui apportent à son organisation leurs connaissances théoriques, leurs dons d’agitateurs ou d’écrivains, mais à condition que ces éléments rompent absolument et sans retour avec les mœurs et coutumes du milieu bourgeois, brûlent derrière eux tous les ponts les rattachant au camp dont ils sont sortis, ne demandent pour eux ni exception, ni privilèges et se soumettent à la discipline, à l’égal de simples militants. Les intellectuels, si nombreux en France, qui entrent dans le Parti en amateurs ou en carriéristes, lui causent seulement un immense dommage ; ils le compromettent devant les masses prolétariennes et l’empêchent de conquérir la confiance de la classe ouvrière.
Il faut à tout prix épurer impitoyablement le Parti de pareils éléments et fermer les portes devant eux. Le meilleur moyen pour cela serait d’effectuer une révision générale des effectifs du Parti au moyen d’une commission spéciale composée d’ouvriers irréprochables sous le rapport de la morale communiste.
Le Congrès constate que la tentative faite par le Comité Exécutif pour atténuer les manifestations de la crise dans le domaine de l’organisation en constituant les organes dirigeants sur la base paritaire entre les deux principales fractions du centre et de la gauche a été rendue vaine par le centre sous l’influence indubitable de ses éléments les plus conservateurs, qui prennent dans cette fraction une prépondérance inévitable toutes les fois qu’elle s’oppose à la gauche.
Le Congrès estime nécessaire d’expliquer à tous les membres du Parti Communiste français que les efforts du Comité Exécutif tendant à obtenir un accord préalable entre les principales fractions avaient pour but de faciliter les travaux du Congrès de Paris et ne constituaient, en aucun cas, une atteinte aux droits du Congrès comme organe souverain du Paris Communiste français.
Le Congrès estime nécessaire d’établir que, quelles qu’aient pu être les erreurs particulières de la gauche, elle s’est efforcée essentiellement, pendant comme avant le Congrès de Paris, de réaliser la politique de l’Internationale Communiste, et que dans les principaux problèmes du mouvement révolutionnaire, dans la question du front unique et dans la question syndicale, elle a occupé, en face du centre et du groupe Renoult, la position juste.
Le Congrès invite instamment tous les éléments véritablement révolutionnaires et prolétariens, qui sont indubitablement en majorité dans le centre, à mettre fin à l’opposition des éléments conservateurs et à s’unir avec la gauche dans un travail commun. La même remarque se rapporte à la fraction qui par ses effectifs, arrive la troisième et qui mène la campagne la plus vive, et manifestement erronée, contre la politique du front unique.
L’extrême-gauche
En liquidant le caractère fédéraliste de son organisation, la Fédération de la Seine a repoussé par là même la position manifestement erronée de l’aile soi-disant d’extrême-gauche. Cependant cette dernière, en la personne des camarades Heine et Lavergne, a cru pouvoir donner au citoyen Delplanque un mandat impératif en vertu duquel le citoyen Delplanque s’engageait à s’abstenir de voter sur toutes les questions et à ne prendre aucun engagement. Cette façon d’agir des représentants déjà nommés de l’extrême-gauche témoigne de leur parfaite incompréhension du sens et de l’essence de l’Internationale Communiste.
Les principes du centralisme démocratique qui sont à. la base de nos organisations excluent radicalement la possibilité de mandats impératifs, qu’il s’agisse de Congrès fédéraux, nationaux ou internationaux. Les Congrès n’ont de sens que dans la mesure où les décisions collectives des organisations – locales, nationales ou internationales – sont élaborées par le libre examen et la décision de tous les délégués. Il est tout à fait évident que les discussions, l’échange des expériences et des arguments de chacun dans un Congrès seraient dépourvus de sens, si les délégués étaient liés d’avance par des mandats impératifs.
La violation des principes fondamentaux de l’organisation de l’Internationale est aggravée dans le cas actuel par le refus de ce groupe de ne prendre aucun engagement à l’égard de l’Internationale, comme si le seul fait d’appartenir à l’Internationale n’imposait pas à tous ses membres des engagements absolus de discipline et de mise en pratique de toutes les décisions adoptées.
Le Congrès invite le Comité Directeur de notre section française à étudier, sur place, tout les éléments de cet incident et à en tirer toutes les conclusions politiques et d’organisation qui en découlent.
La question syndicale
Les décisions prises par le Congrès dans la question syndicale comportent certaines concessions de forme et d’organisation destinées à faciliter le rapprochement du Parti et des organisations syndicales ou masses syndiquées n’adoptant pas encore le point de vue communiste. Mais ce serait dénaturer complètement le sens de ces décisions que de vouloir les interpréter comme une approbation de la politique d’abstention syndicale qui a été dominante dans le Parti et que prêchent encore aujourd’hui beaucoup de ses membres.
Les tendances représentées dans cette question par Ernest Lafont sont en contradiction complète et inconciliables avec les missions révolutionnaires de la classe ouvrière et avec toute la conception du communisme. Le Parti ne peut ni ne veut attenter à l’autonomie des syndicats, mais il doit démasquer et châtier impitoyablement ceux de ses membres qui réclament l’autonomie en vue de leur action désorganisatrice et anarchiste au sein des syndicats. Dans cette question essentielle, l’Internationale souffrira moins que dans n’importe quel autre domaine toute déviation ultérieure de la voie communiste, la seule juste du point de vue de la pratique internationale, comme de celui de la théorie.
Les leçons de la grève du Havre
La grève du Havre, malgré son caractère local, est un témoignage indubitable de la combativité croissante du prolétariat français. Le gouvernement capitaliste a répondu à la grève par l’assassinat de quatre ouvriers, comme s’il se hâtait de rappeler aux ouvriers français qu’ils ne pourront conquérir le pouvoir et détruire l’esclavage capitaliste qu’au prix de la plus grande lutte, du maximum de dévouement et d’abnégation et de nombreux sacrifices.
Si la réponse du prolétariat français aux assassinats du Havre a été complètement insuffisante, la responsabilité en incombe non seulement à la trahison, devenue depuis longtemps de règle parmi les dissidents et les syndicalistes réformistes, mais aussi à la manière d’agir complètement erronée des organes dirigeants de la C.G.T.U. et du Parti Communiste. Le Congrès estime nécessaire de s’arrêter sur cette question parce qu’elle nous offre un exemple éclatant de la manière radicalement fausse d’aborder les problèmes d’action révolutionnaire.
En divisant d’un façon incorrecte en principe la lutte de classe du prolétariat en deux domaines soi-disant indépendants, l’économique et le politique, le Parti, cette fois encore, ne fit preuve d’aucune initiative indépendante, se bornant à appuyer la C.G.T.U., comme si en réalité l’assassinat de quatre prolétaires par le gouvernement du capital était un acte économique et non un événement politique de première importance. Quant à la C.G.T.U., sous la pression du Syndicat parisien du Bâtiment, elle proclama le lendemain des assassinats du Havre, un dimanche, une grève générale de protestation pour le mardi. Les ouvriers de France n’eurent pas le temps, dans beaucoup d’endroits, d’apprendre non seulement l’appel à la grève générale, mais même le fait de l’assassinat.
Dans ces conditions, la grève générale était d’avance vouée à l’échec. Il n’y a pas de doute que, cette fois encore, la C.G.T.U. n’ait adapté sa politique aux éléments anarchistes, organiquement étrangers à la compréhension de l’action révolutionnaire et à sa préparation, et qui suppléent à la lutte révolutionnaire par des appels révolutionnaires de leurs coteries, sans se soucier de la réalisation de ces appels. Le Parti, de son côté, capitula en silence devant la démarche évidemment erronée de la C.G.T.U. au lieu d’essayer, sous une forme amicale mais instante, d’obtenir de cette dernière l’ajournement de la manifestation gréviste dans le but de développer une vaste agitation de masse.
La première obligation, tant du Parti que de la C.G.T.U. devant le crime ignoble de la bourgeoisie française, était de mobiliser immédiatement un millier des meilleurs agitateurs du Parti et des syndicats à Paris et en province, pour expliquer aux éléments les plus arriérés de la classe ouvrière le sens des événements du Havre, et pour préparer les masses ouvrières à la protestation et à la défense. Le Parti était tenu, en pareil cas, de lancer à plusieurs millions d’exemplaires un appel à la classe ouvrière et aux paysans, à l’occasion du crime du Havre.
L’organe central du Parti devait quotidiennement poser aux réformistes – socialistes et syndicalistes – la question : quelle est la forme de lutte que vous proposez en réponse aux assassinats du Havre ? De son côté le Parti devait, de concert avec la C.G.T.U., lancer l’idée d’une grève générale, sans en fixer d’avance la date et la durée, en se laissant guider par le développement de l’agitation et du mouvement dans le pays. Il était indispensable de tenter de constituer dans chaque usine, ou dans chaque quartier, ville et région, des Comités provisoires de protestation dans la composition desquels les communistes et syndicalistes révolutionnaires comme initiateurs auraient fait entrer des membres ou des représentants des organisations réformistes.
Seule, une campagne de ce genre, systématique, concentrée, universelle par ses moyens, tendue et infatigable, pouvait, menée pendant toute une semaine et plus, être couronnée par un mouvement puissant et imposant, sous la forme d’une grande grève de protestation, de manifestation dans la rue, etc. Le résultat sûr d’une telle campagne aurait été d’augmenter dans les masses les liaisons, l’autorité et l’influence du Parti et de la C.G.T.U., de les rapprocher mutuellement dans le travail révolutionnaire et de rapprocher d’eux la partie de la classe ouvrière qui suit encore les réformistes.
La prétendue grève générale du 1° mai 1921, que les éléments révolutionnaires ne surent pas préparer et que les réformistes firent criminellement échouer, constitua un tournant dans la vie intérieure de la France, en affaiblissant le prolétariat et en renforçant la bourgeoisie. La « grève générale » de protestation du mois d’octobre 1922 fut, au fond, une trahison réitérée de la droite et une nouvelle erreur de la gauche. L’Internationale invite, de la manière la plus énergique, les camarades français, dans quelque branche du mouvement prolétarien qu’ils travaillent, à accorder une attention extrême aux problèmes de l’action des masses, à en étudier minutieusement les conditions et les méthodes, à soumettre les erreurs de leurs organisations dans chaque cas concret à une analyse critique attentive, à préparer non moins minutieusement les éventualités mêmes d’action des masses au moyen d’une agitation vaste et tendue, à proportionner les mots d’ordre à la disposition et à l’aptitude des masses à l’action.
Les chefs réformistes s’appuient dans leurs actes de trahison sur les conseils, suggestions et indications de toute l’opinion publique bourgeoise, à laquelle ils sont indissolublement liés. Les syndicalistes révolutionnaires, qui ne peuvent pas ne pas être en minorité dans les organisations syndicales. commettront d’autant moins d’erreurs que le Parti comme tel, consacrera plus d’attention à toutes les questions du mouvement ouvrier, étudiant minutieusement les conditions et le milieu et présentant aux syndicats, par l’intermédiaire de ses membres, telles ou telles propositions. en conformité avec toute la situation.
La franc-maçonnerie, la Ligue des Droits de l’Homme et la presse bourgeoise
L’incompatibilité de la franc-maçonnerie et du socialisme était considérée comme évidente dans la plupart des partis de la II° Internationale. Le Parti Socialiste italien a exclu les Francs-Maçons en 1914, et cette mesure a été, sans aucun doute, une des raisons qui ont permis à ce parti de suivre, pendant la guerre, une politique d’opposition, puisque les Francs-Maçons, en qualité d’instruments de l’Entente, agissaient en faveur de l’intervention.
Si le deuxième Congrès de l’Internationale Communiste n’a pas formulé, dans les conditions d’adhésion à l’Internationale, de point spécial sur l’incompatibilité du communisme et de la franc-maçonnerie, c’est parce que ce principe a trouvé sa place dans une résolution séparée votée à l’unanimité du Congrès.
Le fait, qui s’est révélé d’une façon inattendue au 4° Congrès de l’Internationale Communiste, de l’appartenance d’un nombre considérable de communistes français aux loges maçonniques est, aux yeux de l’Internationale Communiste, le témoignage le plus manifeste et en même temps le plus pitoyable que notre Parti français a conservé, non seulement l’héritage psychologique de l’époque du réformisme, du parlementarisme et du patriotisme, mais aussi des liaisons tout à fait concrètes, extrêmement compromettantes pour la tête du Parti, avec les institutions secrètes, politiques et carriéristes de la bourgeoisie radicale.
Tandis que l’avant-garde communiste du prolétariat recueille toutes ses forces pour une lutte sans merci contre tous les groupements et organisations de la société bourgeoise au nom de la dictature prolétarienne, de nombreux militants responsables du Parti, députés, journalistes, et jusqu’à des membres du Comité Directeur, conservent une liaison étroite avec les organisations secrètes de l’ennemi.
Un fait particulièrement déplorable est celui que tout le Parti, dans toutes ses tendances, n’a pas soulevé cette question après Tours, malgré sa clarté évidente pour toute l’Internationale et qu’il ait fallu la lutte des fractions à l’intérieur du Parti pour la faire surgir devant l’Internationale dans toute son importance menaçante.
L’Internationale considère comme indispensable de mettre fin, une fois pour toutes, à ces liaisons compromettantes et démoralisatrices de la tête du Parti Communiste avec les organisations politiques de la bourgeoisie. L’honneur du prolétariat de France exige qu’il épure toutes ses organisations de classe des éléments qui veulent appartenir à la fois aux deux camps en lutte.
Le Congrès charge le Comité Directeur du Parti Communiste français de liquider avant le 1° janvier 1923 toutes les liaisons du Parti, en la personne de certains de ses membres et de ses groupes, avec la franc-maçonnerie. Celui qui, avant le 1° janvier, n’aura pas déclaré ouvertement à son organisation et rendu publique par la presse du Parti sa rupture complète avec la franc-maçonnerie est, par là même, automatiquement exclu du Parti Communiste sans droit d’y jamais adhérer à nouveau, à quelque moment que ce soit. La dissimulation par quiconque de son appartenance à la franc-maçonnerie sera considérée comme pénétration dans le Parti d’un agent de l’ennemi et flétrira l’individu en cause d’une tâche d’ignominie devant tout le prolétariat.
Considérant que le seul fait d’appartenir à la franc-maçonnerie, qu’on ait poursuivi ou non, ce faisant, un but matériel, carriériste ou tout autre but flétrissant, témoigne d’un développement extrêmement insuffisant de la conscience communiste et de la dignité de classe, le 4° Congrès reconnaît indispensable que les camarades qui ont appartenu jusqu’à présent à la franc-maçonnerie et qui rompront maintenait avec elle soient privés durant deux ans du droit d’occuper des postes importants dans le Parti. Ce n’est que par un travail intense pour la cause de la révolution en qualité de simples militants, que ces camarades peuvent reconquérir la confiance complète et le droit d’occuper dans le Parti des postes importants.
Considérant que la Ligue pour la défense des Droits de l’Homme et du Citoyen est, dans son essence, une organisation du radicalisme bourgeois, qu’elle utilise ses actes isolés contre telle ou telle injustice pour semer les illusions et les préjugés de la démocratie bourgeoise et surtout que, dans les cas les plus décisifs et les plus graves, comme par exemple pendant la guerre, elle prête tout son appui au capital organisé sous forme d’Etat, le 4° Congrès de l’Internationale Communiste estime absolument incompatible avec le titre de communiste et contraire aux conceptions élémentaires du communisme le fait d’appartenir à la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen et invite tous les membres du Parti adhérant à cette Ligue à en sortir avant le 1° janvier 1923, en le portant à la connaissance de leur organisation et en le publiant dans la Presse.
Le Congrès invite le Comité Directeur du Parti Communiste français :
1° A publier immédiatement son appel à tout le Parti, éclaircissant le sens et la portée de la présente résolution.
2° A prendre toutes les mesures découlant de la résolution pour que l’épuration du Parti de la franc-maçonnerie et la rupture de toute relation avec la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen soit effectuée sans faiblesse et sans omission avant le 1° janvier 1923. Le Congrès exprime son assurance que, dans son travail d’épuration et d’assainissement, le Comité Directeur sera soutenu par l’immense majorité des membres du Parti, à quelque fraction qu’ils appartiennent.
Le Comité Directeur doit dresser les listes de tous les camarades qui, à Paris et en province, tout en faisant partie du Parti Communiste et en assumant des postes divers, même de confiance, collaborent en même temps à la presse bourgeoise et inviter ces éléments à faire, avant le 1° janvier 1923, un choix complet et définitif entre les organes bourgeois de corruption des masses populaires et le Parti révolutionnaire de la dictature du prolétariat.
Les fonctionnaires du Parti qui ont violé la prescription établie et réitérée maintes fois dans des décisions visant le Parti français doivent être privés du droit d’occuper des postes de confiance pendant un an.
Les candidats du Parti
Afin de donner au Parti un caractère vraiment prolétarien et dans le but d’écarter de ses rangs les éléments qui n’y voient qu’une antichambre du Parlement, des conseils municipaux, des conseils généraux, etc., il est indispensable d’établir comme règle inviolable que les listes des candidats présentées par le Parti aux élections comprendront au moins neuf dixièmes d’ouvriers communistes travaillant encore à l’atelier, à l’usine ou aux champs, et de paysans ; les représentants des professions libérales ne peuvent être admis que dans la limite strictement déterminée d’un dixième au plus du nombre total des sièges éligibles que le Parti occupe ou espère occuper par l’intermédiaire de ses membres ; En outre, on fera preuve d’une rigueur particulière dans le choix des candidats appartenant aux professions libérales (vérification minutieuse de leurs antécédents politiques, de leurs relations sociales, de leur fidélité et de leur dévouement à la cause de la classe ouvrière), par des commissions essentiellement prolétariennes.
Sous ce régime seulement, les parlementaires, conseillers municipaux et généraux, et maires communistes, cesseront d’être une caste professionnelle n’ayant dans la plupart des cas que peu de rapports avec la classe ouvrière et deviendront l’un des instruments de la lutte révolutionnaire des masses.
L’action communiste dans les colonies
Le 4° Congrès attire encore une fois l’attention sur l’importance exceptionnelle d’une activité juste et systématique du Parti communiste dans les colonies. Le Parti condamne catégoriquement la position de la section communiste de Sidi-Bel-Abbès, qui couvre d’une phraséologie pseudo-marxiste un point de vue purement esclavagiste, soutenant, au fond, la domination impérialiste du capitalisme français sur ses esclaves coloniaux. Le Congrès estime que notre activité dans les colonies doit s’appuyer, non pas sur des éléments aussi pénétrés de préjugés capitalistes et nationalistes, mais sur les meilleurs éléments des indigènes eux-mêmes et, en premier lieu, sur la jeunesse prolétarienne indigène.
Seules, une lutte intransigeante du Parti Communiste dans la métropole contre l’esclavage colonial et une lutte systématique dans les colonies elles-mêmes peuvent affaiblir l’influence des éléments ultra-nationalistes des peuples coloniaux opprimés sur les masses travailleuses, attirer la sympathie de ces dernières à la cause du prolétariat français et ne point donner ainsi au capital français, à l’époque du soulèvement révolutionnaire du prolétariat, la possibilité d’employer les indigènes coloniaux comme la dernière réserve de la contre-révolution.
Le Congrès international invite le Parti français et son Comité Directeur à prêter infiniment plus d’attention, de force et de moyens que jusqu’à ce jour, à la question coloniale et à la propagande dans les colonies et, entre autres, à créer auprès du Comité Directeur un bureau permanent d’action coloniale, en y faisant entrer des représentants des organisations communistes indigènes.
Décisions
a) Comité Directeur.
Exceptionnellement, étant donné la crise aiguë provoquée par le Congrès de Paris, le Comité Directeur sera constitué sur la base proportionnelle, d’après le vote du Congrès, relative aux organismes centraux.
Les propositions des diverses fractions seront les suivantes :
Centre : | 10 titulaires et 3 suppléants. |
Gauche : | 9 titulaires et 2 suppléants. |
Tendance Renoult : | 4 titulaires et 1 suppléant. |
Minorité Renaud Jean : | 1 titulaire. |
Jeunesses : | 2 représentants avec voix délibérative. |
Le bureau politique sera composé sur la même base, les fractions obtenant respectivement : Centre, 3 postes ; Gauche, 3 ; tendance Renoult, 1.
Les membres du Comité Directeur, comme ceux du bureau politique et des organismes centraux importants, seront désignés par les fractions à Moscou, pour éviter toute contestation d’ordre personnel qui risquerait d’aggraver la crise. La liste ainsi élaborée est soumise au 4° Congrès mondial par la délégation qui s’engage à la défendre devant le parti. Le 4° Congrès prend acte de cette déclaration en exprimant sa conviction que cette liste est la seule possibilité de résoudre la crise du Parti.
La liste du nouveau Comité Directeur élaborée par les fractions est la suivante :
CENTRE | |
Titulaires : | Marcel Cachin, Frossard, Garchery, Gourdeaux, Jacob, Laguesse, Lucie Leiciague, Marrane, Paquereaux, Louis Sellier. |
Suppléants : | Dupillet, Pierpont, Plais. |
GAUCHE | |
Titulaires : | Bouchez, Cordier, Demusois, Amédée Dunois, Rosmer, Souvarine, Tommasi, Treint, Vaillant-Couturier. |
Suppléants : | Marthe Bigot, Salles. |
FRACTION RENOULT | |
Titulaires : | Bartieret, Dubus, Fromont, Werth. |
Suppléants : | Lespagnol. |
Un Conseil national avec pouvoir de Congrès ratifiera cette liste, au plus tard dans la deuxième quinzaine de janvier.
Jusqu’à ce moment, le Comité Directeur provisoire nommé par le Congrès de Paris reste en fonction.
b) La Presse.
Le Congrès confirme le régime de la presse déjà décidé :
1° Direction des journaux remise au bureau politique ;
2° Editorial non signé apportant chaque jour aux lecteurs l’opinion du Parti ;
3° Interdiction pour les journalistes du Parti de collaborer à la presse bourgeoise.
Directeur de l’Humanité : Marcel Cachin, Secrétaire général : Amédée Dunois,
tous deux ayant des pouvoirs égaux, c’est-à-dire que tout conflit surgissant entre eux sera porté devant le bureau politique et tranché par lui.
Secrétariat de rédaction : un au Centre et un à la Gauche.
La rédaction du Bulletin Communiste sera remise à un camarade de la Gauche.
Les rédacteurs démissionnaires rentreront à la rédaction.
Pour préparer le Conseil National, la page du Parti sera rétablie avec liberté d’écrire pour chaque tendance.
c) Secrétariat général.
Il sera assuré sur la base paritaire par un camarade du Centre et un de la Gauche, tout conflit étant tranché par le bureau politique.
Titulaires : Frossard et Treint. Suppléant de Frossard : Louis Sellier.
d) Délégués à l’Exécutif.
Le Congrès considère comme absolument nécessaire pour établir des liens tout à fait normaux et cordiaux entre le Comité Exécutif et le Parti Français que les deux tendances les plus importantes soient représentées à Moscou par 6 camarades, les plus qualifiés et autorisés de leurs tendances, c’est-à-dire par les camarades Frossard et Souvarine, au moins pour trois mois, jusqu’à la fin de la crise que traverse actuellement le Parti français.
La représentation du Parti français à Moscou par Frossard et Souvarine donnera la pleine certitude que chaque suggestion de l’Exécutif, faite en accord avec ces deux camarades, aura l’adhésion du Parti tout entier.
e) Appointements des fonctionnaires du Parti.
En ce qui concerne les appointements des fonctionnaires du Parti, rédacteurs, etc., le Parti créera une commission spéciale composée de camarades ayant toute la confiance morale du Parti pour régler cette question à deux points de vue :
1° Eliminer toute possibilité de cumul des appointements qui provoque une légitime indignation dans la masse ouvrière du Parti ;
2° Pour les camarades dont le travail est absolument nécessaire au Parti, créer une situation qui leur permette de consacrer toutes leurs forces au service du Parti.
f) Commissions.
1° Conseil d’administration de l’Humanité : 6 Centre, 5 Gauche, 2 tendance Renoult.
La Commission accepte que la R.P. fonctionne aussi exceptionnellement pour les commissions importantes.
2° Secrétariat syndical : un secrétaire du Centre et un secrétaire de la Gauche – tout conflit entre eux étant examiné par le Bureau Politique.
g) Cas litigieux.
Les cas litigieux qui émaneraient des décisions d’organisation prises à Moscou, dans leur application, devront être réglés par une commission spéciale composée d’un représentant du Centre, un représentant de la Gauche et du délégué de l’Exécutif comme Président.
h) Postes prohibés pour les anciens Francs-Maçons.
Par postes prohibés pour les anciens Francs-Maçons, on entend les postes dont les titulaires ont le mandat de représenter plus ou moins indépendamment, sous leur propre responsabilité, les idées du Parti, devant la masse ouvrière, par la parole et par la plume.
S’il y avait entre les deux fractions, une divergence dans la détermination de ces postes, elle serait soumise à la Commission indiquée plus haut.
En cas de difficultés techniques pour la réintégration des rédacteurs démissionnaires, la commission envisagée précédemment réglera ces difficultés.
Toutes les résolutions ne concernant pas la constitution du Comité Directeur sont applicables immédiatement.