I — Principales périodes du développement du Parti

La démocratie populaire

Georges Dimitrov

   Le Parti ouvrier (communiste) bulgare que le Congrès nommera de nouveau à l’unanimité, je n’en doute pas, Parti communiste bulgare, remonte loin dans le passé. Ses fondements, en tant que parti social-démocrate, ont été posés en 1891 au congrès de Bouzloudja. Cependant, il ne s’est formé comme parti de la classe ouvrière, que sous la direction de Dimitre Blagoév et de ses compagnons de lutte, Guéorgui Kirkov et Gavril Guéorguiev, après la scission en 1903, avec les « chiroki » (socialistes de droite), c’est-à-dire après s’être débarrassé de l’aile réformiste.

   Notre Parti a grandi dans une lutte incessante contre les influences étrangères, bourgeoises et petites- bourgeoises, pour faire prendre aux ouvriers une conscience de classe, la conscience d’une force sociale indépendante, avec une idéologie et une organisation propres. De petit groupement grandissant, appliqué au développement de la conscience de classe parmi les ouvriers, à leur organisation pour la défense de leurs intérêts vitaux, d’une organisation avant tout d’agitation et de propagande socialiste, qu’il était à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, le Parti s’est graduellement développé ; déjà lors de la première guerre mondiale de 1914-1918 et surtout après elle, il devint un parti politique de masse de la classe ouvrière.

   Sous l’influence de la grande Révolution socialiste d’Octobre, que notre Parti et les travailleurs accueillirent avec une joie et un enthousiasme indicibles, et dont il adopta les grandes idées, le Parti se transforma en 1919 en Parti communiste bulgare et, sous la direction du Parti bolchevik, prit part à la création de l’Internationale communiste, dont il resta un membre actif jusqu’à sa dissolution volontaire, en 1943.

   Trente ans durant, surtout après l’insurrection de septembre 1923, en surmontant les survivances non- bolchéviks, legs du socialisme « étroit », en luttant contre les différentes tendances et groupes de liquidation de droite et de gauche, en son propre sein et dans le mouvement ouvrier, profitant des enseignements du Parti bolchevik et accumulant une expérience propre toujours plus riche, notre Parti se développa, se transforma et se réarma dans l’esprit marxiste-léniniste. Il s’affirma comme un parti marxiste-léniniste, comme l’avant-garde organisée et consciente de la classe ouvrière, comme un parti de type nouveau, capable de l’organiser et de la mener à une lutte résolue, d’organiser et de diriger l’union de combat de cette classe avec les autres couches travailleuses des villages et des villes, de renverser la dictature féroce du fascisme, de prendre en main les destinées de notre pays, avec la ferme décision de le conduire à la victoire du socialisme et au triomphe complet du communisme.

   Au cours de son développement, le Parti avait à parcourir un chemin épineux, difficile et sinueux, plein d’héroïsme et de fidélité inébranlable à la classe ouvrière et au peuple travailleur. Notre Parti fut soumis pendant longtemps aux conditions de l’illégalité, il a connu de graves revers, il a consenti des sacrifices douloureux, mais il n’a pas cessé un seul instant d’exister et de lutter.

   Le Parti a toujours été fidèle à la mission libératrice de la classe ouvrière. Pendant toute son existence, en dépit d’erreurs, de faiblesses et d’hésitations, il s’est efforcé d’être toujours parmi les masses, de marcher avec elles en avant, de les éduquer dans l’esprit d’une lutte de classe intransigeante et de l’internationalisme prolétarien, de défendre honnêtement et avec abnégation leurs intérêts, de les guider courageusement dans leur combat contre leurs ennemis jurés. Pendant les années les plus dures de la dictature monarcho-fasciste et de l’occupation allemande, le Parti a courageusement pris la direction de la lutte contre le fascisme et les conquérants étrangers ; il a organisé et dirigé la Résistance, créé le Front de la patrie, et par la direction intrépide et juste, réussit à conduire le pays à la victoire du 9 septembre, forçant les sympathies et la confiance des masses populaires.

   Par la récente fusion du parti social-démocrate, adhérant au Front de la patrie, avec notre Parti, fusion opérée sur la base marxiste-léniniste et dans la reconnaissance des statuts et de la discipline de ce dernier, il fut définitivement mis fin aux derniers éléments de division parmi la classe ouvrière, qui possède maintenant un parti politique unique.

   Le fait que notre Parti est aujourd’hui reconnu comme la force directrice dans le gouvernement de l’Etat et dans toute la vie politique, sociale, économique et culturelle de la nation, est parfaitement naturel et conforme aux lois du développement social.

   Les mérites incontestables de notre Parti, l’intérêt général avec lequel ce congrès est accueilli et les espoirs que le peuple fonde sur ses décisions, témoignent clairement de la mission historique qui lui incombe pour l’essor du pays, en posant les fondements de la société socialiste, société sans exploitation de l’homme par l’homme.

   Il ne peut subsister aucun doute que le Parti des communistes bulgares, avec la classe ouvrière en tête, soutenu par la confiance du peuple travailleur, toujours fidèle à la doctrine marxiste-léniniste victorieuse, pourra accomplir avec succès sa mission historique. Les décisions de notre congrès actuel en seront également le gage.

I — Principales périodes du développement du Parti

   Avant d’examiner l’état actuel de notre Parti et ses tâches immédiates, il serait juste de tracer un aperçu général critique de son développement, depuis sa formation jusqu’à l’heure actuelle. Ceci est important, non seulement pour l’histoire, mais aussi pour la politique actuelle du Parti, pour notre peuple et notre pays. Il est indispensable de mettre en lumière une série de problèmes, ayant trait au passé de notre Parti.

   Son histoire peut se diviser en ces quelques grandes périodes :

   La première s’étend de la formation du Parti, en 1891, jusqu’à la scission avec les socialistes de droite, en 1903.

   La deuxième va de la formation du Parti, en tant que parti marxiste de la classe ouvrière, en 1903, jusqu’à la Révolution d’Octobre, sa transformation en un Parti communiste en 1919, et sa participation à la fondation de l’Internationale communiste.

   La troisième s’étend de 1919 au soulèvement de septembre 1923.

   La quatrième est celle qui va de ce soulèvement à la deuxième guerre mondiale de 1940.

   La cinquième comprend les années de la deuxième guerre mondiale, jusqu’à la victoire du soulèvement du 9 septembre 1944.

   La sixième va du soulèvement du 9 septembre à nos jours.

   Chacune de ces périodes fondamentales se divise naturellement en plusieurs étapes.

   Examinons les traits les plus caractéristiques de ces périodes dans le développement du Parti.

LA PÉRIODE DES SOCIAL-DÉMOCRATES DE GAUCHE (« TESNI » SOCIALISTES)

   Avant de procéder à l’examen de la période des « tesni » socialistes, il me faut relever que la première période depuis la formation du Parti en 1891 et jusqu’en 1903, est caractérisée par une propagande intense et tenace des idées socialistes, ainsi que par une lutte incessante contre les idéologues bourgeois et petits-bourgeois, qui niaient les possibilités d’un mouvement socialiste dans les conditions des rapports sociaux peu développés d’alors. Il fallait démontrer que le développement du capitalisme, dans lequel le pays s’était engagé, préparait le terrain au socialisme ; que la classe ouvrière naissante était le champion du socialisme, la classe de l’avenir et qu’elle devait posséder un parti politique indépendant. Une lutte se livrait sur cette importante question, même au sein du Parti, entre le courant révolutionnaire marxiste, ayant à sa tête Dimitre Blagoév, d’une part, et le courant réformiste, dirigé par Yanko Sakazov, d’autre part.

   On sait que dans cette lutte idéologique prolongée, le marxisme révolutionnaire l’emporta sur le socialisme petit-bourgeois de droite.

   Les principaux mérites du Parti durant la période « tesni » consistaient en sa profonde fidélité au marxisme, au socialisme et à l’internationalisme prolétarien, en son intransigeance de classe à l’égard de la bourgeoisie et de ses instruments réformistes, en sa foi inébranlable dans les forces et l’avenir de la classe ouvrière, en sa consciente discipline de fer.

   La loi fondamentale des « tesni », c’était la soumission complète de la vie et des intérêts privés, des désirs personnels du militant aux intérêts et à la volonté du Parti prolétarien. Ces principales particularités de notre Parti, durant la période précédant la première guerre mondiale et immédiatement après celle-ci, garantirent ses grands succès. Elles lui assurèrent la possibilité de devenir l’organisateur et le dirigeant des luttes ouvrières et de déloger les « Obchtodeltzi » (Socialistes de droite, prêts à composer avec les partis bourgeois.) de leur principale position dans le mouvement ouvrier.

   Durant la première guerre mondiale, elles l’aidèrent à adopter une courageuse attitude internationaliste, à se rapprocher des bolcheviks, et après la Révolution socialiste d’Octobre et la création de l’Internationale communiste, à s’engager dans la voie de sa bolchévisation.

   Pendant la période des « tesni », notre Parti se débarrassa de l’opportunisme, assura l’indépendance du développement politique de la classe ouvrière, comme classe ayant pris conscience d’elle-même, et mena une lutte intransigeante contre la bourgeoisie dominante. Classe contre classe — telles furent la devise et la figure du Parti pendant cette période. Il prit la direction des luttes grandissantes, menées par les ouvriers pour la journée de travail de 8 heures, pour une législation sociale, pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, contre la politique intérieure et extérieure de la bourgeoisie réactionnaire. Il organisa et dirigea le mouvement syndical ouvrier. Il dirigea la grande grève des mineurs de Pernik en 1906, de même que les autres grèves et luttes de la classe ouvrière pendant les années suivantes. Il n’était de grève qui ne fût sous sa direction ou son influence pendant cette période.

   Le Parti éduquait les travailleurs dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien. Il prit l’initiative d’organiser la Fédération balkanique des partis socialistes et y participa activement, travaillant de toutes ses forces au renforcement de la solidarité entre les travailleurs bulgares, les travailleurs des autres pays balkaniques et ceux du monde entier. L’intransigeance du socialisme « étroit » envers le réformisme et les réformistes de toutes nuances, le fait que les « tesni » ne pouvaient souffrir les agents bourgeois dans le mouvement ouvrier, leur lutte héroïque en faveur des intérêts vitaux et des droits de la classe ouvrière, tout cela faisait d’eux un courant révolutionnaire marxiste original dans le mouvement international ouvrier et au sein de la IIe Internationale et qui, de tous les autres courants social-démocrates de gauche, se rapprochait le plus des bolcheviks.

   Mais il n’en résulte pas qu’entre notre Parti et les bolcheviks, il n’y ait point eu de différences sur les questions de base.

   L’opinion prépondérante, régnant alors au sein du Parti, et selon laquelle le socialisme « étroit » aurait été le bolchévisme, adapté aux conditions bulgares, et qu’il aurait suffi de conformer à la nouvelle situation internationale, était très dangereuse.

   Il me faut souligner, d’ores et déjà, que cette opinion erronée du Parti et particulièrement de sa direction, avec Dimitre Blagoév en tête, le maintint longtemps sur les positions de l’ancien marxisme et l’empêcha de s’assimiler à temps ce qu’il y avait de nouveau dans le marxisme, l’apport fait par le génial Lénine, qui analysa les nouvelles conditions créées par l’époque de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Ceci a été pour beaucoup dans le ralentissement de la bolchévisation du Parti et dans la prise d’une position erronée de ses dirigeants, lors des événements de Vladaya (1918) et surtout lors du coup d’Etat militaire-fasciste du 9 juin 1923.

   Il est vrai que le socialisme des « tesni », surtout par son intransigeance de classe, par sa lutte contre le menchévisme bulgare et par sa rigoureuse discipline de fer, était le courant le plus proche du bolchévisme. Mais il n’est pas moins vrai que ce courant diffère profondément du bolchévisme, du léninisme, sur nombre de questions fondamentales de principe et de tactique.

   En quoi consistaient les principales différences entre les « tesni » et les bolcheviks ?

   Pour le socialisme des « tesni », la dictature du prolétariat n’était pas la question fondamentale de la révolution prolétarienne. Cette question ne figurait pas au programme de notre Parti. N’ayant pas encore pris conscience de la nouvelle phase du capitalisme, en tant que dernière phase précédant immédiatement la révolution prolétarienne, il ne posait pas concrètement la question du pouvoir, celle de l’insurrection armée, comme moyen pour renverser la domination de la bourgeoisie.

   Le socialisme des « tesni » n’adoptait pas des positions tout à fait léninistes sur la question relative au rôle du Parti, en tant qu’avant-garde de la classe ouvrière dans la révolution, dans la lutte pour le pouvoir, bien que par sa structure, son organisation et sa discipline, notre Parti approchât la théorie léniniste concernant le Parti. Notre Parti ne se considérait pas comme une forme supérieure d’organisation de la classe ouvrière bulgare, apte à diriger toutes les autres organisations des travailleurs, à établir les liens les plus étroits avec les masses et à assurer ainsi une action révolutionnaire efficace.

   Le socialisme des « tesni » n’était pas exempt d’un certain respect pour le caractère spontané du mouvement ouvrier. Il se trouvait sous l’influence de la conception social-démocrate du jeu automatique des lois sociales objectives. Il pensait que sa tâche consistait avant tout à mener une agitation et une propagande pour expliquer l’action des lois objectives du développement social, à organiser et éduquer les ouvriers et les travailleurs dans l’esprit socialiste, à élever la conscience de classe des ouvriers, à diriger leurs luttes quotidiennes en vue de l’inévitable révolution socialiste, résultat des conditions objectives mûrissantes. Le Parti ne se considérait pas comme une force active, appelée, non seulement à organiser, à instruire les travailleurs et à guider leurs luttes quotidiennes, une force non seulement destinée à expliquer les événements, mais aussi à participer à la préparation des actions révolutionnaires, à les diriger, à être le facteur prépondérant dans la préparation, l’organisation et le développement de la révolution prolétarienne. De là, ce manque d’initiatives et cette passivité du Parti en des moments de luttes de classes aiguës, de là, son isolement sectaire des masses soulevées. Le socialisme des « tesni » érigeait en dogmes de nombreuses positions théoriques du marxisme, par suite de quoi, le Parti versait dans le sectarisme et gênait le développement ; de ses liens avec les larges masses des travailleurs. Ainsi par exemple, mettant en pratique une ligne de lutte intransigeante contre la classe bourgeoise, s’opposant avec raison au principe des coalitions électorales avec les partis bourgeois et au travail « positif » de législation au parlement bourgeois, le Parti érigea l’action indépendante en dogme, niant toute entente avec d’autres groupes politiques, dans quelque condition que ce soit, et s’isolant pratiquement. Notre Parti était étranger à la théorie léniniste des compromis révolutionnaires, sans lesquels aucun parti révolutionnaire ne peut lutter avec succès et progresser.

   Ne comprenant pas le rôle de la paysannerie, en tant qu’alliée de la classe ouvrière dans la lutte contre le capitalisme, le Parti restait, sur la question de l’attitude à observer à l’égard des paysans, sur les positions de Plekhanov et non sur celles de Lénine. Il ne gagnait les paysans que pour autant que ces derniers se plaçaient sur celles du prolétariat. Comme l’on sait, Lénine compléta et développa la théorie marxiste traitant des rapports du prolétariat à l’égard de la paysannerie. Il lança et développa l’idée de l’union de combat des ouvriers et des paysans dans la lutte contre le tsarisme et la bourgeoisie, lutte au cours de laquelle la classe ouvrière attire à elle et gagne comme alliés les paysans, encore à leur stade de petits producteurs, avant même d’être mûrs pour embrasser le socialisme. Lénine montra qu’il était possible de mettre à profit les possibilités révolutionnaires des larges masses rurales, aussi bien dans la révolution bourgeoise-démocratique que dans la révolution socialiste.

   C’est avec raison et succès que notre Parti a mené la lutte contre les réformistes, qui voulaient transformer le Parti de la classe ouvrière en un parti petit-bourgeois dilué, en en faisant ainsi un instrument de la classe bourgeoise, privant aussi la classe ouvrière de son indépendance. Mais notre Parti ne comprenait pas que les paysans petits producteurs, soumis à l’exploitation et à la ruine par le grand Capital monopoliste et spoliateur, recèlent des possibilités révolutionnaires considérables, qu’ils sont les alliés naturels de la classe ouvrière dans sa lutte de libération; que sans l’alliance entre les ouvriers et les paysans et sans le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans cette alliance, il ne soit possible de renverser la domination capitaliste et d’assurer la victoire du prolétariat.

   Le socialisme des « tesni » définissait d’une manière doctrinaire les petits paysans comme un élément uniquement conservateur. Il ne se rendait pas compte que la domination des monopoles portait en soi une oppression toujours croissante et la ruine des grandes masses paysannes, qu’elle rend ces masses toujours plus mécontentes et portées vers la révolution.

   Cette incompréhension des possibilités révolutionnaires dans la paysannerie, en tant qu’alliée de la classe ouvrière dans la révolution, constitue une des particularités les plus caractéristiques de la différence entre le socialisme des « tesni » et le léninisme.

   Ce n’est pas par l’effet du hasard que lors des émeutes rurales en 1900, le Parti négligea les capacités révolutionnaires des paysans, dans la lutte contre le capitalisme, capacités qui, naturellement, ne peuvent être déployées efficacement que sous la direction de la classe ouvrière et de son avant-garde de combat. Ce n’est pas plus par hasard qu’à ce moment-là, notre Parti n’avait pas de programme agraire. Il convient de bien souligner que le socialisme des « tesni » ne s’était rangé sur des positions léninistes sur aucune des questions développées par Lénine, précieux apport au patrimoine marxiste, en tant que développement et application du marxisme à l’époque de l’impérialisme. Voilà pourquoi il ne put dégager les enseignements de la révolution russe de 1905. Dans son analyse de cette révolution, pas plus que dans le jugement qu’il porta sur elle, il ne put dépasser Kautsky. Il était complètement étranger aux éléments essentiels de la théorie marxiste de la révolution prolétarienne que Lénine avait développée dans ses Deux tactiques, se référant au rôle dirigeant de la classe ouvrière dans la révolution bourgeoise-démocratique, à la transformation de cette révolution en révolution socialiste et en insurrection armée. C’est pour cela que notre Parti, bien qu’il propageât inlassablement l’idée de la révolution socialiste, bien qu’il la désignât comme l’unique salut des travailleurs, n’avait pas, cependant, une vue claire des questions fondamentales la concernant. Il ne s’était pas proposé d’étudier les voies concrètes conduisant à la réalisation chez nous, en Bulgarie, de la révolution, de ses principales forces motrices, de son caractère, de ses particularités, du rôle de la classe ouvrière et du Parti dans cette révolution. Il ne posait pas la question des alliés de la classe ouvrière. Il en ressort que notre Parti, malgré ses grands mérites révolutionnaires devant les travailleurs de notre pays, n’était pas encore un Parti bolchevik, un parti marxiste-léniniste, un parti d’un type nouveau

assez courageux pour mener les prolétaires à la lutte pour le pouvoir, assez expérimenté pour se reconnaître dans les conditions complexes d’une situation révolutionnaire et assez souple pour contourner les écueils de toutes sortes sur le chemin conduisant au but. (J. Staline : « Des principes du léninisme », dans les Questions du léninisme, t. I, p. 74.)

   Dans la période qui précéda la première guerre mondiale, période dans laquelle la première des tâches consistait en l’organisation de la classe ouvrière et en la prise de conscience de ses propres forces, les défauts et les faiblesses du socialisme des « tesni » ne se sont pratiquement pas fait sentir. Mais, lorsque cette guerre éclata et mit à l’ordre du jour la tâche pratique du renversement du capitalisme, ces défauts et ces faiblesses ressortirent avec toute leur force et se firent sentir très nettement.

   Au cours de la première guerre mondiale et plus particulièrement après la Révolution socialiste d’Octobre, le Parti déploya une grande activité de propagande et d’éducation parmi les soldats, tant au front qu’à l’arrière, dans le but de les préparer « à suivre l’exemple de leurs frères russes », c’est-à-dire de la révolution. Mais, au moment décisif, lorsqu’au front les combattants tournèrent leurs baïonnettes contre les responsables de la guerre, s’insurgèrent et se dirigèrent vers Sofia, c’est-à-dire mirent en pratique l’exemple de leurs frères russes, le Parti ne s’avéra pas à la hauteur de sa tâche ; il ne sut pas organiser les soldats révoltés, se mettre à leur tête et étendre l’insurrection à tout le pays, avec la participation des ouvriers et des paysans; il ne sut pas l’orienter et la transformer en un soulèvement du peuple contre la monarchie, principal agent de l’impérialisme allemand, ainsi que contre la clique capitaliste au pouvoir, qui avait profité de la guerre pour voler et s’enrichir.

   Si le Parti avait lancé alors, résolument, le mot d’ordre de paix et de république démocratique populaire, ce mot d’ordre aurait uni sans conteste la masse énorme des travailleurs des villes et des villages. D’autre part, une action concertée entre le parti des ouvriers et l’Union agrarienne aurait garanti le succès de l’insurrection. Un soulèvement populaire victorieux en 1918, au nom d’une république populaire, pouvait changer la direction générale du développement du pays et des Balkans, cela dans l’intérêt de l’énorme majorité de notre peuple.

   La principale, raison pour laquelle notre Parti ne s’est pas placé à la tête des masses des soldats insurgés contre la guerre et la monarchie, en automne 1918, réside en son esprit doctrinaire, en ses conceptions non bolcheviks, ainsi que dans les méthodes et les survivances du socialisme de gauche.

   Sans la conception léniniste sur le rapport et le lien organique entre la lutte pour la démocratie et celle pour le socialisme, notre Parti considérait que l’époque de la révolution sociale étant arrivée — le mot d’ordre de république populaire — qui n’est pas un mot d’ordre spécifiquement socialiste, ne pouvait être lancé par un parti marxiste.

   Sans la conception léniniste sur l’union de combat entre ouvriers et paysans, le Parti estimait que les masses des soldats, formées surtout de paysans qui n’étaient pas prêts à lutter pour le pouvoir soviétique, ne seraient pas capables non plus de mener une véritable lutte révolutionnaire. Cette conception doctrinaire du marxisme empêcha notamment notre Parti de diriger l’insurrection des combattants ; il n’entreprit rien pour transformer la révolte en une insurrection générale, par suite de quoi elle fut isolée, laissée sans direction sûre et étouffée.

   Ainsi, le socialisme des « tesni » fut un courant révolutionnaire-marxiste, mais non pas le bolchévisme sur terrain bulgare. Une longue lutte pour la bolchévisation du Parti fut nécessaire, pour qu’il devienne un parti de type nouveau, un Parti marxiste-léniniste, tel qu’il se présente aujourd’hui, avec un sentiment d’orgueil légitime, devant son congrès actuel.

L’ADHÉSION DU PARTI A L’INTERNATIONALE COMMUNISTE ET LE COMMENCEMENT DE LA BOLCHEVISATION

   Notre Parti accueillit unanimement et avec enthousiasme la grande Révolution socialiste. Il en adopta les mots d’ordre. Il mobilisa les travailleurs chez nous pour la défense de la jeune République socialiste soviétique.

   Pendant la guerre civile, l’intervention impérialiste et la famine atroce dans les régions de la Volga, notre Parti déploya une remarquable campagne, tant en ce qui concernait la politique que les secours à la population russe. Mémorables resteront dans notre histoire ces mois, où nos paysans laborieux, avec un enthousiasme et un esprit de sacrifice extraordinaires, faisaient don de grandes quantités de denrées à leurs frères soviétiques et quand, par sa lutte, la classe ouvrière, avec en tête le Parti lui-même, démoralisa l’armée de 20.000 hommes de Wrangel se trouvant en territoire bulgare, et l’empêcha d’être lancée par les adeptes de Churchill dans l’intervention contre le pays des Soviets.

   A son congrès de 1919, notre Parti se déclara un Parti communiste. Contrairement à ce qui s’est passé dans beaucoup d’autres pays, il rejoignit tout entier l’Internationale communiste. Mieux encore, il prit part à sa fondation, sous la direction du Parti bolchevik et de l’immortel Lénine. Il adopta une nouvelle déclaration de programme, accepta la révolution prolétarienne, non pas comme un but de l’avenir indéfini, mais comme une tâche pratique, pour laquelle les conditions objectives étaient déjà mûres et dont la solution dépendait de la préparation du facteur subjectif de la révolution, c’est-à-dire, principalement de la résolution et de l’aptitude du Parti d’en être l’organisateur et le chef. A son congrès de 1921, il adopta, en tant que question fondamentale de la révolution prolétarienne, la dictature du prolétariat sous la forme du pouvoir des soviets. De même, dans la résolution sur la question paysanne, le Parti proclama comme condition indispensable à la victoire de la révolution, l’union entre ouvriers et paysans, sous la direction de la classe ouvrière. L’adoption de ces dispositions du programme, que le Parti popularisait largement par l’édition en bulgare des principales œuvres de Lénine, était accompagnée d’une participation active du Parti aux travaux de l’Internationale communiste.

   Le Parti accepta aussi le principe des méthodes de la lutte illégale, leur coordination avec la vaste utilisation de toutes les possibilités légales de lutte et de propagande révolutionnaires, que représentaient le parlement et les conseils municipaux et généraux. Il jeta les premières bases d’une organisation militaire du Parti, déploya un travail considérable de propagande et d’organisation parmi les soldats et passa à l’armement des niasses. Il présidait aux luttes orageuses des travailleurs à l’issue catastrophique de la guerre, aux grands mouvements en faveur d’une amnistie, contre la vie chère, contre l’utilisation de la Bulgarie comme base d’intervention en Russie soviétique, pour la reconnaissance diplomatique de l’U.R.S.S.

   En même temps le Parti mena une lutte massive pour transformer les municipalités, d’instruments d’oppression, de pillage et d’exploitation, en organes au service des intérêts des masses laborieuses. Une série d’importantes municipalités et quelques communes rurales «e trouvaient sous sa direction. C’est ainsi qu’en 1920, nous comptions 22 conseils municipaux communistes urbains et 65 ruraux. Leur politique populaire, économique et culturelle au profit de la classe ouvrière et des autres masses travailleuses se heurta, naturellement, à une résistance acharnée de la bourgeoisie et de son pouvoir central. Mémorable restera dans l’histoire de notre pays, la lutte longue et extrêmement acharnée pour l’existence et la consolidation de ce qu’on appelait alors « les communes ».

   Bien entendu, sans la conquête du pouvoir de l’Etat par le prolétariat, avec le Parti en tête, ces communes ne pouvaient avoir une longue existence et furent éliminées par la bourgeoisie les unes après les autres.

   Mais la lutte, menée par les travailleurs, sous la direction du Parti, pour la conquête des communes, contribua beaucoup à renforcer la cohésion des masses contre les exploiteurs et les pillards des fruits du travail populaire et renforça davantage encore la confiance de ces masses dans le Parti.

   Ce dernier liait, en général, les luttes pour les revendications immédiates des travailleurs à la préparation des combats décisifs pour la victoire de la révolution. Lorsque des intérêts importants des travailleurs étaient en jeu, lorsque leurs droits et leurs libertés politiques se trouvaient sérieusement menacés, il n’hésitait pas à recourir à l’organisation d’une grève politique générale, comme ce fut le cas par exemple, en 1919-1920, à de grandes actions des masses, ainsi qu’à la collaboration avec le gouvernement agrarien en 1922. C’est ainsi que face à la réaction et au fascisme menaçant, le Parti groupa de nouvelles et larges masses des villes et des campagnes.

   Mais, participant déjà à l’Internationale communiste et s’affirmant par ses sérieux succès comme le dirigeant des luttes de classe des travailleurs dans la situation révolutionnaire au lendemain de la guerre, le Parti n’arrivait pas à concevoir — ses dirigeants ne sachant pas la lui indiquer — la différence complète existant entre le socialisme des « tesni » et le bolchévisme. Il n’a pas su tirer de cette différence tous les enseignements pour lui-même et prendre la tête de la lutte pour surmonter les survivances du socialisme des « tesni », pour se réarmer avec la doctrine marxiste-léniniste.

   En vérité, le Parti accumulait une expérience révolutionnaire propre, mais les habitudes qui prévalaient dans son sein étaient encore celles de la propagande autorisée par la loi et de la conception selon laquelle le marxisme serait plutôt une doctrine, qu’une méthode d’action révolutionnaire.

   Ceci est clairement démontré par la position prise par la direction du Parti, le 9 juin 1923, lorsque prévalut la conception doctrinaire du socialisme des « tesni » sur le processus révolutionnaire. La « neutralité » néfaste, proclamée par les dirigeants du Parti, était justifiée par des considérations de doctrines mortes, étrangères à la réalité et au marxisme révolutionnaire. Ils affirmaient alors que le gouvernement agrarien s’étant compromis par son régime, les masses populaires ne voudraient pas se lever pour le défendre du coup d’Etat fasciste. D’un autre côté, puisque la paysannerie n’était pas encore prête à se battre pour un gouvernement des ouvriers et des paysans, elle ne suivrait pas l’appel du Parti communiste pour une insurrection contre le fascisme. De toute évidence les dirigeants sous- estimaient l’immense autorité que le Parti avait conquise parmi les masses par ses luttes. Ils sous- estimaient la haine éprouvée par elles contre le fascisme et l’oligarchie bancaire et militariste, haine suscitée par les représentants de la cour royale et les cliques bourgeoises et monarchistes, et attisée par le Parti communiste lui-même. Si ce dernier avait suivi l’exemple donné par le Parti bolchevik lors de la tentative du coup d’Etat de Kornilov (septembre 1917) ; si, uni aux forces saines de l’Union agrarienne, il s’était déclaré résolument contre les conspirateurs fascistes, il n’y a aucun doute que le coup d’Etat eût été écrasé. C’est précisément par suite de la prédominance, au sein de sa direction, des conceptions non-bolchéviks du socialisme des « tesni » sur la révolution, que le 9 juin 1923 et les jours suivants, le Parti subit une défaite morale et politique ; le moment extrêmement favorable à l’écrasement des forces monarcho-fascistes dès le début de leur agression et à la conquête de positions sérieuses dans la lutte contre le capitalisme et pour le socialisme, a été ainsi manqué.

   Le socialisme des « tesni » n’a pu résister, en tant qu’armement idéologique et politique de la classe ouvrière, à l’épreuve de l’histoire dans les conditions nouvelles de la crise capitaliste de l’après-guerre et de la lutte immédiate pour le pouvoir. Cet armement s’est avéré manifestement insuffisant et impropre à assurer la victoire du prolétariat chez nous.

   Il fallait que notre Parti en prenne conscience, qu’il comprenne, à la lumière de sa propre expérience révolutionnaire, la différence entre le socialisme des « tesni » et le bolchévisme ; qu’il réforme toute son activité politique et organisatrice dans l’esprit du marxisme-léninisme, surmontant résolument les conceptions négatives social-démocrates, les habitudes et les méthodes désuètes. Il fallait que les solides traditions marxistes des « tesni », leurs vertus et leur expérience se fondent dans le creuset du bolchévisme.

   Notre Parti s’était déjà engagé dans cette voie.

   Cependant, l’épuration du Parti des survivances du passé et sa bolchévisation devaient maintenant s’opérer dans les dures conditions de la clandestinité et de la terreur blanche créées après l’étouffement de l’Insurrection de Septembre, sous le feu impitoyable et ininterrompu de l’ennemi.

L’INSURRECTION DE SEPTEMBRE 1923, TOURNANT DÉCISIF DANS LA BOLCHEVISATION DU PARTI

   Le soulèvement populaire antifasciste du mois de septembre 1923, organisé et dirigé par le Parti communiste bulgare, marque un tournant décisif dans le développement du Parti : son passage du socialisme des « tesni » au bolchévisme.

   Ce que le Parti communiste ne sut pas réaliser lors de la crise provoquée par le coup d’Etat, il essaya d’y parvenir plus tard, lorsque le gouvernement fasciste plongea le pays dans une nouvelle crise, qui amena le soulèvement armé de septembre. Le solide noyau marxiste, aidé par l’Internationale communiste, l’emporta à la direction du Parti en août 1922 et imposa un changement radical de la stratégie et de la tactique. Le Parti rompit son isolement politique, adopta résolument une ligne de conduite orientée vers le rassemblement de toutes les forces antifascistes en un bloc cohérent des travailleurs des villes et des campagnes et entreprit la préparation sérieuse des masses pour la lutte contre la dictature monarcho-fasciste, allant jusqu’au soulèvement armé, au nom d’un gouvernement ouvrier-paysan.

   Appliquant cette nouvelle ligne politique, il conclut un accord pour la lutte commune avec l’Union agrarienne, essaya de s’entendre avec l’organisation macédonienne, tendit la main aux socialdémocrates, que leurs chefs avaient attachés à la clique de Tzankov. (Chef du gouvernement fasciste issu du coup d’Etat du 9 juin 1923.) En collaboration avec l’Union agrarienne, le Parti prit la tête de l’insurrection populaire de septembre.

   Il va sans dire que les conditions dans lesquelles eut lieu l’insurrection de septembre n’étaient déjà plus aussi favorables qu’en juin. L’initiative était passée aux mains de l’ennemi. Même en septembre, la victoire de l’insurrection était objectivement possible. Tout dépendait de l’énergie, de la hardiesse persévérante, de l’unanimité du Parti et des masses insurgées. Pourtant, le fait que la tactique du 9 juin n’avait pas été condamnée définitivement comme fausse et nuisible à tous les échelons du Parti, que ce dernier n’était pas encore réellement bolchevik, comme je l’ai déjà souligné en d’autres occasions, l’empêcha de bien organiser et diriger l’insurrection de septembre 1923. Cependant, les événements de septembre montrèrent que de nombreux responsables du Parti, au centre et à la base, n’avaient pas du tout adopté le cours d’une lutte résolue, intransigeante contre le fascisme, ou ne l’avaient fait qu’en paroles, sans conviction, sans volonté combative, sans le désir de préparer réellement le Parti à une telle épreuve. Voici pourquoi les événements trouvèrent sans préparation plusieurs organisations du Parti. Au moment de l’insurrection, de nombreux dirigeants d’organisations de base ne se décidèrent pas ou s’avérèrent incapables d’entreprendre aucune action contre le pouvoir fasciste. C’est en cela que résident les causes principales de la défaite de l’insurrection.

   Il existe, cependant, des revers qui contribuèrent beaucoup à la victoire ultérieure de l’œuvre libératrice de la classe ouvrière. Tel fut le cas de l’échec de l’insurrection de septembre 1923.

   Il convient de noter qu’en dépit de cet insuccès, le fait que le Parti ait pris la tête de l’insurrection, qu’il ait mis fin au défaitisme de juin et adopté une ligne politique ferme de lutte contre la dictature fasciste, a eu une importance décisive pour son avenir et celui du mouvement révolutionnaire chez nous.

   L’insurrection de septembre a creusé un fossé si sanglant entre les masses du peuple et la bourgeoisie fasciste, que rien ne pouvait plus le combler. Voilà pourquoi, durant toute la période qui s’ensuivit, le fascisme n’est jamais parvenu à consolider ses positions, ni à créer une large base sociale. D’autre part, la lutte, pleine d’abnégation et d’esprit de suite, ainsi que les efforts inlassables du Parti communiste pour la réalisation du front antifasciste uni, l’ont étroitement rapproché des masses populaires, ont renforcé les liens l’unissant à elles et ont créé les conditions lui permettant d’assurer le rôle dirigeant parmi les travailleurs des villes et des campagnes, dans la bataille menée pour la démocratie et le socialisme.

   La leçon sanglante donnée par l’insurrection de septembre a poussé résolument vers l’avant le processus de la bolchévisation du Parti. La reconnaissance ouverte de l’erreur du 9 juin par son chef, Dimitre Blagoév, et son approbation sans réserve de l’insurrection de septembre, y contribuèrent également. Cependant, la défaite et les lourdes pertes subies par le Parti et par les masses alimentaient par ailleurs les courants de liquidation de gauche et de droite en son sein. Ces courants se déclarèrent tous deux contre l’insurrection de septembre et s’unirent en un bloc, dépourvu de principes, pour combattre les dirigeants du Parti ayant mené cette insurrection. Le but final poursuivi par ce bloc était, de fait, la liquidation du Parti communiste.

   Un groupe d’anciens militants, ayant à leur tête Nicolas Sakarov et Ivan Klintcharov, déclarèrent le Parti « liquidé » et jetèrent les bases d’un groupuscule opportuniste, dénommé « parti indépendant du travail ». Les ouvriers accueillirent ce « parti » de trahison avec une profonde indignation et le Comité central exclut du Parti les liquidateurs. Cette manœuvre dénonça le danger qui menaçait le Parti et contre lequel il fallait mener une lutte sans merci.

   La conférence illégale de Vitocha, réunie après l’insurrection de septembre et l’interdiction du Parti, marqua un moment important dans le développement de ce dernier. Cette conférence eut lieu au mois d’avril 1924, avec la participation de délégués de la plupart des districts. Elle se solidarisa avec le jugement du Comité exécutif de l’Internationale communiste, en ce qui concerne les événements et la tactique du Parti, au cours de la période examinée. Elle reconnut qu’au 9 juin, celui-ci avait montré de graves faiblesses dans l’application de la tactique du front uni et qu’à cette même date, il avait même commis une faute fatale. La conférence trouva justifiée l’orientation du Parti en faveur d’une insurrection armée, adoptée au début du mois d’août, mais condamna la tactique soutenue opiniâtrement par la majorité de son Comité central et de son Conseil avant et après le mois de septembre. La justification de l’attitude erronée du Comité central entrava considérablement l’orientation consciente du Parti vers l’insurrection armée.

   La conférence approuva le fait que le Parti « se soit placé à la tête de l’insurrection » entreprise par les masses populaires et ait déterminé, cela « dans des conditions extrêmement difficiles », son but : « un gouvernement ouvrier et paysan ». Le Parti essaya de « l’organiser, de l’unir et de l’élargir ». Il prouva de cette manière qu’il était « capable de passer de la propagande et de l’agitation à l’action

révolutionnaire » ; qu’il était un « parti réellement communiste », qui accomplirait avec honneur ses tâches : préparer les travailleurs à une nouvelle insurrection armée pour l’établissement d’un gouvernement ouvrier et paysan.

   L’importance de la conférence de Vitocha consiste en ce que, dans un de ses moments les plus difficiles, le Parti a pu unir tous ses éléments sains autour du noyau septembriste du Comité central, et les placer sur la ligne politique de septembre, approuvée et sanctionnée par l’Internationale communiste, Cependant, en mobilisant les masses pour l’application de la juste ligne du Parti, celui-ci n’attira pas suffisamment l’attention de ses membres sur le danger des déviations de droite et de gauche, contre lesquelles il fallait mener une lutte résolue. Frappant la déviation de droite, le Parti ne s’aperçut pas assez du danger des déviations de gauche.

   La situation, au cours de la période qui suivit la défaite de l’insurrection de septembre et la mise hors la loi du Parti communiste et des organisations ouvrières de classe, se caractérise par les faits suivants :

   1° Le groupe se trouvait devant la perspective de nouvelles luttes pour le renversement du gouvernement fasciste et l’établissement d’un gouvernement des ouvriers et des paysans. Les résultats des élections législatives de novembre 1923 confirmèrent les estimations faites par la direction du Parti et qui concordaient avec celles de l’Internationale communiste. Ils montrèrent que l’opposition contre le gouvernement fasciste, représentée par le Parti communiste et l’Union agrarienne, n’était pas assez forte. Il en résulta que les masses populaires, profondément indignées, étaient prêtes à reprendre la lutte pour renverser le gouvernement fasciste.

   2° Le fait que les communistes et les agrariens avaient pris part aux élections avec des listes communes, démontra qu’ils s’étaient instruits des leçons du passé et qu’ils avaient adopté la tactique du front uni. La lutte menée en commun par le Parti communiste et l’Union agrarienne a été d’une importance décisive pour la victoire des élections d’alors.

   3° La dictature fasciste entravait fortement le travail légal du Parti au sein des masses. En même temps, la perspective de nouvelles luttes armées l’obligea à porter principalement son attention sur la préparation militaire des masses.

   La situation générale et plus particulièrement la terreur blanche firent apparaître le danger d’une déviation ultra-gauchiste, qui se fit jour, surtout dans l’organisation militaire du parti ; ce dernier pour riposter aux mesures terroristes du gouvernement, entreprit l’organisation de détachements de francstireurs et de quelques actes terroristes.

   Entre temps, vers la fin de 1924 et le début de 1925, la situation s’était déjà transformée. La position internationale et intérieure du fascisme, à l’issue de la stabilisation partielle et provisoire du capitalisme en Europe, s’était quelque peu raffermie. Les possibilités d’un nouveau soulèvement armé n’existaient plus. La représentation du Parti à l’étranger procéda à un nouvel examen de la situation intérieure et internationale du pays et proposa d’abandonner le cours de l’insurrection armée. La nouvelle ligne politique qu’elle préconisait : la création d’organisations de masse et le déploiement de luttes de masse de la part des ouvriers et des paysans pour la satisfaction de leurs revendications vitales, devaient prévenir le danger d’une déviation ultra-gauchiste funeste au Parti et au mouvement révolutionnaire. Cependant, à l’intérieur du pays, la direction du Parti ne se montra pas en mesure de s’opposer résolument, en temps utile, à la déviation ultragauchiste prônant l’abandon de la ligne d’une insurrection armée et la réorganisation de toute l’activité du Parti, en conformité avec la nouvelle situation politique.

   Le gouvernement fasciste poursuivait avec une rage accrue son activité terroriste et, profitant des actes de désespoir, entrepris par la direction de l’organisation militaire du Parti, dont l’apogée fut l’attentat de la cathédrale de Sofia, il se lança dans l’extermination des militants communistes, des militants ouvriers et paysans.

   La vague de terreur, qui suivit l’attentat de la cathédrale, le 16 avril 1925, porta au Parti un coup extrêmement rude. Sa direction fut désorganisée. La plus grande partie de ses cadres expérimentés, ayant survécu à l’insurrection de septembre, fut massacrée, jetée en prison ou obligée d’émigrer. Les conditions du travail clandestin devinrent extraordinairement pénibles. C’est dans ces conditions que le Parti devait diriger les luttes des travailleurs, poursuivre le combat contre le fascisme. Parallèlement à cela, il devait s’enrichir de tous les enseignements pouvant être tirés des défaites de 1923 et 1925, en découvrir les principales causes, unir étroitement ses cadres et tous ses membres sur la base du bolchévisme. Ayant essuyé de graves revers, des pertes humaines considérables, privé de ses cadres dirigeants les meilleurs, le Parti traversa une période particulièrement difficile de son développement.

   La question de son passé et de sa bolchévisation fut posée et discutée pour la première fois, à la conférence de Moscou en 1925, convoquée sur l’initiative de sa représentation à l’étranger, avec l’assentiment du Comité exécutif de l’Internationale communiste. A cette conférence prirent part les membres survivants du Comité central et les militants, émigrés au cours des événements de 1923 à 1925. Mais, l’appréciation donnée par la conférence, à savoir que le Parti avait réussi « petit à petit et sans secousses, sans grandes crises intérieures, à passer de l’époque du développement organique du capitalisme à celle de son effondrement, qu’il avait réussi à comprendre les particularités de la période révolutionnaire et à s’y adapter » était quelque peu forcée et ne correspondait pas entièrement à la réalité. L’expérience a montré que le passage du Parti de « l’époque du capitalisme à celle de son effondrement » avait été difficile, plein d’hésitations, accompagné de graves erreurs, comme celle commise lors du soulèvement militaire de Vladava en 1918, celle du 9 juin 1923 et l’ultra-gauchisme dont firent preuve des dirigeants de l’organisation militaire du Parti, le 16 avril 1925.

   La compréhension des traits caractéristiques de l’époque révolutionnaire était, en général, une tâche sérieuse et difficile, mais il était encore plus difficile de comprendre les particularités spécifiques de la période révolutionnaire dans les Balkans, où notre Parti devait agir. La conférence releva avec raison qu’il était nécessaire pour cela, de s’assimiler le marxisme-léninisme, en tant que guide d’action, d’étudier l’expérience de la révolution russe et sa propre expérience révolutionnaire. Avec une saine autocritique, le Parti devait se rééduquer, de façon à être à même de s’orienter en toute conjoncture historique, et en tenant compte des conditions concrètes, de diriger judicieusement la lutte des masses sur la voie de la révolution internationale.

   La séance élargie du Comité central, qui eut lieu en 1926 à Vienne, ne dépassa pas la conférence de Moscou sur la question de la bolchévisation du Parti. Il est vrai que cette séance souligna particulièrement la tâche de créer « le ralliement idéologique des masses du Parti autour du drapeau de son Parti et de celui de l’Internationale communiste, sur la base du léninisme ». C’est à bon droit que la conférence de Moscou et la séance de Vienne soulignèrent l’énorme importance qu’avait pour la bolchévisation du Parti, l’étude de sa propre expérience à la lumière du léninisme. Mais la séance élargie du Comité central et la conférence de Moscou avaient tort de concevoir la bolchévisation comme un « processus de développement organique » et non pas comme une lutte pour surmonter les traditions non bolcheviks de la période des « tesni ».

   Après la conférence de Vitocha, qui unit le Parti communiste sur la ligne de l’insurrection de septembre, la deuxième conférence du Parti, qui eut lieu à Berlin, à la fin du mois de décembre 1927 et au début de janvier 1928, soumit à une discussion détaillée son activité pendant la période postérieure à 1929, sa tactique, ainsi que ses réalisations, les fautes commises et la défaite subie. A la deuxième conférence, on devait mener une lutte acharnée contre les déviations de droite et de gauche.

   Déjà, lors des délibérations de Moscou, étaient apparues d’importantes divergences quant au jugement à porter sur les fautes commises par le Parti. Les défenseurs de l’esprit capitulard du 9 juin et les partisans de la déviation ultragauchiste, qui s’était manifestée au cours des événements d’avril 1925, s’unirent pratiquement dans leur lutte contre les dirigeants septembristes du Parti. Les représentants de la ligne septembriste devaient combattre sur deux fronts. A l’issue de débats circonstanciés sur toutes les questions, les droitiers, aussi bien que les gauchistes, plièrent leurs drapeaux et se rallièrent, pour la forme, aux propositions formulées par la direction du Parti.

   Mais, après la conférence, les divergences éclatèrent avec une force accrue. Les opportunistes de droite et les sectaires de gauche s’unirent en un bloc dépourvu de principes, pour lutter contre les dirigeants septembristes, ce qui fut nettement confirmé au cours de la deuxième conférence du Parti.

   Par suite des lourdes difficultés d’organisation que traversait le Parti, les délégués à la conférence furent peu nombreux et dans une grande mesure, désignés au hasard. En outre, la formation au sein du Parti, d’une fraction ultra-gauchiste, sectaire et secrète, était déjà assez poussée. Cette fraction, composée de quelques éléments intellectuels petit-bourgeois, s’efforça de créer artificiellement, par une propagande camouflée, une majorité fractionnaire, afin d’imposer ses vues sectaires et de s’emparer de la direction.

   Au cours de débats longs et acharnés, l’esprit du 9 juin et de liquidation de droite fut entièrement et définitivement démasqué et désarmé. Mais la fraction sectaire ultra-gauchiste, encouragée par les éléments trotskistes et gauchistes de certains autres Partis communistes, ne désarma pas, malgré son vote en faveur de la résolution proposée par les dirigeants septembristes du Parti; immédiatement après la conférence, elle poursuivit, en la renforçant, son action dissolvante.

   La conférence fit un effort sérieux pour soumettre à une analyse générale le passé du Parti. Elle indiqua ce qui rapprochait le socialisme des « tesni » du bolchévisme et aida le Parti à évoluer vers ce dernier. Mais, malgré ce pas considérable en avant, elle n’alla pas jusqu’au bout. Elle ne définit pas clairement la différence fondamentale entre le socialisme des « tesni » et le léninisme, sur les questions de base de la révolution. Elle continua de considérer la bolchévisation du Parti comme une adaptation des « tesni » aux nouvelles conditions et non pas comme une lutte décisive, pour surmonter les survivances social-démocrates dans le Parti et le réarmer par le marxisme-léninisme. Relevant que pendant la période d’après-guerre, le Parti « se développait et agissait généralement comme parti révolutionnaire du prolétariat bulgare », la seconde conférence du Parti déclarait « qu’il avait passé successivement des méthodes de l’agitation et de la propagande et des méthodes de lutte économique de la période d’avant-guerre, aux méthodes de l’action révolutionnaire de masse, en s’adaptant aux exigences de l’époque révolutionnaire ». Il est vrai que la conférence souligna que cette évolution « ne suivait pas une ligne droite, mais s’effectuait en zig-zag et avec hésitation », que la bolchévisation du Parti s’effectuait par « la lutte que se livrent les tendances bolcheviks qui le poussent vers l’avant et les vestiges social-démocrates qui le tirent en arrière ». Cependant, elle déclarait en même temps « que le socialisme révolutionnaire des « tesni » et l’esprit septembriste se sont unis et forment les deux racines inébranlables du Parti bolchevik du prolétariat bulgare ».

   Cette conférence caractérisa l’insurrection de septembre comme « la négation totale de la tactique du 9 juin », comme un profond tournant dans le développement du Parti, qui a posé le fondement de « la rupture définitive et irrévocable avec l’esprit de la social-démocratie et du 9 juin », comme le pas le plus décisif dans la voie de la bolchévisation du Parti.

   Dans son analyse de la période de la social démocratie « étroite », la deuxième conférence, sans identifier le socialisme des « tesni » au bolchévisme, mettait l’accent sur ce qui rapprochait ce socialisme du bolchévisme, et non pas sur ce qui les distinguait. Elle ne montrait pas assez clairement tout ce qui les séparait.

   En passant en revue cette période, je dois réaffirmer de cette tribune ce que j’ai dit à plusieurs reprises : il est regrettable que nous, les plus proches camarades de lutte de Dimitre Blagoév, ne soyons par parvenus, après sa mort, à effectuer en son temps l’estimation complète et marxiste-léniniste nécessaire de toutes les valeurs du passé révolutionnaire, du Parti et du prolétariat bulgare, pour pouvoir, en utilisant pleinement le grand capital du mouvement révolutionnaire, surmonter plus rapidement et définitivement les restes non-bolchéviks de la période des « tesni ».

   C’est justement cette circonstance qui, parallèlement à la difficile situation du Parti, plongé dans l’illégalité, fut exploitée par les différents éléments ultra-gauchistes, pour s’introduire au sein de sa direction, voire y acquérir pour quelque temps la prédominance.

LA LUTTE CONTRE LE SECTARISME DE GAUCHE DANS LE PARTI ET SA SUPPRESSION

   Abusant de l’autorité de l’Internationale communiste, se présentant à l’intérieur du Parti comme les meilleurs interprètes de ses décisions, profitant, comme je l’ai déjà dit, des conditions illégales et difficiles dans lesquelles il se trouvait, aidés également par les éléments hostiles, camouflés dans l’appareil du Comité exécutif de l’Internationale communiste, et dans d’autres Partis communistes de cette époque, les sectaires de gauche, Iskrov, Gocho Lambrev, Ilya Vassilev (Boyko) réussirent à organiser, en usant de moyens fractionnaires, la session plénière du Comité central durant l’été 1929 et à s’infiltrer, de fait, dans la direction du Parti. Ils lancèrent le mot d’ordre « extirper le socialisme des tesni » et engagèrent une lutte hypocrite contre les anciens cadres fidèles au Parti et contre le passé révolutionnaire de celui-ci, le poussant dans la voie funeste de l’isolement des masses. La passivité de vieux militants jouissant naguère d’autorité dans le pays et qui avaient renoncé à toute activité, favorisa leur entreprise.

   La fraction sectaire de gauche devint le principal obstacle à la bolchévisation du Parti. Au moment où la dictature fasciste, parallèlement aux actes terroristes contre celui-ci, s’efforçait également de le décomposer à l’intérieur, de le décapiter, d’en désorganiser la direction, elle trouva dans les principaux dirigeants de la fraction des sectaires de gauche ses auxiliaires parmi les meilleurs. En outre, ainsi que le démontrèrent les révélations qui furent faites par la suite en U.R.S.S., sur les agissements des agents étrangers ennemis au sein du Parti bolchevik et dans d’autres Partis communistes, certains de ces dirigeants avaient en effet été au service de tels agents.

   Mais, malgré la prépondérance provisoire de la fraction des sectaires de gauche, le Parti possédait suffisamment de forces saines pour diriger les luttes des travailleurs dans les diverses régions du pays, cela au moment où le mouvement ouvrier prenait son essor.

   La stagnation, dans laquelle s’était vu plongé le mouvement des ouvriers et des travailleurs, les cruels revers de 1923 et 1925 étaient peu à peu surmontés. En 1927, fut créé le Parti ouvrier, organisation légale de la classe ouvrière. Les syndicats ouvriers furent également reconstitués. Agissant sous la direction du Parti communiste illégal, ce parti parvint à acquérir, en peu de temps, une grande autorité parmi les masses.

   Pendant cette période se déroulèrent des grèves importantes, de grands succès électoraux furent remportés, et tout ce qui pouvait être réalisé légalement fut largement utilisé. Le Parti grandissait et continuait à marcher hardiment vers l’avant. Il est hors de doute, cependant, que ses succès auraient été beaucoup plus importants, sans l’influence malfaisante de la fraction des sectaires de gauche. C’est ainsi, par exemple, qu’à la deuxième session plénière, au lieu de porter son attention sur la prise par le Parti de la direction du nouvel essor de la combativité des masses, les sectaires de gauche s’engagèrent dans des analyses scolastiques et étroites sur le passé du Parti et élaborèrent une résolution kilométrique qu’un ouvrier n’aurait pu lire jusqu’au bout. C’est toujours par la faute de ces sectaires de gauche que notre Parti ne sut pas assurer l’élargissement et la réalisation heureuse de la sérieuse brèche pratiquée dans le front de la dictature fasciste pendant l’été 1930, ainsi que lors du coup d’Etat du 19 mai 1934.

   Le cours politique des sectaires de gauche, en réalité un cours trotskiste, n’avait rien de commun avec la ligne de l’Internationale communiste et lui était hostile.

  1. A la place d’une appréciation lucide de la situation, sur la base d’une analyse marxiste concrète des forces agissantes, on se contentait de répéter les formules générales de la stratégie et de la tactique léniniste-stalinienne et l’on transposait mécaniquement les solutions adoptées par les autres Partis communistes, sans égard aux conditions concrètes dans notre pays. Les succès que le Parti enregistra, en dépit de la direction des sectaires de gauche, ceux-ci se les attribuaient et déclaraient que le Parti se trouvait devant la tâche immédiate d’établir en Bulgarie la dictature du prolétariat.
  2. Le travail sérieux et opiniâtre, parmi les ouvriers et les paysans, pour populariser les slogans du Parti, préparer la lutte, mobiliser les masses, était remplacé par des phrases « révolutionnaires » et des appels grandiloquents en faveur d’actions « révolutionnaires ». Le mot d’ordre « d’offensive générale ouverte », « d’occupation des rues », de « la prise des terres » et autres exploits « révolutionnaires » semblables, sont caractéristiques du cours politique des sectaires de gauche. Le mot d’ordre de la grève politique était à tel point compromis par ces derniers, que l’Internationale syndicale rouge se vit obligée expressément de se déclarer contre son lancement en Bulgarie.
  3. La direction effective, basée sur l’adoption consciente, de la part de ses membres et des organisations de masse, des décisions et directives du Parti, laissa place à un commandement mécanique, voire brutal. L’attitude prise par la direction sectaire de gauche à l’égard du Parti ouvrier légal était fausse et extrêmement nuisible. Bien que ce Parti ralliât un nombre considérable de membres expérimentés dans le travail au sein des masses, bien que l’influence du Parti communiste s’y exerçât par leur intermédiaire, ces cadres étaient traités comme des cadres de second ordre. Après le coup d’Etat du 19 mai 1934, lorsque le Parti ouvrier et les autres organisations de masse furent interdits, les sectaires de gauche n’organisèrent aucune résistance et se hâtèrent de déclarer le Parti ouvrier « liquidé par lui-même ».
  4. Sous le couvert d’une fausse « bolchévisation », ils affirmèrent que la période des « tesni » était une période « menchévik » et « anti-bolchévik ». Camouflés en défenseurs de l’insurrection de septembre, ils propagèrent la « critique » trotskiste de cette insurrection, partirent en guerre contre les cadres septembristes du Parti. Les dirigeants sectaires de gauche sabotèrent même la campagne antifasciste internationale, relative au procès de Leipzig.
  5. En s’emparant pour quelque temps, avec l’aide de leurs confrères trotskistes de l’extérieur, de la direction intérieure du Parti et en s’identifiant à celui-ci, ces sectaires se constituèrent en une fraction trotskiste clandestine au sein du Parti. Camouflés en léninistes, utilisant avec duplicité l’autorité de l’Internationale communiste, ils détruisaient les fondements du Parti et compromettaient le mouvement révolutionnaire.

   Il faut noter avec reconnaissance que la lutte du Parti pour surmonter le sectarisme de gauche était fermement appuyée par l’Internationale communiste et par son parti dirigeant, le Parti bolchevik, surtout en connexion avec la deuxième session plénière du Comité central, dont les décisions nuisibles furent rejetées par le Comité exécutif de l’Internationale communiste.

   La résolution prise en août 1930, par le secrétariat politique de ce Comité exécutif, fut très importante pour notre Parti. Elle aborda les questions fondamentales du mouvement communiste en Bulgarie. Elle servit de base au rassemblement des cadres sains du Parti pour une politique véritablement marxiste- léniniste. Cette résolution montra clairement ce qu’il y avait de révolutionnaire marxiste dans la période des « tesni », que le Parti devrait non pas rejeter, mais « préserver et approfondir ».

   En même temps, la résolution du secrétariat politique montrait avec précision la différence entre le socialisme des « tesni » et le léninisme, sur les questions fondamentales de la révolution prolétarienne.

   Elle montra l’insurrection de septembre, comme le tournant décisif dans la bolchévisation du Parti, comme le début de la cristallisation bolchevik au sein de ses cadres, anciens et nouveaux, cristallisation entravée par la lutte insuffisamment conséquente de la direction du Parti contre les reliquats des traditions non-bolchéviks et contre la maladie infantile du gauchisme.

   La résolution appela le Parti à surmonter définitivement les survivances de la période du socialisme des « tesni », qui le gênaient dans sa transformation d’agitateur et de propagandiste de la révolution, en organisateur et dirigeant des masses dans leur lutte pour le pouvoir et qui l’empêchaient de renforcer sa cohésion sur un programme commun, combattant le principal danger : toutes les manifestations de l’opportunisme et de la passivité, ainsi que le sectarisme de gauche.

   Le secrétariat politique du Comité exécutif de l’Internationale communiste appela le Parti à la lutte résolue contre le fractionnisme et le danger de décomposition du Parti, qui s’était fait jour.

   Le processus de regroupement du Parti sur le programme élaboré par l’Internationale communiste fut entravé par les sectaires de gauche, qui adoptèrent la résolution en paroles ; cependant, ils cachèrent au Parti et à l’Internationale communiste leur désaccord avec cette résolution, entreprenant sa révision dans un esprit étroit.

   Le Parti se vit de nouveau placé devant un grave danger, menaçant son existence et son développement. Pour son salut, il lui était nécessaire d’arracher la direction du Parti des mains des sectaires, de tendre toutes ses forces pour liquider ce cours de gauche et opérer un tournant décisif, passer de la phraséologie révolutionnaire à un travail et à une lutte de masse vraiment bolcheviks. Seule la prompte condamnation des déformations sectaires dans tous les domaines de l’activité du Parti put aider ce dernier à rétablir ses liens avec les masses, à édifier le front unique populaire et antifasciste, à le rendre capable d’abolir la dictature militaire.

   Et malgré les grandes difficultés inhérentes aux conditions de l’illégalité et de la terreur, notre Parti, fort de l’assistance de l’Internationale communiste, a pu mener à bien cette tâche.

LE NOUVEAU COURS, BOLCHEVIK, DU PARTI

   Le VIIe congrès de l’Internationale communiste marque un tournant dans la ligne suivie par le Parti; il posa comme tâche primordiale pour cette période, la lutte contre le fascisme, principal danger pour la classe ouvrière et les travailleurs, pour la paix et la liberté des peuples. L’arrêt de la progression et la défaite du fascisme requéraient la cohésion de la classe ouvrière et la formation sur cette base d’un front antifasciste puissant. La création du front uni exigeait des communistes de surmonter dans leurs propres rangs l’esprit de suffisance sectaire, qui était devenu un vice invétéré.

   Surestimant la maturité révolutionnaire des masses et sous-estimant l’importance des luttes pour la défense des revendications et des droits des travailleurs, les sectaires alimentaient la passivité face à l’offensive fasciste. Remplaçant la politique de masse par une propagande abstraite, par l’esprit doctrinaire de gauche, préconisant des mots d’ordre et une tactique stéréotypés, pour tous les pays, sans tenir aucun compte des particularités concrètes dans chacun d’eux, les sectaires retardaient la croissance des Partis communistes, entravaient le déploiement de la lutte et la conquête par eux des larges masses des travailleurs. Mais, les Partis communistes devaient en même temps se montrer vigilants à l’égard du danger de droite, destiné à grandir avec le front uni, à provoquer des mouvements spontanés, ainsi que l’automatisme, la sous-estimation du rôle du Parti, l’incertitude dans les moments d’action déterminante.

   Les décisions du VIIe Congrès de l’Internationale communiste ont eu une influence décisive sur le tournant effectué dans notre Parti et sur sa bolchévisation totale. Se rapportant aux événements survenus le 19 mai 1934, la résolution de l’Internationale communiste contre la direction sectaire de gauche posait déjà directement la question du remplacement de l’équipe sectaire, qui était absolument incapable de réaliser ce tournant. Ce changement fut accompli au début de 1935. Dans sa lettre ouverte du 1er octobre 1935, basée sur la résolution de 1934 de l’Internationale communiste, la nouvelle direction du Parti exposa brièvement et clairement la nature du cours opportuniste et sectaire de gauche de ces quelques dernières années, lorsque « des éléments petits-bourgeois, doctrinaires, sectaires et fractionnaires, l’avaient emporté au sein de la direction du Parti et lui avaient imposé ce cours ».

   Se basant sur les décisions du VIIe congrès de l’Internationale communiste, la lettre ouverte formulait de la façon suivante les tâches fondamentales du Parti :

   Edifier le front antifasciste et populaire uni et l’organisation de la classe ouvrière, tout en fortifiant le Parti sous tous les rapports. La VIe session plénière du Parti de février 1936 établit de façon judicieuse et conséquente le cours bolchevik du Parti, à la lumière des décisions du VIIe congrès de l’Internationale communiste :

  1. La session plénière faisait ressortir que la tâche fondamentale du moment était la création d’un vaste front populaire antifasciste, comprenant toutes les organisations non-fascistes, pour lutter au nom des revendications politiques suivantes : rétablissement de la constitution de Tirnovo, élections législatives, conformément à l’ancienne loi électorale, abolition de tous les décrets et règlements anticonstitutionnels, dissolution de toutes les organisations fascistes. C’est sur ce front et au nom de ces revendications que devaient se rassembler toutes les forces saines du peuple.
    En même temps, le Parti proposa à toutes les organisations des travailleurs de mener en commun la lutte pour satisfaire les revendications vitales de ces derniers. Il se déclara prêt à accorder son appui à un gouvernement populaire antifasciste pour la réalisation de ce programme, bien qu’il estimât qu’une amélioration radicale de la situation des masses et que la défense intégrale des libertés du peuple, de la paix et de l’indépendance du pays ne pouvaient être assurées que par un gouvernement de forme soviétique.
  1. La session plénière approuva entièrement le remplacement des sectaires de gauche à la direction du Parti et son transfert aux partisans convaincus et éprouvés du nouveau cours bolchevik. En même temps, cette session releva la nécessité d’approfondir la critique du cours sectaire de gauche, afin que les militants en comprennent bien le caractère anti-léniniste et trotskiste, d’effectuer un travail systématique d’éclaircissement sérieux, pour leur permettre d’adopter le nouveau cours du Parti, cela, non seulement en paroles, mais aussi en pratique.
  2. La session plénière élabora des directives détaillées, pour rassembler tous les cadres restés fidèles au Parti, jeunes et vieux ; resserrer leur cohésion et les mobiliser pour un travail pratique, aux fins de renforcer l’unité véritable et consciente du Parti sur des bases marxistes-léninistes autour de son Comité central.

   Grâce à ce cours bolchevik nouveau, les liens du Parti avec les masses se rétablirent rapidement, et son rôle dans la vie politique du pays ne fit que croître.

   La formation du front populaire antifasciste progressait, non sans difficultés, en dépit de la résistance et du sabotage des leaders de l’aile droite des autres partis non fascistes. Aux élections législatives et municipales, le front populaire antifasciste et principalement le Parti, apparurent comme une grande force politique.

   Le principal ennemi contre lequel le front populaire menait la lutte à l’intérieur du pays, était constitué par les promoteurs du fascisme : le gouvernement du roi Boris et le soi-disant mouvement social de Tzankov. Les principaux ennemis extérieurs qui menaçaient la paix et l’indépendance nationale de la Bulgarie, étaient les Etats fascistes : l’Allemagne hitlérienne et l’Italie. C’est contre cette double menace que le front populaire mobilisa les masses dans la lutte pour la paix, contre les fauteurs de guerre et leurs agents bulgares, pour la défense de l’indépendance nationale de la Bulgarie, pour des relations amicales avec tous les pays voisins, pour la sécurité collective et la défense commune de tous les pays démocratiques, grands et petits, ayant adopté une politique en faveur de la paix et de la démocratie, contre la guerre et le fascisme.

   La préparation fiévreuse de l’Allemagne à une nouvelle guerre mondiale, l’agression hitlérienne contre l’Autriche et la Tchécoslovaquie, les efforts des impérialistes allemands, secondés par le monarchofascisme bulgare, pour soumettre la Bulgarie et l’englober dans leur « espace vital » et, plus tard, le déclenchement de la guerre mondiale par suite de l’agression contre la Pologne, créèrent, pour les pays balkaniques et la Bulgarie, le danger imminent d’être entraînés dans les hostilités.

   Le Parti estimait avec raison que l’Union soviétique continuait à être le seul bastion puissant de la paix dans les Balkans et de l’indépendance des peuples balkaniques.

   Partant de ce fait, il proclama que la tâche fondamentale de la politique étrangère de la Bulgarie était la conclusion d’un pacte d’amitié et d’assistance mutuelle avec l’U.R.S.S.

   Si toutefois, dans le but de l’entraîner dans la guerre, on mettait la Bulgarie en danger d’être attaquée ou bien si elle était victime d’une agression de la part d’un des deux pays belligérants, le peuple bulgare lutterait de toutes ses forces pour la défense de sa liberté et de son indépendance, en recherchant l’appui de l’Union soviétique.

   Dans ces conditions, le Parti orienta ses efforts vers le rassemblement de toutes les forces démocratiques, pour la défense de la paix et de l’indépendance du pays, pour les libertés et les intérêts vitaux des masses, contre la guerre, la réaction et le pillage capitaliste.

   La proposition faite au gouvernement bulgare, en décembre 1940, par l’envoyé du gouvernement de l’U.R.S.S., Sobolev, pour la conclusion d’un pacte d’amitié et d’assistance mutuelle entre les deux pays, confirma le bien-fondé de l’attitude du Parti, demandant que la Bulgarie soit orientée vers l’U.R.S.S. et renforça sa position à l’intérieur du pays. Le Parti devint le centre d’un puissant mouvement populaire en faveur d’un pacte d’amitié avec l’Union soviétique. Seuls, les éléments capitalistes et réactionnaires déclarés des deux camps, les germanophiles et les anglophiles, unis dans leur haine contre l’Union soviétique et le communisme, restaient en dehors de ce mouvement.

   La VIIe session plénière du Parti, réunie en janvier 1941, travailla sous le signe de la lutte contre l’entrée de la Bulgarie dans la guerre.

   Le Parti se rendait compte que le gouvernement fasciste du roi Boris, rejetant la proposition soviétique, rattachait définitivement notre pays à l’Allemagne hitlérienne, chose qui ne pouvait qu’accroître pour lui le danger de guerre. Il déploya au sein des masses une campagne encore plus énergique en faveur du pacte avec l’Union soviétique et contre la participation de la Bulgarie. L’agitation gagna les soldats mobilisés à la frontière, l’insubordination apparut dans l’armée. Des mots d’ordre de retour au foyer, contre l’entrée de la Bulgarie dans le conflit aux côtés de l’Allemagne nazie, furent lancés. Il devint clair aux occupants hitlériens et à leurs agents bulgares, que notre pays ne représentait pas des arrières sûrs, que leur politique criminelle ne pourrait trouver l’appui du peuple bulgare.

   La lâche agression de l’Allemagne hitlérienne contre l’Union soviétique, le 21 juin 1941, modifia de fond en comble la conjoncture internationale. Entreprise sous la forme d’une collision entre deux camps impérialistes, la seconde guerre mondiale se transforma en guerre libératrice des peuples, avec l’U.R.S.S. en tête, contre l’attaque hitlérienne. Notre Parti adopta une position résolue à l’égard du bloc germano-fasciste et de ses agents chez nous.

   Dès le 22 juin, le Comité central du Parti fit paraître un appel au peuple bulgare, où il était dit :

L’histoire ne connaît pas une guerre plus criminelle, une guerre plus impérialiste et plus contre- révolutionnaire que celle entreprise par le fascisme contre l’Union soviétique. Et vice versa, il n’est de guerre plus juste et plus progressiste que celle menée par les peuples soviétiques contre l’invasion fasciste, une guerre de l’issue de laquelle dépend le sort de toutes les nations. Une guerre aussi juste ne saurait ne pas gagner les sympathies et l’appui de tout ce qu’il y a d’honnête et de progressiste dans le monde. Devant le peuple bulgare, dont l’énorme majorité nourrit un amour sans bornes envers le peuple soviétique fraternel et place en lui toutes ses espérances en un avenir meilleur, se dresse la tâche colossale de ne permettre, en aucune façon, que son territoire et son armée soient utilisés à des fins de brigandage par le fascisme allemand.

   Soyez vigilants et opposez-vous de toutes les manières, le plus énergiquement, aux mesures que le gouvernement entreprendra pour nous entraîner dans la guerre ou pour mettre notre pays au service des bandits fascistes ! Pas un grain de blé bulgare, pas un morceau de pain aux fascistes et pillards allemands. Pas un seul Bulgare à leur service !

   Déjà dans cet appel, le Comité central caractérisait l’agression hitlérienne contre l’U.R.S.S. comme

une aventure insensée, dans laquelle Hitler se casserait immanquablement la tête.

   Le 24 juin, le bureau politique du Parti s’orienta vers la préparation du peuple bulgare à une lutte armée, dirigée contre les occupants hitlériens et leurs agents chez nous.

   Une commission militaire spéciale fut déléguée à cet effet. On procéda à la formation de groupes armés de combat, pour des actes de diversion et de sabotage ; leur tâche consistait à désorganiser les communications allemandes, à détruire les entreprises et dépôts servant aux hitlériens. Le Parti organisa également le sabotage de la production. Dans de nombreuses entreprises importantes, il en résulta une diminution de 40 à 50 %. Le Parti organisa d’autre part une campagne pour que les paysans dissimulent leurs produits. Il formula le mot d’ordre d’attaquer les unités et les bases nazies et de créer dans le pays un climat d’insécurité pour les Allemands et leurs agents bulgares, visant à désorganiser et paralyser leur effort de guerre. Le Parti s’orienta en même temps vers une recrudescence de son travail dans l’armée, en lançant le mot d’ordre : « Pas un soldat sur le front oriental ! ». En outre, le mot d’ordre de fraterniser avec les partisans yougoslaves et de gagner leurs rangs, fut lancé parmi les soldats du corps d’occupation en Yougoslavie. Les premiers détachements de maquisards surgirent en 1941 déjà, dans les districts de Razlog, Batak, Karlovo, dans la partie orientale du massif de la SrednaGora, dans les environs de Sevliévo, Gabrovo, etc.

   Cette lutte causait de nombreuses victimes et beaucoup de souffrances : des dizaines de combattants furent fusillés ou pendus. Dans les villes et les villages, les gendarmes exposaient les têtes coupées des partisans ; les prisons et les camps de concentration étaient combles. Mais, malgré la terreur féroce, la lutte ne faisait que s’étendre.

   Au fur et à mesure que les revers de l’armée allemande s’accumulaient sur le front de l’Est et qu’apparaissait toujours plus clairement la perspective de sa défaite inévitable, les conditions pour le rassemblement de toutes les forces saines et patriotiques du peuple dans un Front de la Patrie, devenaient de jour en jour plus favorables. Ses fondements furent jetés sur l’initiative de notre Parti, vers le milieu de l’année 1942, par la publication de son programme. Le programme du Front de la Patrie déclarait sans ambages que le plan hitlérien de domination mondiale finirait inévitablement par la débâcle de l’Allemagne hitlérienne et que la politique du gouvernement du roi Boris, qui avait transformé la Bulgarie en une vassale de Hitler, était une politique antinationale qui menait le pays vers la catastrophe. Par conséquent, le devoir suprême du peuple bulgare, de son armée et des intellectuels patriotes était de s’unir en un puissant Front de la Patrie, pour sauver le pays.

   Le programme demandait de rompre immédiatement l’alliance criminelle de notre pays avec l’Allemagne hitlérienne ; de chasser les conquérants allemands de son territoire ; de sauvegarder les richesses nationales et le travail du peuple du pillage étranger ; de dissoudre et de mettre hors d’état de nuire les organisations fascistes ; de rétablir, développer et consolider les droits politiques des larges masses des travailleurs ; d’arracher l’armée des mains de la clique monarcho-fasciste et de la transformer en une armée populaire ; tout ceci pour associer les efforts matériels et moraux des Bulgares à ceux des autres peuples, sous la direction de l’Union soviétique, pour la défaite définitive des impérialistes allemands.

   Le programme en appelait à toutes les forces antifascistes pour s’unir dans le Front de la Patrie, pour former un gouvernement du Front de la Patrie, pour assurer l’essor politique et économique de notre pays, en tant que nation libre et indépendante, liée indissolublement à la grande Union soviétique et en collaboration avec tous les autres peuples épris de liberté.

   Le Parti estimait que toutes les questions vitales pour le présent et l’avenir des travailleurs et de toute la nation étaient indissolublement liées à la lutte pour l’écrasement du fascisme chez nous. Sans la défaite du régime réactionnaire, le pays ne pouvait être détaché du camp hitlérien et sauvé d’une catastrophe et d’un retour de dizaines d’années en arrière. Plus la fin ignominieuse et inévitable de l’Allemagne nazie devenait évidente, plus les larges masses de la population prenaient conscience de ce que le régime fasciste bulgare, lié à vie et à mort à la politique esclavagiste de Hitler, était le principal danger qu’il fallait écarter au plus vite. Dans la situation nationale et internationale d’alors, la libération du pays des chaînes du fascisme s’affirmait comme la tâche centrale de la classe ouvrière, des travailleurs des villes et des campagnes, de toutes les forces vraiment démocratiques et patriotiques de la Bulgarie. Tel était le programme national-démocratique et pratique de notre Parti, pendant la guerre de libération du pays du fascisme et de l’occupation allemande. Ce programme trouva le plus large écho, groupa la grande majorité du peuple sous le drapeau du Front de la Patrie ; sa réalisation devint une œuvre nationale.

   Le Parti en considérait l’exécution comme une étape inévitable et décisive pour le développement ultérieur de notre pays, dans la voie de profondes transformations politiques, économiques et sociales.

   Armé de ce programme de combat, le Parti tendit toutes ses forces, afin d’organiser rapidement un front vraiment patriotique, sous la forme d’un large mouvement populaire, pour le déploiement de la résistance sur une vaste échelle.

   Pendant la seconde moitié de 1942 déjà, l’activité générale des masses dans la lutte contre les occupants hitlériens et leurs instruments bulgares, s’était sensiblement accrue. En plusieurs endroits, les petits groupes de partisans se transformèrent en détachements organisés, qui trouvèrent un large appui au sein du peuple. Mémorables resteront les combats héroïques de l’hiver 1942-1943, que les détachements de maquisards de la région de la Sredna-Gora soutinrent avec succès contre une armée de 20.000 hommes.

   Sur la décision du Comité central, le pays fut divisé, en mars et avril 1943, en douze zones opératives, placées sous un commandement militaire général. Les raids des partisans contre les Allemands et les fascistes dans les villes et les villages étaient accompagnés généralement d’un large travail politique dans la population.

   Et plus les hordes hitlériennes subissaient de défaites sur le front de l’Est, surtout après Stalingrad, plus la combativité des maquisards se renforçait, plus leur mouvement entraînait les masses dans toutes les parties du pays.

   A la fin de 1943 et au début de 1944, une armée de plus de cent mille soldats et gendarmes fut engagée dans la lutte contre le mouvement des partisans. Et si Hitler et le roi Boris ne réussirent pas à envoyer un seul soldat bulgare sur le front oriental, cela tint, avant tout, au fait que le gros de l’armée bulgare était engagé dans la lutte contre le maquis, chez nous et en Yougoslavie. Ce fut là incontestablement une période héroïque, qui mit à l’épreuve notre Parti et notre peuple. On peut affirmer que notre Parti, aidé très activement par l’Union de la Jeunesse ouvrière, en dépit des pertes énormes, de la terreur féroce, des hésitations opportunistes et de la réticence de certains militants, sortit de cette épreuve avec honneur. Cette période restera gravée dans l’histoire de notre Parti qui peut, à juste titre, s’enorgueillir des dizaines de milliers de partisans et partisanes héroïques, qu’il sut organiser et mener à la lutte armée contre l’occupant allemand et les fascistes bulgares.

   L’essor du mouvement maquisard, aidé par l’avance victorieuse de l’Armée rouge et l’échec des tentatives des fascistes pour l’écraser, relevait le moral du peuple et renforçait sa foi en la victoire finale. En même temps, il encourageait et stimulait nos alliés du Front de la Patrie.

   Ce dernier marquait des progrès dans la lutte, tant pour la défense des intérêts immédiats des travailleurs que contre le pillage de la Bulgarie et son asservissement par les impérialistes germanofascistes. Sa force motrice, c’était notre Parti, mais son activité entraînait aussi d’autres partis et organisations non-fascistes.

   Les graves et irréparables défaites infligées aux hordes allemandes sur tous les fronts, la marche foudroyante des armées soviétiques vers l’Allemagne, la capitulation de l’Italie fasciste, l’approche du IVe front ukrainien des frontières de la Bulgarie, précipitèrent la débâcle du Reich hitlérien. Chez nous, les agents allemands et la clique monarcho-fasciste au pouvoir, furent plongés dans la confusion et la décomposition. Leur tentative de noyer dans le sang le mouvement des partisans s’effondra. Leur effort en vue de diviser le Front de la Patrie échoua également. Pour prévenir l’insurrection générale qui couvait, le gouvernement monarcho-fasciste de Bagrianov, et plus tard, celui de Mouraviev- Guitchev, adressèrent au Quartier général anglo-américain la proposition d’une capitulation sans conditions de la Bulgarie, espérant qu’avec l’occupation anglo-américaine du pays, la réaction bulgare pourrait s’assurer l’impunité et sauver les fondements menacés du régime monarcho-capitaliste.

   Mais ce plan se brisa contre l’avance foudroyante des armées soviétiques et la vigilance de notre Parti.

   Le 26 août 1944, le Comité central s’adressa à toutes les organisations, comités directeurs et membres du Parti, par la circulaire historique n°4, dans laquelle il posa pour tâche le renversement immédiat, par une insurrection armée, de la régence fasciste et du cabinet Bagrianov, ainsi que la formation du gouvernement du Front de la Patrie. Dans cette circulaire, il était dit entre autres :

Les douze coups de minuit ont sonné pour la Bulgarie ! Son sort dépend, à l’heure actuelle, exclusivement du peuple et des militaires patriotes. Donner un jour de plus à la régence et au gouvernement usurpateur pro-allemand de Bagrianov, prolonger l’alliance avec les Allemands, signifie la perte de notre patrie.

Une tâche impérieuse se pose devant le Parti, le Front de la Patrie, le peuple bulgare tout entier et l’armée : se lever courageusement, de toutes leurs forces, pour une lutte armée décisive.

Le Front de la Patrie doit appeler le peuple et l’armée à cette lutte. Le Front de la Patrie est la seule force politique qui peut et doit sauver le pays, par une action immédiate, audacieuse et résolue.

   Le même jour, le Quartier général de l’Armée populaire insurrectionnelle ordonna :

D’entreprendre à la base une action simultanée et de procéder partout à la formation des organes d’autorité du pouvoir du Front de la Patrie. Diriger les principaux coups vers les centres administratifs, surtout là où l’on peut compter sur l’appui d’unités de l’armée.

   Avec pleine conscience en sa mission historique, à la tête du prolétariat, le Parti utilisa toute l’expérience de son passé de combat, toutes les leçons de ses victoires et de ses défaites, déploya toutes ses forces et son énorme autorité, s’appuya sur l’aide décisive de la glorieuse Armée soviétique, pour soulever le peuple bulgare uni au sein du Front de la Patrie, et le jeter dans une lutte armée audacieuse, afin de détruire le rempart le plus redoutable du capitalisme : la dictature monarcho-fasciste.

   Lorsque, le 7 septembre, les armées soviétiques pénétrèrent en territoire bulgare, l’insurrection armée avait atteint son point culminant. La grève générale des mineurs de Pernik, celle du personnel des tramways et les manifestations de rues à Sofia, les grèves générales à Plovdiv et Gabrovo, la prise des prisons à Plévène, Varna et Slivène, étaient accompagnées de la libération de nombreuses villes et villages par le maquis. Sous la poussée irrésistible des armées soviétiques, les hordes allemandes quittaient le pays en hâte, les soldats bulgares refusaient d’exécuter les ordres des officiers réactionnaires et passaient aux partisans. La victoire de l’insurrection était assurée. Le 9 septembre, sous le choc puissant des masses populaires unies, aidées par les détachements d’insurgés, ainsi que par les soldats et officiers révolutionnaires, la dictature odieuse des monarcho-fascistes fut renversée. Le premier gouvernement populaire de Bulgarie, le gouvernement du Front de la Patrie, fut formé.

   Mais il faut bien souligner une fois encore que le plus grand mérite à la victoire de l’Insurrection du 9 septembre, pour la libération de notre Patrie du joug fasciste allemand, revient à l’héroïque Armée soviétique et à son chef génial, le généralissime Staline. Le Parti, la classe ouvrière et tout notre peuple travailleur leur portent un sentiment de gratitude éternelle.

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