Principes fondamentaux de philosophie
Georges Politzer
TROISIEME PARTIE – LE MATERIALISME DIALECTIQUE ET LA VIE SPIRITUELLE DE LA SOCIETE
Douzième leçon. — La vie spirituelle de la société est le reflet de sa vie matérielle
1. Un exemple
On lit dans certaines brochures de l’U.N.E.S.C.O. que la paix ne peut être assurée que par la « pacification des esprits » et qu’il faut donc, si l’on veut en finir avec la guerre, la tuer dans l’esprit des gens. En somme, la cause des guerres est subjective. Ou encore, diraient les psychanalystes, c’est un « instinct d’agressivité » tapi dans la conscience de chaque homme. Ou encore… la « haine héréditaire ».
Une telle conception des causes de la guerre est idéaliste. Tout autre est la position du matérialisme marxiste : la cause des guerres est dans la réalité objective des sociétés. A l’époque de l’impérialisme, les guerres ont pour origine les crises économiques qui entraînent la recherche par la violence de débouchés nouveaux. C’est ainsi une loi objective, la loi du profit maximum, qui explique les guerres. Quant au processus subjectif (l’idée de la guerre, la haine, l’instinct d’agressivité…), il a précisément pour origine les contradictions matérielles qui créent une situation objective de guerre. C’est la réalité objective qui explique l’apparition du processus subjectif. Et non l’inverse.
Nous pourrions prendre bien d’autres exemples. D’une manière générale, les temps actuels font apparaître une opposition puissante entre l’idéologie du capitalisme agonisant, idéologie de haines nationales et raciales, idéologie de brigandage et de guerre [Une brochure patronnée par Eisenhower et le président de l’Université Harvard porte ces lignes : « La guerre dote l’homme du sentiment élevé que l’on a lorsqu’on participe à un effort commun, sentiment qui est en contradiction absolue avec la crainte mesquine et l’ambition misérable de disposer d’une certaine sécurité sociale. »], — et l’idéologie du socialisme triomphant, idéologie d’entraide et de fraternité entre les nations et les hommes, idéologie de paix. Cette lutte d’idéologies contraires, Paul Eluard l’a exprimée en vers magnifiques.
Dans l’un et l’autre cas c’est la réalité objective des sociétés — ici le capitalisme, la grande bourgeoisie cosmopolite, là le socialisme et le mouvement ouvrier international — qui rend intelligible la lutte d’idées. La vie spirituelle de la société est le reflet de sa vie matérielle.
La vie spirituelle de la société a des aspects très divers. Art, droit, religion, etc. en relèvent. Nous ne pouvons les étudier tous en détail. Le lecteur qui se reportera à Matérialisme dialectique et matérialisme historique verra que Staline retient particulièrement, en raison de leur importance pratique considérable, les idées sociales, les théories sociales, les opinions politiques, les institutions politiques.
Les idées sociales : c’est-à-dire les idées que l’individu, dans une société donnée, se fait sur sa place dans l’existence (tel artisan se croit « indépendant ») ; les idées sur la propriété ; les idées « morales » sur la famille, l’amour, le mariage, l’éducation des enfants… (ce que Flaubert appelait les idées « reçues »). Les idées juridiques font partie de cet ensemble : par exemple l’idée bourgeoise que le droit de propriété est un « droit naturel » qui n’a d’autre fondement que lui-même, cette idée traduit ce fait matériel que la propriété privée est la base de la société bourgeoise ; et comme la propriété des moyens de production est intangible, aux yeux de la bourgeoisie possédante, on comprend que l’idée de propriété privée soit, pour la morale bourgeoise, une donnée de principe.
Les théories sociales : c’est-à-dire les théories qui systématisent en un corps de doctrine abstrait les idées sociales notées ci-dessus : par exemple la théorie de la Cité, chez Platon ; la théorie de l’Etat chez Hobbes, J.J. Rousseau, Hegel ; les théories sociales des utopistes (Babeuf, Saint-Simon, etc.).
Les opinions politiques : c’est-à-dire les opinions monarchistes ou républicaines, conservatrices ou libérales, fascistes ou démocratiques, etc. ; les idées sur la liberté d’opinion, de réunion, de manifestation, etc.
Les institutions politiques : c’est-à-dire l’Etat et les divers rouages de l’appareil d’Etat. Une très importante thèse marxiste considère l’Etat comme un élément de la vie spirituelle de la société : il reflète sa vie matérielle.
2. Les « explications » idéalistes
Revenons sur la position idéaliste dont nous étions partis. C’est la plus répandue, sous divers aspects dont voici quelques-uns.
a) La thèse la plus ancienne et la plus obscurantiste est la thèse religieuse, théologique. Elle voit dans la vie matérielle des sociétés un reflet de l’idée divine, la réalisation d’un plan providentiel. L’ « ordre social » est voulu de Dieu. De même que, selon les théologiens, la nature et l’esprit de l’homme sont immuables, de même tout changement dans la société est impie, sacrilège ; le changement est démoniaque puisque c’est une atteinte à la volonté de Dieu, toute idée de changement est coupable. Une conséquence de ce point de vue est le cléricalisme : seul le clergé, dépositaire des desseins de Dieu, peut garantir l’ « ordre social ». Parfaitement adaptée à la société féodale, cette thèse fut combattue par la bourgeoisie révolutionnaire.
b) Vient ensuite une thèse idéaliste d’essence bourgeoise, développée notamment par les philosophes du XVIIIe siècle français. Ils combattaient le « droit divin » au nom du « droit naturel », de la « religion naturelle », de la Raison. Ils enseignaient que l’ordre féodal est désordre car il n’est pas conforme aux exigences de la Raison dont chaque homme trouve l’image en lui-même. C’est donc au nom de la Raison, posée par eux comme originaire, universelle, éternelle, qu’il faut transformer la société : l’ordre social sera alors, enfin ! le reflet de l’ordre rationnel.
Bien qu’en progrès sur la précédente, puisqu’elle exprimait l’idéologie de la bourgeoisie révolutionnaires face à l’idéologie de la féodalité réactionnaire, cette thèse est, comme l’autre, idéaliste. Elle ne s’interroge pas sur l’origine des idées : elle les considère comme une donnée première, d’où se déduit la réalité matérielle des sociétés.
Il faut observer cependant que les philosophes matérialistes du XVIIIe siècle — notamment Helvétius — avaient compris que les idées d’un individu sont le fruit de son éducation. Ils avaient insisté sur la variation des idéologies dans les sociétés à travers le temps et le lieu. Mais, ne possédant pas la science des sociétés que Marx devait fonder, ils ne pouvaient pousser plus loin leur analyse.
c) Il faut faire une place particulièrement importante à H a en effet abordé résolument, dans sa Philosophie de l’histoire, l’étude des rapports entre le développement matériel et le développement spirituel de la société. Idéaliste, il place au départ l’Idée souveraine qui engendre la société non moins que la nature. L’histoire est un développement de l’Idée. C’est ainsi que l’histoire de la Grèce antique, c’est la révélation de l’idée du Beau. De même Socrate, Jésus-Christ, Napoléon sont des « moments » de l’Idée.
Dialecticien, Hegel fait parfois de remarquables analyses. Mais son idéalisme le conduit à attribuer aux grands hommes un rôle exagéré ; ils deviennent les seuls agents du progrès historique. Cet aspect de la philosophie hégélienne devait être exploité impudemment par l’idéologie fasciste pour qui la masse n’est rien ; seul compte le « surhomme » infaillible. « Le fascisme, c’est ce que Mussolini pense en cet instant », disait un admirateur du Duce. Hitler clamait à ses troupes de choc : « Je penserai pour vous ».
d) Autre forme d’idéalisme : la « sociologie » de Durkheim et de ses disciples. On surprendrait beaucoup de gens en leur disant que la sociologie durkheimienne, qui a connu une grande vogue en France, est d’inspiration idéaliste. Les sociologues ne condamnaient-ils pas théologie et métaphysique ? Ne se proposaient-ils pas l’étude « positive » des faits sociaux (institutions, droit, mœurs) considérés dans leur évolution, sans préjugé favorable ou défavorable ? Bien sûr, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. En règle générale, les sociologues bourgeois expliquent les transformations matérielles par le développement de la « conscience collective », qui elle-même reste mystérieuse. L’histoire des sociétés apparaît alors comme la réalisation progressive d’aspirations morales, qui vagissent quelque part dans la conscience humaine depuis les premiers âges. Pourquoi la « conscience collective » évolue-t-elle dans un sens plutôt qu’en tel autre, on ne sait… C’est qu’en effet les sociologues ignorent (et certains veulent ignorer) la production, la lutte des classes, moteurs de l’histoire. Ils restent à la surface. Si par exemple la Sécurité Sociale existe, eh bien ! c’est parce que « les idées ont évolué ». Tout se ramène, comme dans la philosophie de Léon Brunschvicg, au « progrès de la conscience ».
e) Il convient de souligner qu’un des plus ardents champions de l’idéalisme en ce domaine comme ailleurs fut Proudhon, dont nous avons déjà parlé. [Voir la 7e leçon : conclusions générales.] Pour Proudhon, l’histoire des sociétés, c’est l’incarnation progressive de l’idée de Justice, « immanente » à « la conscience » depuis l’origine de l’humanité. C’est ainsi que les rapports de production [Voir la définition de ces termes, 15e leçon.] sont la réalisation de « catégories économiques » qui sommeillent dans la « raison impersonnelle de l’humanité ». Cette conscience incréée — le « génie social », comme dit Proudhon — est présente à l’histoire entière ; par elle tout s’explique, elle-même n’ayant pas à s’expliquer. Et comme la conscience a toujours été ce qu’elle est, Proudhon en vient à nier la réalité même de l’histoire :
« Il n’est … pas exact de dire que quelque chose advient, quelque chose se produit : dans la civilisation comme dans l’univers, tout existe, tout agit depuis toujours. Il en est ainsi de toute l’économie sociale. » (Proudhon : Philosophie de la misère, t. II, p. 102 ; cité par Marx : Misère de la philosophie, p. 93. Ed. Sociales.)
Absolument rien de nouveau sous le soleil : l’histoire est rayée d’un trait.
Remarquons au passage que Proudhon, si prompt toujours à déclamer contre jésuites et théologiens — au nom de la conscience —, Proudhon qui oppose avec emphase le « système de la révolution » (le sien) au « système de la révélation », Proudhon qu’effraie l’organisation révolutionnaire du prolétariat et qui, pris de panique devant l’action, assimile le parti des travailleurs à une « Eglise » — comme le font aujourd’hui ses disciples social-démocrates —, Proudhon est lui-même la victime de l’idéologie cléricale qu’il croit combattre. « La conscience » du bourgeois mangeur de curés, qui se prend pour la mesure du monde et de l’histoire, ce n’est guère autre chose que l’antique Dieu vaguement laïcisé. A sa racine, le proudhonisme est idéaliste.
Marx lui porte le coup d’arrêt, dans un de ses plus prestigieux ouvrages, Misère de la philosophie (1847). Il écrit notamment :
« Admettons avec M. Proudhon que l’histoire réelle, l’histoire selon l’ordre des temps, est la succession historique dans laquelle les idées, les catégories, les principes se sont manifestés.
Chaque principe a eu son siècle pour s’y manifester : le principe d’autorité, par exemple, a eu le XIe siècle, de même que le principe d’individualisme le XVIIIe siècle. De conséquence en conséquence, c’était le siècle qui appartenait au principe, et non le principe qui appartenait au siècle. En d’autres termes, c’était le principe qui faisait l’histoire, ce n’était pas l’histoire qui faisait le principe. Lorsque ensuite, pour sauver les principes autant que l’histoire, on se demande pourquoi tel principe s’est manifesté dans le XIe ou dans le XVIIIe siècle plutôt que dans tel autre, on est nécessairement forcé d’examiner minutieusement quels étaient les hommes du XIe siècle, quels étaient ceux du XVIIIe ; quels étaient leurs besoins respectifs, leurs forces productrices, leur mode de production, les matières premières de leur production, enfin quels étaient les rapports d’homme à homme qui résultaient de toutes ces conditions d’existence. Approfondir toutes ces questions, n’est-ce pas faire l’histoire réelle, profane des hommes dans chaque siècle, représenter ces hommes à la fois comme les auteurs et les acteurs de leur propre drame ? Mais du moment que vous présentez les hommes comme les acteurs et les auteurs de leur propre histoire, vous êtes, par un détour, arrivé au véritable point de départ, puisque vous avez abandonné les principes éternels dont vous parliez d’abord. » (Marx : Misère de la philosophie, p. 92.)
La critique ainsi faite par Marx à Proudhon vaut pour toutes les formes d’idéalisme que nous avons signalées en a, b, c, d… Dans tous les cas, la réalité est mise à l’envers, de telle sorte que l’explication concrète des idées devient inintelligible. C’est le matérialisme dialectique qui, remettant les choses à l’endroit, montre que les idées sociales sont le reflet du développement matériel objectif de l’histoire. Le matérialisme dialectique, seul, fonde la science des idéologies. L’idéalisme proclame les idées, il en fait parade, reprochant au « vil » matérialisme de les nier (ce qui, nous le verrons, est faux) ; mais en vérité il en parle d’autant plus qu’il les comprend moins ; il leur demande de tout expliquer, mais elles lui restent inexplicables.
3. La thèse matérialiste dialectique
« S’il est vrai que la nature, l’être, le monde matériel est la donnée première, tandis que la conscience, la pensée est la donnée seconde, dérivée ; s’il est vrai que le monde matériel est une réalité objective existant indépendamment de la conscience des hommes, tandis que la conscience est un reflet de cette réalité objective, il suit de là que la vie matérielle de la société, son être est également la donnée première, tandis que sa vie spirituelle est une donnée seconde, dérivée ; que la vie matérielle de la société est une réalité objective existant indépendamment de la volonté de l’homme, tandis que la vie spirituelle de la société est un reflet de cette réalité objective, un reflet de l’être. » (Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique, p. 14. Ed. Sociales, 1945.)
La thèse selon laquelle la vie spirituelle de la société reflète sa vie matérielle est ainsi une conséquence directe du matérialisme philosophique exposé dans la deuxième partie de cet ouvrage (plus particulièrement la 10e leçon).
a) La vie matérielle de la société est une réalité objective existant indépendamment de la conscience et de la volonté non seulement des individus, mais de l’homme en général.
C’est précisément cette réalité objective indépendante de la conscience que certains penseurs idéalistes, faute d’en comprendre les lois, nomment fatalité. Les existentialistes ont renouvelé le vocabulaire en gardant la chose : ils parlent de « l’homme jeté dans le monde », de l’homme « en situation ». Nous verrons dans la 4e partie de cet ouvrage, consacrée au matérialisme historique, que cette situation n’est pas un mystère et qu’on peut l’étudier scientifiquement.
Quelques exemples vont nous faire comprendre ce qu’il en est de cette réalité objective, indépendante de la conscience.
Quand, sous la féodalité, la jeune bourgeoisie d’Europe a commencé la construction des grandes manufactures, elle ignorait les conséquences sociales de cette « innovation » qui devait aboutir à une révolution contre le pouvoir royal dont elle appréciait alors la bienveillance (la monarchie a encouragé les manufactures naissantes) et contre la noblesse dans laquelle elle rêvait d’entrer !
Quand les capitalistes russes ont implanté dans la Russie des tsars la grande industrie moderne, ils n’avaient pas conscience de préparer les conditions pour le triomphe futur de la révolution socialiste.
Quand le cordonnier, dont Staline parle dans Anarchisme ou Socialisme ?, s’est embauché chez Adelkhanov, il « ignorait que la conséquence lointaine de cette décision qu’il croyait provisoire serait son adhésion aux idées socialistes ». [Voici le très intéressant passage que Staline consacre à ce cordonnier : « Imaginez un cordonnier qui possédait un tout petit atelier, mais qui, n’ayant pu soutenir la concurrence avec de grands patrons, a dû fermer son atelier et, supposons-le, s’est fait embaucher dans une fabrique de chaussures à Tiflis, chez Adelkhanov. Il s’est fait embaucher chez Adelkhanov, non pour devenir un ouvrier salarié permanent, mais pour amasser de l’argent, se constituer un petit capital et pouvoir ensuite rouvrir son atelier. Comme on le voit, la situation de ce cordonnier est déjà prolétarienne, mais sa conscience ne l’est pas encore ; elle est entièrement petite-bourgeoise. Autrement dit, la situation petite-bourgeoise de ce cordonnier a déjà disparu, elle n’existe plus, mais sa conscience petite-bourgeoise n’a pas encore disparu, elle est en retard sur sa situation de fait. Il est évident que là encore, dans la vie sociale, ce sont les conditions extérieures, la situation des hommes, qui changent d’abord, et puis, en conséquence, leur conscience. Revenons cependant à notre cordonnier. Comme nous le savons déjà, il pense amasser de l’argent pour rouvrir son atelier. Le cordonnier prolétarisé travaille donc, et il s’aperçoit qu’il est très difficile d’amasser de l’argent, car son salaire lui suffit à peine pour pourvoir à son existence. Il remarque, en outre, que ce n’est pas chose bien alléchante que d’ouvrir un atelier privé : le loyer du local, les caprices de la clientèle, le manque d’argent, la concurrence des grands patrons et tant d’autres tracas, tels sont les soucis qui hantent l’esprit de l’artisan. Or, le prolétaire est relativement plus dégagé de tous ces soucis ; il n’est inquiété ni par le client, ni par le loyer à payer ; le matin, il se rend à la fabrique ; le soir, il la quitte « le plus tranquillement du monde », et, le samedi, il met aussi tranquillement sa « paie » dans sa poche. C’est alors que pour la première fois les rêves petits-bourgeois de notre cordonnier ont les ailes coupées ; c’est alors que, pour la première fois, des tendances prolétariennes naissent dans son âme. Le temps passe, et notre cordonnier se rend compte qu’il manque d’argent pour se procurer le strict nécessaire, qu’il a grandement besoin d’une augmentation de salaire. Il s’aperçoit en même temps que ses camarades parlent de syndicats et de grèves. Dès lors, notre cordonnier prend conscience du fait que, pour améliorer sa situation, il faut lutter contré les patrons, et non pas ouvrir un atelier à soi. Il adhère au syndicat, il prend part au mouvement gréviste et épouse bientôt les idées socialistes… C’est ainsi que le changement de la situation matérielle du cordonnier entraîne, en fin de compte, un changement dans sa conscience : d’abord sa situation matérielle a changé, puis, quelque temps après, c’est sa conscience qui change en conséquence. Il faut en dire autant des classes et de la société dans son ensemble. » (Staline : « Anarchisme ou socialisme ? », Œuvres, tome 1er, p. 263-264.)]
Quand les impérialistes américains, et à leur suite les capitalistes occidentaux ont, en 1947, sur la base du plan Marshall, organisé le blocus économique de l’U.R.S.S. et des démocraties populaires, ils étaient loin de penser qu’ils contribueraient à la formation d’un nouveau marché mondial, un marché socialiste, et à la désagrégation de l’ancien marché capitaliste unique. [Voir Staline : « Les problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. ». Derniers écrits, p. 120.]
Telle est la « fatalité » sur laquelle maints romanciers ont brodé. La lutte pour la satisfaction des intérêts immédiats entraîne, à plus ou moins longue échéance, des conséquences sociales indépendantes de la volonté de ceux qui engagèrent cette lutte. Ces intérêts immédiats ne sont d’ailleurs nullement arbitraires puisqu’ils répondent à la situation objective, à un moment donné, de telle société, de telle classe sociale. Il y a là une proposition fondamentale du matérialisme historique, ainsi formulée par Marx :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. » (Marx : « Préface à la Contribution à la critique de l’économie politique » dans Etudes philosophiques de Marx-Engels, p. 72-73. Editions Sociales. (Phrase soulignée par nous. G. B.-M. C.))
Par exemple, les rapports capitalistes de production n’ont pas été choisis par les hommes. Le développement des forcée productives au sein de la société féodale conduisait nécessairement à la formation de rapports capitalistes de production et non à d’autres, que les hommes le voulussent ou non. C’est ainsi que chaque génération nouvelle est contrainte de partir des conditions objectives qui lui sont faites. « Fatalité » alors ? Non, car — nous le verrons — l’étude scientifique des rapports objectifs de production permet de comprendre leur nature, de prévoir leur évolution, de l’accélérer.
Alléguer à tout propos l’ « indépendance » de l’esprit, à la façon des idéalistes, c’est tout simplement ignorer les conditions objectives qui s’imposent en priorité à l’esprit, alors même qu’il n’en sait rien. Car tel est le malheureux sort du penseur idéaliste : comme il part de sa conscience, sans s’interroger sur les conditions objectives qui font qu’elle existe et qu’elle s’exerce, il croit qu’elle se suffit à elle-même. Illusion combattue par le matérialisme.
Cela dit, il faut tirer des remarques que nous venons de présenter une importante conclusion pratique. Nous avons montré que de très grands changements matériels se sont accomplis dans l’histoire sans que ceux qui participaient à la transformation, ou qui la suscitaient, aient conscience de ses conséquences, sans qu’ils l’aient voulue. Il est donc faux de prétendre qu’il n’y aura de révolution socialiste dans un pays que si tous les travailleurs sont préalablement acquis à la théorie révolutionnaire ! Les millions de gens qui, en octobre 1917, firent de leurs mains la révolution ne voyaient pas aussi loin que Lénine et les bolcheviks, avant-garde scientifique de la révolution. Mais en accomplissant cette grande tâche historique, ils travaillaient à la transformation de leur propre conscience, à la victoire de l’homme nouveau, victoire scientifiquement prévue par Marx.
b) La vie spirituelle de la société est un reflet de la réalité objective de la société.
Ce n’est pas la volonté des hommes qui détermine arbitrairement les rapports sociaux, avons-nous dit. C’est bien plutôt la conscience des hommes qui est conditionnée par la réalité matérielle de la société dont ils sont membres.
Or cette société — nous reviendrons plus longuement là-dessus dans la 4e partie de ce manuel — n’est pas née d’un miracle : elle est l’ensemble des rapports qui se sont constitués pour assurer aux hommes une lutte victorieuse sur la nature ; rapports nécessairement conditionnés par le niveau des forces productives dont les hommes disposaient et dont il leur fallait s’accommoder (il y a dix mille ans, les rapports entre hommes ne pouvaient être ceux que la grande industrie a engendrés !).
C’est cet ensemble très complexe qu’il faut considérer quand on veut comprendre en quoi les idées sociales sont un reflet de la société.
« L’histoire montre que si, à des époques différentes, les hommes ont eu des idées et des désirs différents, c’est parce qu’à des époques différentes les hommes luttaient différemment contre la nature pour pourvoir à leurs besoins, et que, par conséquent, leurs rapports économiques revêtaient un caractère différent. Il fut un temps où les hommes luttaient contre la nature en commun, sur les bases du communisme primitif ; en ce temps-là, leur propriété, elle aussi, était communiste, et c’est pourquoi ils ne distinguaient presque pas le « mien » du « tien » ; leur conscience était communiste. Le temps vint où la distinction entre le « mien » et le « tien » pénétra dans la production ; dès lors, la propriété elle-même prit un caractère privé, individualiste. C’est pourquoi le sentiment de la propriété privée pénétra dans la conscience des hommes. Et voici enfin le temps — le temps d’aujourd’hui, — où la production prend de nouveau un caractère social ; par conséquent, la propriété ne tardera pas à prendre, à son tour, un caractère social, — et c’est pourquoi le socialisme pénètre peu à peu dans la conscience des hommes. » (Staline : « Anarchisme ou socialisme ? » Œuvres, tome 1er, p. 262-263.)
On voit l’erreur du matérialisme vulgaire. Constatant qu’il n’y a pas de pensée sans cerveau, il en conclut que les idées sociales ont une détermination purement organique : modifiez l’organisme d’un individu, et vous changerez ses idées politiques !
Le matérialisme philosophique constate certes que le cerveau est l’organe de la pensée. Mais ce cerveau lui-même est inséparable des conditions objectives qui font qu’il y a des hommes : c’est le cerveau d’un être social. Comme l’écrit Marx, « …l’homme dans sa réalité est l’ensemble des rapports sociaux ». [Marx : Extrait, de la « VIe thèse sur Feuerbach » dans Etudes philosophiques, p. 63.] Dans le cerveau pensant se reflète donc « l’ensemble des rapports sociaux », (que l’individu ignore ce fait, que tel philosophe d’Université n’y ait jamais songé, voilà qui n’a pas pouvoir de changer le fait).
Un des exemples les plus caractéristiques de l’idéologie comme reflet nous est fourni par la religion. A l’exemple des théologiens, les idéalistes professent que tout homme trouve spontanément en lui-même l’idée de Dieu, que cette idée existe depuis les origines de l’humanité, qu’elle durera aussi longtemps qu’elle. En réalité, l’idée de Dieu est un produit de la situation objective des hommes dans les sociétés anciennes. Selon la formule d’Engels, la religion naît des conceptions bornées de l’homme. Conceptions bornées en quoi ? D’une part, par l’impuissance quasi totale des hommes primitifs devant une nature hostile et incompréhensible ; d’autre part, par leur dépendance aveugle à l’égard d’une société qu’ils ne comprenaient pas et leur semblait l’expression d’une volonté supérieure. Ainsi les dieux, êtres inexplicables et tout-puissants, maîtres de la nature et de la société, furent le reflet subjectif de l’impuissance objective des hommes devant nature et société.
Le progrès des sciences de la nature et de la société devait faire apparaître le caractère illusoire des croyances religieuses. (Croyances aux dieux, puis, par abstraction, croyance en un Dieu unique). Cependant, tant que l’exploitation de l’homme par l’homme subsiste, subsistent des conditions objectives à la croyance en un être surhumain, qui dispense bonheur et malheur. « L’homme propose, Dieu dispose » : le paysan de l’ancienne Russie, écrasé de misère et sans perspectives d’avenir, confiait son sort à la divinité. La révolution socialiste, en donnant à la collectivité la maîtrise des forces productives, donne aux hommes du même coup la possibilité de diriger scientifiquement la société, tout en accroissant de plus en plus vite leur pouvoir sur la nature. Alors sont créées les conditions objectives pour que s’effacent peu à peu de la conscience des hommes les mystifications religieuses que d’autres conditions objectives avaient engendrées et entretenues.
De même façon, les idées morales sont un reflet des rapports sociaux objectifs, un reflet de la pratique sociale. Les idéalistes voient dans la morale un ensemble de principes éternels, absolument indépendants des circonstances : ils nous viennent de Dieu, ou ils nous sont dictés par « la conscience » infaillible. Mais il suffit de prendre garde que, par exemple, le commandement « Tu ne voleras point » n’a pu avoir existence et sens que du jour où la propriété privée est apparue. En société communiste, la notion de vol perdra toute base réelle car l’abondance des biens sera telle qu’il n’y aura rien à voler. Comment dès lors parler de morale éternelle ? La morale se transforme avec et par la société. C’est pourquoi, la société évoluant par la lutte des classes, il y a par contrecoup lutte entre la morale de la classe dominante et la morale de la classe exploitée ; la première est d’esprit conservateur ou réactionnaire ; l’autre est plus ou moins révolutionnaire. Mais comme la classe dominante dispose, pendant de longues années, de puissants moyens pour imposer ses idées, des millions d’hommes acceptent sans discussion la morale de la classe dominante comme étant la morale. Mystification dont les membres de la classe dominante sont d’ailleurs eux-mêmes victimes.
Illustrons cela par un exemple. La bourgeoisie française révolutionnaire du XVIIIe siècle a conduit son assaut contre la féodalité au nom de la Liberté, de la Raison, de la Justice éternelles. Elle identifiait ses intérêts de classe révolutionnaire à ceux de l’humanité en général. Elle était sincère. Mais la victoire de la Révolution bourgeoise a donné aux mots leur vrai sens, leur sens historique. Elle a montré que ces idées morales universelles étaient l’expression d’intérêts propres à une classe. Liberté ? oui, liberté pour la bourgeoisie de produire et commercer pour ses profits de classe ; liberté de garder pour elle le pouvoir politique, etc. Mais au prolétariat, cette bourgeoisie qui avait fait la Révolution sous le drapeau de la liberté, refusait la liberté de constituer des syndicats, de lutter par la grève, etc. C’est au nom de la morale éternelle qu’elle guillotina Babeuf, parce qu’en fait il voulait supprimer la propriété bourgeoise.
Engels a pu dire :
« Nous savons aujourd’hui que ce règne de la raison n’était rien d’autre que le règne idéalisé de la bourgeoisie, que la justice éternelle telle qu’elle fut alors proclamée trouva sa réalisation adéquate dans la justice bourgeoise. » (Engels : Anti-Dühring, p. 390. Editions Sociales.)
Est-ce à dire qu’il n’y aura jamais de morale universelle ? Nullement. La morale sera la même pour tous les hommes quand seront objectivement réalisées les conditions sociales qui rendront une telle morale effective, — c’est-à-dire quand le triomphe mondial du communisme aura aboli à jamais toute opposition d’intérêts entre les hommes, aboli toute classe. C’est par conséquent la lutte révolutionnaire du prolétariat contre la bourgeoisie (et contre sa prétendue morale universelle), et non le facile prêchi-prêcha des idéalistes, qui ouvre objectivement la voie au triomphe d’une morale universelle, c’est-à-dire pleinement humaine. Cette morale universelle nous est-elle aujourd’hui impénétrable ? Non, ses principes de solidarité fraternelle trouvent leur première réalisation dès la société capitaliste dans la morale de la classe révolutionnaire, le prolétariat. Et à plus forte raison, bien entendu, dans les pays où la révolution socialiste a déjà triomphé. En effet, tandis que la bourgeoisie, liquidant la féodalité, a substitué une exploitation à une autre, le prolétariat, brisant le capitalisme, supprime toute exploitation de l’homme par l’homme.
La suppression des antagonismes de classes prépare l’épanouissement de la morale communiste universelle, dont la morale de classe du prolétariat révolutionnaire constitue la première forme. [Sur cette capitale question de la morale, lire notamment LÉNINE : « Les tâches des Fédérations de la jeunesse » (oct. 1920) dans œuvres choisies, t. II. p. 804.]
Nous voyons que l’opposition des idées morales au cours de l’histoire, et d’une manière générale, l’opposition des idéologies, reflète l’opposition des intérêts des classes sociales en présence. C’est de cette façon qu’on peut comprendre pourquoi les idéologies sociales et politiques évoluent. Si, par exemple, la bourgeoisie en France, en cent-soixante ans, est passée de l’universalisme moral (« Tous les hommes sont frères ») au racisme fasciste (haine des Juifs, chasse aux travailleurs nord-africains, etc.) cela s’explique par l’évolution matérielle de cette classe. Révolutionnaire, elle croyait pouvoir parler pour tous les hommes. Menacée à son tour dans son règne, elle justifie sa domination par un prétendu droit du sang. Ainsi faisaient jadis les féodaux !
c) Comment surgissent les nouvelles idées et théories sociales et politiques.
Pour l’idéalisme, les idées surgissent dans l’esprit des hommes sans qu’on sache pourquoi, indépendamment de leurs conditions d’existence. Mais alors se pose une question à laquelle l’idéalisme est incapable de répondre : pourquoi telle idée est-elle apparue de nos jours et non dans l’Antiquité ?
Le matérialisme dialectique, qui ne sépare jamais les idées de leur base objective, ne pense pas que les nouvelles idées surgissent par une opération magique. Les nouvelles idées surgissent comme solution d’une contradiction objective qui s’est développée dans la société. Nous savons en effet que le moteur de tout changement, c’est la contradiction (voir 5′ leçon). Le développement des contradictions au sein d’une société donnée pose, lorsque ces contradictions s’aiguisent, la tâche de les résoudre. Alors apparaissent les idées nouvelles, comme tentative de résoudre ces contradictions.
C’est le développement objectif des contradictions propres à la société féodale — le divorce entre rapports de production vieillis et nouvelles forces productives — qui suscita, dans la classe montante, les idées révolutionnaires : on vit surgir alors, par centaines, les plans de réforme sociale et politique. Un processus analogue s’est accompli dans la société capitaliste : les idées socialistes naquirent pour résoudre les contradictions dont souffraient des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
Ce qui distingue les grands novateurs, c’est leur aptitude à résoudre des problèmes qui, reflets des contradictions objectives de la société, se posent plus ou moins confusément à la conscience de leurs contemporains :
« L’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir. » (K. Marx : « Préface à la Contribution à la critique de l’économie politique », dans Etudes philosophiques, p. 73. Editions Sociales.)
Incompréhensible pour qui n’est pas initié au matérialisme dialectique, cette phrase célèbre s’explique ainsi. Qui dit « problème » dit « contradiction » à résoudre. Mais qu’est-ce que la contradiction sinon une lutte entre l’ancien et le nouveau ? Si donc une contradiction apparaît, c’est que le nouveau est déjà là, fût-ce en germe, fût-ce partiellement. Exemple : la société féodale ne put être mise en cause que du jour où, en son sein, commencèrent à s’exercer les forces antagonistes qui devaient plus tard la détruire (l’industrie, la bourgeoisie). La solution du problème fut la victoire de ce nouveau qui cherchait sa voie.
d) La question des survivances.
La conception que nous avons exposée dans cette leçon permet d’éclairer une particularité importante de l’histoire des idées : la question des survivances.
Il y a survivance quand une idée subsiste dans les esprits alors qu’ont disparu les conditions objectives qui fondaient son existence.
Une thèse essentielle du matérialisme philosophique, c’est que la conscience est postérieure à la réalité matérielle (nature et société). Il y a retard de la conscience sur la situation objective. C’est ainsi que l’ancien cordonnier dont parle Staline mène objectivement une vie de prolétaire, mais garde, pendant un certain temps, une conscience de petit bourgeois.
De la même façon, dans une société dont la base matérielle se transforme, les hommes n’accèdent qu’avec un certain retard à la conscience de ces changements. Quand ceux-ci apparaissent, alors ils cherchent des solutions dans l’arsenal des vieilles idées qu’ils ont gardées du passé. Les survivances (idées nées dans des conditions objectives anciennes) font obstacle aux idées nouvelles, qui correspondent aux nouvelles conditions objectives. Exemple : tout au début du capitalisme, les prolétaires exploités par la bourgeoisie industrielle, cherchaient une solution à leur misère dans un utopique retour à l’artisanat : ils détruisaient donc les machines.
Mais les survivances doivent inéluctablement reculer, à mesure que se développent les contradictions objectives : alors le retour au passé apparaît de plus en plus comme impossible, tandis que se renforcent les idées nouvelles, seules adaptées aux forces objectives qui montent. Le passé se prolonge dans les consciences jusqu’au jour où le présent devient intolérable au point qu’il faut trouver du nouveau ; c’est alors l’avenir qui l’emporte.
4. Conclusion
Le titre de cette leçon était justifié. C’est bien de la vie matérielle des sociétés qu’il faut partir pour comprendre leur vie spirituelle.
Nous tirerons de là quelques enseignements de grande portée pratique.
- Les seuls problèmes solubles dans une période donnée sont ceux que posent les besoins réels de la société. Les marxistes fondent par conséquent leur action sur une étude approfondie des conditions objectives, dans une période donnée ; c’est pourquoi cette action est fructueuse. Ils s’opposent ainsi à l’idéalisme de Blum qui, niant le caractère matériel des faits sociaux, en particulier les faits économiques, transformait le socialisme en mystique ; toute action était dès lors vouée à l’échec
- Dans ses rapports avec les travailleurs, le militant révolutionnaire ne doit jamais en rester à ce que ceux-ci pensent. Les idées sont une chose, les conditions matérielles en sont une autre. Tel prolétaire peut, subissant à son insu la pression idéologique de la bourgeoisie, avoir des idées conservatrices. Est-ce étonnant ? Non, puisque la classe dominante, en même temps qu’elle exploite les travailleurs, met tout en œuvre pour les persuader que c’est parfait ainsi. (La morale officielle enseignée à l’école ne préconise pas la lutte de classe, mais l’acceptation sereine de ce qui est). Il ne faut donc pas condamner ce prolétaire : ses idées fausses expriment la réalité objective d’une société où règne la bourgeoisie. Bien plus ! Par-delà la diversité des opinions qui partagent les travailleurs, le révolutionnaire, procédant à l’analyse matérialiste des conditions objectives, mettra en évidence la communauté d’intérêts. Ainsi se trouve fondée l’unité d’action : l’unité d’action est possible parce qu’en dernier ressort ce ne sont pas les idées qui déterminent les conditions de la lutte de classe, mais les conditions de la lutte de classe qui déterminent les idées. Voilà pourquoi en 1936, Maurice Thorez s’adressant aux travailleurs catholiques ou croix de feu, leur disait : Vous êtes des travailleurs comme nous, qui sommes communistes. « Unissons-nous dans la lutte commune pour le bien de notre peuple et de notre pays ». [Maurice Thorez : Fils du Peuple, p. 101-102-103.]
- La transformation des idées, avons-nous montré dans cette leçon, a une base matérielle. Ceci est d’une grande conséquence pour l’éducation révolutionnaire des travailleurs : la pénétration des idées révolutionnaires ne peut se faire que dans et par la lutte, en liaison avec les tâches concrètes de la vie, sur le chantier, à l’atelier, au bureau. C’est la lutte sociale (condition objective) qui rend possibles les changements décisifs dans la conscience des travailleurs (reflet subjectif). C’est ainsi par la lutte unie pour résoudre les contradictions objectives de la société capitaliste que les travailleurs non encore révolutionnaires font leur expérience. Avec l’aide de l’avant-garde marxiste-léniniste, ils découvrent les solutions à leurs maux. Ils deviennent à leur tour révolutionnaires.
QUESTIONS DE CONTROLE
- Montrer au moyen d’un ou de deux exemples précis comment les idées sociales sont le reflet du développement matériel objectif des sociétés.
- Pourquoi la bourgeoisie a-t-elle intérêt à dissimuler la véritable origine des idées sociales, des théories sociales, des opinions politiques, des institutions politiques ?
- Comment faut-il comprendre la phrase de Marx, citée p. 232 : « Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté… » ?
- Avez-vous l’expérience de cas analogues à celui du cordonnier dont Staline parle dans Anarchisme ou Socialisme ?
- Montrez par un ou plusieurs exemples comment la conscience des travailleurs se transforme dans la lutte.