Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire
Georgi Plekhanov
Avertissement
Georges Plékhanov (1856-1918) appartient à la première génération des marxistes russes, ceux qui ont été à l’origine de la diffusion du marxisme en Russie. Propagateur de cette doctrine révolutionnaire Plékhanov a touché, dans son œuvre, aux domaines les plus divers : théorie marxiste, histoire du marxisme, philosophie, sociologie, économie politique, histoire de la pensée politique en Russie et dans le monde, esthétique, critique littéraire, etc. Et la portée de son action révolutionnaire a dépassé largement les cadres de la vie politique en Russie autour de 1890, sa notoriété comme son prestige étaient déjà considérables parmi les socialistes d’Europe occidentale ou d’Amérique, à la fois comme théoricien du marxisme et comme militant du mouvement ouvrier.
C’est en 1883 qu’avec d’autres émigrés de Russie Plékhanov fonde à Genève la première organisation des marxistes russes : le groupe Libération du Travail. Cette association s’assignait pour tâche — et elle s’en acquitta — de réfuter l’idéalisme qui prévalait alors parmi les intellectuels russes ralliés au mouvement dit populiste ou qui en subissaient l’influence.
Les années de combat contre le populisme (1883-1903) furent celles où Plékhanov écrivit ses meilleurs ouvrages, ceux où il s’affirme un brillant propagandiste du marxisme. Non content de critiquer les conceptions philosophiques et sociologiques des populistes russes, il joue un rôle de premier plan dans la lutte contre l’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme d’Europe occidentale. A la fin des années quatre-vingt-dix, il est le premier à s’élever contre le révisionnisme d’Edouard Bernstein et de Conrad Schmidt, qui tentent de substituer le réformisme à la théorie révolutionnaire de Marx et d’Engels.
Après 1903, Plékhanov se rallie au menchevisme, courant opportuniste de la social-démocratie russe. Ses erreurs de jugement sur les événements de l’époque lui vaudront de sévères critiques de Lénine. Quant à son œuvre philosophique, voici ce que le même Lénine écrivit à ce sujet en 1921 :
« Il me semble opportun de remarquer… à l’intention des jeunes membres du parti, qu’il est impossible de devenir un communiste conscient et authentique sans avoir étudié — je dis bien étudié — tous les ouvrages philosophiques de Plékhanov car c’est ce qui existe de meilleur dans toute la littérature marxiste internationale. » ((V. Lénine, Œuvres, Paris-Moscou, t. 32, pp. 94-95.))
L’Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire a été publié légalement, mais sous le pseudonyme de N. Beltov, à Saint-Pétersbourg en 1895. Plékhanov fut incité à écrire ce livre par les articles contre les marxistes russes qu’un des théoriciens du populisme libéral, Nicolas Mikhaïlovski, avait fait paraître dans la revue Rousskoé Bogatstvo, dont il était l’un des rédacteurs. Et c’est pour égarer la censure que l’auteur choisit un titre qu’il qualifiait lui-même de « volontairement balourd ». La propagande du matérialisme philosophique était en effet interdite dans la Russie des tsars. En feignant d’opposer la conception « moniste » de l’histoire aux conceptions dualistes, Plékhanov faisait passer la solution matérialiste qu’il apportait là à des problèmes proprement philosophiques.
Ouvrage de polémique, écrit d’une plume alerte, et qu’on lit sans effort, l’Essai sur le développement de la conception moniste de l’histoire est l’un des meilleurs livres de Plékhanov. Sous un volume réduit, il présente un exposé, somme toute, complet des aspects essentiels de la philosophie marxiste.
Dans la présente édition, les chiffres entre crochets renvoient aux notes complémentaires en fin d’ouvrage, qui ont été établies par les éditeurs.
Les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes en bas de page. A l’exception des phrases entre crochets, qui sont des traductions, toutes ces notes sont de Plékhanov.
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