Conversation par fil direct avec Helsingfors
Lénine
Paru pour la première fois en 1922 dans la revue « Prolétariskaïa Révolioutsia » n°10
I
Conversation avec le président du comité exécutif du Soviet des députés de l’armée, de la flotte et des ouvriers de la Finlande, A. Schéinman
– Pouvez-vous parler au nom du comité régional de l’armée et de la flotte ?
– Naturellement, je le peux.
– Pouvez-vous diriger immédiatement sur Pétrograd le plus grand nombre possible de torpilleurs et autres vaisseaux armés ?
– Nous allons appeler tout de suite le président du Centre-Baltique, car c’est une affaire de caractère purement naval. Qu’y a-t-il de nouveau à Pétrograd ?
– On sait que les troupes de Kérenski se sont approchées de Gatchina et s’en sont emparées ; et comme une partie des troupes de Pétrograd est épuisée, le renfort le plus rapide et le plus nombreux est d’une urgente nécessité.
– Et quoi d’autre ?
– Au lieu de la question « quoi d’autre ? » j’attendais une déclaration m’informant que vous êtes prêts à vous mettre en marche et à vous battre.
– II est inutile, me semble-t-il, de le répéter ; nous avons déclaré notre résolution et, par conséquent, tout sera fait.
– Avez-vous des stocks de fusils et de mitrailleuses et en quelle quantité ?
– Voici le président de la section militaire du comité régional Mikhaïlov. Il vous parlera de l’armée de Finlande.
II
Conversation avec le président de la section militaire du comité régional de l’armée, de la flotte et des ouvriers de la Finlande, Mikhaïlov
– De combien de baïonnettes avez-vous besoin ?
– Nous avons besoin du plus grand nombre de baïonnettes possible, mais seulement avec des hommes sûrs et prêts à combattre. Combien avez-vous de ces hommes ?
– Dans les cinq mille, Nous pouvons en envoyer d’urgence qui se battront.
– Dans combien d’heures pouvez-vous répondre qu’ils seront à Pétrograd, on les envoyant le plus vite possible ?
– Au maximum dans vingt-quatre heures d’ici.
– Par voie de terre?
– Par chemin de fer.
– Et pouvez-vous leur assurer le ravitaillement ?
– Oui. Nous avons beaucoup de ravitaillement. Nous avons également 35 mitrailleuses ; nous pouvons les envoyer, sans inconvénient pour ici, ainsi qu’une petite quantité d’artillerie de campagne, avec leurs servants.
– Je vous prie instamment au nom du gouvernement de la République de procéder sur-le-champ à cet envoi et je vous prie également de me dire si vous savez quelque chose sur la formation d’un nouveau gouvernement, et comment ce gouvernement est accueilli chez vous par les Soviets.
– Jusqu’ici, nous ne connaissons l’existence d’un gouvernement que par les journaux. Le pouvoir passé aux mains des soviets a été accueilli chez nous avec enthousiasme.
– Donc, les troupes d’infanterie seront immédiatement mises en marche et le transport du ravitaillement leur sera assuré ?
– Oui. Nous allons tout de suite organiser le départ et nous leur fournirons le ravitaillement. Voici, à l’appareil, le vice-président du Centre Baltique, car Dybenko est parti ce soir à dix heures pour Pétrograd.
III
Conversation avec le président du centre-Baltique, N. Izmaïlov
– Combien pouvez-vous envoyer de torpilleurs et autres vaisseaux armés ?
– Nous pouvons envoyer le cuirassé « République» et deux torpilleurs.
– Leur assurerez-vous également le ravitaillement ?
– Dans la flotte, nous avons du ravitaillement et il leur en sera fourni. Tous les torpilleurs envoyés et le cuirassé « République » – je le dis avec certitude, – rempliront leur tâche qui est de défendre la révolution. Ne doutez pas de l’envoi de forces armées. Tout sera exécuté strictement.
– Dans combien d’heures ?
– Au maximum dans 18 heures. Y a-t-il nécessité de les envoyer immédiatement ?
– Oui. Le gouvernement est absolument convaincu de la nécessité de les envoyer sur-le-champ et de faire entrer le cuirassé dans le Canal maritime le plus près possible de la côte.
– Comme le cuirassé est un gros vaisseau avec des canons de douze pouces, il ne peut se tenir près de la côte : on pourrait alors s’en emparer sans coup férir. Pour remplir cette tâche, on se sert de torpilleurs qui portent de l’artillerie légère et des mitrailleuses ; quant au cuirassé, il doit rester approximativement en rade ou à côté du croiseur « Aurore », car son artillerie tire à 25 verstes, – en principe, se sont les matelots qui, avec les cadres, rempliront celle tâche.
– Les torpilleurs doivent entrer dans la Néva, près du village de Rybatski, pour défendre le chemin de fer Nicolas et tous ses abords.
– Bien, tout sera exécuté. Qu’avez-vous encore à me dire ?
Y a-t-il la radiotélégraphie à bord du « République et peut-elle communiquer avec Pétrograd, en cours de route ?
– Non seulement à bord du « République », mais aussi à bord des torpilleurs qui communiquera avec la Tour Eiffel. Je vous donne l’assurance que tout sera mené à bonne fin.
– Ainsi, nous pouvons compter que tous les bateaux désignés appareilleront immédiatement ?
– Oui. Vous le pouvez. Nous allons d’urgence donner des ordres pour que les bateaux désignés soient à point nommé à Pétrograd.
– Avez-vous des stocks de fusils et de cartouches ? Envoyez-en le plus possible.
– Nous en avons, mais en petite quantité à bord des bateaux, – nous enverrons ce que nous avons.
– Au revoir. Salut.
– Au revoir. Qui a parlé ? Dites moi votre nom.
– Lénine.
– Au revoir. Nous passons à l’exécution.