Notes critiques sur la question nationale
Lénine
1913
Introduction
Que la question nationale occupe actuellement une place premier plan parmi les problèmes de la vie sociale en Russie, c’est l’évidence même. Le nationalisme militant, la réaction, le passage du libéralisme contre-révolutionnaire, bourgeois, au nationalisme (surtout grand‑russe, et aussi polonais, juif, ukrainien, etc.), et enfin l’accentuation des flottements nationalistes parmi les différents social‑démocrates « nationaux » (c’est‑à‑dire non grands‑russes), qui va jusqu’à leur faire violer le programme du parti : tout cela nous oblige indiscutablement à accorder plus d’attention qu’auparavant à la question nationale.
Le présent article vise tout spécialement à examiner dans leur ensemble ces flottements de programme des marxistes et des pseudo‑marxistes dans la question nationale. Dans le n° 29 de la Sévernaïa Pravda((Sévernaïa Prvada [La Vérité du Nord] : titre sous lequel paraissait alors le quotidien bolchévique, Pravda.)) (5 septembre 1913, « Les libéraux et les démocrates dans la question des langues »((Voir Lénine, Œuvres, t. 19, «Les libéraux et les démocrates dans la question des langues ».)), j’ai eu l’occasion de parler de l’opportunisme des libéraux dans la question nationale; cet article a suscité une critique acerbe de M. F. Liebmann, dans le journal juif opportuniste Zeit.((Zeit [Le Temps] : hebdomadaire du Bund : parût de décembre 1912 à juin 1914.)) D’autre part, le programme des marxistes russes sur la question nationale a été critiqué par l’opportuniste ukrainien M. Lev Iourkévitch (Dzvin((Dzvin [La cloche] : revue légale menchévique, parut à Kiev en langue ukrainienne de janvier 1913 à la mi-1914. )) 1913, n° 7‑8). Ces deux publicistes ont soulevé tant de problèmes que, pour leur répondre, il nous faut envisager les aspects les plus divers de notre thème. Et il me semble que le plus commode sera de commencer par reproduire l’article de la Sévernaïa Pravda.