Ultimatum de la majorité du comité central du P.O.S.D.(b)R. à la minorité
Lénine
Ecrit le 3 (16) novembre 1917. Paru pour la première fois en 1922 dans la revue « Prolétarskaia Révolioutsia» , n° 7
La majorité du Comité central du P.O.S.D.R. (bolchévik), approuvant dans sa totalité la politique que le Conseil des Commissaires du peuple a poursuivie jusqu’à l’heure actuelle, estime nécessaire d’adresser à la minorité du Comité central la déclaration catégorique qui suit :
La politique de notre parti à l’heure actuelle est définie dans la résolution proposée par le camarade Lénine et adoptée hier, 2 novembre, par le Comité central((Voir : Résolution du comité central du P.O.S.D.(b)R. sur la question de l’opposition à l’intérieur du comité central)). Cette résolution dénonce comme trahison envers la cause du prolétariat toute tentative pour imposer à notre parti de s’écarter du pouvoir, dès lors que le Congrès des Soviets de Russie a confié ce pouvoir aux représentants de notre parti, sur la base de notre programme, au nom de millions d’ouvriers, de soldats et de paysans. Cette ligne fondamentale de notre tactique qui découle de l’ensemble de notre lutte contre la conciliation et qui nous a guidés dans l’insurrection contre le gouvernement Kérenski, constitue aujourd’hui l’essence révolutionnaire du bolchévisme et elle est de nouveau approuvée par le Comité central, – elle présente un caractère absolument obligatoire pour tous les membres du parti et, en premier chef, pour la minorité du Comité central.
Cependant, les représentants de la minorité, aussi bien avant la séance d’hier du Comité central qu’après cette séance, ont mené et mènent une politique nettement dirigée contre la ligne fondamentale de notre parti et démoralisant nos propres rangs, en semant les hésitations à l’heure où la plus grande fermeté, la plus grande ténacité sont indispensables.
C’est ainsi qu’hier, à la séance du Comité exécutif central, le groupe bolchévik avec la participation directe des membres du Comité central qui font partie de la minorité, a ouvertement voté contre la résolution du Comité central (sur la question de la représentation numérique de notre parti au sein du gouvernement et sur la désignation des personnes). Une infraction aussi inouïe à la discipline commise par des membres du Comité central à l’insu du Comité central, après de longs débats au Comité central, provoqués par ces mêmes représentants de l’opposition, nous montre à l’évidence que l’opposition se propose de venir à bout des institutions du parti par l’usure, en sabotant le travail du parti, à l’heure où le sort du parti, où le sort de la révolution dépendent du résultat immédiat de ce travail.
Nous ne pouvons ni ne voulons porter la responsabilité d’un tel état de fait.
Nous adressons à la minorité du Comité central la présente déclaration et nous exigeons une réponse catégorique, sous forme écrite, à cette question : la minorité s’engage-t-elle à se soumettre à la discipline du parti et à mener la politique formulée dans la résolution du camarade Lénine et adoptée par le Comité central ?
En cas de réponse négative ou incertaine à cette question, nous poserons sans attendre au Comité de Pétrograd, au Comité de Moscou, à la fraction bolchévique du Comité exécutif central, à la conférence de Pétrograd-ville et à un congrès extraordinaire du parti, l’alternative suivante :
Ou bien le parti doit confier à l’opposition actuelle la tâche de former un nouveau pouvoir avec ses alliés, au nom desquels elle sabote aujourd’hui notre travail, – auquel cas nous nous considérerons comme entièrement libres à l’égard de ce nouveau pouvoir qui ne peut rien apporter d’autre que les hésitations, l’impuissance et le chaos.
Ou bien, – ce dont nous ne doutons pas, – le parti approuvera la seule ligne révolutionnaire possible, exprimée dans la décision d’hier du Comité central, auquel cas le parti doit résolument inviter les représentants de l’opposition à porter leur travail de désorganisation à l’extérieur du parti. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’autre issue. Il va de soi que la scission serait un fait extrêmement regrettable. Mais, une scission honnête et franche est aujourd’hui de beaucoup préférable au sabotage intérieur, à la non-exécution de nos propres résolutions, à la désorganisation et à la prostration. Pour notre part en tout cas, nous ne doutons pas un instant que si nous remettons au jugement des masses nos désaccords (qui répètent au fond nos désaccords avec les groupes de la Novaïa Jizn et de Martov), nous assurerons à notre politique le soutien sans réserve et l’attachement à toute épreuve des ouvriers, des soldats et des paysans révolutionnaires, et nous condamnerons à brève échéance à l’isolement et à l’impuissance l’opposition hésitante.