L’unique voie à suivre pour transformer l’industrie et le commerce capitalistes

L’unique voie à suivre pour transformer l’industrie et le commerce capitalistes((Texte rédigé par le camarade Mao Tsétoung et contenant les points essentiels de son entretien du 7 septembre 1953 avec des représentants des partis démocratiques et des milieux industriels et commerçants.))

Mao Zedong

7 septembre 1953

Réaliser la transformation de l’économie capitaliste en économie socialiste en passant par le capitalisme d’Etat.

1. Au cours de ces trois dernières années et quelques mois, nous avons fait du travail dans ce domaine, mais pas assez, parce que nous étions absorbés par d’autres tâches; dès maintenant, il nous faut faire de plus gros efforts.

2. Instruits par un peu plus de trois ans d’expérience, nous pouvons affirmer que c’est une politique, une mesure assez judicieuse que de réaliser la transformation socialiste de l’industrie et du commerce privés en passant par le capitalisme d’Etat.

3. A présent, il est nécessaire de se faire une idée claire du principe politique prescrit dans l’article 31 du Programme commun((L’article 31 du Programme commun stipule: « L’économie qui associe des capitaux d’Etat et des capitaux privés est une économie capitaliste d’Etat. Quand c’est nécessaire et possible, on encouragera le capital privé à évoluer dans le sens du capitalisme d’Etat par divers moyens comme l’exécution de travail d’usinage pour des entreprises industrielles d’Etat, la gestion d’entreprises en coopération avec l’Etat, ainsi que l’administration d’entreprises d’Etat ou l’exploitation de ressources nationa­les sous forme de concessions. »)) et de le concrétiser graduellement. Par « se faire une idée claire », on entend que les dirigeants des autorités centrales et locales doivent avant tout être convaincus que le capitalisme d’Etat est l’unique voie à suivre pour transformer l’industrie et le commerce capitalistes, et pour passer graduellement au socialisme. Or, des communistes comme des person­nalités démocrates n’en sont pas encore persuadés, et notre réunion((Il s’agit de la quarante-neuvième session (élargie) du Comité permanent du Comité national de la Conférence consultative politique, qui s’est tenue du 8 au 11 septembre 1953.)) a pour but de faire prévaloir cette conviction.

4. On doit avancer d’un pas sûr et se garder de toute précipitation. Il faudra au moins trois à cinq ans pour que l’industrie et le commerce privés du pays soient pratiquement amenés dans le cadre du capitalisme d’Etat; il n’y a donc pas lieu de s’alarmer ni de s’inquiéter.

5. Entreprise mixte, à capital privé et d’Etat; entreprise exécutant des commandes ou du travail d’usinage pour l’Etat qui s’engage à fournir toutes les matières premières nécessaires et à acheter toute la production; et entreprise dont l’Etat se borne à acheter une grande partie de la production — voilà les trois formes que prend le capitalisme d’Etat dans l’industrie privée.

6. Dans les entreprises commerciales privées, on peut aussi prati­quer le capitalisme d’Etat; il ne s’agit pas de les « écarter » tout simple­ment. Nous n’avons pas beaucoup d’expérience là-dessus, le problème est à étudier.

7. Les entreprises industrielles et commerciales privées, qui comptent environ 800.000 ouvriers et employés, représentent une grosse valeur pour le pays; elles jouent un très grand rôle dans l’éco­nomie nationale et le bien-être du peuple. Non seulement elles fournissent leurs produits à l’Etat, mais encore elles peuvent accumuler des fonds et former des cadres pour son compte.

8. Il y a des capitalistes qui manifestent une grande réticence envers l’Etat; la passion du gain ne les a pas encore quittés. D’autre part, certains ouvriers vont trop vite, ils ne permettent pas aux capitalistes de faire le moindre bénéfice. Nous devons donc éduquer les uns et les autres pour qu’ils s’adaptent progressivement (et le plus tôt possible) au principe politique du gouvernement selon lequel les entreprises industrielles et commerciales privées de la Chine servent essentiellement l’économie nationale et le bien-être du peuple et, en partie, travaillent pour procurer du profit aux capitalistes — c’est de cette façon qu’elles s’engageront dans la voie du capitalisme d’Etat.

Le tableau suivant montre comment les bénéfices réalisés par les entreprises capitalistes d’Etat sont répartis:

Impôt sur le revenu                                        34.5%

Fonds de bien-être                                          15 %

Fonds d’accumulation                                   30 %

Dividende attribué au patronat                 20,5%

Total                                                                      100 %

9. Il importe de continuer à mener parmi les capitalistes une éducation patriotique. Pour cela, il nous faut surtout former métho­diquement un certain nombre de capitalistes qui possèdent une grande largeur de vues et qui soient disposés à se rapprocher du Parti communiste et du gouvernement populaire, afin de convaincre par leur intermédiaire la majorité des capitalistes.

10. Pour la mise en pratique du capitalisme d’Etat, il faut non seulement tenir compte des nécessités et des possibilités (voir le Programme commun), mais aussi se fonder sur le libre consentement des capitalistes, car il s’agit d’une œuvre de coopération qui, par définition, ne peut pas se faire sous la contrainte. C’est différent du cas des propriétaires fonciers.

11. Ces dernières années, les différentes nationalités de notre pays, les diverses classes démocratiques, les partis démocratiques et les organisations populaires ont fait de grands progrès; il est certain que dans trois à cinq ans ils en auront fait de plus grands encore. Il sera donc possible, en trois à cinq ans, d’amener la plus grande partie des entreprises industrielles et commerciales privées dans le cadre du capitalisme d’Etat. La prépondérance des entreprises d’Etat est une garantie matérielle pour l’accomplissement de cette tâche.

12. Nous ne pourrons pas accomplir dans un délai de trois à cinq ans les tâches que nous nous sommes fixées pour toute la période de transition et qui consistent à réaliser pour l’essentiel l’industrialisation du pays et la transformation socialiste de l’agriculture, de l’artisanat, ainsi que de l’industrie et du commerce capitalistes. Il nous faudra bien, pour y arriver, plusieurs quinquennats. Sur ce point, nous devons combattre et la tendance à faire traîner indéfiniment les choses et la précipitation.

13. L’un dirige, l’autre est dirigé; l’un ne recherche pas les profits privés, l’autre les recherche encore en partie, et ainsi de suite. Ce sont là autant de différences. Mais dans les conditions actuelles, l’industrie et le commerce privés servent pour l’essentiel l’économie nationale et le bien-être du peuple (auxquels vont les trois quarts environ de leurs bénéfices). C’est pourquoi nous pouvons et nous devons persuader les ouvriers des entreprises privées de suivre l’exemple de ceux des entreprises d’Etat, c’est-à-dire d’accroître la production tout en pratiquant l’économie, de procéder à l’émulation dans le travail, d’élever la productivité, de réduire les prix de revient et d’augmenter la quantité des produits et d’améliorer leur qualité, ce qui est profitable à l’intérêt public comme à l’intérêt privé, au Travail comme au Capital.

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