3. Particularités essentielles du projet de constitution

Sur le projet de constitution de l’URSS

Staline

3. Particularités essentielles du projet de constitution

DU PROJET DE CONSTITUTION

   Comment tous ces changements de la vie de l’U.R.S.S. ont-ils été marqués dans le projet de la nouvelle Constitution ?

   Autrement dit : quelles sont les particularités essentielles du projet de Constitution soumis à l’examen de ce congrès ?

   La Commission de la Constitution avait été chargée d’apporter des changements au texte de la Constitution de 1924. Des travaux de cette Commission est sorti un texte nouveau, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. En établissant ce projet la Commission est partie du principe qu’une constitution ne doit pas être confondue avec un programme.

   Cela veut dire qu’entre un programme et une constitution il existe une différence essentielle. Alors qu’un programme expose ce qui n’est pas encore et ce qui doit seulement être obtenu et conquis dans l’avenir, une constitution, au contraire, doit exposer ce qui est déjà, ce qui a déjà été obtenu et conquis maintenant, dans le présent. Le programme concerne principalement l’avenir ; la Constitution, le présent. Deux exemples à titre d’illustration.

   Notre société soviétique a d’ores et déjà réalisé le socialisme, dans l’essentiel ; elle a créé l’ordre socialiste, c’est-à-dire qu’elle a atteint ce que, en d’autres termes, les marxistes appellent la première phase ou phase inférieure du communisme. Cela veut dire que la première phase du communisme, le socialisme, est déjà réalisée chez nous, dans l’essentiel. (Applaudissements prolongés.) Le principe fondamental de cette phase du communisme est, on le sait, la formule : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail » Notre Constitution doit-elle marquer ce fait, celui de la conquête du socialisme ? Doit-elle être basée sur cette conquête ?

   Elle doit l’être incontestablement. Elle doit l’être parce que le socialisme, pour l’U.R.S.S., est ce qui a déjà été obtenu et conquis. Mais la société soviétique n’a pas encore réalisé le communisme dans sa phase supérieure, où le principe dominant sera la formule : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins », encore qu’elle se fixe comme but de réaliser le communisme dans sa phase supérieure.

   Notre Constitution peut-elle être basée sur la phase supérieure du communisme, qui n’est pas encore et qui doit encore être conquise ? Non, elle ne peut pas l’être, car la phase supérieure du communisme c’est, pour l’U.R.S.S., ce qui n’est pas encore réalisé et ce qui doit l’être dans l’avenir. Elle ne peut pas l’être si on ne veut pas transformer la Constitution en programme ou en simple déclaration sur les futures conquêtes. Tel est le cadre de notre Constitution dans le moment historique actuel. Ainsi le projet de la nouvelle Constitution marque le bilan du chemin parcouru, le bilan des conquêtes déjà acquises. Il est, par conséquent, l’enregistrement et la consécration législative de ce qui en fait a déjà été obtenu et conquis. (Vifs applaudissements.)

   C’est là la première particularité du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S.

   Poursuivons. Les constitutions des pays bourgeois partent habituellement de la conviction que l’ordre capitaliste est immuable. La base essentielle de ces constitutions, ce sont les principes du capitalisme, ses principaux fondements : propriété privée de la terre, des forêts, fabriques, usines et autres instruments et moyens de production ; exploitation de l’homme par l’homme et existence d’exploiteurs et d’exploités ; à un pôle de la société, c’est la majorité des travailleurs dont le lendemain n’est pas assuré ; à l’autre pôle, c’est le luxe de la minorité non travailleuse, mais dont le lendemain est assuré, etc., etc. Ces constitutions s’appuient sur ces fondements du capitalisme et autres analogues. Elles les reflètent, elles les consacrent par voie législative.

   A la différence de ces constitutions, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. part de la liquidation de l’ordre capitaliste, de la victoire de l’ordre socialiste en U.R.S.S. La base essentielle du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S., ce sont les principes du socialisme, ses principaux fondements déjà conquis et établis : propriété socialiste de la terre, des forêts, des fabriques, des usines et autres instruments et moyens de production ; suppression de l’exploitation et des classes exploiteuses ; suppression de la misère de la majorité et du luxe de la minorité ; suppression du chômage ; le travail comme obligation et devoir d’honneur de chaque citoyen apte au travail, selon la formule : « Qui ne travaille pas ne mange pas ». Le droit au travail, c’est-à-dire le droit de chaque citoyen de recevoir un travail garanti ; le droit au repos ; le droit à l’instruction, etc., etc.

   Le projet de la nouvelle Constitution s’appuie sur ces fondements et autres analogues du socialisme. Il les reflète, il les consacre par voie législative. Telle est la deuxième particularité du projet de la nouvelle Constitution. Poursuivons. Les constitutions bourgeoises partent tacitement de cette prémisse que la société est composée de classes antagonistes, de classes possédant la richesse et de classes ne la possédant pas ; que, quel que soit le parti accédant au pouvoir, la direction politique de la société (dictature) doit appartenir à la bourgeoisie ; que la constitution est nécessaire pour fixer l’ordre social au gré et à l’avantage des classes possédantes.

   A la différence des constitutions bourgeoises, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. part du fait que dans la société il n’existe plus de classes antagonistes ; que la société est composée de deux classes amies, d’ouvriers et de paysans ; que ce sont justement ces classes laborieuses qui sont au pouvoir ; que la direction politique de la société (dictature) appartient à la classe ouvrière, en tant que classe avancée de la société ; que la Constitution est nécessaire pour fixer l’ordre social au gré et à l’avantage des travailleurs.

   Telle est la troisième particularité du projet de la nouvelle Constitution. Poursuivons. Les constitutions bourgeoises partent tacitement de cette prémisse que les nations et les races ne peuvent être égales en droits, qu’il est des nations jouissant de la plénitude des droits et d’autres qui n’en jouissent pas ; qu’en outre il existe une troisième catégorie de nations ou de races, par exemple, dans les colonies, qui ont encore moins de droits que les nations ne jouissant pas de la plénitude de leurs droits.

   Cela signifie que toutes ces constitutions sont nationalistes en leur fond, c’est-à-dire qu’elles sont des constitutions de nations dominantes. Contrairement à ces constitutions, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. est profondément internationaliste. Il part du principe que toutes les nations et races sont égales en droits. Il part du principe que la différence de couleur ou de langue, de niveau de culture ou de niveau de développement politique, aussi bien que toute autre différence entre nations et races, ne peut justifier l’inégalité de droits entre nations. Il part du principe que toutes les nations et races, indépendamment de leur situation passée et présente, indépendamment de leur force ou de leur faiblesse, doivent jouir de droits identiques dans toutes les sphères de la vie économique, sociale, politique et culturelle de la société. Telle est la quatrième particularité du projet de la nouvelle Constitution.

   La cinquième particularité du projet de la nouvelle Constitution, c’est son démocratisme conséquent et sans défaillance. Du point de vue du démocratisme, on peut diviser les constitutions bourgeoises en deux groupes : un groupe de constitutions nie ouvertement ou, en fait, réduit à néant l’égalité en droits des citoyens et les libertés démocratiques.

   L’autre groupe de constitutions accepte volontiers et affiche même les principes démocratiques ; mais en même temps il fait de telles réserves et restrictions que les droits et libertés démocratiques s’en trouvent complètement mutilés. Ces constitutions parlent de droits électoraux égaux pour tous les citoyens, mais aussitôt les restreignent par les conditions de résidence et d’instruction, voire de fortune. Elles parlent de droits égaux pour les citoyens, mais aussitôt font cette réserve que cela ne concerne pas les femmes, ou ne les concerne que partiellement. Etc., etc.

   Le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. a ceci de particulier qu’il est exempt de pareilles réserves et restrictions. Pour lui, il n’existe point de citoyens actifs ou passifs ; pour lui, tous les citoyens sont actifs. Il n’admet point de différence de droits entre hommes et femmes, entre « domiciliés » et « non-domiciliés », entre possédants et non-possédants, entre gens instruits et non instruits. Pour lui, tous les citoyens ont des droits égaux. Ce n’est pas la situation de fortune, ni l’origine nationale, ce n’est pas le sexe ni la fonction ou le grade, mais les qualités personnelles et le travail personnel de chaque citoyen, qui déterminent sa situation dans la société. Enfin, une autre particularité du projet de la nouvelle Constitution.

   Les constitutions bourgeoises se contentent habituellement de fixer les droits officiels des citoyens, sans se préoccuper des conditions garantissant l’exercice de ces droits, de la possibilité de les exercer, des moyens de les exercer. Elles parlent de l’égalité des citoyens, mais oublient qu’il ne peut pas y avoir d’égalité véritable entre patron et ouvrier, entre grand propriétaire foncier et paysan, si les premiers ont la richesse et le poids politique dans la société, et les seconds sont privés de l’un et de l’autre ; si les premiers sont des exploiteurs et les seconds des exploités. Ou encore : elles parlent de la liberté de la parole, de réunion et de la presse, mais elles oublient que toutes ces libertés peuvent n’être pour la classe ouvrière qu’un son creux, si elle est mise dans l’impossibilité de disposer de locaux appropriés pour tenir ses réunions, de bonnes imprimeries, d’une quantité suffisante de papier d’imprimerie, etc.

   Le projet de la nouvelle Constitution a ceci de particulier qu’il ne se borne pas à fixer les droits officiels des citoyens, mais qu’il reporte le centre de gravité sur la garantie de ces droits, sur les moyens de les réaliser. Il ne proclame pas simplement l’égalité des citoyens, mais il la garantit en consacrant par voie législative la suppression du régime d’exploitation, l’affranchissement des citoyens de toute exploitation. Il ne proclame pas simplement le droit au travail, mais il le garantit en consacrant par voie législative l’absence de crises dans la société soviétique, la suppression du chômage. Il ne proclame pas simplement les libertés démocratiques, mais il les garantit par voie législative, avec des moyens matériels déterminés.

   On conçoit, par conséquent, que le démocratisme du projet de la nouvelle Constitution ne soit pas un démocratisme en général, « habituel » et « généralement reconnu », mais le démocratisme socialiste. Telles sont les particularités essentielles du projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. C’est ainsi que le projet de la nouvelle Constitution reflète les transformations et les changements réalisés dans la vie économique, politique et sociale de l’U.R.S.S., durant la période 1924-1936.

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