XXVe anniversaire de la Grande Révolution socialiste d’Octobre
Staline
Rapport présenté par le Président du Comité d’Etat pour la Défense, à la séance solennelle du Soviet des députés des travailleurs de Moscou, élargie aux organisations sociales et du Parti de cette ville, le 6 novembre 1942
Camarades,
Nous célébrons aujourd’hui le 25e anniversaire de la victoire de la Révolution soviétique dans notre pays. Vingt-cinq ans ont passé depuis que le régime soviétique a été instauré chez nous. Nous nous trouvons au seuil de l’année suivante, de la vingt-sixième année d’existence du régime soviétique.
Dans les séances solennelles consacrées à l’anniversaire de la Révolution soviétique d’Octobre, il est d’usage de faire le bilan du travail des organismes de l’Etat et du Parti pour l’année écoulée. Je suis chargé de vous présenter un rapport d’activités justement sur les résultats acquis depuis novembre de l’an dernier jusqu’à novembre de cette année-ci.
Au cours de la période écoulée, l’activité de nos organismes de l’Etat et du Parti s’est poursuivie dans deux directions : construction pacifique et organisation d’un arrière fort pour notre front, d’une part, et conduite des opérations défensives et offensives de l’Armée rouge, d’autre part.
1. Le travail d’organisation à l’arrière
Le travail de construction pacifique de nos organismes de direction a consisté, dans cette période, à déplacer les bases de notre industrie de guerre, comme de notre industrie civile, vers les régions est de notre pays, à évacuer et installer, en ces nouveaux lieux, les ouvriers et l’outillage des entreprises, à étendre les surfaces ensemencées et augmenter les labours d’automne à l’est, enfin à améliorer radicalement le fonctionnement de nos entreprises travaillant pour le front et renforcer la discipline du travail à l’arrière, tant dans les usines que dans les kolkhoz et les sovkhoz.
Il faut dire que ç’a été un vaste travail d’organisation des plus difficiles et des plus compliqués, pour tous nos commissariats du peuple, économiques et administratifs, y compris nos transports par chemin de fer. Néanmoins nous avons pu triompher des difficultés. Et maintenant nos usines, nos kolkhoz et sovkhoz, en dépit de toutes les difficultés du temps de guerre, travaillent incontestablement d’une façon satisfaisante. Nos usines de guerres et les entreprises subsidiaires pourvoient, honnêtement et régulièrement, l’Armée rouge en canons, mortiers, avions, chars de combats, mitrailleuses, fusils, munitions.
Nos kolkhoz et sovkhoz pourvoient avec non moins d’honnêteté et de régularité la population et l’Armée rouge en vivres, et notre industrie en matières premières. Il faut avouer que notre pays n’a jamais encore eu un arrière aussi fort et aussi organisé.
A la suite de tout ce travail complexe d’organisation et de construction, non seulement notre pays, mais aussi les gens de l’arrière, ont changé. Les hommes sont devenus plus ramassés ; ils ont moins de laisser-aller, plus de discipline ; ils ont appris à travailler sur le pied de guerre ; ils ont pris conscience de leur devoir envers la Patrie et envers ses défenseurs au front, envers l’Armée rouge.
Les bailleurs aux corneilles et les fauteurs d’indiscipline, dépourvus du sentiment de leur devoir civique, deviennent de moins en moins nombreux à l’arrière. Les hommes organisés et disciplinés, pénétrés du sentiment de leur devoir civique, deviennent de plus en plus nombreux.
Mais l’année écoulée n’est pas seulement, comme je l’ai déjà dit, une année de construction pacifique. Elle est aussi celle de la guerre pour le salut de la Patrie contre les envahisseurs allemands, qui ont attaqué lâchement et perfidement notre pays pacifique.
2. Les opérations militaires sur le front soviéto-allemand
En ce qui concerne l’activité militaire de nos organismes dirigeants pour l’année écoulée, elle a consisté à assurer les opérations offensives et défensives de l’Armée rouge contre les troupes fascistes allemandes.
Les opérations militaires du front soviéto-allemand pour l’année écoulée peuvent être divisées en deux périodes : la première, c’est principalement la période d’hiver où l’Armée rouge, après avoir repoussé l’attaque des Allemands contre Moscou, a pris l’initiative en main, est passée à l’offensive, a chassé les troupes allemandes et, en quatre mois, a avancé, par endroits, de plus de 400 kilomètres, − et la seconde période, celle de l’été, où l’armée fasciste allemande, profitant de l’absence d’un deuxième front en Europe, a ramassé toutes ses réserves disponibles, percé le front dans la direction sud-ouest et, ayant pris l’initiative en main, a fait par endroits, en cinq mois, jusqu’à 500 kilomètres.
Les opérations militaires de la première période, et surtout l’action victorieuse de l’Armée rouge dans les régions de Rostov, de Toula, de Kalouga, devant Moscou, devant Tikhvine et Leningrad, ont révélé deux faits marquants.
Elles ont montré, premièrement, que l’Armée rouge et ses cadres de combat se sont transformés en une force sérieuse, capable non seulement de résister à la poussée des troupes fascistes allemandes, mais de les battre dans un franc combat et de les refouler. Elles ont montré, en second lieu, que les troupes fascistes allemandes, avec toute leur résistance, ont de graves défauts organiques qui, certaines conditions favorables étant acquises pour l’Armée rouge, peuvent amener la défaite de l’Armée allemande.
On ne saurait attribuer au hasard le fait que les troupes allemandes, après avoir triomphalement parcouru toute l’Europe et réduit d’un seul coup l’armée française, considérée comme une armée de premier ordre, n’ont rencontré que dans notre pays une riposte militaire véritable, − pas seulement une riposte, − et qu’elles ont été obligées, sous les coups de l’Armée rouge, d’abandonner leurs positions et de reculer sur une distance de plus de 400 kilomètres, laissant sur le chemin de leur retraite une quantité énorme de canons, de véhicules, de munitions. On ne saurait nullement expliquer ce fait par les seules conditions de l’hiver.
La seconde période des opérations militaires sur le front soviéto-allemande est marquée par un tournant qui s’est opéré au profit des Allemands ; par le passage de l’initiative entre les mains de ces derniers ; par la percée de notre front dans le secteur sud-ouest ; par l’avance des troupes allemandes et leur débouché dans la région de Voronèje, de Stalingrad, de Novorossiisk, de Piatigorsk, de Mozdok. Profitant de l’absence d’un deuxième front en Europe, les Allemands et leurs alliés ont jeté sur le front toutes leurs réserves disponibles et, les ayant aiguillées dans un sens unique, dans le secteur sud-ouest, ils se sont assuré un avantage numérique considérable et ont obtenu un succès tactique important.
Il faut croire que les Allemands ne sont plus assez forts pour mener simultanément l’offensive dans les trois directions, vers le sud, le nord et le centre, comme cela s’est passé dans les premiers mois de l’offensive allemande, l’été dernier ; mais ils sont encore suffisamment forts pour organiser une offensive sérieuse dans une seule direction.
Quel est le but principal que poursuivaient les stratèges fascistes allemands en ouvrant leur offensive d’été sur notre front ?
A en juger par les échos de la presse étrangère, y compris l’allemande, on peut croire que le but principal de l’offensive était d’occuper les régions pétrolières de Grozny et de Bakou.
Mais les faits démentent nettement cette hypothèse. Ils attestent que l’avance des Allemands vers les régions pétrolières de l’URSS n’est pas leur but principal, mais subsidiaire.
Quel était donc, en ce cas, le but principal de l’offensive allemande ? C’était de tourner Moscou par l’est, de la couper de son arrière − de la Volga et de l’Oural, − pour ensuite marcher sur elle.
L’avance des Allemands vers le sud, en direction des régions pétrolières, avait pour but subsidiaire non pas seulement et non pas tant d’occuper les régions pétrolières, que d’attirer nos principales réserves vers le sud, d’affaiblir le front de Moscou, et d’obtenir ainsi un succès d’autant plus facile en marchant sur Moscou. C’est ce qui explique proprement que le gros des troupes allemandes se trouve actuellement non pas au sud, mais dans la région d’Orel et de Stalingrad.
Dernièrement, nos hommes ont capturé un officier de l’Etat-major général allemand. On a trouvé sur cet officier une carte où était marquée, par dates, le plan de progression des troupes allemandes.
De ce document, il ressort que les Allemands se proposaient d’être à Borissoglebsk le 10 juillet dernier : à Stalingrad, le 25 juillet ; à Saratov, le 10 août ; à Kouibychev, le 15 août ; à Arzamas, le 10 septembre ; à Bakou, le 25 septembre.
Ce document confirme entièrement nos informations que le but principal de l’offensive allemande, au cours de l’été, était de tourner Moscou par l’est et de marcher sur cette ville, alors que l’avance vers le sud avait pour but, entre autres choses, d’attirer nos réserves loin de Moscou et d’affaiblir ce front pour porter plus facilement un coup à la capitale.
En bref, le but principal de l’offensive allemande de l’été était de cerner Moscou et de finir la guerre cette année.
En novembre de l’an dernier les Allemands comptaient, par une attaque de front sur Moscou, prendre la ville, forcer l’Armée rouge à capituler et finir ainsi la guerre à l’est. Ce sont les illusions dont ils nourrissaient leurs soldats.
Mais ces calculs des Allemands, on le sait, ne se sont pas vérifiés. Après s’être brûlé les doigts l’an dernier, dans leur tentative d’attaquer Moscou de front, les Allemands conçurent le plan de prendre la capitale cette année, mais alors par un mouvement tournant, et de finir ainsi la guerre à l’est. Ce sont les illusions dont ils nourrissent maintenant leurs soldats trompés. Ces calculs des Allemands, on le sait, ne se sont pas vérifiés non plus. Résultat : en courant deux lièvres – le pétrole et l’encerclement de Moscou, – les stratèges fascistes allemands se sont mis dans une situation difficile.
Ainsi les succès tactiques de l’offensive allemande de l’été se trouvent être inachevés, en raison du caractère nettement irréel de leurs plans stratégiques.
3. La question du deuxième front en Europe
Comment expliquer que les Allemands ont cependant réussi cette année à prendre en main l’initiative des opérations militaires et à remporter de sérieux succès tactiques sur notre front ?
Cela s’explique par le fait que les Allemands et leurs alliés ont pu rassembler toutes leurs réserves disponibles, les lancer sur le front est, et s’assurer dans une des directions un avantage numérique considérable. Il est hors de doute que s’ils n’avaient pas pris ces dispositions, les Allemands n’auraient pas pu obtenir des succès sur notre front.
Mais pourquoi ont-ils pu rassembler toutes leurs réserves et les lancer sur le front est ? Parce que l’absence d’un deuxième front en Europe leur a permis de réaliser cette opération sans courir le moindre risque.
Ainsi donc, la cause essentielle des succès tactiques des Allemands sur notre front, cette année est que l’absence d’un deuxième front en Europe leur a permis de jeter sur notre front toutes les réserves disponibles et de s’assurer un avantage numérique considérable dans la direction sud-ouest. Admettons qu’un deuxième front ait existé en Europe, comme il a existé dans la première guerre mondiale et qu’il ait retenu, disons, 60 divisions allemandes et 20 divisions des alliés de l’Allemagne.
Quelle aurait été la situation des troupes allemandes sur notre front ? Il n’est pas difficile de deviner que leur situation aurait été lamentable. Bien plus, c’eût été le commencement de la fin pour les troupes fascistes allemandes, car alors l’Armée rouge ne serait point là où elle est maintenant, mais quelque part aux environs de Pskov, de Minsk, de Jitomir, d’Odessa.
C’est dire que déjà l’été dernier l’armée fasciste allemande aurait été placée devant la catastrophe. Et s’il n’en est pas ainsi, c’est parce que l’absence d’un deuxième front en Europe a sauvé les Allemands.
Examinons la question du deuxième front en Europe dans son aspect historique.
Au cours de la première guerre mondiale, l’Allemagne avait dû faire la guerre sur deux fronts, à l’ouest, principalement contre l’Angleterre et la France, et à l’est, contre les troupes russes.
Ainsi donc, dans la première guerre mondiale, le deuxième front existait contre l’Allemagne. Des 220 divisions que l’Allemagne comptait alors, pas plus de 85 divisions allemandes tenaient le front russe.
Si l’on y ajoute les troupes alliées de l’Allemagne sur le front russe, à savoir 37 divisions austro-hongroises, 2 divisions bulgares et 3 divisions turques, on obtiendra un total de 127 divisions contre les troupes russes.
Les autres divisions de l’Allemagne et de ses alliés tenaient le front surtout contre les troupes anglo-françaises, et une partie d’entre elles assuraient le service de garnison dans les territoires occupés de l’Europe.
C’est ainsi que se présentaient les choses dans la première guerre mondiale.
Comment se présentent-elles aujourd’hui, dans la deuxième guerre mondiale, par exemple, en septembre dernier ?
D’après des informations contrôlées et qui ne sauraient être mises en doute, des 256 divisions que compte actuellement l’Allemagne il y a sur notre front au moins 179 divisions allemandes.
Si l’on y ajoute 22 divisions roumaines, 14 divisions finlandaises, 10 divisions italiennes, 13 divisions hongroises, 1 division slovaque et 1 division espagnole, il y aura au total 240 divisions qui se battent actuellement sur notre front.
Les autres divisions allemandes et alliées assurent le service de garnison dans les pays occupés (France, Belgique, Norvège, Hollande, Yougoslavie, Pologne, Tchécoslovaquie, etc.) ; une partie d’entre elles font la guerre en Libye pour la conquête de l’Egypte, contre l’Angleterre, et le front de Libye retient au total 4 divisions allemandes et 11 divisions italiennes.
Ainsi donc, au lieu des 127 divisions de la première guerre mondiale, nous comptons aujourd’hui, contre notre front, au moins 240 divisions ; et au lieu des 85 divisions allemandes, nous en comptons aujourd’hui 179 qui se battent contre l’Armée rouge.
Là est la cause principale et la base des succès tactiques de l’armée fasciste allemande sur notre front, au cours de l’été dernier.
On compare souvent l’invasion de notre pays par les Allemands à l’invasion de la Russie par Napoléon. Mais cette comparaison ne résiste pas à la critique.
Des 600 000 hommes partis en campagne contre la Russie, Napoléon avait amené sous Borodino à peine 130 000 à 140 000 hommes. C’est tout ce dont il pouvait disposer devant Moscou.
Or nous, nous avons maintenant plus de 3 millions d’hommes en face de l’Armée rouge et qui sont pourvus de tous les moyens de la guerre moderne. Comment voulez-vous établir ici une comparaison ?
Parfois on compare aussi l’invasion de notre pays par les Allemands à l’invasion de la Russie par l’Allemagne pendant la première guerre mondiale.
Mais cette comparaison non plus ne résiste pas à la critique. D’abord, dans la première guerre mondiale, il existait un deuxième front en Europe, qui rendait très difficile la situation des Allemands ; tandis que dans cette guerre il n’existe pas de deuxième front en Europe.
En second lieu, dans la guerre présente, notre front a en face de lui deux fois plus de troupes que dans la première guerre mondiale. Il est évident que la comparaison ne tient pas.
Vous pouvez vous représenter maintenant combien sérieuses et peu communes sont les difficultés qui se dressent devant l’Armée rouge, et combien grand est l’héroïsme dont fait preuve l’Armée rouge dans sa guerre libératrice contre les envahisseurs fascistes allemands.
Je pense qu’aucun autre pays et qu’aucune autre armée n’auraient pu soutenir une telle poussée des bandes déchaînées de brigands fascistes allemands et de leurs alliés.
Seul notre pays soviétique, et seule notre Armée rouge sont capables de soutenir une telle poussée. (Vifs applaudissements.) Non seulement de la soutenir, mais encore de la surmonter.
On demande souvent : Mais enfin, y aura-t-il un deuxième front en Europe ?
Oui, tôt ou tard ce front existera. Il existera non seulement parce qu’il nous est nécessaire à nous, mais avant tout parce qu’il n’est pas moins nécessaire à nos alliés.
Nos alliés ne peuvent pas ne pas comprendre qu’après que la France a abandonné les rangs, l’absence d’un deuxième front contre l’Allemagne fasciste peut tourner mal pour tous les pays attachés à la liberté, y compris les alliés eux-mêmes.
4. L’Alliance de combat entre l’U.R.S.S, l’Angleterre et les États-Unis d’Amérique contre l’Allemagne hitlérienne et ses alliés en Europe
On peut dès maintenant tenir pour certain que dans le cours de la guerre imposée aux peuples par l’Allemagne hitlérienne, il s’est fait une délimitation radicale de forces, il s’est formé deux camps opposés, celui de la coalition italo-allemande et celui de la coalition anglo-soviéto-américaine.
Il est certain aussi que ces deux coalitions opposées s’inspirent de deux programmes d’action différents, opposés.
Le programme d’action de la coalition italo-allemande peut être caractérisé par les éléments suivants : haine de race ; domination des nations « élues » ; sujétion des autres nations et mainmise sur leurs territoires ; asservissement économique des nations assujetties et pillage de leur avoir national ; abolition des libertés démocratiques ; établissement du régime hitlérien dans tous les pays.
Programme d’action de la coalition anglo-soviéto-americaine : abolir l’exclusivisme racial ; instituer l’égalité en droits des nations et l’inviolabilité de leurs territoires ; affranchir les nations asservies et rétablir leurs droits souverains ; assurer à chaque nation le droit d’organiser sa vie comme elle l’entend ; prêter une assistance économique aux nations victimes de l’agression et les aider à assurer leur bien-être matériel ; rétablir les libertés démocratiques ; anéantir le régime hitlérien.
Le programme d’action de la coalition italo-allemande a fait que tous les pays occupés de l’Europe − Norvège, Danemark, Belgique, Hollande, France, Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Grèce, les régions occupées de l’URSS − brûlent de haine contre la tyrannie italo-allemande, nuisent par tous les moyens aux Allemands et à leurs alliés, et guettent le moment où ils pourront se venger de leurs oppresseurs, pour les humiliations et les violences qu’ils leur font subir.
Ceci étant, une des caractéristiques de la situation actuelle, c’est que nous voyons augmenter progressivement l’isolement de la coalition italo-allemande et l’épuisement de ses réserves politiques et morales en Europe ; cette coalition s’affaiblit et se décompose de plus en plus.
Le programme d’action de la coalition anglo-soviéto-américaine a fait que tous les pays occupés de l’Europe sont pénétrés de sympathie pour les membres de cette coalition, et sont prêts à leur donner tout l’appui dont ils sont capables.
Ceci étant, une autre caractéristique de la situation actuelle, c’est que les réserves politiques et morales de cette coalition augmentent de jour en jour en Europe, − et que cette coalition voit se joindre à elle progressivement des millions de sympathisants, prêts à se battre à ses côtés contre la tyrannie d’Hitler.
Si l’on examine le rapport des forces des deux coalitions du point de vue des ressources en hommes et en matériel, on est obligé de conclure que nous avons ici une supériorité incontestable du côté de la coalition anglo-soviéto-américaine.
Mais une question se pose : cet avantage à lui seul suffit-il pour remporter la victoire ? Car il est des cas où les ressources sont nombreuses, mais sont dépensées avec une telle absence de discernement, que l’avantage se réduit à zéro. Il est évident qu’en plus des ressources il faut encore avoir la capacité de les mobiliser, et savoir les dépenser judicieusement.
Y a-t-il lieu de douter que ce savoir et cette capacité existent chez les hommes de la coalition anglo-soviéto-américaine ? Il en est qui mettent la chose en doute.
Pour quelle raison doutent-ils ? En leur temps les hommes de cette coalition ont montré qu’ils savaient l’art et qu’ils étaient capables de mobiliser les ressources de leur pays respectif, et de les dépenser judicieusement aux fins de construction économique, politique et culturelle. La question se pose : quelles raisons peut-on avoir de croire que les hommes qui ont fait preuve de capacité et de savoir, quand il s’est agi de mobiliser et de répartir les ressources pour des fins économiques, politiques et culturelles, seront incapables de fournir le même effort pour atteindre des buts militaires ? Je crois que ces raisons n’existent pas.
On dit que la coalition anglo-soviéto-américaine a toutes les chances de vaincre et que sa victoire aurait été certaine, si cette coalition n’avait pas un défaut organique capable de l’affaiblir et de la décomposer.
Ce défaut, de l’avis de ces gens, est que cette coalition est composée d’éléments hétérogènes dont l’idéologie diffère, et que ceci ne leur permettra pas de conjuguer leurs efforts contre l’ennemi commun.
Je pense que cette affirmation n’est pas juste. Il serait ridicule de nier cette différence quant à l’idéologie et au régime social des pays faisant partie de la coalition anglo-soviéto-américaine. Mais cela exclut-il la possibilité et l’utilité d’une action conjuguée des membres de cette coalition contre l’ennemi commun qui apporte la menace de l’asservissement ?
Non, assurément. Bien plus, la menace qui s’est créée dicte impérieusement aux membres de la coalition la nécessité d’une action commune pour garantir l’humanité contre un retour à la barbarie et aux atrocités moyenâgeuses.
Est-ce que le programme d’action de la coalition anglo-soviéto-américaine ne suffit pas pour organiser sur sa base la lutte commune contre la tyrannie hitlérienne et pour en triompher ?
Je pense qu’il suffit amplement.
L’hypothèse de ces gens est fausse encore pour la raison qu’elle est entièrement démentie par les événements de l’année écoulée. En effet, si ces gens avaient raison, nous observerions des exemples d’éloignement progressif entre les membres de la coalition anglo-soviéto-américaine. Or, non seulement nous n’observons rien de pareil, mais au contraire les faits et les événements attestent un rapprochement progressif entre les membres de la coalition anglo-soviéto-américaine, et leur union dans une seule alliance de combat.
Les événements de l’année écoulée en sont une preuve directe.
En juillet 1941, quelques semaines après l’agression de l’Allemagne contre l’URSS, l’Angleterre a passé avec nous un accord « Sur l’action commune dans la guerre contre l’Allemagne ». A cette époque nous n’avions avec les Etats-Unis d’Amérique aucun accord sur ce sujet.
Dix mois plus tard, le 26 mai 1942, pendant la visite faite par le camarade Molotov en Angleterre, ce pays a signé avec nous un « Traité d’alliance dans la guerre contre l’Allemagne hitlérienne et ses complices en Europe, de collaboration et d’assistance mutuelle après guerre ». Ce traité porte sur une durée de vingt ans.
Il marque un tournant historique dans les rapports entre notre pays et l’Angleterre.
En juin 1942, pendant la visite du camarade Molotov aux Etats-Unis d’Amérique, ceux-ci ont signé avec nous un « Accord sur les principes applicables à l’assistance mutuelle dans la conduite de la guerre contre l’agression », accord qui marque un sérieux progrès dans les rapports entre l’URSS et les Etats-Unis. Enfin, il convient de signaler ce fait important qu’est la visite rendue à Moscou par le premier ministre de Grande-Bretagne, Monsieur Churchill, et pendant laquelle une entière compréhension réciproque s’est établie entre les dirigeants de ces deux pays. Il est hors de doute que tous ces faits attestent un rapprochement progressif entre l’URSS, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique, et leur union dans une alliance de combat contre la coalition italo-allemande.
Ainsi la logique des choses l’emporte sur toute autre logique.
Une seule conclusion s’impose : la coalition anglo-soviéto-américaine a toutes les chances de vaincre la coalition italo-allemande, et il n’est pas douteux qu’elle vaincra.
5. Nos tâches
La guerre a déchiré tous les voiles et mis en lumière tous les rapports. Désormais la situation est nette au point que rien n’est plus facile que de fixer nos tâches dans cette guerre.
Dans son entretien avec le général turc Erkilet, publié dans le journal turc Cilmhuriyet, le cannibale Hitler dit : « Nous détruirons la Russie pour qu’elle ne puisse jamais plus se relever. »
C’est clair, je pense, encore que peu intelligent. (Rires.) Nous ne nous assignons pas la tâche de détruire l’Allemagne, car il est impossible de détruire l’Allemagne comme il est impossible de détruire la Russie. Mais détruire l’Etat hitlérien, on le peut et on le doit. (Vifs applaudissements.)
Notre première tâche consiste justement à détruire l’Etat hitlérien et ses inspirateurs. (Vifs applaudissements.)
Au cours du même entretien avec ce même général, le cannibale Hitler dit encore : « Nous continuerons de faire la guerre jusqu’à ce que la Russie n’ait plus de force militaire organisée. » C’est clair, je pense, encore que ce soit une niaiserie. (Rires.)
Nous ne nous assignons pas la tâche de détruire toute force militaire organisée en Allemagne, car tout homme un peu cultivé comprendra que cela est non seulement impossible à l’égard de l’Allemagne comme à l’égard de la Russie, mais que ce serait irrationnel du point de vue du vainqueur. Mais détruire l’armée hitlérienne, on le peut et on le doit. (Vifs applaudissements.)
Notre deuxième tâche consiste précisément à détruire l’armée hitlérienne et ses dirigeants. (Vifs applaudissements.)
La racaille hitlérienne a pour règle de torturer les prisonniers de guerre soviétiques, de les massacrer par centaines, de vouer des milliers d’entre eux à la mort par la famine.
Elle violente et assassine la population civile des territoires occupés de notre pays, hommes et femmes, enfants et vieillards, nos frères et nos soeurs.
Elle s’est assigné pour but de réduire en esclavage ou d’exterminer la population de l’Ukraine, de la Biélorussie, des Pays baltes, de la Moldavie, de la Crimée et du Caucase.
Seuls d’infâmes misérables, ayant perdu tout honneur et qui sont tombés dans la bestialité, peuvent se permettre ces atrocités à l’égard d’une population innocente et désarmée.
Mais cela n’est pas tout. Ils ont couvert l’Europe de potences et de camps de concentration. Ils ont introduit l’odieux « système des otages ». Ils font fusiller et pendre des citoyens innocents, des « otages », parce qu’une brute allemande a été empêchée de violer des femmes ou dévaliser les habitants. Ils ont fait de l’Europe une prison des peuples. Et ils appellent cela l’« ordre nouveau en Europe ».
Nous connaissons les fauteurs de ces atrocités, les bâtisseurs de l’« ordre nouveau en Europe », tous ces gouverneurs généraux, et simplement gouverneurs frais émoulus, tous ces Kommandants et sous-Kommandants. Leurs noms sont connus des dizaines de mille hommes martyrisés.
Qu’ils sachent, ces bourreaux, qu’ils n’échapperont pas à la responsabilité pour leurs crimes, et qu’ils ne pourront se soustraire au bras vengeur des peuples martyrisés.
Notre troisième tâche consiste à détruire l’exécré « ordre nouveau en Europe », et à châtier ses bâtisseurs. Telles sont nos tâches. (Vifs applaudissements.)
Camarades, nous menons une grande guerre de libération.
Nous ne la menons pas seuls, mais en commun avec nos alliés. Elle nous apporte la victoire sur les infâmes ennemis de l’humanité, sur les impérialistes fascistes allemands. Cette guerre inscrit sur ses drapeaux :
Vive la victoire de l’alliance de combat anglo-soviéto-américaine ! (Applaudissements.)
Vive l’affranchissement des peuples d’Europe du joug de la tyrannie hitlérienne ! (Applaudissements.)
Vivent la liberté et l’indépendance de notre glorieuse Patrie soviétique ! (Applaudissements)
Mort et malédiction aux envahisseurs fascistes allemands, à leur Etat, à leur armée, à leur « ordre nouveau en Europe » ! (Applaudissements.)
Gloire à notre Armée rouge ! (Vifs applaudissements.)
Gloire à notre Marine militaire ! (Vifs applaudissements.)
Gloire à nos partisans et à nos partisanes ! (Longs et vifs applaudissements. Tous se lèvent. Ovation de toute la salle.)