Programme de travail et d’action du Parti Communiste Français

4e Congrès

IIIe Internationale

Programme de travail et d’action du Parti Communiste Français

   1. La tâche la plus pressante du Parti est d’organiser la résistance du prolétariat à l’offensive du Capital, qui se déploie en France comme dans les autres grands Etat industriels. La défense de la journée de huit heures, la conservation et l’augmentation des salaires acquis, la lutte pour toutes les revendications économiques journalières constituent la meilleure plate-forme pour rassembler le prolétariat dispersé, lui rendre la confiance en sa force et en son avenir. Le Parti doit immédiatement prendre en mains l’initiative des mouvements d’ensemble susceptibles de faire échec à l’offensive du Capital et de rendre à la classe ouvrière la notion de son unité.

   2. Le Parti doit mener campagne pour mettre en évidence devant les travailleurs l’interdépendance du maintien de la journée de huit heures et de la sauvegarde des salaires, la répercussion inévitable de l’une de ces revendications sur l’autre. Il doit saisir comme possibilités d’agitation, non seulement les menées du patronat, mais aussi les atteintes portées par l’Etat aux intérêts immédiats des ouvriers, comme par exemple l’impôt sur les salaires, et toutes les questions économiques intéressant la classe ouvrière, telle que l’augmentation des loyers, les impôts de consommation, les assurances sociales, etc.

   Le Parti entreprendra une active campagne de propagande dans la classe ouvrière pour la création de Conseils d’usines englobant l’ensemble des travailleurs de chaque entreprise, qu’ils soient ou ne soient pas déjà organisés économiquement ou politiquement, et destinés notamment à exercer un contrôle ouvrier sur les conditions du travail et de la production.

   3. Les mots d’ordre de lutte pour les revendications matérielles pressantes du prolétariat doivent servir de moyens de réalisation du front unique contre la réaction économique et politique. La tactique du front unique ouvrier sera la règle générale des actions de masse. Le Parti doit créer des conditions favorables à la réussite de cette tactique en entreprenant une préparation sérieuse de sa propre organisation et des éléments sympathisants, par tous les moyens de propagande et d’agitation dont il dispose. La presse, les tracts, les brochures, les réunions de toute espèce, tout doit concourir à cette préparation que le Parti étendra à tous les groupements prolétariens comptant des communistes. Le Parti doit faire appel aux organisations ouvrières rivales importantes, politiques et économiques, avec éclat et sans jamais cesser de commenter publiquement ses propositions ou celles des réformistes, les acceptations et les refus des uns ou des autres. Il ne renoncera en aucun cas à son indépendance complète, à son droit de critique des participants à l’action. Il cherchera toujours à prendre et à conserver l’initiative et à influer sur toute autre initiative dans le sens de son programme.

   4. Pour se mettre en condition de participer à l’action ouvrière sous toutes ses formes, de contribuer à l’orienter ou de remplir dans certaines circonstances un rôle déterminant, le Parti doit constituer, sans perdre un jour, son organisation de travail syndical. La formation de Commissions syndicales auprès des fédérations et sections (décidée par le Congrès de Paris) et de groupes communistes dans les usines et grandes entreprises capitalistes ou étatiques, fera pénétrer dans les masses ouvrières les ramifications du Parti, grâce auxquelles celui-ci pourra diffuser ses mots d’ordre et accroître l’influence communiste sur le mouvement prolétarien. Les Commissions syndicales, à tous les degrés de la structure du Parti et des syndicats, se tiendront en liaison avec les communistes restés, en accord avec le Parti, dans la C.G.T. réformiste et les guideront dans leur opposition à la politique des dirigeants officiels ; elles enregistreront les membres du Parti syndiqués, contrôleront leur activité et leur transmettront les directives du Parti.

   5. Le travail communiste dans tous les syndicats sans exception consiste en premier lieu dans la lutte pour le rétablissement de l’unité syndicale indispensable à la victoire du prolétariat. Chaque occasion doit être utilisée par les communistes pour montrer les effets néfastes de la division actuelle et préconiser la fusion. Le Parti combattra toute tendance à la dispersion de l’action, au morcellement de l’organisation, au particularisme professionnel ou local, à l’idéologie anarchiste. Il soutiendra la nécessité de la centralisation du mouvement, la formation de vastes organisations par industries, la coordination des grèves pour substituer aux actions localisées et limitées, vouées d’avance à l’insuccès, les actions d’ensemble susceptibles d’entretenir la confiance des travailleurs dans leur force. Dans la C.G.T. Unitaire, les communistes combattront toute tendance contraire au ralliement des syndicats français à l’Internationale Syndicale Rouge. Dans la C.G.T. réformiste, ils dénonceront l’Internationale d’Amsterdam et les pratiques de collaboration de classe des dirigeants. Dans les deux C.G.T., ils préconiseront les démonstrations et actions communes, les grèves en commun, le front unique, l’unité organique, le programme intégral de l’Internationale Syndicale Rouge.

   6. Le Parti doit tirer profit de chaque mouvement de masses spontané ou organisé, revêtant une certaine ampleur, pour mettre en lumière le caractère politique de toute lutte de classe, et utiliser les conditions favorables à la propagation de ses mots d’ordre de lutte politique, comme l’amnistie, l’annulation du traité de Versailles, l’évacuation de la rive gauche du Rhin par l’armée d’occupation, etc.

   7. La lutte contre le traité de Versailles et ses conséquences doit passer au premier plan des préoccupations du Parti. Il s’agit de rendre active la solidarité des prolétariats de France et d’Allemagne contre la bourgeoisie des deux pays, profiteuse du traité. Pour cela, le devoir urgent du Parti français est de faire connaître aux ouvriers et aux soldats la situation tragique de leurs frères allemands, écrasés sous les difficultés matérielles de la vie, résultant essentiellement des conséquences du traité. L’Etat allemand ne satisfait aux exigences des Alliés qu’en chargeant davantage la classe ouvrière. La bourgeoisie française épargne la bourgeoisie allemande, traite avec elle au détriment des ouvriers, favorise son entreprise de mainmise sur les services publics et lui garantit aide et protection contre le mouvement révolutionnaire. Les deux bourgeoisies se préparent à conclure l’alliance du fer français et du charbon allemand, à s’entendre pour l’occupation de la Ruhr qui signifiera la mise en esclavage des mineurs du bassin. Le danger menace non seulement les exploités de la Ruhr, mais encore les travailleurs français, incapables de soutenir la concurrence de la main-d’œuvre allemande, réduite pour les capitalistes français à un bon marché exceptionnel grâce à la dépréciation du mark. Le Parti doit faire comprendre cette situation à la classe ouvrière française et la tenir en garde contre le péril imminent. La presse doit constamment décrire les souffrances du prolétariat allemand, victime du traité de Versailles, et démontrer l’impossibilité de réaliser le traité. Une propagande spéciale doit être faite dans les régions occupées militairement et dans les régions dévastées, pour dénoncer les deux bourgeoisies comme responsables des maux qui affligent ces contrées et développer l’esprit de solidarité des ouvriers des deux pays. Le mot d’ordre communiste doit être : fraternisation des soldats et des ouvriers français et allemands sur la rive gauche du Rhin. Le Parti se tiendra en liaison étroite avec le Parti frère d’Allemagne pour mener à bien cette lutte contre le traité de Versailles et ses conséquences. Le Parti combattra l’impérialisme français, non seulement dans sa politique à l’égard de l’Allemagne, mais dans ses manifestations sur toute la surface du globe, en particulier les traités de paix de Saint-Germain, Neuilly, Trianon et Sèvres.

   8. Un travail systématique de pénétration communiste dans l’armée doit être entrepris par le Parti. La propagande antimilitariste doit se différencier nettement du pacifisme bourgeois hypocrite et s’inspirer du principe de l’armement du prolétariat et du désarmement de la bourgeoisie. Dans leur presse, au Parlement, en toute occasion favorable, les communistes soutiendront les revendications des soldats, préconiseront la reconnaissance des droits politiques de ceux-ci, etc. Lors des appels de nouvelles classes, des menaces de guerre, l’agitation antimilitariste révolutionnaire doit être intensifiée. Elle se fera sous la direction d’un organe spécial du Parti, avec participation des Jeunesses Communistes.

   9. Le Parti doit prendre en mains la cause des populations coloniales exploitées et opprimées par l’impérialisme français, soutenir leurs revendications nationales constituant des étapes vers leur libération du joug capitaliste étranger, défendre sans réserve leur droit à l’autonomie ou à l’indépendance. Lutter pour leurs libertés politiques et syndicales sans restrictions, contre la conscription des indigènes, pour les revendications des soldats indigènes, telle est la tâche immédiate du Parti. Celui-ci doit combattre impitoyablement les tendances réactionnaires existant, même parmi certains éléments ouvriers, et consistant dans la limitation des droits des indigènes. Il créera auprès de son Comité Directeur un organisme spécial consacré au travail communiste dans les colonies.

   10. La propagande dans la classe paysanne, tendant à gagner à la Révolution la majorité des ouvriers agricoles, métayers et fermiers, et à acquérir les sympathies des petits propriétaires, doit être accompagnée d’une action pour l’obtention de meilleures conditions de vie et de travail des paysans salariés ou dépendant de gros propriétaires. Une telle action exige que les organisations régionales du Parti établissent et propagent des programmes de revendications immédiates appropriées aux conditions spéciales de chaque région. Le Parti doit favoriser les associations agricoles, coopératives et syndicales qui vont à l’encontre de l’individualisme paysan. Il doit particulièrement s’attacher à la création et au développement des syndicats professionnels parmi les ouvriers agricoles.

   11. Le travail communiste parmi les ouvrières est d’un intérêt primordial et exige une organisation spéciale. Une commission centrale auprès du Comité Directeur avec un secrétariat permanent, des commissions locales de plus en plus nombreuses, un organe consacré à la propagande féminine sont nécessaires. Le Parti doit soutenir l’unification des revendications économiques des ouvrières et des ouvriers, l’égalisation des salaires pour un même travail sans distinction de sexe, la participation des femmes exploitées aux campagnes et aux luttes des ouvriers.

   12. Il faut consacrer au développement des Jeunesses Communistes des efforts plus méthodiques et plus soutenus que le Parti ne l’a fait dans le passé. Des rapports réciproques doivent être établis entre le Parti et les Jeunesses Communistes à tous les échelons de l’organisation. En principe, la Jeunesse doit être représentée dans toutes les commissions formées auprès du Comité Directeur. Les fédérations, sections, propagandistes du Parti ont l’obligation de donner leur aide aux groupes de Jeunesses existants, d’en créer de nouveaux. Le Comité Directeur est tenu de veiller au développement de la presse des Jeunesses et d’assurer à celles-ci une tribune dans les organes centraux. Le Parti doit faire siennes dans les syndicats les revendications de la jeunesse ouvrière conformes à son programme.

   13. Dans les coopératives, les communistes défendront le principe de l’organisation nationale unique et créeront des groupes communistes reliés à la section coopérative de l’Internationale Communiste par l’intermédiaire d’une commission rattachée au Comité Directeur. Dans chaque fédération, une commission spéciale doit se consacrer au travail communiste dans les coopératives. Les communistes s’efforceront d’utiliser la coopération comme auxiliaire du mouvement ouvrier.

   14. Les élus au Parlement, aux municipalités, etc., doivent mener la lutte la plus énergique liée étroitement aux luttes ouvrières et aux campagnes conduites par le Parti et les organisations syndicales hors du Parlement. Les députés communistes, sous le contrôle et la direction du Comité Central du Parti, les conseillers communistes municipaux, généraux et d’arrondissement, sous le contrôle et la direction des sections et des fédérations, doivent être employés par le Parti comme agents d’agitation et de propagande, conformément aux thèses du 2° Congrès de l’Internationale Communiste.

   15. Le Parti, pour s’élever à la hauteur des tâches tracées par son programme et par les Congrès nationaux et internationaux et pour se rendre apte à les réaliser, doit perfectionner et renforcer son organisation, selon l’exemple des grands partis communistes des autres pays et les règles de l’Internationale Communiste. Il lui faut une centralisation sévère, une discipline inflexible, une subordination étroite de chaque membre du Parti, de chaque organisme à l’organisme placé au-dessus. Il est indispensable aussi de développer l’éducation marxiste des militants en multipliant systématiquement les cours doctrinaux dans les sections, en ouvrant des écoles du Parti, ces cours et ces écoles étant mis sous la direction d’une Commission Centrale du Comité Directeur.

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