Interview sur le débat interne dans le Parti
Basanta
2010
Le débat interne dans le Parti
Question : La presse parle de fortes divergences dans le parti, de lutte entre 3 orientations. Parlez nous de cette lutte de ligne.
Basanta : Ceux qui, au niveau national comme au niveau international, ne veulent pas la Révolution au Népal, essaient d’exagérer les divergences. Nous avons évidemment des discussions importantes et c’est normal dans la situation actuelle. La situation de statu quo ne peut durer éternellement et nos ennemis veulent créer une scission sur la base de petites choses. Finalement, ils veulent perturber notre programme, nos objectifs. Nous ne désirions pas un débat si ouvert. Notre but dans un premier temps c’était la République Démocratique, qui existe maintenant. Aujourd’hui, se mène un nouveau débat dans le parti sur la nouvelle tactique pour aller vers la République Populaire et Fédérative (RPF). Nous sommes d’accord sur cet objectif, mais le débat c’est par quel chemin aller vers cette RPF ? Ce débat tactique propagé à l’extérieur est devenu complètement exagéré.
Question : La lutte de ligne ouverte n’était pas un choix du Parti ?
Dans une situation critique, nous pensons qu’il faut un débat élargi. Révolution et contre Révolution sont vraiment très proches. Nous pouvons vaincre, mais la défaite totale est possible aussi. Tout est calme et paisible en apparence, mais la situation peut vite se retourner. Tout peut arriver d’un moment à l’autre. C’est pourquoi nous essayons de tourner la situation en faveur du peuple. Nous sommes tous d’accord pour aller de l’avant vers la RPF. Il n’y a pas de divergences sur cette question entre les trois leaders. Le problème c’est par quel chemin ?
Question : Les trois leaders sont-ils d’accord pour forger une alliance avec la classe moyenne?
Oui, certainement. Il faut s’allier avec ceux qui sont pour la Révolution et contre le statu quo. Nous devons faire l’alliance la plus large. Les adversaires internes et externes ont formé une coalition contre le peuple. C’est pourquoi la question de l’indépendance arrive au premier plan. C’est pourquoi nous faisons appel à ceux qui aiment leur patrie. En 1971, le Sikkim a été annexé par l’Inde. La bourgeoisie comprador, le gouvernement sont des marionnettes, des servants de l’Inde et ils veulent capituler face à l’Inde. C’est pourquoi, il nous faut une alliance large. Nous sommes unis sur cette question.
Question : Kiran, l’un des dirigeants du Parti maoïste, dit que les moyens démocratiques ont échoué et qu’il faut mettre l’insurrection à l’ordre du jour.
Le problème c’est comment accomplir la Révolution. Il faut attendre encore pour être sûr que la situation soit prête. Au parlement il y a 601 membres, et nous les maoïstes sommes 233 (?), le Congrès Népalais en a 140 et l’UML 109… Nous représentons 1/3. De quelle sorte de Constitution le Népal à besoin ? Une Constitution est l’expression d’une domination de classe. Donc quelle classe dirige au Népal ? Une Constitution ne pourrait être votée que par 400 parlementaires au minimum, or nous ne les avons pas. Actuellement il y a une neutralisation, au niveau parlementaire. La réaction ne peut avoir 400 voix, mais nous non plus. Les réactionnaires veulent dissoudre l’Assemblée Constituante, pour faire perdre la majorité aux maoïstes qui sont l’expression du peuple. L’Assemblée Constituante répond aux aspirations du peuple. Le peuple doit intervenir. Notre programme est suivi par beaucoup de gens. La réaction en a peur et elle veut nous marginaliser.
Question : Quel rapport établissez vous entre la lutte de ligne dans le Parti et la ligne de masse ?
Si nous échouons à éduquer les masses, celles-ci ne nous soutiendrons plus. La lutte de ligne ne doit pas rester dans un cercle limité, cette lutte doit aller vers les masses. Quand la situation devient critique il faut élargir le débat. Dans le parti, il faut l’élargir aux cadres des structures de base et vers l’extérieur jusqu’aux sympathisants. Plus le débat est approfondi, plus nous trouverons de solutions. Il faut écouter les masses, mêmes celles qui sont dans l’opposition.
Question : Pourriez vous nous donner des exemples concrets de la pratique de la démocratie dans votre Parti ?
À propos de la démocratie nous voulons étendre le débat dans tout le mouvement communiste international (MCI). Nous pensons que la démocratie dans le MCI a toujours été insuffisante. La moitié du monde était dirigée par des pouvoirs prolétariens et aujourd’hui cela c’est effondré. Nous avons fait des erreurs. Notre perte de pouvoir n’est pas du uniquement à des causes extérieures; les causes étaient internes. Le Parti a fait des erreurs permettant au révisionnisme de se développer. Comment le révisionnisme a-t-il pu se développer et prospérer? Comment empêcher que le révisionnisme réapparaisse ? Dans certains documents nous répondons à cette question, nous la théorisons. Mais nous ne pensons pas que ce soit le seul outil, car il faut aller plus loin. Il y a eu des luttes dures contre le révisionnisme, comme en Chine pendant la Révolution Culturelle, mais nous avons perdu, les révisionnistes ont gagné. Il faut d’abord se baser sur le Marxisme-léninisme-Maoïsme, mais nous devons le développer pour faire face à de nouvelles situations, à de nouveaux défis. Plus il y aura de démocratie, plus la dictature du peuple sera forte. Il faut unifier les classes opprimées pour renforcer le camp du peuple. Quand la Révolution sera achevée, dans une nouvelle société démocratique, il faudra étendre le plus possible la démocratie y compris aux classes intermédiaires. Nous pratiquons cette théorie, que nous mettons en débat, que la pratique doit ou non confirmer; ce débat doit se développer, exister dans le MCI. Les masses révolutionnaires doivent superviser, contrôler et intervenir sur le pouvoir d’Etat, mais aussi sur le Parti et l‘Armée populaire. Si le pouvoir va contre les intérêts du peuple, constitutionnellement, il doit y avoir une disposition permettant au peuple de se révolter. Le droit à la révolte doit être légalisé.
Sur les pouvoirs populaires
Question : Est-ce que les pouvoirs populaires (PP) mis en place pendant la guerre populaire prolongée (GPP) ont été maintenus ? Ces pouvoirs vont-ils être intégrés dans la nouvelle Constitution?
Il y a eu un pouvoir populaire sur l’ensemble du pays, tout d’abord. Mais depuis les Accords de paix ce n’est plus le même pouvoir, cela a changé; des compromis ont été passé. Toutefois nous avons fait des erreurs, nous aurions du maintenir le PP sous d’autres formes. Actuellement ce PP n’existe plus. Mais nous avons maintenu notre influence d’une autre manière. Toutefois, les classes réactionnaires depuis les Accords de paix sont réapparues, sous la forme d’individus non élus. En fait nous avons maintenu notre influence au niveau local face aux forces réactionnaire. C’est pourquoi le pouvoir populaire ne peut être institutionnalisé dans la situation actuelle.
Nous avons commis quelques erreurs en faisant des compromis avec les classes ennemis, nous avons « abandonné » le pouvoir populaire. Nous avions établi des Communes Populaires (avec des hôpitaux, des écoles, etc.) — elles continuent de fonctionner mais le gouvernement central ne nous aide pas. A l’époque de guerre populaire prolongée (GPP) nous avions de forts Pouvoirs Populaires dans les communes et nous n’avions pas de problèmes d’argent. Aujourd’hui, les Communes fonctionnent mais ne se développent plus.
Question : Quelle réforme agraire avait été faite avant les Accords de paix ?
Pendant la guerre nous n’avions pas de plan global. Nous avions distribué des terres saisies aux féodaux, et à d’autres éléments hostiles au pouvoir populaire. Les terres avaient été données aux paysans sans terre, aux paysans pauvres, et aux familles des martyrs. Certaines saisies de terre n’ont pas été justes du point de vue de la propriété de la terre. Ainsi, certains petits propriétaires, qui étaient hostiles aux maoïstes, et que nous avions combattus car, par exemple, informateurs des réactionnaires et qui s’étaient enfuis, avaient été saisi, ce qui était injuste. Ces terres ont été rendues, suite aux accords de paix. Toutefois la réforme agraire est une question importante que la Révolution Démocratique doit résoudre.
Des terres appartenant à des temples religieux avaient été saisies, comme celles des grands propriétaires terriens. Ce qui était juste et le peuple continue à les cultiver. Le gouvernement doit donner des terres aux paysans sans terre, doit faire une nouvelle distribution, sinon comment pourraient survivre ces paysans sans terre ?
Question : Avez-vous maintenu les niveaux de socialisation (coopération entre paysans, par exemple) mis en place pendant la GPP ?
Rien n’a été fait sur une grande échelle, mais nous avons maintenu le niveau atteint qui avait été réalisé. Nous avions saisi tout le pouvoir à la campagne. Aujourd’hui, il y a un pouvoir central auquel nous n’avons pas accès, nous ne pouvons donc pas appliquer notre plan au niveau du pouvoir d’Etat, socialiser plus amplement. Mais nous avons quelques idées, nous pratiquons cette socialisation dans quelques petites poches: 20 familles organisent une Commune à Rolpa, à Thabang; il y a des communes à Rukum, à Gorkha et ailleurs.
Question : Pensez vous être plus fort maintenant que pendant la guerre populaire ?
Nous sommes plus forts en terme d’influence, sur une large échelle dans le peuple, idéologiquement et politiquement. Mais moins fort en terme de pouvoirs locaux et l’Armée Populaire de Libération (APL) est dans des cantonnements. Nous sommes insérés dans les Accords de paix, nous les respectons, mais nous n’avons pas renoncé à la prise du pouvoir. Aujourd’hui, nous sommes dans une transition et nous préparons la prise du pouvoir d’Etat.
Question : N’est-il pas dangereux d’intégrer l’APL à l’ex-Armée Royale avant d’avoir établi la Nouvelle Constitution ?
On n’écrit pas une Constitution pour écrire une Constitution. Elle doit régler la question du féodalisme et de l’impérialisme. C’est donc une Constitution anti-féodale et anti-impérialiste. Les féodaux et les compradore s’y opposent. 99,5 % du peuple soutient notre programme, alors les réactionnaires veulent nous virer de l’Assemblée Constituante, et dans ces conditions ils ne veulent pas non plus régulariser notre Armée Populaire. Ils veulent un minimum de combattants de l’APL dans l’armée, et les disperser dans les diverses unités. Ce qui revient à vouloir dissoudre l’APL. Pour nous les maoïstes si le peuple n’a pas son armée il n’a rien.
Question : Comment préparez-vous aujourd’hui, à l’étape de Révolution populaire fédérative, la seconde étape de la Révolution, celle du socialisme ?
Tout d’abord nous devons terminer la Révolution. Celle-ci achevé de nouvelles contradictions seront à résoudre. Les contradictions entre le peuple et la bie deviendront principales, celles avec les restes du féodalisme deviendront secondaires. Cette transition au socialisme peut être pacifique.
A propos de l’expansionisme Indien
Question : Pensez vous que l’Inde puisse envahir le Népal si les maoïstes prennent le pouvoir?
Notre pays est encerclé par l’Inde de trois côtés, nous sommes enclavés. Il y a toujours eu une influence et une pénétration de l’Inde, et nous avons eu beaucoup de traités inégaux. Traités qui dissimulent des rapports de domination: nous sommes en fait une semi-colonie de l’Inde. C’est pourquoi ces traités sont une invasion historique. En voici quelques exemples: en 59, il y a eu une rébellion dans l’ouest du pays et il y a eu collaboration entre les gouvernements Népalais et Indien. L’armée indienne est intervenue pour capturer les leaders de la rébellion. C’est une forme d’invasion et cela continue aujourd’hui.
Dans les domaines politique, culturel, social l’Inde veut garder son contrôle, pour pouvoir exploiter nos ressources, principalement hydro-électrique. Nos ressources en eau sont les 2éme après le Brésil. L’inde veut utiliser à son profit ces ressources, et à donc besoin d’un gouvernement à ses ordres.
Aujourd’hui, à l’étape de la république populaire et fédérale, les interventions de l’Inde s’accélèrent. L’Inde manipule des ministres et d’autres membres du parlement. Notre Parti se bât aujourd’hui en faveur de la souveraineté nationale, nous voulons un pays indépendant, qui défini lui-même son avenir; nous ne voulons plus rester sous cette domination indienne. Ce qui ne veut pas dire absence de relations diplomatique avec elle, nous voulons être sur un pied d’égalité — chacun souverain et respectueux.
Une doctrine indienne dit qu’elle veut faire du Népal un protectorat. L’Inde a un plan militaire. Aujourd’hui, il y a augmentation de l’escalade. Personne ne peut nier qu’elle ne nous envahira pas, dans le passé elle l’a déjà fait.
Question : Mais le contexte a changé, il y a une Révolution maoïste en Inde ?
Des rumeurs disent que nous entraînons militairement les Naxalites, et qu’avec une autre organisation pakistanaise « terroriste », nous voudrions perturber l’Inde. Ce sont des prétextes pour nous envahir. En fait elle crée une opinion publique en Inde favorable à une invasion du Népal.
Question : Dans la presse bourgeoise à propos du lancement de chaussure sur l’ambassadeur indien, il y aurait des désaccords chez les maoïstes sur l’origine du lancer. Certains maoïstes prétendent qu’ils l’ont fait, d’autres le nient.
Nous l’avons fait. Mais cela ne rentrait pas dans nos plans. Lors de sa visite dans la ville de Soulougongo, l’ambassadeur a agit comme un premier ministre Népalais,. Il se présente ouvertement comme le représentant du premier ministre. Il agit comme le grand frère dans les rencontres internationales. Nous avions un plan: nous agitions le drapeau noir contre la présence de cet ambassadeur lors d’une manifestation de rue pacifique; mais ce n’était pas dans notre plan de lancer des chaussures — mais des gens l’ont fait. Notre but était de montrer notre opposition à l’Inde. Des gens dans notre parti peuvent ne pas avoir aimé. Toutefois, nos objectifs de manifestation étaient pacifiques.